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jeudi 22 mai 2025


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Sommaire

Article 1 : LES TRONÇONNEURS DE LA PALESTINE

par Jean-Jacques REY

Article 2 : FRANÇAIS JUIVES ET JUIFS CONTRE L'INSTRUMENTALISATION DE L'ANTISÉMITISME

par Rassemblement informel de Juives et juifs de France

Article 3 : DE BANDUNG AUX BRICS

par MS21

Article 4 : L'ÉPINEUSE QUESTION DU « STATUT SOCIAL » DE L' ÉCRIVAIN

par Guy CRÉQUIE

Article 5 : LES OBSCURANTISMES DE LA TECHNOCRATIE  CONTRE LA SCIENCE

par Gérard CHAROLLOIS



Article 1





Carte du découpage de la Palestine de 1946 à 1999.

Image symbolique de la destruction de Gaza.


LES TRONÇONNEURS DE LA PALESTINE
 
 
 

   La tendance générale sur les médias dits "grand public" (la plupart du temps inféodés à la Finance ou au Pouvoir politique) est de mettre en spectacle l’actualité et de détourner la réalité en faveur d’une cause (qu’ils ont adoptée bien entendu !)
   Mais n’empêche ! Israël a maintenant une fameuse réputation qui gagne même les plus insoucieux à travers le monde. Cet état a manifestement la culture du défi et il est gouverné ces temps-ci par des criminels de guerre qui n’ont plus aucun scrupule et faux semblant pour montrer une volonté d’expansionnisme et nettoyage ethnique ; jusqu’à adopter une conduite génocidaire envers les Palestiniens d’origine arabe (en particulier à Gaza). Si c’est cela la conséquence du tant décrié "sionisme", on peut comprendre le fort rejet qu’il suscite dans le monde entier, surtout quand il est couvert par une super puissance impérialiste (sur le déclin), dirigée actuellement par un détraqué mental ou du moins qui s’avère un bien fantasque personnage, secondé par une équipe d’apprentis sorciers autant vantards que bluffeurs…

   On ne doit pas faire de cadeaux à cette brute épaisse de Netanyahou et ses acolytes exterminateurs du « Grand Israël » qui se fichent éperdument du Droit international et des conventions humanitaires ; qui en outre rient au nez des gouvernements européens (sans parler des autres) aux remontrances platoniques ; et qui, non seulement ignorent les résolutions de l’O.N.U., mais menacent ses organes de Justice internationale, telle la Cour Pénale Internationale, et puis quoi encore !… Fort de quelques millions de gens, ils vont imposer leur volonté à des milliards d’autres sur Terre ? … Non ! Mais ils rêvent, les trublions, même avec une bombe atomique entre les cuisses !

   Ils veulent le gaz et l’eau, ils auront la pluie: en tout cas les retombées d’exactions innombrables ; ce qui ne sera que justice pour d’invraisemblables salopards qui veulent se maintenir au Pouvoir par la guerre (permanente) et qui éructent des insanités à longueur de temps : à croire qu’ils sont nés pour ça, élus entre les élus !

   Ils peuvent toujours instrumentaliser l’antisémitisme (avec la complicité des niais en Occident et de certains idéologues), ils en deviennent ridicules en desservant leur cause. Ce que l’on retient surtout, c’est qu’après avoir transformé Gaza en camp de prisonniers, ils en font un charnier et un laboratoire de transhumance !

   Comme il n’y a plus de bâtiments à détruire à Gaza, l’armée israélienne (mal commandée) tire maintenant sur les tentes de déplacés : un sacré tableau de chasse et de féroces guerriers, il n’y a pas à dire !
   Trump, Netanyahou et consorts, ils sont comme les suiveurs de la ligne de Custer : (le massacreur de "peaux rouges" à outrance), pourrait-on brocarder…

   Évidemment tout cela aura une fin. Inutile de se voiler la face, et en attendant des dizaines de milliers de non combattants (dont une grande majorité de femmes et d’enfants) sont massacrés sans aucune nécessité impérieuse et encore moins de justification de buts de guerre.

   La guerre contre le Hamas ne justifie pas le massacre d’autant de civils ; mais c’est plus facile de taper dans le tas, avec une débauche de moyens qui vous sont donnés gratuitement… C’est comme chasser les mouches avec un éléphant ! En plus parmi les fanatiques de l’annexionnisme : à considérer comme des épigones de zélotes attardés, qui font envoyer les citoyens ordinaires au combat (souvent réticents), beaucoup se cachent derrière leur pratique religieuse pour ne pas aller, eux-mêmes, au casse-pipe ! Ils poussent un peu loin le bouchon et souhaitons que le peuple d’Israël parvienne à démêler vraiment l’écheveau du vrai du faux. Il y va de son intérêt supérieur de nation.

   Dans leur pays, il y a manifestement un hold-up sur la démocratie, effectué par ces espèces de fascistes (racistes et suprématistes) qui tiennent en otage un gouvernement autoritaire, aux méthodes devenues génocidaires, mené par des criminels de guerre qui isolent d’autant leur pays sur la scène internationale. Même les Étasuniens commencent à s’en méfier, c’est vrai que cela rapporte peu en affaires et coûte beaucoup plus cher…

   Je sais bien qu’il y a un fort mouvement de contestation sociale sur place et que la Justice locale tente, tant bien que mal, de faire son travail contre les dérives et la corruption ; également que d’éminents responsables, même dans les rouages essentiels de l’État, commencent d’élever la voix et font valoir leur différence d’appréciation ; mais peut-être, comme récemment en Corée du Sud, faudra-t-il extirper de force le cancer dans la démocratie en Israël, manu militari… Après tout les forcenés qui parasitent les institutions là-bas, sont minoritaires, le blocage du pays et un fort mouvement de masse peuvent les emporter d’un coup, surtout que nombre de citoyens soldats ont des états d’âme…

   Pour conclure, il y en a qui ont largement présumé de leur force et de leur bon droit, comme les anciens colonisateurs… L’extrême Droite fascisante semble s’en inspirer ainsi que ses alliés de circonstance, rongés par la mauvaise conscience. Ils ont beau essayer d’éliminer le problème, ils s’y enfoncent.
   Critiquer la politique de l’État d’Israël n’a rien à voir avec de l’antisémitisme, que les choses soient claires !
   Il faudrait voir quels sont les véritables motivations des gens et des lobbies qui sont à l’origine des assertions d’antisémitisme et les fondements de leur idéologie, si on se laisse abuser par une propagande massive qui voudrait effacer quelques vérités intrinsèques de l’histoire de la Palestine.





Des infos thématiques en complément à ma pensée :

 * À Gaza le génocide se déroule sous nos yeux. Nous sommes tous responsables, agissons !

   mai68.org/spip3/spip.php?article3729
Le 15 mai 2025 commémore les 77 ans de la Nakba, l'expulsion de 800.000 palestiniens de leurs villes et villages par Israël en 1948. Le même processus se déroule aujourd'hui contre la population de Gaza et de Cisjordanie.
- A Gaza, depuis la rupture unilatérale du cessez-le-feu par Israël, la famine est clairement assumée par Israël comme arme de guerre au mépris de toutes les règles du droit international. Pas un seul camion d'approvisionnement n'est entré à Gaza depuis le 2 mars.
- Le bateau Conscience de la Flottille de la Liberté, qui tentait d'apporter des vivres et des médicaments à Gaza, a été attaqué par des drones dans les eaux internationales.
- Le 27 avril l'ONU annonce l'épuisement complet de ses stocks de nourriture, alors que 3000 camions d'aide alimentaire et médicale sont bloqués à la frontière.
- L'UNICEF, elle, a rappelé le 5 avril que plus d'un million d'enfants sont privés d'aide vitale depuis plus d'un mois. La faim, la soif, le manque de médicaments font des ravages. Des milliers d'enfants voient leur développement compromis pour la vie.
Depuis la reprise des bombardements et des opérations terrestres par Israël le 18 mars, visant toute la population, femmes, enfants, secouristes, journalistes, plus de 2.000 morts se sont ajoutés au 50.000 déjà comptabilisés ; les estimations dépassent les 100.000 morts, ce qui équivaudrait à 3 millions à l’échelle de la France. L’armée israélienne s’empare d’une bonne partie de ce minuscule territoire et morcèle le reste par des corridors militaires, tout en multipliant les ordres de déplacement d’une population déjà épuisée. C’est un génocide, pointé comme plausible par la Cour Internationale de Justice et confirmé par les plus grandes organisations de défense des droits humains, qui se déroule sous les yeux du monde entier qui laisse faire. Et maintenant, Israël annonce clairement son plan pour s’emparer de Gaza et regrouper puis expulser ses habitants, avec l’appui direct des États-Unis et la passivité complice des chancelleries occidentales. .../...


 * Deux livres et un film sur la Palestine.
   ms21.org/affiche-article_1040.html
La guerre Israël/Palestine fait la une de l'actualité depuis le 7 octobre 2023 mais le nettoyage ethnique a commencé dès 1947. Le MS21 vous recommande la lecture d'un livre du célèbre historien Ilan Pappé et le témoignage de Salah Hammouri, avocat franco-palestinien, obligé de quitter sa terre natale Jérusalem pour ne pas retourner en prison où il a déjà passé 10 ans... Enfin ne manquez pas le film ultra-primé "No other Land" !

 * La Coordination nationale de l'UJFP [Union juive française pour la paix], le 17 avril 2025 : Ils ne nous feront pas taire !
   ujfp.org/ils-ne-nous-feront-pas-taire-2/
.../... Les Juifs d'aujourd'hui ne sont pas les descendants des Judéens de l'Antiquité, cette fable a été inventée pour tenter de justifier une conquête coloniale. La religion juive était une religion messianique, elle a été instrumentalisée. L'antijudaïsme chrétien et l'antisémitisme racial, ça s'est produit en Europe. Le génocide nazi, ce sont des Européens. On fait payer ce crime aux Palestiniens. Le sionisme est à la fois une théorie de la séparation, un colonialisme de remplacement et un nationalisme qui a inventé le peuple, la langue et la terre. Il n'a pas combattu l'antisémitisme, il s'est appuyé sur les antisémites pour pousser les Juifs à quitter l'Europe. La Nakba (la catastrophe) en 1948 a été un nettoyage ethnique prémédité qui a transformé les Palestiniens en un peuple de réfugiés. La « gauche » sioniste a une responsabilité majeure dans cette tragédie. La droite sioniste a toujours été l'alliée des fascistes. Ce qui se passe aujourd'hui à Gaza est un génocide...
Les faussaires de l'histoire ont menacé les étudiant.es. Ils ont échoué à empêcher la conférence de se tenir. Ils ont juste réussi à écourter le débat. Des étudiant.es sont sorti.es en larmes. Des étudiants juifs ont tenu à témoigner de leur dégoût devant le comportement des vociférateurs.
Depuis un an et demi, un génocide se déroule sous nos yeux. Personne ne peut dire « nous ne savions pas ». Le nombre de journalistes de Gaza tués par l'occupant est supérieur au nombre de journalistes tués pendant les deux guerres mondiales. Nétanyahou veut étouffer toutes les voix dénonçant ses crimes. Trump veut étouffer tous les lieux où l'on pense et réfléchit. Les médias dominants et le gros de la classe politique en France reprennent la parole des génocidaires et essaient de criminaliser le soutien au peuple palestinien. Nous les laisserons pas faire.
Pour le commando sioniste qui est entré à l'ENS, c'est la voix juive de l'UJFP qu'il faut faire taire. Dès sa création, l'UJFP a eu pour mot d'ordre « pas de crimes en notre nom ». Le soutien aux droits du peuple palestinien (et en particulier le soutien à Gaza) se fait au nom des valeurs universelles que le sionisme essaie de détruire. L'UJFP défend la la liberté, l'égalité des droits, la justice. Elle se réclame de la mémoire de celles et ceux qui ont combattu le fascisme. .../...




- En cinq articles -
Relations internationales : mauvais jeu de l'Europe
- En quatre articles -
Dangers de dite "Intelligence Artificielle"pour une société humaine (*)





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Le « marché unique » : une success story européenne de destruction du progrès social
Publié le 05/03/2025 Par Camille Adam

elucid.media/politique/le-marche-unique-une-success-story-europeenne-de-destruction-du-progres-social?mc_ts=crises

[*Camille Adam, ancien avocat, est un réalisateur indépendant et auteur engagé, connu pour son film documentaire "Au nom de l'Europe", qui explore les conséquences de la construction européenne sur la France au cours des 40 dernières années. Interview intéressante de l'auteur-réalisateur à cette adresse : youtube.com/watch?v=70lne66gle8
Son film documentaire est disponible gratuitement sur YouTube et sans fard ni langue de bois, mais versé dans l'éducation populaire!]

Les citoyens européens sont ingrats, car quand quelque chose fonctionne au niveau européen, ils ne le reconnaissent pas. Quand ça marche, il faut le dire. Et, à ce titre, le « marché unique », en tant qu’entreprise de démolition de l’État-Providence, a été une réussite remarquable qui mériterait qu’on lui accorde notre attention.
Contrairement aux idées reçues, l’Union européenne n’est pas passive, impuissante ou inefficace ; au contraire, l’UE et son administration sont hyper actives et extrêmement efficaces, notamment au moyen du fameux « marché unique ». Il s’est révélé être une merveille d'ingénierie anti-interventionnisme, anti-service public et anti-planification. Les citoyens n’imaginent pas tout le savoir-faire et l’expertise qui ont été mobilisés pour concevoir des dispositifs aussi subtils qu’ingénieux pour détruire leur État providence et pour s’assurer qu’une concurrence impitoyable s’exerce entre eux.
À cet égard, il convient de donner raison aux défenseurs du projet européen, le « marché unique » est bel et bien l’une des entreprises humaines les plus impressionnantes et abouties de l’histoire du capitalisme.
Dans cet article, nous explorerons les principaux dispositifs et mécanismes du « marché unique » qui, en trente ans, avec une efficacité redoutable, en temps de paix et sans occupation, ont permis la destruction de politiques industrielles et sociales multiséculaires d’un continent entier sans bruit ni fracas.

