UNE FIN DE LOUPS Il
y aura une fin de loups, où tout le monde se bouffera le nez,
allègrement, impunément, dans toutes les zones de non droit de Port-aux-Crimes,
de Fermathe
à la Rue Neuf,
en passant par la zone de Grand
Ravine.
En abondance, le sang coulera jusqu’à la mer, qui rougira plutôt de honte que de couleur, d’un haut-le-cœur battant le plein de la nausée, pour cause claire et nette d’indignation de voir tout un chacun, couteaux tirés, dans la rage de tuer, de faire tomber quelqu’un d’en face, en brandissant les armes du spectre de guerre civile dont on peut craindre la fin des fins. Un genre de fin, qui sent la faim de tout un peuple, chantant à tue-tête, dans les coins de rue et corridors, la meringue du Chlorox, en toile de fond de carnaval, de rabordage et de raram, à la vaccine et au tafia. Un genre de fin, qui gagne les rues par les rumeurs à tout casser, de l’Inité, que l’on accuse de tous les mots, de tricherie, de bourrages d’urnes, depuis la veille des élections jusqu’au lendemain de l’arrivée de la mission de l’OEA qui vient voler au secours d’un processus truffé de faux, à la manière d’un faux départ, nécessitant l’annulation du premier tour, dans le starting-block d’une réunion du Groupe des Douze jusqu’à Quatorze au Karibe. Un genre de fin, qui ressemble étrangement aux ingrédients d’une guerre de destruction massive ne montrant que sa face cachée, où les dents acérées en acier mettent en pièces les peaux des fesses aux masses de chair épaisses des postérieurs si convoitées pour leurs filets, leurs faux-filets, leurs escalopes. Un genre de fin, qui prend l’allure d’un retour en force, de tous ceux qui ont fait beaucoup de tort à ce pays, Cacos, Piquets, Macoutes, Chimè et latrye, ces sanguinaires en déficit de chromosomes, génétiquement non modifiables pour espérer qu’un jour ou l’autre, il en sortira, comme par hasard la perle rare d’un meilleur des pires. Un genre de fin, vociférant des décibels retentissant par la fenêtre des gueules béantes de loups voraces, tous les slogans les plus horribles des fins dernières de l’ordre honni de l’injustice qui se prolonge à qui mieux mieux dans notre histoire, de Dessalines au futur vainqueur du 20 mars 2011. Un genre de fin, de JPP, où l’on comptera, morts et blessés, dans les clameurs et les horreurs, sur les cadavres qui puent et tuent. · Rue Neuf est l’une des rues les plus dangereuses du quartier dénommé Cité Soleil. Cette rue avait la triste réputation d’être l’un des pôles principaux du kidnapping depuis 2004, à la limite de la route du Nord. · Port-aux-Crimes est un nom qui a été donné par dérision à Port-au-Prince à certaines périodes agitées de l’histoire du pays. · Grand Ravine est l’un des quartiers de non droit de Port-au-Prince, situé dans la partie sud de l’agglomération. · Fermathe, nom d’un quartier de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, situé dans les hauteurs du Morne L’Hôpital. · Chlorox, nom de marque le plus ancien et le plus courant en Haïti pour désigner le Javel. Ce mot a été l’un des ferments du vocabulaire utilisé au carnaval 2008 avant les émeutes de la faim qui ont abouti à la chute du gouvernement de Jacques Edouard ALEXIS au mois d’avril de la même année. · Rabordage ou rabòday en créole est un rythme populaire qui sert de toile de fond aux airs de carnaval en Haïti. · Raram, nom d’un des groupes les plus célèbres de musique racine en Haïti. · Vaccine, nom d’un instrument traditionnel utilisé en Haïti notamment dans les campagnes et dans les carnavals ruraux. · Tafia, nom populaire du clairin ou eau-de-vie en Haïti. · Inité, nom de la plate-forme politique qui a été montée par René PREVAL en 2010 dans la perspective de rafler toutes les élections de l’année 2011. · Karibe, nom de l’hôtel le plus célèbre en Haïti. · Les Cacos et les Piquets sont les noms de groupes de dissidents qui sont connus dans l’histoire d’Haïti pour avoir déstabilisé plusieurs gouvernements entre le milieu du 19è siècle et les années 1930. · Les Macoutes ou Tontons Macoutes étaient les sbires les plus tristement célèbres du régime de DUVALIER. · Les Chimè étaient un groupe paramilitaire qui exécutaient les basses besognes gouvernementales entre 2001 et 2004. · Latrye, mot créole qui se prononce comme latrier en français, et signifie "et cetera". · JPP est le nom d’une organisation populaire prolavalas qui a été à l’origine de nombreuses manifestations violentes en faveur du parti politique de Jean-Bertrand ARISTIDE. © Jean SAINT-VIL, 5 mars 2011 |