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LA MORT DE L’ENFANT

-2011-

A Maman Mer


 Thierry était comme fou, il allait, déboutonnant sa braguette, sur la plage déserte, tournoyant. Ils n’étaient que deux, elle et lui, sur ce banc de sable des Caraïbes. Thierry tournait, et il enleva toutes ses nippes, en les jetant autour de lui. Elle était entre deux racines, allongée et sans rien sous la jupe, elle l’attendait, juste avec un sourire tendre pour l’encourager, les yeux de braise et un bout de langue qui perlait entre les lèvres. Il se mit à genoux devant elle, offerte, et l’embrassa passionnément ; tandis qu’elle lui serrait la nuque. La suite, ainsi que vous l’imaginez sans doute, fut torride, comme le temps s’arrêtait…

 Thierry était jeune, c’était son premier rôle ; elle, c’était un grand talent, une actrice, chevronnée, pas que dans l’art d’ailleurs, elle savait initier les débutants… Mais Dieu ! qu’elle était jolie, les yeux en amandes entre ses cascades de cheveux noirs, et très libre de mœurs aussi. Elle choisissait, elle en menait plus d’un par le bout du nez, qui se croyait « arrivé » et s’échouait lamentablement par la suite ; non pas qu’elle soit une sirène pour vouloir jouer de vous, pris dans ses filets ; mais elle vous laissait volontiers sécher au soleil comme une huître, une fois dégusté votre intérieur. Dans le jargon, on appelait ça, une vamp ! Ils devaient tourner le lendemain une scène d’amour sous les tropiques, dans cette île sauvage qui commençait à peine à s’ouvrir au tourisme. Cette étreinte était donc un bon entraînement. Ma foi ! Thierry n’y songeait guère, dans son excitation, il aurait manger la Terre !

 La Mer, elle, vint bientôt leur lécher les pieds. Le Soleil était passé derrière le rideau d’arbres, si bien que la température avait un peu baissé. Ils se retrouvaient à l’ombre, quiets. Les grands ébats étaient terminés, le sable en avait pris un coup, les serviettes aussi qui gisaient en boule, chiffonnées, à côté d’eux. C’est ainsi l’amour, après l’emballage, la détente. Ils étaient toujours seuls sur ce bout de plage des tropiques, isolé au fond d’une crique, ceint d’une végétation luxuriante : un cadre idéal pour dépliant touristique où dominaient, les bleus et les verts.
  - Tu m’en diras tant, je me laisserai bien couler un bain, et toi ? On est de retour au paradis ici…
  - Pourquoi l’avais-tu quitté un jour ?
Elle sourit, malicieuse, il lui caressa un genou levé.
  - C’est vrai qu’avant toi, je croyais y avoir échappé ! …
Il éclata de rire. Soudain, le portable près d’eux, juste réactivé, fit entendre une mélodie.
  - Oui, Thierry à l’appareil, qui c’est ? …
Nathalie n’entendait pas tout, juste une voix grave qu’elle ne reconnaissait pas, mais elle vit les yeux de Thierry s’arrondir sous l’effet de surprise, puis ses traits se plisser.
  - Ah ! c’est toi, Hughes ! Quelle surprise, qu’est-ce qui t’amène ? … Oui bien sûr… Ah ! Bon ? … Mince alors ! …
Au fur et à mesure des exclamations, Thierry se figea de stupeur pour finalement n’émettre que des onomatopées. Il finit par replier son écouteur et releva la tête.
  - Des ennuis ? …
  - Pas vraiment, mais je dois m’en aller au plus vite pour vérifier un truc important…
Après un silence :
  - J’espère qu’on tournera la scène OK demain.
  - C’était qui, sans vouloir être indiscrète ?
  - Un vieux copain…
D’un seul coup, il avait perdu la gaieté, son visage s’était assombri.

-°-°-°-°-°-

 Un groupe d’hommes s’engagea dans la forêt. Il faisait encore jour. Leurs yeux luisaient, mais ils se regardaient peu entre eux, comme détachés. Certains trébuchaient. Ils avaient la jambe raide et ce pas lourd des éméchés. Ainsi tout ce beau monde se piétinant presque, s’enfonça dans la végétation dense, suivant quelque vague layon pour finalement déboucher dans une clairière où se dressait une maison.
  - Je la prends par derrière et toi, par devant, la « concubine » : à deux, en sandwich !
S’excitant tout seul, un espèce de galonné invitait au partage son suivant…
  - Ça vaudrait le coup qu’elle soit chaude, répondit celui-ci, ça nous éviterait de la bousiller, après tout, elle peut faire une fête ! …
  - À force d’allumer tout le monde dans la région, cette femme verra qu’on a de bons briquets, hé ! hé !
Les deux acolytes en remorquaient  bien une quinzaine d’autres, des zombies. Ils se ruèrent vers la maison avec un bruit de bottes, en n’ayant même pas pris la peine de bien  l’encercler…