Qu’est-ce que le « marché unique » ?
Peu de gens savent ce qu’est le marché unique pourtant célébré dans les médias et par la Commission européenne comme une réussite sans équivoque de cette dernière. Il s’agirait d’un quasi-acquis social pour les citoyens européens et la preuve que l’Europe peut tenir ses promesses. En effet, cette promesse a été tenue, mais il s’agirait de bien comprendre ce qu’est le marché unique et au bénéfice de qui il a été conçu.
Avant le « marché unique », il y avait le « marché commun » établi par le traité de Rome (1957). Pour faire simple, le « marché commun » impliquait l’application du principe de libre circulation des marchandises, c’est-à-dire sans droit de douane, entre les six États fondateurs des Communautés européennes. Toutefois, si ces biens étaient libres de droits, ils devaient se conformer à la réglementation du pays importateur. Il n’y avait donc plus de barrière douanière, mais restait les barrières réglementaires.
S’inspirant (ou plutôt copiant-collant) des recommandations de la table ronde des industriels (un des lobbys européens les plus puissants, si ce n’est le plus puissant) faites en 1984, Jacques Delors, alors fraichement nommé Président de la Commission européenne, proposa l’idée d’un « marché unique » pour « l’horizon 1992 ». Autrement dit, il s’agissait, pour chaque produit ou service circulant au sein de la Communauté, que les différentes réglementations nationales applicables à ces produits ou services soient remplacées par une réglementation unique européenne.
Ce projet fut acté avec l’Acte unique, adopté en 1985 et ratifié en 1986. Et en moins de 7 ans, plus de 300 directives furent adoptées pour remplacer les réglementations nationales dans tous les secteurs de l’économie : des feux de brouillard de voitures, aux banques, en passant par les sièges conducteur de tracteurs agricoles ou forestiers et la puissance acoustique des tondeuses à gazon.
Bien que ces intitulés de réglementations puissent prêter à sourire, les grandes entreprises du monde entier ne s’y sont pas trompées et ont envoyé massivement leurs lobbyistes à Bruxelles pour façonner les règles de ce futur « marché unique ». Il s’agissait d’une fenêtre historique pour remodeler conformément à leurs intérêts les réglementations concernant leurs produits et services. Avec le marché unique, plus besoin de faire du lobbying auprès de douze capitales, tous les efforts pouvaient être concentrés auprès d’une seule : Bruxelles, devenue ainsi, avec l’Acte unique, la capitale européenne du lobbying.

« Achever le marché unique »
Une fois cette première phase d’harmonisation réglementaire finalisée, la boussole de la Commission européenne pour les prochaines années était claire : il fallait achever le marché unique, c’est-à-dire poursuivre sans relâche l’harmonisation des réglementations des biens et services circulant dans l’Union européenne, et abattre les réglementations nationales perçues comme autant de freins à cette libre circulation – cela jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul obstacle à l’intégration totale du marché intérieur européen.
Une question peut donc se poser : à partir de quand considérera-t-on que le marché unique est achevé ? Avant de répondre à cette question, mesurons le chemin parcouru en trente ans.
Une étude très importante publiée en 2021 par Craig Parsons, Matthias Matthjis et Benedikt Springer « Why Did Europe’s Single Market Surpass America’s » (étude présentée à la Commission européenne un an plus tard) arrivait à la conclusion que dans la plupart des domaines de l’économie, le marché intérieur européen était devenu plus intégré que le marché intérieur américain.
La France n’étant pas un État fédéré, nous avons dû mal à comprendre et accepter un tel constat intuitivement : nous projetons un marché intérieur avec une réglementation et des lois qui sont les mêmes pour tous les citoyens américains, en s’imaginant par exemple qu’un plombier américain peut exercer librement son métier d’un État à l’autre.
Or, ce n’est pas du tout comme cela que cela marche aux États-Unis, où la doctrine du « double burden » (double fardeau) est admise. Cela signifie que pour certaines professions réglementées, une personne qualifiée dans un État devra se soumettre aux examens ou diverses épreuves de conformité pour exercer cette même profession dans l’État où il souhaite désormais exercer. Au sein de l’UE, la plupart des professions réglementées ont été harmonisées, ce qui dispense par exemple un médecin roumain de refaire des études de médecine pour exercer en France, un simple examen de langue sera requis. Même chose par exemple pour les avocats, inutile pour un avocat italien d’avoir son barreau en France pour exercer en France, un examen simplifié et bien moins lourd suffit.
En outre, si les préférences étatiques sont légales, et largement utilisées aux États-Unis, la préférence nationale, dans les traités européens, est absolument interdite. L’UE a donc dépassé les États-Unis en matière d’intégration de son marché. Pourtant, l’ensemble des associations patronales européennes (ERT, BusinessEurope, FoodDrink Europe, EuroCommerce, etc.) jugent que le marché unique n’est pas assez achevé et que cela coûterait des milliards aux Européens. Il faut plus d’Europe, plus de marché unique. Augmenter la dose.
La réponse à la question « à partir de quand le marché unique sera-t-il considéré comme achevé ? » est donc : probablement jamais. Ça ne sera jamais assez. Car, pour la Commission européenne comme pour ses mandants (les multinationales), chaque réglementation nationale, quelle que soit la légitimité du but qu’elle poursuit – aménagement du territoire, souveraineté, emploi, service public – doit être éradiquée pour parfaire cette liberté de circulation et donc augmenter la capacité des grands groupes transnationaux à transférer leurs facteurs de productions aux lieux où l’on produit à bas coût, c’est-à-dire internationaliser leur chaîne de valeur.
Et pour atteindre ce but, achever le marché unique, la Commission européenne a mis toute son administration et son talent au service de cette cause.

La transposition des directives : l’outil principal d’achèvement du marché unique
Avec le marché unique, les directives ont pris une place centrale dans l’action de la Commission européenne pour poursuivre son achèvement.
Pour rappel, les directives sont purement et simplement des lois européennes supérieures aux lois des États membres, mais devant faire l’objet d’une transposition dans le droit national de ces derniers, c’est-à-dire qu’elles doivent être transcrites, et dans le cas français, codifiés, à l’aide des instruments juridiques pertinents à chaque système (ex. : en France, la transposition se fait par la loi, le décret ou des arrêtés).

Les outils de lutte de la Commission contre les défauts de transpositions
Le problème, voire la terreur, du point de vue de la Commission, c’est que les directives soient mal transposées par les États, voire pas transposées du tout. Et dans les années 1990, la première hypothèse comme la seconde étaient très fréquentes. Autant de situations fragmentant le marché unique. Les traités prévoyaient (et prévoient toujours) ces cas de figure et permettent à la Commission européenne de lancer une procédure en manquement contre les États défaillants et de leur infliger une sanction pécuniaire. Il ne s’agit pas d’un cas d'école, cela arrive en permanence, encore aujourd’hui. Le recours en manquement est donc le principal outil pour forcer les États à se mettre en conformité avec le droit européen. .../...

La France, bonne élève de la transposition des directives
Au sommet de Barcelone de 2002, les chefs d’États et de gouvernement font de la transposition des directives européennes dans les délais une priorité. Ce message sera entendu par la France (qui accumulait un grand stock de directives non transposées) avec l’adoption d’une circulaire le 22 septembre 2004 par Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, visant à réorganiser les services ministériels pour accélérer la transposition des directives.
L’effet de cette circulaire sera impressionnant : le stock de directives non transposées qui était de 4,1 % en mai 2004 passera à 2,4 % en mai 2005 (Il était de 7,4 % en novembre 1997 lors de la publication du premier tableau d’affichage). Depuis, la France est devenue la championne d’Europe de la transposition des directives avec un taux de 0,1 % de déficit, se hissant à la première place en 2024 et en permanence sur le podium les années précédentes. .../...

Le dispositif « TRIS » ou comment la Commission dissuade les États de protéger l’environnement, les consommateurs et les travailleurs
Après avoir remplacé les normes nationales par des normes européennes, la Commission européenne a très vite perçu un nouveau risque : que les États usent de leur souveraineté (restante) pour adopter de nouvelles normes, par exemple pour protéger l’environnement ou encore le consommateur. Mais chaque nouvelle norme nationale constitue un risque de fragmentation du marché unique, ce que la Commission veut à tout prix éviter.
Si les normes nationales sont perçues comme de mauvaises herbes que l’on peut traiter avec des directives d’harmonisation, alors, après avoir tué l’existant, il faut s’assurer que celui-ci ne repousse pas ailleurs. C’est le rôle du dispositif TRIS instauré en 1998 et modernisé dans sa forme actuelle en 2015. Un dispositif similaire existe pour la réglementation des services (en pratique les professions réglementées) avec la fameuse directive Bolkenstein (qui, à raison, avait été au cœur du débat français lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne) finalement adoptée en 2006. Vous n’en avez jamais entendu parler, mais les grandes entreprises le connaissent très bien. .../...
L’idée est de permettre à la Commission européenne, aux autres États membres, mais aussi aux « parties prenantes » (en pratique les grands groupes industriels et leurs lobbys) d’avoir un droit de regard sur ce projet de réglementation et le cas échéant de faire part de leurs observations à l’État auteur du projet. Il s’agit d’une forme de lobbying qui ne dit pas son nom, car ces « commentaires » ne restent pas lettre morte ; sur leur base, la Commission peut adopter une décision de blocage du projet de norme. .../...
Pour ceux qui ne l’avaient pas compris, c’est cela la « souveraineté européenne » mise en action : un droit de regard sur chaque réglementation nationale ; il n’y a plus de décisions nationales, mais de la co-décision avec des co-décideurs qui peuvent vous demander de modifier vos normes, voire de ne pas les adopter. .../...
Comme nous l’avons vu, les projets de normes peuvent être vidés de leur substance, retardés ou annulés. Mais on imagine bien que l’obligation de notification et de justification d’une mesure, et le risque d’être soumis à une procédure, même informelle, de négociation avec la Commission – procédure pouvant durer des mois et impliquant de mobiliser du temps et des hommes – peuvent être dissuasifs.
Le nombre de normes n’ayant pas vu le jour pour cette raison est inchiffrable, mais il est évident que de nombreux ministres, conseillers ou fonctionnaires ont été dissuadés par la perspective de devoir livrer une bataille homérique pour espérer obtenir un texte améliorant la qualité de notre environnement ou de nos conditions de travail ou de consommation, sans contrarier le marché. La terreur d’une procédure d’infraction contre notre pays est d’ailleurs ce qui justifiait la « circulaire Attal » mentionnée plus haut, cela apparaissait expressément dans les motifs et en l’occurrence comme le motif principal.
.../...
En refusant systématiquement et sur tous les sujets où cela est pertinent, de faire le lien entre la politique nationale et la politique européenne, les médias (presse ou télé) privent les citoyens des moyens de compréhension des forces à l’œuvre sur leur destin et donc d’agir. Car, comment lutter contre un ennemi, une force ou un adversaire dont on ignore l’existence.
Cette invisibilisation de l’action de l’Union européenne sur nos vies, quelle qu’en soient les causes, par ignorance ou volonté de dissimulation, ne peut que préparer le lit de jours plus sombres pour notre nation. Les citoyens français croient encore que les choses se décident à l’échelon national, mais, à force de voir leurs actions militantes, leurs mobilisations et leur vote restés sans effet (ce qui est logique puisque les choses « se passent » ailleurs), ils pourraient croire que c’est le principe même de démocratie qui est en cause et se mettre à penser qu’une autre forme de régime serait préférable...

Conclusion
On le voit, le droit européen offre aujourd’hui tout un arsenal juridique pour que nos voisins, la Commission ou des entreprises portent plainte contre nos lois, nos décrets, nos arrêtés et créent donc un climat général de paralysie politique où toute ambition allant contre le marché est immédiatement neutralisée. En cela, le marché unique est une merveille du capitalisme, ayant permis de mettre au pas les administrations, parfois multiséculaires, de 27 États. .../... Le marché unique a donc cela de remarquable, mais cela est vrai pour l’Union européenne dans son ensemble, qu’il s’agit une orfèvrerie de génie juridico-politico-économique dont chacun des mécanismes, des dispositifs est, derrière un voile de bonnes intentions, de générosité et une certaine complexité apparente, tout entier tourné vers la défense des intérêts des multinationales et de neutraliser toute initiative de progrès social. .../...


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L’Europe et son ennemi intérieur
Par Guy Mettan. Arrêt sur info — 28 mars 2025

arretsurinfo.ch/leurope-et-son-ennemi-interieur/

[*Guy Mettan, est un journaliste indépendant, diplômé en sciences politiques. Il est auteur de nombreux ouvrages traitant de géopolitique, d’histoire et de société. Par ailleurs c'est une personnalité politique suisse, député au parlement genevois, membre du comité du GIPRI (Institut international de recherches pour la paix à Genève). Il est aussi président de la Chambre de commerce suisse EurAsia et directeur de l'Institut Genevois pour la multipolarité. Il est très critique envers le discours médiatique qui s'impose actuellement ; mais il est controversé, régulièrement décrit comme étant conciliant avec la politique de Vladmir Poutine ou « pro-russe », notamment à propos de l'Ukraine et de la Syrie. Etc.]

« La menace qui m’inquiète le plus vis-à-vis de l’Europe n’est ni la Russie, ni la Chine, ni aucun autre acteur extérieur. Ce qui m’inquiète, c’est la menace intérieure, le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales : des valeurs partagées avec les États-Unis d’Amérique… » Cette déclaration du vice-président américain JD Vance à la Conférence de Munich en février dernier [2025] avait stupéfié et scandalisé l’Europe. Comment ose-t-il nous critiquer et mettre en doute notre liberté d’expression, puisque c’était à cela que Vance faisait allusion, alors que nous en sommes les plus fidèles gardiens et les plus loyaux serviteurs ?
Oui JD Vance, quoiqu’on puisse penser du personnage, a osé mettre le doigt là où ça fait mal, sur l’angle mort de notre morale affichée, sur ces valeurs que nous proclamons mais que nous n’appliquons pas en invoquant de fallacieux prétextes. C’est peut-être triste à dire, mais JD Vance a raison.

Quand on se donne la peine de décortiquer le discours dominant et la manière dont nos politiques et nos médias rendent compte des crises et des conflits qui ensanglantent le monde, on ne peut qu’être épouvanté par les biais, la partialité, les partis pris qui font de nos postures morales des impostures et de nos indignations vertueuses des monuments d’hypocrisie.

Le cas de la guerre en Ukraine est flagrant et nous en avons déjà beaucoup parlé. En trois ans, et même en onze ans si on remonte à 2014, pratiquement aucun des millions d’articles et de reportages parus dans les médias officiels occidentaux n’a donné la parole au camp russe ni essayé d’expliquer les causes profondes du conflit. Pire, on a même censuré et interdit l’ensemble des médias russes en Europe sous prétexte de « lutter contre la propagande », comme si l’on craignait le peuple puisse se faire une opinion par lui-même.
En Palestine, on a fait exactement la même chose mais cette fois-ci en faveur de la puissance occupante, Israël, qui massacre et assassine impunément des civils – plus de 50 000 à ce jour – sans subir la moindre remarque de nos dirigeants et de la plupart des médias. On continue à cacher excuser le crime sous prétexte de « lutte contre l’antisémitisme ».
.../...
Inversement, on surestime et on surexpose l’opinion des minorités qui s’opposent aux pouvoirs classés dans le camp du mal. Les manifestations contre le Turc Erdogan ou le Serbe Vucic, les protestations contre Poutine sont exaltées, déclinées sans fin, célébrées par les éditorialistes, analysées par le menu par des cohortes d’experts. Mais les manifestations géantes des Roumains en faveur du candidat évincé des élections présidentielles Calin Georgescu sont systématiquement tues. Quand Maduro est soupçonné de fausser le résultat des élections vénézuéliennes, on l’assaille de critiques pendant des semaines et on l’accable de sanctions. .../...
Même chose en Syrie : quand des terroristes s’en prennent au régime de Bachar el-Assad, on les félicite pour avoir fait du « bon boulot » (dixit Laurent Fabius) et quand les mêmes s’emparent du pouvoir quelques années plus tard et massacrent des Alaouites et des Chrétiens par centaines, on leur accorde 2,5 milliards d’euros de subventions.
On peut rallonger la liste à l’infini, tant les manipulations abondent. Tout cela sans que les professionnels, les journalistes, les activistes des droits humains ne s’offusquent.  .../...

