DE L'AURORE AU CREPUSCULE J’ai vu l’aurore bleue au-dessus des collines, Sur la Saône jolie, où courait le remeil, (1) En foulant les prés verts, parsemés d’agnelines, Quand tintinnabulait la clarine en vermeil. J’ai vu l’aurore d’or qui fait fleurir la rose Et brode le nimbus de purs festons dorés, Lorsqu’une douce bruine, en un matin morose, Saupoudre le jardin de grains d’aiguail nacrés. J’ai vu l’aurore en feu, flamboyante au grand large, Quand le soleil se lève entre le ciel et l’eau, Où filtre le rayon aux couleurs de litharge, Enluminer la mer de miroirs au galop. J’ai vu l’aurore mauve, aux crêtes de l’Espagne, Mettre un manteau d’évêque aux rochers de granit, Et chasser la chimère au fond de la campagne ; Puis, le soleil vainqueur éclairer le zénith ! J’ai même vu l’aurore, ô sublime surprise, A l’horizon si proche, embraser le levant ! Splendeur ! Tons de pastel quand l’orient s’irise D’or, de bleu, rose et vert, grand spectacle mouvant ! Je vois le crépuscule à la fin de ma vie. Il reste la tendresse et le banc pour s’asseoir. Mon cœur s’émeut encor, si la nuit me convie, Sous la lune d’argent dans la douceur d’un soir ! © Mathilde FILLOZ, 2010 (née en 1912) |