 Nathalie n’en croyait pas ses yeux, elle glissa de son siège pour traverser la maison et sauta, par la fenêtre, de l’autre côté. Légère comme une flamme, elle semblait voler au-dessus de la végétation ou alors on aurait dit une biche qui fuyait le danger. C’est à peine si elle froissait l’air et posait pied à terre. Avant de disparaître à l’orée, elle entendit des coups sourds dans la maison et des exclamations, il était temps…
Elle n’avait sur elle qu’une tenue légère pour la détente, ni papier ni argent, juste une chaînette et une montre. Heureusement, elle connaissait un peu la région puisqu’elle pratiquait la randonnée en dehors des plateaux ; et ; elle louait, depuis quelques années déjà, à intervalle régulier, cette maison nichée dans les hauteurs de l’île. Elle décida de se fondre dans le décor, au sens propre comme au sens figuré, par décision immédiate d’instinct, comme celle qui l’avait fait détaler de sa terrasse, sans chercher à savoir ce que voulaient au juste, ces hommes, dont elle avait à peine aperçu les silhouettes en treillis qui se mouvaient vers elle, encore au loin, dans la clarté crépusculaire.

 Quand Nathalie déboucha à la périphérie de la ville : juste une bourgade, elle était rendue en piteux état et on l’aurait facilement prise pour une pauvre hère : échevelée et écorchée, la tenue dégradée par la végétation. Elle payait moins de mine qu’une femme à succès, c’était le cas de le dire ! Du moins espérait-elle avoir échappé au plus grave ; car ici, si rien ne paraissait anormal au premier regard, son inquiétude n’était pas calmée. Elle subodorait même une sourde menace pour son intégrité, qui n’avait point disparu dans la jungle, loin de là ! Il faut dire que le pays avait une histoire tourmentée, émaillée de tragédies diverses qui avaient parfois touché des groupes importants de la population autochtone ; quand cela n’avait pas été la chasse aux étrangers… Elle avisa bientôt une file de gens qui patientait devant le portail d’une belle maison blanche, du style un peu pompeux des maîtres d’autrefois…
 Incidemment, elle vint se greffer au bout de la file, comme si de rien n’était, avec un naturel que favorisait son métier, et avec la plus parfaite humilité ; après tout ce n’était qu’un rôle de plus, et elle avait toujours su gérer ses émotions. Elle parlait bien la langue du pays aussi. Les gens avançaient lentement, par intermittence, et elle ne tarda point à comprendre l’objet de ce rassemblement, en écoutant quelques propos. Il s’agissait de travailleurs saisonniers qui venaient se faire embaucher pour une récolte de fruits : des mangues selon dire, et cela dans la propriété d’une riche héritière qui venait de se marier récemment avec un personnage haut placé. Dans le fond, Nathalie trouvait cette circonstance plutôt favorable : pas que cela fut un havre de paix, garanti, loin de là, mais son air de pauvresse –assez bronzée aussi– mêlée à une foule au travail dans une riche propriété, elle risquait moins d’attirer l’attention de quelque brigand, fût-il en uniforme, qui évite à l’ordinaire de venir déranger l’ordre des puissants, sans motif sérieux. Et après, elle aviserait, il s’agissait déjà de se faire embaucher…pour continuer à se fondre dans le décor !

-°-°-°-°-°-

 Thierry était arrivé la veille, son vieux copain était venu le chercher à l’aéroport et ce n’était autre que son grand-père, du côté maternel. Déjà abasourdi par l’étrange nouvelle qui l’avait cueilli aux Caraïbes, le jeune acteur avait été stupéfié par l’exposé du grand-père, pendant qu’ils se dirigeaient vers le domicile de ce dernier.
 Ils étaient maintenant à pied d’œuvre pour vérifier les informations, spécialement recueillies, avec difficulté, par Hughes qui y avait consacré du temps, mais avait fini par gagner le gros lot !
 Ce n’était pas banal, deux grands-pères aussi différents que possible, qui se détestaient cordialement, plus particulièrement que ne l’aurait expliqué, la lutte des classes, et encore moins anodin que l’un d’eux tenta de pénétrer par effraction chez l’autre, en pleine cité, pour retrouver trace d’une sépulture…
 En effet, ils s’apprêtaient à inspecter une maison louche, abandonnée depuis longtemps et bien délabrée, mais qui appartenait au milliardaire NSS, le grand-père paternel de Thierry. Cette bicoque bordait une grande avenue, bien éclairée, dans un quartier populeux ; et ; ainsi, malgré la nuit, ce n’était pas une opération sans risques ni discrète. Plus que des on-dit ou des indices, Hughes avait obtenu des précisions et la confession d’hommes de chantier –licenciés récemment– ; ceci expliquant cela. Ces informations concernaient directement la disparition de la jeune sœur de Thierry, huit ans auparavant, et probablement sa mort cachée. Aussi incroyable que cela paraissait être, il ne s’agissait pas d’en rester aux supputations et encore moins de faire part de leurs soupçons à NSS, sur ce sujet ou un autre d’ailleurs, d’après Hughes.
 Thierry avait chéri sa jeune sœur et sa disparition lui avait causé un énorme chagrin. Il est évident qu’il voulait en avoir le cœur net de ces allégations, après tant d’années de mystère et d’incertitudes ; aussi il n’avait pas hésité une seconde à suivre son grand-père…


.../...
 (la suite à la page suivante)



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