Le plus drôle, ou plutôt le plus tragique, dans ce constat est qu’il est fait par un homme, JD Vance, qui est lui-même susceptible de devenir un danger pour les « valeurs » et notamment pour la liberté de la presse. Après avoir dénoncé avec raison les méfaits de la cancel culture qui avaient conduit au bannissement des universités et des bibliothèques de certains enseignants jugés trop traditionnels et à la mise en place d’une sorte de terreur wokiste en y imposant le nouveau langage totalitaire libéral-progressiste, l’Administration Trump est en train de faire la même chose en prescrivant sa propre terminologie et en faisant la chasse à celles et ceux qui n’appliqueraient pas ses consignes.
Nous vivons dans un monde de fous et de fanatiques, mais nous les avons bien voulus. .../...


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Il est temps pour l’Europe de faire l’impensable
Bruxelles suit servilement Washington depuis bien trop longtemps – et a oublié comment faire avancer ses propres intérêts géopolitiques
par Kishore Mahbubani ; N° 7, 25 Mars 2025

zeit-fragen.ch/fr/archives/2025/nr-7-18-maerz-2025/es-ist-zeit-fuer-europa-das-undenkbare-zu-tun

[*Kishore Mahbubani, né le 24 octobre 1948 à Singapour de parents immigrés indiens, est un diplomate et universitaire singapourien. Il a assumé la représentation permanente de Singapour auprès des Nations unies et a présidé le Conseil de sécurité des Nations unies de janvier 2001 à mai 2002. Il est actuellement membre émérite de l'Asian Research Institute et écrit des chroniques sur la géopolitique, notamment pour le Financial Times ou Newsweek. Son dernier livre «Has China Won? The Chinese Challenge to American Primacy» a suscité un grand intérêt dans le monde entier.]

Les temps désespérés appellent des mesures désespérées. Et comme mes professeurs de géopolitique me l’ont appris, il faut toujours penser l’impensable, comme l’Europe doit le faire maintenant.
    Il est encore trop tôt pour dire qui seront les vrais gagnants et les vrais perdants de la deuxième administration Trump. Les choses pourraient changer. Il ne fait toutefois aucun doute que la position géopolitique de l’Europe a été considérablement affaiblie. La décision du président américain Donald Trump de ne même pas consulter ou avertir les dirigeants européens avant de parler au président russe Vladimir Poutine montre à quel point l’Europe est devenue négligeable, même lorsque ses intérêts géopolitiques sont en jeu. La seule façon de restaurer la position géopolitique de l’Europe est d’envisager trois options impensables.

Sortir de l’OTAN ou lécher ses bottes?
    Tout d’abord, l’Europe devrait annoncer sa volonté de se retirer de l’OTAN. Une Europe contrainte de dépenser 5 % pour la défense est une Europe qui n’a pas besoin des Etats-Unis. 5% du PIB combiné de l’UE et du Royaume-Uni en 2024 s’élèvent à 1100 milliards de dollars, ce qui est comparable aux dépenses de défense des Etats-Unis, qui s’élèvent à 824 milliards de dollars en 2024 (en 2024, l’UE et le Royaume-Uni ont dépensé ensemble environ 410 milliards de dollars pour la défense). En fin de compte, l’Europe n’a pas besoin de se retirer. Mais seule une menace de sortie crédible réveillerait Trump (ainsi que le vice-président J.D. Vance et le secrétaire à la Défense Pete Hegseth) et l’obligerait à traiter l’Europe avec respect. A l’inverse, l’insistance des Européens à rester dans l’OTAN après les actions provocatrices de Trump dans le monde donne l’impression qu’ils lèchent les bottes qui leur reviennent en pleine figure.
    Ce qui choque beaucoup de gens dans le monde, c’est que les Européens n’ont pas prévu le pétrin dans lequel ils se trouvent aujourd’hui. L’une des premières règles de la géopolitique est que nous devons toujours planifier avec le pire des scénarios. Après le déclenchement de la guerre en Ukraine, toute la pensée stratégique européenne était basée sur le scénario du meilleur, à savoir que les Etats-Unis étaient un allié absolument fiable, malgré le premier mandat de Trump et ses menaces de quitter la plus grande alliance militaire du monde. Pour un continent qui a produit des penseurs stratégiques comme Metternich, Talleyrand et Kissinger, la réflexion stratégique sur l’Ukraine et ses conséquences à long terme était d’un niveau presque enfantin.

Se mettre d’accord avec la Russie
    Ensuite, si Metternich ou Talleyrand (ou Charles de Gaulle) étaient encore en vie aujourd’hui, ils recommanderaient l’impensable option no 2: élaborer un nouvel accord stratégique majeur avec la Russie, dans lequel chaque partie répond aux intérêts fondamentaux de la partie adverse. De nombreux stratèges européens influents rejetteraient ces propositions, convaincus que la Russie représente une véritable menace pour la sécurité des pays de l’UE. Vraiment? Qui est le rival stratégique le plus fondamental de la Russie, l’UE ou la Chine? Avec qui a-t-elle la plus longue frontière? Et son pouvoir relatif, avec qui a-t-il tant changé? Les Russes sont des réalistes géopolitiques de premier ordre. Ils savent que ni les troupes de Napoléon ni les chars d’assaut d’Hitler n’avanceront à nouveau jusqu’à Moscou. Les Européens ne voient pas la contradiction évidente entre se réjouir de l’incapacité de la Russie à vaincre l’Ukraine (un pays de 38 millions d’habitants et un PIB d’environ 189 milliards de dollars en 2024) et déclarer ensuite que la Russie est la véritable menace pour l’Europe (qui compte 744 millions d’habitants et un PIB de 27 billions de dollars en 2024). Les Russes seraient probablement heureux de négocier un compromis équitable avec l’UE, respectant les frontières actuelles entre la Russie et l’UE et trouvant un compromis réaliste sur l’Ukraine qui ne mette pas en danger les intérêts fondamentaux des deux parties. A long terme, une fois une certaine confiance stratégique rétablie entre la Russie et une nouvelle Europe stratégiquement autonome, l’Ukraine pourrait progressivement servir de pont entre l’UE et la Russie plutôt que de source de discordes pérennes. Bruxelles devrait se féliciter du fait que la Russie soit, en termes relatifs, une puissance en déclin et non une puissance émergente. .../...

Pacte avec la Chine
    Et cela nous mène à l’option 3, longtemps impensable, elle aussi: élaborer un nouveau pacte stratégique avec la Chine. Là encore, dans le domaine des fondements de la politique étrangère, il y a une raison importante pour laquelle la géopolitique est une combinaison de deux données, la géographie et le politique. La géographie des Etats-Unis, se trouvant face à la Chine du côté de l’océan Pacifique, en combinaison avec la poussée de domination de Washington, explique la relation inamicale qui existe entre les Etats-Unis et la Chine. Quelle pression géopolitique a provoqué le déclin des relations entre l’UE et la Chine? Les Européens ont poussé leur naïveté jusqu’à croire qu’une loyauté servile envers les priorités géopolitiques des Etats-Unis se solderait par de riches dividendes géopolitiques. Au lieu de cela, ils n’ont gagné qu’une gifle en plein visage.    
    Ce qui est remarquable, c’est que la Chine peut aider l’UE à faire face à son véritable cauchemar géopolitique à long terme: l’explosion démographique africaine. En 1950, la population de l’Europe était deux fois celle de l’Afrique. Aujourd’hui, c’est la population du continent africain qui double celle de l’Europe. D’ici 2100, elle sera six fois plus importante que celle d’Europe. Si l’Afrique ne réussit pas à développer son économie, il y aura une ruée massive de migrants africains vers l’Europe. .../...
    Bruxelles sacrifie ses propres intérêts stratégiques pour servir les intérêts américains – dans l’espoir que la soumission géopolitique conduise à des récompenses. Ce qui s’est avéré illusoire. Deux mille ans de géopolitique nous ont apporté une leçon simple et évidente. Toutes les grandes puissances mettent leurs propres intérêts au premier rang, prêtes, si nécessaire, d’en sacrifier ceux de leurs alliés. Trump se comporte comme un acteur géopolitique rationnel en mettant au premier rang ce qu’il considère comme les intérêts vitaux de son pays. L’Europe ne devrait pas seulement critiquer Trump, mais l’imiter. Elle devrait réaliser énergiquement l’option toujours impensable pour elle. Elle consiste à déclarer qu’elle sera désormais, sur la scène mondiale, un acteur stratégiquement autonome mettant ses propres intérêts à elle au premier plan. Si l’Europe agit ainsi, Trump lui accordera peut-être enfin un peu de respect.


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L'Union Européenne sur le pied de guerre
International, 17/03/2025 par Ostpolitik

blast-info.fr/articles/2025/lunion-europeenne-sur-le-pied-de-guerre-PWPuKOTnQTOiSDJXExj0KA

[-*Ostpolitik : auteur, mi-Suisse mi-Français ayant obtenu "un master en Sciences Politiques dans le syndicalisme journalistique avec option journalisme". Avec son compère Usul, ces deux vidéastes "véhiculent activement des idées de gauche à travers des vidéos qui analysent l'actualité politique" (...) "avec des productions communes sur Mediapart ou Blast, et leurs propres streams"
 -*Blast, d'après sa présentation: "est un site de presse en ligne d’information générale et une web tv créés par le journaliste Denis Robert. Média libre et indépendant, affranchi de toute pression industrielle ou financière, Blast participe à la lutte anti-corruption, à la défense de la liberté d’expression et de la démocratie. Blast est un média au service des citoyens et de l’intérêt général."]


Face au retournement d'alliance historique auquel nous avons assisté, avec un gouvernement des Etats-Unis qui s'aligne sur Moscou, l'Europe tente de trouver une réponse, sans parvenir à faire le deuil de son allié historique, et au risque d'instrumentaliser la menace russe, bien réelle, pour mener des politiques antisociales.

   Le plus grand réarmement depuis la Guerre froide
Le discours d'Emmanuel Macron, prononcé le 5 mars dernier a été analysé par beaucoup d'observateurs comme un tournant, notamment parce qu'il actait le danger représenté par la Russie pour l'union européenne. Dans une longue enquête pour le site Le Grand Continent, l'universitaire spécialiste de la Russie, de l'Ukraine et du Bélarus à Paris I, Céline Marangé accrédite l'hypothèse de la poursuite de la guerre par Moscou, même en cas d'accord avec les États-Unis.
Emmanuel Macron qui se verrait bien en « leader du monde libre » après la volte-face de Donald Trump n'est pas le premier responsable politique à constater la menace impérialiste représentée par Poutine. Dans les pays Baltes, l'hypothèse d'une invasion russe pour relier l'enclave de Kaliningrad au reste du pays est sérieusement envisagée depuis plusieurs années déjà. La Moldavie craint d'être envahie à son tour, et en Pologne, les dépenses militaires explosent et Varsovie fortifie sa frontière orientale.
Même l'ex ministre Allemand de la défense, Boris Pistorius, pourtant issu d'un parti social-démocrate allemand accusé au début de l'invasion de l'Ukraine de « faiblesse » vis-à-vis de Moscou a déclaré au mois de juin dernier que l'Europe devait se préparer à l'éventualité d'une invasion russe, à l'horizon 2029. Le ministre d'Olaf Scholz a affirmé devant le Bundestag que « l'économie de guerre de Poutine travaille à l'élaboration d'un nouveau conflit ».
Le 7 mars dernier, les 27 États membres de l'union européenne se sont mis d'accord pour la mise en place d'un colossal plan de 800 milliards d'euros, consacré au réarmement de l'Europe. Même le gouvernement conservateur allemand récemment élu s'est dit prêt à passer outre ses sacro-saintes règles de limitation du déficit budgétaire pour faire face à ce nouveau défi. Une révolution dans un pays toujours très frileux face aux politiques de dépense publique.
Le spectacle d'humiliation de Zelensky par Trump, ainsi que les décisions de Washington de suspendre son aide financière et militaire et son partage de renseignements vers Kiev n'auront donc été que des accélérateurs d'une politique déjà engagée depuis plusieurs mois, voire plusieurs années à l'est de l'Union Européenne.

   Un nouvel ordre mondial ?
Un « nouvel ordre mondial » semble se dessiner depuis ces dernières semaines, avec le retentissant discours du vice-président JD Vance à la conférence de Munich pour la sécurité, pendant lequel il a affirmé que la véritable menace ne venait pas de Moscou, mais bien de la censure qui viserait selon lui l'extrême droite dans plusieurs pays européens .../...
Quelques jours plus tard, le 24 février, les États-Unis votaient contre une résolution de l'ONU condamnant l'invasion Russe de l'Ukraine, aux côtés de la Russie, des trois juntes sahéliennes, de la Hongrie de Victor Orbàn, de l'État génocidaire israélien et de la Corée du Nord. Résultat du vote ; 93 voix pour, 73 abstentions et seulement 8 votes contre.
Face à cette nouvelle internationale fasciste, la réponse européenne est-elle suffisante ? Les dirigeants d'un continent, lui même, gangrené par la montée de l'extrême droite se sont réunis à Londres le 2 mars dernier, sans parvenir à acter la rupture avec « l'allié » américain. Comme l'écrit Justine Brabant dans Mediapart, les leaders du continent semblaient vivre dans une « réalité parallèle ».
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L'autre raison pour laquelle Trump rompt l'alliance, c’est parce qu'en réalité les États-Unis dans leur politique internationale se détachent de l’UE depuis des années. C’est en tout cas ce qu’explique dans un entretien au site Grand Continent, Louis Gautier, directeur de la Chaire "Grands enjeux stratégiques contemporains" de Paris-1, ancien secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale entre 2014 et 2018 : «Depuis la présidence Obama, il est clair que les priorités stratégiques des États-Unis s’affirment en Asie-Pacifique. Seuls le conflit ukrainien et la mise en jeu de la sécurité d’Israël sont venus interrompre en 2022 et 2023 un mouvement de désengagement américain hors d’Europe et du Moyen-Orient. »

   La montée des incertitudes
Mais éloignement diplomatique ne veut pas dire fin de la dépendance européenne à l'égard des États-Unis : Entre 2019 et 2023, 55% des armes achetées par l'UE provenaient des américains. Et c'est sans compter la sujétion numérique, technologique et de renseignement des pays du vieux continent à l'oncle Sam.
Et dans le même temps, devant la nécessité de construire une défense indépendante, certains poussent déjà leur agenda politique, à l'instar de l'économiste Nicolas Bouzou ou de Nicolas Dufourc, patron de la banque publique d'investissement : une augmentation des dépenses militaires impliquerait nécessairement un démantèlement de notre système social. .../...


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L’Occident démantèle les fondements de 1945
Les fissures dans le règlement de la Seconde Guerre mondiale menacent la stabilité mondiale.
Par Fiodor Loukianov. Arrêt sur info — 09 mai 2025

arretsurinfo.ch/loccident-demantele-les-fondements-de-1945/

[*Fiodor Loukianov, né le 1er février 1967 à Moscou, est un journaliste, rédacteur en chef actuellement de "Russia in Global Affairs" et analyste politique russe. Il a d'abord exercé la profession de traducteur et professeur d'allemand. Diplômé de la faculté de philologie de l'université d'État de Moscou (1991), il est spécialisé dans l'étude de la langue allemande, il parle en outre couramment anglais et suédois. C'est l’un des experts en relations internationales les plus célèbres en Russie, notamment pour ses analyses sur la place de la Russie dans le monde. Il est président du bureau du Conseil pour la Politique extérieure et de défense de la Russie depuis 2012 et professeur à la Haute École d'économie. Par ailleurs il est directeur scientifique du club de discussion de « Valdaï »: créé en 2004 à l'initiative de Vladimir Poutine, qui est un laboratoire d’idées et forum international basé à Moscou, considéré comme un think tank pro-Kremlin; en conséquence, depuis 2022, il est visé par des sanctions de l'Ukraine et du Canada pour ses activités de propagandiste au service du Kremlin... Etc.]

Quatre-vingts ans, c’est long. En un temps record, le monde change au point d’être méconnaissable, et des événements autrefois proches tombent dans la légende. Pourtant, si l’histoire s’éloigne, son empreinte demeure. La Seconde Guerre mondiale a créé un ordre politique qui a façonné les affaires mondiales pendant des décennies – un ordre que beaucoup croyaient permanent. Mais aujourd’hui, le monde évolue rapidement et de manière irréversible. Les événements de la première moitié du XXe siècle n’en sont pas moins marquants, mais leur rôle dans la politique contemporaine n’est plus le même.
L’issue de la guerre, culminant avec la défaite du nazisme, a défini l’ordre mondial moderne. À bien des égards, elle a été perçue comme une lutte quasi parfaite : une bataille contre un régime incontestablement agressif et criminel, qui a contraint des nations profondément divisées idéologiques à mettre de côté leurs différends. Les puissances alliées, divisées par leurs systèmes politiques et une méfiance ancienne, se sont retrouvées unies par nécessité. Aucune d’entre elles n’a rejoint cette alliance par pure bonne volonté ; la diplomatie d’avant-guerre était axée sur l’auto-préservation et les manœuvres visant à détourner les pires conséquences ailleurs. Pourtant, lorsque la menace existentielle est devenue évidente, ces clivages idéologiques ont été temporairement comblés. C’est précisément grâce à cela que l’ordre d’après-guerre s’est révélé si résilient.
Ce cadre a résisté aux tempêtes de la Guerre froide et a même perduré jusqu’au début du XXIe siècle, malgré des changements majeurs dans l’équilibre mondial des pouvoirs. Ce qui a contribué à sa cohésion était un récit moral et idéologique commun : la guerre était perçue comme une lutte contre le mal absolu, un rare moment où les divisions entre les Alliés semblaient secondaires par rapport à leur cause commune. Ce consensus – centré sur la défaite du nazisme et symbolisé par des événements marquants comme les procès de Nuremberg – a donné une légitimité morale à l’ordre d’après-guerre. Mais au XXIe siècle, ce récit commun a commencé à s’effriter. À mesure qu’il s’affaiblit, la stabilité de l’ordre mondial qu’il a contribué à créer s’affaiblit également.

L’une des principales raisons réside dans les transformations internes de l’Europe. Après la Guerre froide, les pays d’Europe de l’Est, qui ont longtemps dénoncé leurs doubles souffrances sous les régimes nazi et soviétique, ont prôné une interprétation révisionniste de la guerre. Ces nations se définissent de plus en plus comme victimes de « deux totalitarismes », cherchant à placer l’Union soviétique aux côtés de l’Allemagne nazie comme l’un des auteurs des crimes de guerre. Cette conception sape le consensus établi, qui avait placé l’Holocauste au cœur moral du conflit et reconnu la complicité des nations européennes dans son déroulement.
L’influence croissante des perspectives est-européennes a eu un effet d’entraînement. Elle a permis à l’Europe occidentale d’atténuer discrètement sa propre culpabilité de guerre, en redistribuant les responsabilités et en remodelant la mémoire collective. Le résultat ? Une érosion des fondements politiques et moraux établis en 1945. Ironiquement, ce révisionnisme – souvent présenté comme une volonté d’un meilleur « équilibre » historique –  affaiblit l’ordre mondial très libéral que les puissances occidentales prétendent défendre. Après tout, des institutions comme les Nations Unies, pilier de cet ordre, ont été bâties sur le cadre moral et juridique forgé par la victoire des Alliés. L’énorme contribution de l’Union soviétique pendant la guerre et son poids politique ont joué un rôle essentiel dans cette architecture. À mesure que le consensus autour de ces vérités s’effrite, les normes et les structures qui en découlent s’effondrent également.

Un deuxième facteur, plus subtil, a également contribué à ce dénouement. En huit décennies, la carte politique mondiale a été redessinée. La fin du colonialisme a donné naissance à des dizaines de nouveaux États, et les Nations Unies comptent aujourd’hui près du double du nombre de membres qu’à leur fondation. Si la Seconde Guerre mondiale a indéniablement touché presque tous les pans de l’humanité, nombre de soldats du Sud ont combattu sous les drapeaux de leurs puissances coloniales. Pour eux, la guerre signifiait souvent moins la défaite du fascisme que les contradictions d’une lutte pour la liberté à l’étranger, tout en étant privée de cette liberté sur leur propre territoire.
Cette perspective remodèle la mémoire historique. Par exemple, les mouvements en quête d’indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne ou de la France ont parfois considéré les puissances de l’Axe non pas comme des alliés, mais comme des leviers, symboles des failles du système colonial. Ainsi, si la guerre conserve une importance mondiale, son interprétation varie. En Asie, en Afrique et dans certaines régions d’Amérique latine, les événements marquants du XXe siècle diffèrent de ceux communément admis dans l’hémisphère nord. Contrairement à l’Europe, ces régions ne prônent pas un révisionnisme historique pur et dur, mais leurs priorités et leurs récits divergent de la vision euro-atlantique.

Rien de tout cela n’efface l’importance de la guerre. La Seconde Guerre mondiale demeure un événement fondateur de la politique internationale. Les décennies de paix relative qui ont suivi reposaient sur une conviction claire : une telle dévastation ne devait jamais se reproduire. Une combinaison de normes juridiques, de cadres diplomatiques et de dissuasion nucléaire a contribué à préserver ce principe. La Guerre froide, bien que dangereuse, s’est caractérisée par son évitement des conflits directs entre superpuissances. Son succès, qui a permis d’éviter la Troisième Guerre mondiale, n’a pas été une mince affaire.
Mais aujourd’hui, cette panoplie d’outils d’après-guerre est en crise. Les institutions et les accords qui garantissaient autrefois la stabilité s’effritent. Pour éviter un effondrement total, nous devons revenir au consensus idéologique et moral qui unissait autrefois les grandes puissances mondiales. Il ne s’agit pas de nostalgie, mais de se souvenir des enjeux et de l’importance de ce souvenir. Sans un engagement renouvelé envers ces principes, aucun matériel militaire ni aucune mesure technique ne garantiront une stabilité mondiale durable. .../...


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L’IA générative est une arme de désinformation massive
Publié le 12 juin 2024 ; auteur Thibault Prévost - Arrêt sur Images (Paris)

voxeurop.eu/fr/lia-generative-arme-desinformation-google/

[*Thibault Prévost : auteur, journaliste indépendant et chroniqueur techno-critique pour "Arrêt sur images". Il met en garde contre l'influence des milliardaires de la tech, qu'il considère comme des "techno-prophètes" cherchant à imposer leur pouvoir au détriment de la puissance publique. .../...]

En 2024, les applications d'intelligence artificielle de Google vont vous résumer le Web, que vous le vouliez ou non. Comment la mise à jour structurelle de Google, notre index collectif du Web depuis 25 ans, va-t-elle modifier nos usages, et avec quelles conséquences sur les rapports de pouvoir entre la Silicon Valley et la société civile ?

"Google will do the Googling for you" – laissez Google googler des trucs sur Google à votre place. Ne vous laissez pas tromper par le ton cajoleur : ce n'est pas une invitation. C'est une mise à jour, unilatérale, des termes du contrat social que nous avons passé avec le géant étatsunien.
Le 14 mai, lors de sa keynote annuelle Google I/O, où le mot "IA" aura été prononcé 121 fois en deux heures, Google a décidé que le paradigme de la recherche d'informations avait changé.  
Première déflagration : dans l'affichage par défaut du moteur de recherche, c'est désormais Gemini, le grand modèle de langage (LLM) de Google, qui organise les résultats et génère des titres et des extraits de texte à la volée. Autrement dit, la page de recherche Google est (encore un peu plus) gérée comme un  feed de réseau social, où la hiérarchie de l'information est décidée par un intermédiaire algorithmique.
Vous l'ignorez, parce que Google s'est bien gardé de vous afficher un gros message d'avertissement, mais le changement a déjà eu lieu. Le paradigme a déjà changé. Bienvenue dans le premier jour du reste de nos vies numériques, ou le portail d'IA générative Google vient d'ajouter une option "moteur de recherche".

D'ici à quelques semaines ou quelques mois, le haut de votre page de recherche Google sera envahi d' "A.I Overviews", des sortes de petits résumés d'information générés automatiquement par Gemini. Google précise que ce sera le logiciel lui-même qui décidera quand effectuer une intervention sur votre recherche. Comment ? Pourquoi ? Selon quels critères ? Les voies de l'IA magique sont impénétrables.
Dans le monde merveilleux de la démo, on voit des utilisateurs communiquer en langage naturel avec le moteur de recherche et lui demander des trucs comme "explique-moi comment la température impacte la cuisson" ou "propose-moi un programme alimentaire d'une semaine pour un étudiant fauché". Les interactions sont naturelles, sans friction, et les réponses sont parfaites. Bienvenue dans le premier jour du reste de vos vies numériques, où vous passez plus de temps à tailler le bout de gras avec votre moteur de recherche automatisé qu'avec d'autres êtres humains. Il y a juste un problème : ce futur-là n'existe pas, n'a jamais existé et n'existera jamais.

Ce que Google vient de faire est caractéristique du mode opératoire actuel de la Silicon Valleyannoncer en grande pompe un futur parfaitement hypothétique, une usine à gaz sur laquelle la presse et le public s'empresseront de poser des yeux humides d'émerveillement, pour dissimuler des modifications structurelles, violentes, de nos écosystèmes informationnels, et neutraliser autant que possible leur analyse dans le champ social. Comment la mise à jour structurelle de Google, notre index collectif du Web depuis 25 ans, va-t-elle modifier nos usages, et avec quelles conséquences sur les rapports de pouvoir entre la Silicon Valley et la société civile ?
Traçons d'abord à travers le brouillard du bullshit. Google, comme le reste de la Silicon Valley, nous vend constamment une IA qui n'existe pas, une IA mensongère et fictive devenue la routine marketing. En 2018, la firme dévoilait un assistant vocal phénoménal, Duplex, capable de passer des coups de fil à votre place. La démo était probablement fausse, et le service était en réalité... un call-center.
OpenAI, Microsoft et les autres font la même chose. L'IA n'est pas une course aux armements, c'est un concours de prestidigitateurs, face auquel le scepticisme par défaut devient la seule attitude saine. Il n'y a absolument aucune raison de croire que ce que Google nous montre reflète l'état de l'art de ses produits, et toute raison de penser que nous venons de voir un court-métrage d'anticipation publicitaire. Pourquoi ? Parce que la démo promet les deux choses que les logiciels d'IA générative sont structurellement incapables de fournir : la fiabilité et l'exhaustivité.
Selon les critères d'évaluation, le taux d'erreur du meilleur logiciel actuel, GPT-4, se situe entre 2,5 % et 25 %. Ces erreurs sont extrêmement plausibles, assénées avec autorité, et par conséquent plus dangereuses encore que les fake news classiques. L'industrie appelle ça des hallucinations. Le terme, à la fois magique, mignon et puissamment neutralisant, a surtout pour fonction de dissimuler la réalité politique et sociale aux régulateurs : l'IA générative est une arme de désinformation massive. Et c'est donc le pire outil possible à déployer comme portail d'informations en ligne. Si un taux d'erreur de 2,5 % vous paraît faible, dites-vous que le moteur de recherche Google répond à 8,5 milliards de requêtes... par jour. Ça en fait, de la fake news.

Les hallucinations sont inévitables. Elles sont une propriété structurelle de ces systèmes. Ça-ne-se-répare-pas. L'industrie le sait très bien.
La recherche par IA est un désastre, résume The Atlantic. En février 2023, Google tentait déjà de nous montrer que son chatbot Bard pouvait remplacer son moteur de recherche – première démo, premier désastre, et 100 milliards de dollars de capitalisation boursière évaporés.
Fin 2023, on apprenait que le chatbot Bing, que Microsoft (qui possède OpenAI) a intégré à son moteur de recherche avec des résultats désastreux, hallucine des résultats d'élections une fois sur 3 et n'est même pas foutu de donner correctement l'année - pas le jour ou l'heure, non, l'année.
Après 11 mois de tests, le moteur de recherche "augmenté" par IA Google Search Generative Experience se révèle moins fiable que le moteur de recherche classique. .../...
Face à cet amoncellement de preuves anecdotiques, Google pense s'en tirer en plaçant une petite vignette d'avertissement "l'IA générative est expérimentale" sous ses petits paragraphes. Une manière de nous dire de vérifier les informations fournies par Google. En utilisant... Google ? Bienvenue dans le futur de l'accès à l'information en ligne, où tout est présumé faux jusqu'à preuve du contraire.
Sauf que ça fait déjà deux ans qu'on se les coltine, et pas l'ombre d'un bénéfice pour la société civile. Après 330 milliards de dollars dépensés en trois ans, les logiciels d'IA générative sont toujours un cancer informatique, une marée noire de l'information, qui englue et dégrade tout ce qu'elle touche. Partout où elle est déployée, dans la recherche scientifique, dans la justice, dans la presse, la réalité consensuelle s'effrite et la qualité de l'information s'effondre.
Et comme si ça ne suffisait pas, chaque recherche par IA coûte environ 10 fois plus cher à l'entreprise qu'une recherche classique. À tel point que Google envisage désormais de nous faire payer pour utiliser son service de désinformation automatisée. Et alors là, j'ai l'impression de perdre pied. Parce que si je comprends bien, Google est en train de joyeusement saboter son produit-phare depuis 25 ans, son joyau de la couronne, son monopole le plus solide. Un produit gratuit, utilisé quotidiennement par deux milliards de personnes et qui vient de lui rapporter 175 milliards de dollars en 2023. Un produit devenu un verbe, sur lequel Google a basé son identité, son influence et sa puissance. Un produit devenu synonyme d'Internet au 21e siècle. Elle est en train de le saboter pour nous proposer un outil foireux, payant, catastrophique énergétiquement, qui lui fait perdre de l'argent, qui fait exploser son empreinte énergétique (celle de Microsoft a augmenté de 30 % en 2023), souille irrémédiablement tout ce qu'il touche et que les gens, dans la vraie vie, abandonnent rapidement faute d'usage concret. .../...
A ce stade, le projet de Google est fondamentalement apocalyptique. Grâce aux travaux d'Olivier Ertzscheid, qui analyse la bête depuis sa naissance ou presque, je comprends que Google a passé les 25 dernières années à essayer de contrôler le Web sémantique qu'il a contribué à bâtir. D'abord en transformant les mots en marchandises, dont la valeur fluctue selon la demande dans le grand marché de la publicité en ligne, puis en imposant ce capitalisme linguistique au reste du Web. On a appelé ça SEO, search engine optimization.
Les bonnes combinaisons de mots vous ramenaient du trafic, de la publicité, de l'argent. Avant même l'IA générative, Google était devenu un moteur de recherche qui affichait des sites optimisés pour le moteur de recherche. Nous n'étions plus la cible ; la cible, c'était l'algorithme. Depuis, Google essaie de devenir un site dont on ne sort pas, une sorte d'OS du Web. Son obsession, c'est celle du résultat "zero-click", où Google vous répond sur Google, sans que vous ayez à quitter Google.
En basculant du Web sémantique au Web synthétique et après avoir raflé tout ce que le Web a produit de textes publiquement accessibles, Google se sent prêt à remplacer les sites Web qu'il indexe depuis 25 ans avec ses machines à régurgiter du polyester informationnel, et à remplacer ses utilisateurs par des machines à naviguer cette déchetterie. Des robots posent des questions, des robots produisent des réponses. .../...


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Comment l’IA générative renforce l’exploitation des travailleurs
Publié le 10/12/2024 par Hubert Guillaud - Dans les Algorithmes (Paris)

danslesalgorithmes.net/2024/12/10/lia-generative-nouvelle-couche-dexploitation-du-travail/

[- *Hubert Guillaud : éditeur de formation, a été journaliste et rédacteur en chef d'InternetActu.net, ainsi que directeur de programmes à la Fondation Internet nouvelle génération (Fing). Il est aussi essayiste et expert en technologies. Il a écrit l'essai « Coincés dans Zoom. À qui profite le télétravail ? », où il aborde les impacts du télétravail et de la « Zoom fatigue » sur le rapport au travail. Son analyse met en lumière les enjeux éthiques et pratiques liés à l'utilisation des technologies numériques dans le monde du travail, tout en questionnant leur impact sur la démocratie et la société en général. En plus de son rôle de journaliste, il a contribué à plusieurs ouvrages sur les transformations du numérique et a dirigé des groupes de travail sur des enjeux technologiques variés.
 - *Dans les Algorithmes est un média à but non lucratif porté par une association qui a pour objectif de “poser les enjeux de la société numérique, comprendre l’impact social des technologies et de l’automatisation sur nos vies” pour “transformer notre rapport à la technologie pour que la société ait les moyens de la rendre plus responsable, plus équitable, plus inclusive et plus démocratique”.]


L’IA générative ne va ni nous augmenter ni nous remplacer, mais vise d’abord à mieux nous exploiter, expliquent Aiha Nguyen et Alexandra Mateescu de Data & Society. En s’intégrant aux applications de travail, elle promet de réduire les coûts même si elle n’est pas pertinente, elle vient contraindre l’activité de travail, et renforce l’opacité et l’asymétrie de pouvoir.

« Comme pour d’autres vagues d’automatisation, le potentiel supposé de l’IA générative à transformer notre façon de travailler a suscité un immense engouement ». Mais pour comprendre comment cette nouvelle vague va affecter le travail, il faut dépasser la dichotomie entre l’IA qui nous augmente et l’IA qui nous remplace, estiment les chercheuses de Data & Society, Aiha Nguyen et Alexandra Mateescu, dans un nouveau rapport sur l’IA générative et le travail. La rhétorique de l’IA générative répète qu’elle va améliorer l’efficacité du travail et automatiser les tâches fastidieuses, dans tous les secteurs, du service client aux diagnostics médicaux. En réalité, son impact sur le travail est plus ambivalent et beaucoup moins magique. Ce qu’elle affecte est bien l’organisation du travail. Et cette dichotomie ne propose aux travailleurs aucun choix autre que le renforcement de leur propre exploitation.

Le battage médiatique autour de l’IA générative permet de masquer que l’essentiel de ses applications ne seront pas récréatives, mais auront d’abord un impact sur le travail. Il permet également d’exagérer sa capacité à reproduire les connaissances et expertises des travailleurs, tout en minimisant ses limites, notamment le fait que l’intelligence artificielle soit d’abord un outil d’exploitation des zones grises du droit. Mais surtout, l’IA nous fait considérer que le travail humain se réduit à des données, alors même que l’IA est très dépendante du travail humain. Or, pour le développement de ces systèmes, ce n’est plus seulement la propriété intellectuelle qui est exploitée sans consentement, mais également les données que produisent les travailleurs dans le cadre de leur travail. Dans les centres d’appels par exemple, les données conversationnelles des opérateurs sont utilisées pour créer des IA conversationnelles, sans que les travailleurs ne soient rémunérés en plus de leur travail pour cette nouvelle exploitation. Même problème pour les auteurs dont les éditeurs choisissent de céder l’exploitation de contenus à des systèmes d’IA générative. Pour l’instant, pour contester « la marchandisation non rémunérée de leur travail », les travailleurs ont peu de recours, alors que cette nouvelle couche d’exploitation pourrait avoir des conséquences à long terme puisqu’elle vise également à substituer leur travail par des outils, à l’image de la prolifération de mannequins virtuels dans le monde de la mode. Il y a eu dans certains secteurs quelques avancées, par exemple l’association américaine des voix d’acteurs a plaidé pour imposer le consentement des acteurs pour l’utilisation de leur image ou de leur voix pour l’IA, avec des limites de durée d’exploitation et des revenus afférents. Reste, rappellent les chercheuses que « les asymétries majeures de pouvoir et d’information entre les industries et les travailleurs restent symptomatiques » et nécessitent de nouveaux types de droits et de protection du travail.

Dans les lieux de travail, l’IA apparaît souvent de manière anodine, en étant peu à peu intégrée à des applications de travail existantes. Dans la pratique, l’automatisation remplace rarement les travailleurs, elle automatise très partiellement certaines tâches spécifiques et surtout reconfigure la façon dont les humains travaillent aux côtés des machines. Les résultats de l’IA générative nécessitent souvent beaucoup de retravail pour être exploitées. Des rédacteurs sont désormais embauchés pour réhumaniser les textes synthétiques, mais en étant moins payés que s’ils l’avaient écrit par eux-même sous prétexte qu’ils apportent moins de valeur. Les chatbots ressemblent de plus en plus aux véhicules autonomes, avec leurs centres de commandes à distance où des humains peuvent reprendre les commandes si nécessaire, et invisibilisent les effectifs pléthoriques qui leur apprennent à parler et corrigent leurs discours. La dévalorisation des humains derrière l’IA occultent bien souvent l’étendue des collaborations nécessaires à leur bon fonctionnement.

Trop souvent, l’utilisation de l’IA générative génère des simplifications problématiques. En 2023, par exemple, la National Eating Disorders Association a licencié son personnel responsable de l’assistance en ligne pour le remplacer par un chatbot qu’elle a rapidement suspendu après que celui-ci ait dit aux personnes demandant de l’aide… de perdre du poids. De même, l’utilisation croissante d’outils de traduction automatiques plutôt que d’interprètes humains dans le système d’immigration américain pour accomplir des demandes d’asiles a conduit à des refus du fait d’erreurs de traduction manifestes, comme des noms transformés en mois de l’année, des délais incorrectes. Si la traduction automatique permet de réduire les coûts, elle est trop souvent utilisée dans des situations complexes et à enjeux élevés, où elle n’est pas pertinente. Enfin, rappellent les chercheuses, l’IA générative vient souvent remplacer certains profils plus que d’autres, notamment les postes juniors ou débutants, au détriment de la formation, l’apprentissage de compétences essentielles… (sans compter que ces postes sont aussi ceux où l’on trouve le plus de femmes ou de personnes issues de la diversité).

Le recours à l’IA générative renforce également la surveillance et la datafication du lieu de travail, aggravant des décisions automatisées qui sont déjà très peu transparentes aux travailleurs. Automatisation de l’attribution des tâches, de l’évaluation des employés, de la prise de mesures disciplinaires… Non seulement le travail est de plus en plus exploité pour produire des automatisations, mais ces automatisations viennent contraindre l’activité de travail. Par exemple, dans le domaine des centres d’appels, l’IA générative surveille les conseillers pour produire des chatbots qui pourraient les remplacer, mais les réponses des employés sont également utilisées pour générer des scripts qui gèrent et régulent leurs interactions avec les clients, restreignant toujours plus leur autonomie dans des boucles de rétroaction sans fin.

En fait, présenter les chatbots et les déploiements d’IA générative comme des assistants plutôt que comme des contrôleurs occulte le renforcement de l’asymétrie de pouvoir à l’œuvre, estiment très justement Aiha Nguyen et Alexandra Mateescu. Ce discours permet de distancier l’opacité et le renforcement du contrôle que le déploiement de l’IA opère. .../... Dans nombre de secteurs, l’adoption de l’IA générative est bien souvent motivée dans une perspective de réduction des coûts ou des délais de productions. Elle se déploie activement dans les outils de planification de personnels dans le commerce de détail, la logistique ou la santé qui optimisent des pratiques de sous-effectifs ou d’externalisation permettant de maximiser les profits tout en dégradant les conditions de travail. Le remplacement par les machines diffuse et renforce partout l’idée que les employés sont devenus un élément jetable comme les autres.
Pour les chercheuses, nous devons trouver des modalités concrètes pour contrer l’impact néfaste de l’IA, qui comprend de nouvelles formes de contrôle, la dévaluation du travail, la déqualification, l’intensification du travail et une concurrence accrue entre travailleurs – sans oublier les questions liées à la rémunération, aux conditions de travail et à la sécurité de l’emploi. .../...


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« Nous sommes incapables de maîtriser les conséquences de l’IA »
3 février 2025 par Emma Bougerol  

basta.media/nous-sommes-incapables-de-maitriser-les-consequences-de-l-ia

[- *Amélie Cordier : scientifique et communicante, autrice de plusieurs publications scientifiques, régulièrement citées, et elle a été conférencière dans divers événements nationaux et internationaux. Elle est en outre fondatrice et dirigeante de Graine d’IA, une entreprise de conseil et d’accompagnement à un usage responsable de l’IA.  Elle est également docteure en intelligence artificielle et a été maître de conférences, à l’Université de Lyon, contribuant à la recherche sur les interactions entre humains et robots. Elle prône un usage responsable de l'intelligence artificielle, soulignant l'importance de comprendre cette technologie pour éviter des dérives sociétales.
 - *Emma Bougerol : Journaliste, basée en région parisienne. Elle est co-fondatrice et co-rédactrice en chef du média Basta!, où elle contribue activement à la couverture des enjeux sociaux et politiques contemporains. Son travail se concentre sur les luttes pour la dignité et les droits humains, en mettant en lumière les voix souvent négligées dans les médias traditionnels. Habituée de la rubrique « société », elle écrit surtout sur les droits des femmes et des personnes LGBTQI+, l’ubérisation du monde du travail et l’impact du numérique sur notre société. Elle garde aussi un œil à l’étranger, pour raconter l’actualité internationale au-delà des dépêches. ]


En complément utile, cet article à signaler :
 Ces petites mains humaines, précaires et exploitées qui rendent IA et robots plus intelligents
18 septembre 2023 par Emma Bougerol
basta.media/ces-petites-mains-humaines-precaires-et-exploitees-qui-rendent-ia-et-robots-plus-intelligens-intelligence-artificielle

L’utilisation de l’intelligence artificielle peut-elle être responsable et éthique ? Face aux risques environnementaux, sociétaux et humains de l’IA, la spécialiste Amélie Cordier avance des pistes de solutions. Entretien.

Accessible au grand public depuis fin 2022, ChatGPT est devenu l’un des sites les plus visités au monde. Écrire un mail professionnel, poser une question pratique, traduire un message ou résumer un long texte, l’outil d’intelligence artificielle (IA) générative a pris une place centrale dans la vie de nombreuses personnes. Une utilisation croissante, qui laisse poindre des inquiétudes : si nous ne repensons pas nos usages, l’IA pourrait bien mettre en danger le climat, nos sociétés, et nous-mêmes. .../... il est indispensable de comprendre ce qu’est l’intelligence artificielle pour bien utiliser cet outil dans le respect de la société et l’environnement.

Basta! : L’intelligence artificielle est un concept très flou pour certaines personnes, qu’on a du mal à visualiser ou à bien comprendre. Alors, comment définit-on l’IA ?
Amélie Cordier : Les maths sont aussi un concept très flou pour certaines personnes : il y a tellement de choses qu’on met dans les maths – ça va des équations du second degré à Pythagore. On a donc du mal à visualiser ce que c’est vraiment. L’intelligence artificielle, c’est pareil. L’IA est une discipline scientifique dans laquelle on a développé un tas d’outils et de technologies depuis des années. On parle d’intelligence artificielle depuis 1956, on peut même trouver des exemples d’IA avant ça. De plus, quand on dit « intelligence artificielle », on utilise un buzz word (un mot à la mode). Comme tous les buzz word, chacun met ce qu’il a envie de mettre derrière. Ce sont les raisons pour lesquelles l’intelligence artificielle est un concept flou.
Qu’est-ce que c’est ? C’est une discipline scientifique dont l’objectif est de faire des programmes qui sont capables de résoudre des problèmes et d’accomplir certaines tâches qui nécessitent une forme d’apprentissage pour être résolus. On ne s’intéresse pas à la résolution de problèmes simples, comme ouvrir une porte quand une personne passe devant un capteur. Mais, aujourd’hui, quand on parle d’intelligence artificielle, on pense souvent – et à tort – à l’IA générative, ou pire, à ChatGPT. Ce n’est qu’une partie de tout ce que l’on sait faire avec de l’intelligence artificielle. C’est comme si je vous parlais d’outils et que vous ne pensiez qu’à un tournevis. Le tournevis n’est qu’un des outils parmi les nombreux disponibles.

Quelle place l’IA a-t-elle dans nos vies ?
L’IA est devenue quasiment omniprésente. Vous déverrouillez votre téléphone avec votre tête : c’est de la vision par ordinateur, c’est une forme d’intelligence artificielle. Vous ne savez pas quoi regarder sur votre plateforme de streaming préférée, on vous fait un flux de ce qui va vous plaire : ce sont des algorithmes de recommandation, c’est de l’IA. Vous avez besoin d’aller dans un endroit que vous ne connaissez pas, vous mettez Google Maps ou Waze, donc un algorithme de GPS, c’est aussi de l’IA. Idem pour un bouton d’assistance au parking sur votre voiture. Et ce ne sont que des exemples de la vie privée.
Il y a aussi des exemples dans le cadre d’une entreprise. On peut avoir un algorithme dans une usine qui décide de comment poser les cartons sur la palette pour optimiser le chargement, une caméra pour regarder la qualité des crêpes sur une chaîne de production, ou bien un programme qui génère des molécules candidates pour fabriquer de nouveaux médicaments… Tout cela, c’est de l’intelligence artificielle. Je pourrais continuer comme ça pendant des heures. L’IA est partout.

Il y a des mouvements ou organisations qui s’opposent à l’utilisation de l’IA. Vous avez été notamment interrogée sur le bien-fondé de bannir ChatGPT pour les élèves. Pourquoi les outils d’intelligence artificielle inquiètent-ils tant ?
Il faut commencer par faire la part des choses entre les différents outils de l’IA et dire duquel on parle. Quand Google Maps ou Waze sont devenus un peu célèbres, peu de personnes sont montées au créneau pour interdire les GPS. On ne se sent pas, en général, menacés par le fait de disposer d’un outil qui nous aide dans une tâche très spécifique qui est de se déplacer d’un point A à un point B.
En revanche, avec les IA génératives, on entre dans une dimension de problèmes vraiment différente de ce que l’on a connu jusque-là. Aujourd’hui, les intelligences artificielles génératives sont capables d’aborder des problèmes de tous types, dans n’importe quel domaine de la vie courante. On peut demander à la même IA des conseils pour aller pêcher la truite dans le lac du coin, comme des explications sur la différence entre la tumeur X et la tumeur Y. Cette application de l’IA donne l’illusion qu’elle peut répondre à tout et n’importe quoi. L’humain le perçoit comme une sorte de menace parce que c’est la première fois qu’on arrive à automatiser des tâches qui étaient jusqu’à présent des tâches intellectuelles, que l’on pensait l’apanage de l’être humain conscient.

Que pensez-vous de cette volonté d’interdiction ?
Derrière la notion d’interdiction, il y a deux sujets, relativement différents. Le premier, c’est ceux qui veulent interdire parce qu’ils estiment que le développement de l’intelligence artificielle va trop vite et qu’on risque une perte de contrôle. Ils ont peur d’une humanité dans laquelle l’IA prendrait le dessus et nous échapperait complètement. On est dans des scénarios à la Terminator ou à la Matrix.
Le deuxième sujet, que je trouve plus intéressant d’un point de vue sociétal, tourne notamment autour de l’interdiction de l’IA dans les écoles. On se dit qu’on a mis sur l’étagère un outil d’une puissance absolument formidable, quasiment accessible à tous, mais dont on ne maîtrise pas encore les conséquences sociétales, sur l’apprentissage, le rapport à l’information. Dans ce cadre, on envisage une interdiction pour avoir le temps de s’équiper pour gérer ces conséquences. Personnellement, je ne pense pas qu’interdire soit la solution : si on interdit quelque chose en fermant la porte, il va rentrer par la fenêtre, et ça sera pire.
Mais la question sous-jacente est très intéressante. Elle est de savoir si, aujourd’hui, il y a quelqu’un sur cette planète qui comprend l’intégralité des impacts du développement massif de l’IA générative tel qu’il se fait. Selon moi, personne n’en est capable. Que ce soient moi, les plus grands penseurs, des philosophes comme Yuval Noah Harari, ou bien Elon Musk et Donald Trump, on a tous des intérêts différents, mais on a un point commun : nous sommes incapables de maîtriser l’ampleur et l’ensemble des conséquences du développement massif de l’IA. Les gens vont se l’approprier et créer des usages qu’on ne peut pas anticiper. À l’époque où Tim Berners-Lee a créé le web, il avait une vague idée utopiste de ce que cela pourrait devenir, mais il n’avait pas pensé au quart des usages du web que l’on fait aujourd’hui. .../...
Je pense qu’interdire ne fonctionnera pas. Légiférer, c’est bien, mais ça ne fonctionnera que partiellement et de toute façon trop tard. La seule barrière qui reste pour limiter la bêtise humaine, c’est l’acculturation. Pour permettre aux gens de prendre des décisions pas trop mauvaises au regard de l’intelligence artificielle, le b.a.-ba, c’est que l’on comprenne de quoi ça parle et quels sont les impacts. Une fois que les gens ont compris cela, ils peuvent décider de l’utiliser, de ne pas l’utiliser ou de définir des règles d’utilisation, mais en ayant a minima une culture générale sur ce qu’est l’IA.
Aujourd’hui, pour conduire une voiture, il faut passer le code de la route et le permis. À quoi sert de passer le code de la route et le permis ? On apprend les règles de fonctionnement et on prend conscience des risques de conduire une voiture dans l’environnement dans lequel on vit. Avec l’intelligence artificielle, ça devrait être pareil. On devrait passer le code de la route de l’IA et avoir un permis d’utiliser l’IA.
.../...
L’autre question stratégique importante est qu’il est vraiment crucial de faire comprendre aux gens qu’il existe des alternatives. Même si elles sont moins bonnes, il faut continuer à les utiliser. Sinon, ces alternatives vont disparaître et on va se retrouver dans une situation monopolistique où il y aura une IA qui gouvernera toutes les autres, qui sera la seule utilisée dans toutes les entreprises. Il ne faut pas oublier que ces modèles sont des modèles statistiques, avec un nivellement par le centre de tout ce que l’on doit se dire, connaître, penser, savoir. Ce qu’il va se passer, c’est que si on n’encourage pas le développement d’alternatives, on va se retrouver à tous penser et parler comme ChatGPT.


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L’intelligence artificielle, l’alliée branchée du néolibéralisme selon Evgeny Morozov
Publié le 18 octobre 2023 ; Evgeny Morozov ; traduit par Gabriella Gruszka

voxeurop.eu/fr/evgeny-morozov-intelligence-artificielle-alliee-branchee-neoliberalisme/

[*Evgeny Morozov (né en 1984) est un chercheur et écrivain américano-biélorusse, également informaticien, spécialiste des implications politiques et sociales du progrès technologique et du numérique. Il a obtenu un doctorat en histoire des sciences à l'université Harvard en 2018. Il exprime un certain scepticisme à l’encontre des technologies numériques. Ainsi, il dénonce les systèmes de surveillance de masse, la passion démesurée pour l'entrepreneuriat high-tech émanant de la Silicon Valley, ou encore les mécanismes dits de « nudging » qui conditionneraient les individus et mèneraient au conformisme social. Etc. Son dernier essai s’intitule "Freedom as a Service : The New Digital Feudalism and the Future of the City" (La liberté comme service : le nouveau féodalisme digital et l’avenir de la ville) (Farrar, Straus and Giroux, 2022). Il anime également le podcast "The Santiago Boys" (Les garçons de Santiago) (2023). Il enseigne à l'Université Stanford, membre de la New America Foundation et contribue au magazine Foreign Policy, etc.]

Les adeptes de l’intelligence artificielle promettent que la technologie est la solution à tous nos soucis. Leur enthousiasme trouve son origine dans les mêmes préjugés néolibéraux d’où proviennent bon nombre des problèmes que traverse notre société, estime Evgeny Morozov. Pour ce spécialiste des technologies, il ne faut pas renoncer au rôle des institutions qui favorisent l’intelligence humaine.

L’intelligence artificielle (IA) aura été l’un des sujets les plus populaires de 2023, partageant la Une des journaux avec la guerre en Ukraine, la crise migratoire et le changement climatique. En fonction de l’interlocuteur, l’IA pourrait résoudre tous les problèmes de l’humanité – ou bien détruire toute notre civilisation, c’est selon. Mais ces deux discours, pourtant bien différents, sont parfois tenus par les mêmes personnes. Et, étonnamment, celles-ci viennent en majorité de la Silicon Valley .../...
Déjà, un principe de base : notre engouement actuel face au développement de l’IA n’est qu’une extension de notre enthousiasme face au marché et au néolibéralisme. Il est difficile de comprendre pourquoi tant d’institutions publiques se laissent séduire par les belles paroles des partisans de l’intelligence artificielle, si ce n’est d’inscrire cette campagne de marketing dans la continuité historique de la privatisation des solutions à des problèmes qui, par ailleurs, relèvent du public et du collectif. Ainsi, résoudre nos problèmes par l’IA aujourd’hui revient à les résoudre par le marché. Personnellement, je trouve ça problématique, et j’espère que vous aussi. Mais ce lien entre l’intelligence artificielle d’aujourd’hui et le néolibéralisme n’est pas très bien compris. Permettez-moi donc de l'expliquer un peu plus.

En mai, plus de 350 cadres du secteur technologique, chercheurs et intellectuels ont signé une déclaration alertant l’opinion sur les dangers existentiels de l’intelligence artificielle. “Minimiser le risque d’extinction lié à l’intelligence artificielle devrait être une priorité mondiale au même titre que d’autres risques sociétaux tels que les pandémies et les guerres nucléaires”, avertissent les signataires.
Cette déclaration fait suite à une autre carte blanche très médiatisée – signée par des personnalités telles qu’Elon Musk ou Steve Wozniak, cofondateur d’Apple – appelant à un moratoire de six mois sur le développement des systèmes d’intelligence artificielle avancés.
Entre-temps, l’administration Biden a appelé à une innovation responsable dans le domaine de l’IA, déclarant que “pour saisir les opportunités” que cette dernière offre, il serait nécessaire de “d’abord en gérer les risques.” Les sénateurs américains ont quant à eux appelé à organiser des auditions “uniques en leur genre” sur le potentiel et les risques de l’IA, une sorte de cours accéléré dispensé par des cadres de l’industrie, des intellectuels, des défenseurs des droits civils et d’autres intervenants.
Nous ne devons pas l’inquiétude croissante que suscite l’IA à ces technologies fiables mais ennuyeuses que nous connaissons déjà – comme celles qui complètent automatiquement nos messages ou permettent aux robots aspirateurs d’éviter les obstacles dans nos salons. C’est plutôt la possible émergence de l’intelligence artificielle générale (IAG) qui affole les experts.
Si l’IAG n’existe pas encore, le rapide développement des capacités de ChatGPT, l’agent conversationnel d’OpenAI, suggère que son émergence serait proche. Sam Altman, cofondateur d’OpenAI, décrit d’ailleurs l’IAG comme “des systèmes plus intelligents que les humains”. Construire de tels systèmes reste un défi colossal, voire impossible pour certains. Toutefois, ses avantages semblent très attrayants.
.../...
Tous ces visionnaires de la tech considèrent cette nouvelle technologie comme inévitable et, dans une version sécurisée, comme universellement bénéfique. Pour ses partisans, il n’existe guère de meilleure solution pour réparer l’humanité et développer son intelligence. Je répète : pour eux, le meilleur moyen d’accroître l’intelligence de notre société repose sur le perfectionnement de modèles de données alimentés par toujours plus d’informations de meilleure qualité. Un programme essentiellement technique, donc.
Mais l’idéologie qui sous-tend cet effort – que nous appelleront IAGsime pour les besoins de cet article – fait fausse route. Les risques posés par l’intelligence artificielle générale sont en réalité d’ordre politique et ne seront pas résolus en apprivoisant des robots rebelles. Même l’IAG la plus sécurisée n’apporterait pas la panacée progressiste promise par son lobby. En présentant son émergence comme inévitable, l’“IAGisme” nous empêche de trouver de meilleurs moyens de développer notre intelligence humaine –mais parlons-en plus tard.
Ses partisans ignorent que l’ “IAGisme” n’est que le rejeton bâtard d’une idéologie bien plus importante, qui prône, comme a pu le dire Margaret Thatcher en son temps, qu’“il n’y a pas d’alternative” au marché. Car les entreprises qui développent l’IAG ne font pas dans l’humanitaire comme les Nations unies ou Mère Thérésa : ce sont des capitalistes, tournés vers le profit et désireux de promouvoir l’institution du marché comme principal mode d’organisation de notre société.
C’est pourquoi, plutôt que de détruire le capitalisme, comme le suggère Altman, l’IAG – ou du moins l’empressement à la développer – est plutôt susceptible de constituer un allié puissant (et branché) au crédo le plus destructeur du capitalisme : le néolibéralisme.

Les concepteurs du néolibéralisme, fascinés par la privatisation, la concurrence et le libre-échange, voulaient à l’origine dynamiser et transformer une économie stagnante et favorable au travail grâce aux marchés et à la déréglementation. Certaines de ces transformations ont porté leurs fruits, mais leur coût a été immense. Au fil des ans, le néolibéralisme s’est attiré de très nombreuses critiques, qui l’ont rendu responsable de la Grande récession et de la crise financière, du trumpisme, du Brexit et de bien plus encore. .../...
Pourtant, le néolibéralisme est loin d’être mort. Pire encore, il a trouvé un allié dans l’“IAGisme”, qui pourrait bien renforcer et reproduire ses principaux biais. En voici trois. D’abord, celui voulant que les acteurs privés ont tendance à être plus performants que les acteurs publics (ce que j’appelle le biais du marché). Ensuite, l’idée néolibérale classique selon laquelle il est plus important de s’adapter à la réalité plutôt que de la transformer (ou biais d’adaptation). Enfin, la croyance voulant que la maximisation de l’efficacité l’emporte toujours sur les préoccupations sociales, en particulier sur celles liées à la justice sociale (que je nomme biais d’efficacité). Ces biais remettent en cause la promesse si séduisante de l’IAG : au lieu de sauver le monde, celle-ci pourrait bien ne faire qu’empirer les choses. .../...









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Article 2

Envoi personnel du 07/03/2025 d'un article par Appel Janvier 2024
(Rassemblement informel « Juives et juifs pour le respect des droits du peuple palestinien ») Site : appeljuin2024.org/






Image symbolique d'un avis de recherche pour Benjamin Netanyahu.

Photo de manifestants juifs antisionistes contre génocide à Gaza.


FRANÇAIS JUIVES ET JUIFS CONTRE
L'INSTRUMENTALISATION DE L'ANTISÉMITISME
 
 
Texte de la tribune
« Français juives et juifs, nous appelons à mener le combat contre l’antisémitisme en refusant son instrumentalisation »
 

Source : appeljuin2024.org/instrumentalisation-de-lantisemitisme/

Dans une récente tribune parue dans Le Monde, des personnalités se réclamant de la judéité et de la gauche dénoncent la montée de l’antisémitisme et l’insuffisance des réactions face à ce danger. Nous partageons sans réserve cette préoccupation. Nous avons en revanche des désaccords avec eux sur le diagnostic et sur les réponses.

La multiplication de propos et d’actes antisémites au cours des derniers mois doit être dénoncée. Nous ne pensons pas pour autant que la France soit devenue en quelques années un pays antisémite.


Nous ne pensons pas qu’on puisse dénoncer le regain d’antisémitisme sans parler de la montée de l’extrême-droite dans le monde. Elle prospère en Allemagne avec l’AFD ou aux États-Unis avec Musk et Banon, mais aussi en France, où elle véhicule et légitime toutes les formes de racisme au nom de la préférence nationale ou du refus du « grand remplacement ». Nous ne pouvons passer sous silence les bras levés et autres clins d’œil au nazisme quand nous analysons la résurgence de l’antisémitisme. Même si l’antisémitisme n’est pas son apanage, c’est encore et toujours à l’extrême-droite que pullulent les préjugés et actes racistes, anti-arabes, anti-noirs, islamophobes et antisémites. C’est parmi elle qu’on trouve les nombreuses personnes condamnées par la justice française pour racisme, antisémitisme et négationnisme.


En mettant en cause la « gauche extrême » qui « ne veut pas la paix […] se nourrit des haines et alimente la haine », cette tribune choisit une autre cible, sans préciser ni qui, ni quelles prises de position elle vise. Le seul propos mentionné est une phrase sortie de son contexte et détournée de son sens, à partir de laquelle est mis en accusation, sans le nommer mais de façon transparente et infamante, Rony Brauman dont le parcours et les engagements sont irréprochables.


Nous contestons l’assimilation de toute critique d’Israël et du sionisme à l’antisémitisme. La tribune du 3 mars demande « si faire d’Israël un État paria n’est pas le substitut contemporain de la familière et ancienne mise au ban des juifs en tant que peuple paria. » Nous pensons que quand la Cour Pénale Internationale émet un mandat d’arrêt contre Netanyahou et Gallant (son ancien ministre de la Défense) en les accusant de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, elle ne vise ni à « faire d’Israël un État paria » ni une « mise au ban des juifs en tant que peuple paria ». Elle fait œuvre de justice au nom du droit international.


Disant cela, nous combattons l’antisémitisme qui s’appuie sur des amalgames insupportables. Nous combattons l’antisémitisme en refusant de laisser croire que tout juif serait solidaire et donc complice des crimes contre l’humanité en cours à Gaza. Nous combattons l’antisémitisme en condamnant une politique de colonisation permanente et la négation des droits nationaux du peuple palestinien, et donc son droit à un État.


Les auteurs de la tribune demandent « Comment une partie de la gauche en est-elle venue à délégitimer le seul État juif du monde ? » Nous leur demandons comment, en étant à gauche ou tout simplement fidèle aux principes républicains, peut-on ne pas critiquer un État fondé sur une base ethnico-religieuse ?  Car, depuis sa création, Israël est pris dans une contradiction fondamentale : est-il, comme l’affirme sa déclaration d’indépendance, un État démocratique qui « assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe », ou bien un État juif qui aurait vocation à rassembler les juifs du monde ?


L’État d’Israël est né d’un processus de colonisation, comme d’autres États. Tous les États des continents américains, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont nés d’un fait colonial ayant abouti à la création de nations dans des processus complexes où la lutte pour la reconnaissance des populations autochtones reste inachevée. Le fait colonial sioniste s’est aussi transformé en fait national avec la naissance de l’État israélien, avec sa culture propre - musique, cinéma, littérature – et avec l’hébreu comme langue.  Mais la contradiction originelle a été tranchée dans le mauvais sens en 2018 par la loi faisant d’Israël « L’État-nation du peuple juif ». Cette logique a été résumée à l’époque par la ministre de la Justice Ayelet Shaked : « Israël est un État juif, pas un État de toutes ses nationalités. Les citoyens sont tous égaux, mais ils ne disposent pas de droits nationaux égaux ».

Parce qu’attachés au respect des droits nationaux des peuples israélien et palestinien, nous pensons que la voie d’un État ethnico-religieux est une impasse. Elle est celle du gouvernement d’extrême-droite qui nie les droits du peuple palestinien et menace d’expulser les habitants arabes de Gaza et de Cisjordanie occupée illégalement depuis 1967. Nous sommes indignés par le silence, le déni et l’indifférence assourdissants de tant d’intellectuels et de politiques sur les massacres accompagnés de tortures et de viols commis à Gaza et en Cisjordanie par l’armée israélienne et les colons.


Nous, Français, juives et juifs, considérons que notre place est ici pour participer à la lutte contre l’antisémitisme, contre tous les racismes, pour une société plus juste et plus solidaire. Le combat indispensable contre l’antisémitisme, en France et à travers le monde, passe par la condamnation de la haine alimentée par le fondamentalisme religieux et le recours au terrorisme que partagent dirigeants du Hamas et dirigeants israéliens. Il suppose aussi de réfuter l’essentialisation des Palestiniens assimilés au Hamas et celle des Israéliens (et des juifs) assimilés à Netanyahou.

Nous refusons que la dénonciation de l’antisémitisme serve à légitimer la politique criminelle du gouvernement Netanyahou comme nous dénonçons l’instrumentalisation du génocide des juifs d’Europe pour justifier le massacre par dizaines de milliers de civils Gazaouis et Cisjordaniens.


Les premières et premiers signataires : Edgar Blaustein, militant associatif ; Sylvain Cypel, journaliste, essayiste ; Sonia Dayan-Herzbrun, professeure émérite à l’Université Paris Cité ; Sonya Fayman, sociologue ; Dominique Glaymann, professeur émérite en sociologie ; Pierre Khalfa, économiste, Fondation Copernic ; Marie José Mondzain, philosophe ; Annie Ohayon-Dekel, productrice cinéma ; Eyal Sivan, cinéaste, essayiste ; Michèle Zémor, ex-conseillère région Ile-de-France..
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Rassemblement informel
« Juives et juifs pour le respect des droits du peuple palestinien »

Site : appeljuin2024.org








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Article 3

 Signalement personnel (avec extrait) le 05/05/2025 d'un article par MS21
 Site : ms21.org






Image composée avec représentants des pays du Sud, afro-asiatiques, avec en arrière-plan gris les représentant du G7, pays riches du Nord.

Image symbolique des BRICS+ avec leurs drapeaux nationaux, réunis en 2024.


DE BANDUNG AUX BRICS 
 
 
70 ANS DE RÉSISTANCE DU « SUD GLOBAL » CONTRE L'OCCIDENT 
 


Source : ms21.org/affiche-article_1046.html

Nous fêtons cette année les 70 ans de la conférence de Bandung, qui a été à l'origine du mouvement des pays non-alignés, qui est lui-même le précurseur des BRICS. Les pays du Sud, menés par la Chine et la Russie, se sont engagés dans un mouvement de remise en cause radicale de la géopolitique mondiale, outrageusement dominée par les États-Unis et leurs alliés occidentaux. Ces bouleversements s'enracinent dans une histoire plus longue, celle du mouvement des non-alignés et autres mouvements de contestation de l'hégémonie occidentale. Il importe de les remettre en lumière aujourd'hui, afin de mieux comprendre ce passage d'un monde « unipolaire » à un monde « multipolaire » (selon les formules consacrées).


La conférence de Bandung (18 au 24 avril 1955)

Le mouvement de décolonisation, amorcé avant la Deuxième Guerre mondiale, se renforce après la fin de ce conflit. L'Asie est alors en pointe dans cette évolution : en 1954 une trentaine de pays asiatiques et africains ont déjà accédé à l'indépendance. L'impérialisme états-unien se développe par l'organisation de coups d’État en 1953 (destitution de Mossadegh en Iran) en 1954 (Guatemala) et par la mise en place de plusieurs alliances militaires : OTAN en 1949, OTASE en 1954 (pays du sud-est asiatique), pacte de Bagdad en 1955. L'URSS affermit sa mainmise sur le bloc de l'Est en juin 1953 en réprimant les révoltes en RDA, et met en place le pacte de Varsovie.

Dans ce contexte, les pays du « groupe de Colombo » formé en 1954 : la Birmanie, Ceylan (aujourd'hui Sri Lanka), l'Inde et le Pakistan prennent l'initiative de convoquer une conférence afro-asiatique du 18 au 24 avril 1955 dans la ville de Bandung, située sur l'île indonésienne de Java.
Au total, 29 pays vont participer à cette conférence : quinze pays d’Asie (Afghanistan, Birmanie, Cambodge, Ceylan, Chine, Inde, Indonésie, Japon, Laos, Népal, Pakistan, Philippines, Thaïlande, République démocratique du Vietnam, État du Vietnam), neuf pays du Proche-Orient (Arabie saoudite, Égypte, Irak, Iran, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie et Yémen) et six pays africains (Côte-de-l’Or [actuel Ghana], Éthiopie, Liberia, Libye, Somalie et Soudan). Ces pays représentaient tout de même la moitié des membres de l'ONU et 1,5 milliard d'habitants de cette planète !

30 représentants de mouvements de résistance anti-coloniale sont également présents comme observateurs.
La conférence est menée principalement par les dirigeants de l'Inde (Jawaharlal Nehru), de l’Égypte (Gamal Abdel Nasser), de l'Indonésie (Soekarno) et de la Chine (Zhou Enlai).
La conférence débouche sur un communiqué final proclamant le droit à une pleine souveraineté pour tous les pays. Celui-ci précise : « La Conférence est d'accord :

   1) Pour déclarer que le colonialisme, dans toutes ses manifestations, est un mal auquel il doit être mis fin rapidement ;

   2) Pour déclarer que la question des peuples soumis à l'assujettissement à l'étranger, à sa domination et à son exploitation constitue une négation des droits fondamentaux de l'homme, est contraire à la Charte des Nations Unies et empêche de favoriser la paix et la coopération mondiales ;

   3) Pour déclarer qu'elle appuie la cause de la liberté et de l'indépendance de ces peuples ;

   4) Et pour faire appel aux Puissances intéressées pour qu'elles accordent la liberté et l'indépendance à ces peuples ».


Elle énonce 10 principes en vue de la paix et de la coopération mondiale :

   « 1) Respect des droits humains fondamentaux en conformité avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies ;

   2) Respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de toutes les Nations ;

   3) Reconnaissance de l'égalité de toutes les races et de l'égalité de toutes les Nations, petites et grandes ;

   4) Non-intervention et non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays ;

   5) Respect du droit de chaque Nation de se défendre individuellement ou collectivement conformément à la Charte des Nations Unies ;

   6) a) Refus de recourir à des arrangements de défense collective destinés à servir les intérêts particuliers des grandes Puissances quelles qu'elles soient ;
       b) Refus par une Puissance quelle qu'elle soit d'exercer une pression sur d'autres ;

   7) Abstention d'actes ou de menaces d'agression ou de l'emploi de la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un pays ;

   8) Règlement de tous les conflits internationaux par des moyens pacifiques, tels que négociation ou conciliation, arbitrage ou règlement devant des tribunaux, ainsi que d'autres moyens pacifiques que pourront choisir les pays intéressés, conformément à la Charte des Nations Unies ;

   9) Encouragement des intérêts mutuels et coopération ;

   10) Respect de la justice et des obligations internationales. »


La conférence se termine magnifiquement par le discours de clôture de Nehru : « Nous sommes résolus à n’être d’aucune façon dominés par aucun pays, par aucun continent...

Nous sommes des grands pays du monde et voulons vivre libres sans recevoir d’ordres de personne. Nous attachons de l’importance à l’amitié des grandes puissances, mais... à l’avenir, nous ne coopérerons avec elles que sur un pied d’égalité...


Nous devons veiller à ce qu’aucune autre forme de domination ne nous menace. Nous voulons être amis avec l’Ouest, avec l’Est, avec tout le monde. Le seul chemin qui mène droit au cœur de l’âme de l’Asie est celui de la tolérance, de l’amitié et de la coopération...

Je pense qu’il n’y a rien de plus terrible que l’immense tragédie qu’a vécue l’Afrique depuis plusieurs siècles... Aujourd’hui, le drame de l’Afrique est plus grand que celui d’aucun autre continent, tant au point de vue racial que politique. Il appartient à l’Asie au mieux de ses possibilités d’aider l’Afrique car nous sommes des continents frères.
»

Dans un contexte de guerre froide, ces pays revendiquent leur volonté de préserver leur indépendance vis-à-vis des deux blocs capitalistes et communistes. Dans les faits, ces pays ont des approches divergentes quant à leurs relations internationales :
   • Maintien d'une proximité avec l'Occident (Pakistan, Thaïlande, Turquie, Sud-Vietnam, Laos, Cambodge, Philippines, Japon, Irak, Iran, Liban, Éthiopie, Libye et Liberia)
   • Proximité avec le bloc communiste : Chine et Vietnam
   • Volonté de neutralité : Inde, Égypte, Indonésie, Birmanie, Afghanistan, Syrie, Jordanie, Arabie saoudite, Yémen, Soudan et Côte-de-l’Or (Ghana).

Si la conférence de Bandung a rapproché les pays dits du « tiers monde » (expression inventée par le démographe Alfred Sauvy en 1952), ceux-ci ne se sont jamais trouvés unifiés par une opposition univoque à l'Occident.


Le Mouvement des non-alignés (MNA)

Dans le sillage de la décolonisation qui se poursuit, les pays du Sud cherchent à affirmer leur indépendance et veulent mettre en œuvre les principes de développement définis à Bandung.

La création du Mouvement des non-alignés se réalise à la conférence de Brioni en 1956, en Yougoslavie. Tito, Nasser, Nehru et Soekarno deviennent les leaders du MNA. Nasser y décide la nationalisation du canal de Suez. Ceci provoquera une offensive militaire menée par Israël, la France et la Grande-Bretagne. Sous la pression des États-Unis et de l'URSS, ceux-ci sont obligés de reculer et Nasser remporte une victoire stratégique (novembre 1956).

Nehru introduit le concept de « non-alignement » qui s'exprime dans les principes définis à Bandung : respect des droits humains, de la souveraineté des nations, non-ingérence dans les affaires intérieures des États, égalité entre les peuples, coopération, règlement pacifique des conflits, indépendance vis-à-vis des deux blocs.

La révolution cubaine, en 1959, renforce le MNA en Amérique Latine.

La 1ère conférence des non-alignés se tient à Belgrade (en Serbie, membre de la Yougoslavie) en 1961. Elle officialise la création du MNA.

En 1963-1964, est fondé le G77 dont l'objectif est de relayer l’influence du MNA au sein des Nations unies au niveau diplomatique. Il compte aujourd’hui 134 États membres faisant partie des pays du Sud global. Le MNA joue aussi un rôle important dans la création de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement) qui cherche à agir en faveur du développement économique du tiers-monde.

En 1966, à La Havane, à Cuba, la Conférence Tricontinentale initiée par Mehdi Ben Barka et Che Guevara réunit 82 pays du tiers-monde. Il s'agit d'affirmer le « tiers-mondisme » en unissant les mouvements de libération nationale et les partis communistes chinois et soviétique. Il faut mener le combat contre la dette illégitime, l'impérialisme, le colonialisme. Ce qui se traduit par le soutien à Cuba, au Vietnam et la création de l'OSPAAAL (Organisation de la solidarité des peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine) et de l'OLAS (Organisation latino-américaine de solidarité).

Cette initiative est en concurrence avec le MNA, du fait de son soutien à la Chine et à l'URSS. La rupture sino-soviétique en 1964 et l'activisme américain en Amérique Latine ont compromis la réussite de la Tricontinentale.

En 1973, le MNA adopte, lors de son sommet d'Alger, le Nouvel Ordre Économique Mondial, qui sera adopté par l'ONU en 1974. Il affirme le contrôle des matières premières (nationalisation des ressources naturelles), le financement du développement, l’industrialisation, le contrôle des technologies, le contrôle des multinationales.

Le camp occidental a senti le danger de remise en cause de son hégémonie et s'est efforcé d'éliminer les meneurs du MNA les plus actifs : Nasser, N'Krumah, Soekarno, Sankara...

Le MNA regroupe aujourd'hui 120 États. Il s'agit de la deuxième plus grande organisation internationale après l'ONU ! En 2024, celui-ci regroupe 53 pays d’Afrique, 39 d’Asie, 26 d’Amérique latine et des Caraïbes et deux pays d’Europe. De plus, cette organisation compte 17 pays observateurs. La Palestine y appartient aussi, même si elle n'existe pas encore en tant qu’État.

Le fonctionnement du MNA se distingue par son aspect égalitaire : « Contrairement à certaines autres organisations internationales, telles que l'ONU, le mouvement des non-alignés se distingue par l'absence d'un secrétariat permanent ou d'une Constitution formelle. Cette caractéristique du MNA reflète son engagement envers ses fondements, soit l’égalité et l’indépendance. D’ailleurs, cela explique pourquoi tous les membres possèdent un poids égal dans la prise de décision. L’administration de l’organisation relève de la responsabilité du pays qui en assure la présidence, un poste qui change à chaque sommet.
C’est donc le représentant du pays qui reçoit le sommet du mouvement qui prend le rôle de président. De plus, tous les membres des non-alignés peuvent convoquer une réunion. Le président du mouvement des non-alignés a pour mission de convoquer les réunions du mouvement, élaborer l'ordre du jour et solliciter l'avis des autres membres quant aux actions à entreprendre. Cela garantit le consensus général nécessaire en vue de la convocation d'une réunion de coordination des ministres ou toute autre instance, sur invitation d'un pays non-aligné ou d'un ensemble de ces nations. De plus, n’importe quel membre du mouvement peut prendre part aux travaux du Bureau, dans la mesure où il est prêt à perdre son droit de vote dans la prise de décision.
»

La cohésion de ce groupe est toujours restée précaire, dans la mesure où de nombreux pays ont été en collusion avec une grande puissance à un moment ou un autre de leur histoire. La fin de la guerre froide n'a pas mis fin au MNA, même si celui-ci est moins médiatisé. Le MNA s'est ainsi opposé aux institutions issues du consensus de Washington : le FMI, l'OMC, la Banque Mondiale. Le dernier sommet du MNA s'est tenu à Kampala en Ouganda en janvier 2024. La guerre à Gaza, les tensions entre la Somalie et l'Éthiopie, l'insécurité alimentaire, le changement climatique, le financement du développement et la question de la dette font partie des thèmes qui y ont été discutés.

La suite vers : Les BRICS+
.../...
( à : ms21.org/affiche-article_1046.html )










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Article 4

Envoi personnel du 06/05/2025 d'un article par Guy CRÉQUIE
Site : guycrequie.blogspot.com






Photo de Guy CREQUIE, le 6 juin 2019 à Lyon, prenant la parole dans un salon du livre.

Guy CRÉQUIE, le 6 juin 2019 à Lyon, prenant la parole lors d'un salon du livre. Crédit image: Guy CRÉQUIE 

Image symbolique pour Intelligence Artificielle sur fond bleu.


L'ÉPINEUSE QUESTION DU « STATUT SOCIAL » DE L' ÉCRIVAIN
 
 
par Guy CRÉQUIE
 

Proposition : je suis disponible pour apporter ma modeste contribution à une écrivaine ou un écrivain, lequel ou laquelle, serait désireux d’entreprendre un livre sur l’épineuse question du « statut social de l’écrivain ». Je suis à votre disposition, si l’une ou l’un des écrivains régionaux veut s’atteler au sujet, en lui apportant mon expérience et un peu de documentation. Il peut me contacter par courriel: guy.crequie[à]wanadoo.fr ; et ensuite, me donner ses coordonnées téléphoniques, [grâce auxquelles] je lui donnerai les miennes pour un premier échange.

Je vais sur mes 82 ans, je n’ai plus la force et le courage d’entreprendre ce livre, mais mon expérience de 42 livres publiés avec 17 éditeurs, celle de 10 années comme correspondant pour la région Rhône-Alpes, entre 1985 et 1995, du Syndicat des écrivains de langue française lequel, après un arrêt, a repris, mais vit au ralenti, hélas! Et il y a des raisons : relancé en 2012,  après une période de léthargie, il a de la difficulté à représenter plus que la sphère parisienne, et il est gêné par la lourde présence de la SGDL !

J’ai aussi le bilan d’avoir rencontré, lors de permanences sur 10 années, des écrivaines et écrivains m’exposant leurs difficultés.

Nous étions une huitaine d’écrivaines et d’écrivains actifs qui entre 1985 et 2000, avons multiplié les démarches auprès du Ministre de la Culture et de l’Education nationale, du Parlement européen, des Professionnels du livre, et des lieux d’échanges institutionnels, et nous avons contribué à des avancées s’agissant de la situation des écrivains et à la création de lieux spécifiques et de contribution en leur faveur ! D’ailleurs, même de nos jours, toutes les écrivaines et écrivains ne connaissent pas toutes ces structures.

Rappelons : que les écrivains professionnels ont été les derniers à avoir droit à un régime de sécurité sociale : il  a fallu attendre 1977. De nos jours quelles sont les  conditions d’existence des écrivains ? Une infinité vit de ses revenus d’écrivain. Certains, en vivent confortablement = essentiellement des romanciers à succès, quelques dramaturges, et certains universitaires renommés et médiatisés.

Le regretté philosophe François CHATELET fut, avec Marie CARDINAL, François COUPRY, l’un des précurseurs de la démarche constituant à revendiquer un statut social pour l ’écrivaine et l’ écrivain.

Ainsi, bien plus tard, l’un d’entre nous : Yves FRÉMION, fut élu député européen au début des années 90, et il profita de son mandat pour faire avancer des sujets et aujourd’hui encore, il siège au CA de Sofia : l’organisme de gestion collective des auteurs.

En 1980, l’une de nos collègues femme : Maguelonne TOUSSAINT-SAMAT, alla se présenter à l’ANPE [ex Agence nationale pour l'emploi] pour faire avancer la cause comme écrivaine recherchant du travail  !

Selon moi, lorsqu’un auteur devient écrivain à partir de 10 livres publiés à compte d’éditeur, certaines dispositions particulières doivent s’appliquer. Sans gêner la libre négociation, et sans parler des contrats particuliers comme pour les romanciers à succès et les universitaires renommés, les contrats d’édition courants vont de 4 à 18% de droits = l’amplitude est trop grande !

S’il a eu incontestablement des avancées législatives et réglementaires depuis 1957, c’est le vécu des contrats, leur application et respect qui est parfois problématique ! L’éditeur comme l’auteur ont besoin l’un de l’autre pour vivre ; mais leur rapport est inégal : sauf si un écrivain est médiatisé sur les chaînes de télévision et dans les grands journaux, c’est l’éditeur qui a directement rapport avec les libraires, toute la chaîne du livre, les médias, les diffuseurs,  les Ministères, le SNE  ………

Mais le contexte actuel de crises et de guerres, l’existence de l’IA et ses enjeux, rendent urgent de reprendre ce dossier du statut social de l’écrivain pour la culture en général, et en particulier pour la littérature ! Ceci, pour le devenir de la nouvelle génération, de la démocratie, des valeurs républicaines humanistes en ces temps troublés. Également, les partis politiques et les confédérations syndicales devraient s’emparer du sujet qui concerne notre devenir ! En effet, l’apprentissage de l’effort, l’esprit critique, la culture et l’éducation contribuent à l’autonomie de pensée et la citoyenneté et dans ce monde de communication pour le meilleur et le pire = en faire des citoyennes et des citoyens avertis, aptes à contribuer au devenir du pays.

D’ailleurs, je consacre un chapitre à cette problématique dans la partie autobiographique de mon récent ouvrage, édité début avril, « le Messager de la paix », Maïa éditions à Paris ; dont les deux Présidents des Associations d’auteurs en région Rhône- Alpes- Auvergne, disposent d’un exemplaire adressé gracieusement. Ils peuvent vous en parler !  

Mon insistance pour que vive, un véritable statut de l’écrivain, puise dans d’autres arguments que ceux évoqués précédemment: avec l’ IA et la baisse de l’écrit dans le niveau scolaire.
[Elle a eu aussi un petit écho récemment dans la presse régionale par cet article] : "Le dernier des Mohicans : l’auteur vénissian publie aux éditions Maïa « le Messager de la paix » qui résume son parcours et prend en compte les nouveaux enjeux de l’époque." .../...

Cinquante millions d’euros, tel est le montant de la réduction budgétaire supplémentaire annoncé par Rachida DATI notre ministre de la culture en janvier 2025 !  Ce montant s’ajoute à la baisse de 100 millions d’euros déjà décidée par le précédent gouvernement BARNIER en décembre 2024. Ce budget est ramené à 4,45 milliards d’euros soit seulement 0,6% du budget de l’Etat ! On est loin du 1% toujours revendiqué, atteint, je crois sous le ministère de Jack LANG.

J’espère que le sujet n’est pas inopportun pour les Associations d’auteurs ! Nombreux seront les spectacles impactés par cette décision dont, dans mon département, les nuits de Fourvière ! Ce financement s’articule entre l’Etat et les collectivités territoriales : régions, départements ,communes. Affaiblie par l’inflation, la crise sanitaire, la hausse du coût de l’énergie, où va l’économie de la culture ? Des lieux culturels sont menacés de disparition comme La Maison des écrivains et de la littérature à Paris.

Dans ma région, l’ancien Président Laurent WAUQUIEZ, devenu député et Président du groupe LR à l’Assemblée, avait annoncé des coupes budgétaires avant d’annoncer une hausse du budget ! Mais selon Cédric VAN STYVENDAEL, vice -Président PS de la métropole de Lyon, rapporté par la journaliste Alexandra TRINH dans le journal des activités sociales de l’énergie n°425- mai et juin 2025, extrait: « la Région a enlevé 500.000 euros de subventions à l’opéra de Lyon puis lui remis 200.000 euros sur un objet conçu exclusivement à la commande de la Région. »

Certaines collectivités de droite et de gauche résistent cependant à cette baisse selon par la journaliste précédemment citée ! Ainsi Xavier BERTRAND, Président de la région Hauts de France, augmente son budget culturel de 3% ; des grandes villes comme Lille, Paris, Bordeaux, Marseille, également...

J’ignore, comment ma ville de résidence: Vénissieux, a réagi ? Elle est dirigée par une maire communiste engagée ! Mais la culture est l’une de ses préoccupations face aux exclusions, intolérances, ainsi que violences, montée des idées nauséabondes extrémistes.

Avec l’intelligence artificielle déjà évoquée, afin de ne pas perdre en effort de rédaction, esprit critique, confrontation des idées, je lance une nouvelle alerte aux Ministères de la culture et de l’Education nationale afin que l’étude et l’utilisation critique de l’IA soit programmée dans les circuits scolaires et culturels ? L’avenir de notre pays en dépend = grand remplacement et désastres culturels comme possibles, selon le philosophe Luc FERRY dans son ouvrage, ou complémentarité organisée ? À nous de relever le défi par nos actes.



© Guy CRÉQUIE,
retraité des IEG [Industries électriques et gazières en France];
écrivain observateur social, lauréat des Académies européenne et mondiale de la culture et des arts;
ancien correspondant Rhône Alpes du syndicat des écrivains de langue française;
messager de la culture de la paix par l’UNESCO;

vient de paraître son dernier et 42ème ouvrage « Le messager de la paix » :
"Cet ouvrage, à la fois autobiographique et contemporain", analyse les grands enjeux et les dynamiques qui fracturent la société mondiale...


Informations en complément à l'article (pistes fournies par l'auteur):

- Syndicat des Écrivains de Langue française
"Le S.E.L.F. (Syndicat des Écrivains de Langue française) a été créé le 1er janvier 1976 et déclaré à la Préfecture sous le n°15937. Syndicat professionnel, il accueille et conseille les auteurs d’écrits francophones et/ou d’images voués à être publiés. Régénéré en 2012, il poursuit sa mission car, même dans un monde littéraire et éditorial qui s’est transformé, les écrivains et auteurs ont toujours besoin de lui."
Articles récents et Commentaires récents : self-syndicat.fr/infos-self/

- Sur Wikipédia : fr.wikipedia.org/wiki/Syndicat_des_écrivains_de_langue_française
"Le Syndicat des écrivains de langue française (SELF) est une organisation syndicale qui s'est fixé comme but la défense des créateurs artistiques. Syndicat professionnel enregistré sous le no 15 937, il est ouvert à tous les auteurs et traducteurs francophones, débutants comme chevronnés, y compris auto-édités. Contrairement aux associations plus spécifiquement orientées vers les acteurs de la seule littérature, le SELF accueille des créateurs de toutes disciplines : livres, audiovisuel, BD, logiciels, conférences." .../...
Dans un premier temps, le SELF est un partenaire reconnu du Syndicat des Éditeurs (SNE) lors des négociations, apportant une rééquilibrage au poids de la Société des Gens de Lettres (SGDL). Toutefois, les relations entre le SELF et les éditeurs vont rapidement se dégrader. La volonté du syndicat d'apporter un autre regard sur la relation entre écrivain et maison d'édition, telle qu'elle est affirmée par Marie Cardinal lors du congrès de Berlin en 1977 ne permet pas le maintien de ces relations. Finalement, le choix du SNE de limiter ses négociations à la SGDL en ne tenant pas compte du SELF conduit ce dernier à rompre ses relations avec les représentants des éditeurs." .../...  

- Recherche thématique sur ActuaLitté : "Magazine littéraire pour professionnels et curieux : les univers de l'édition décryptés à travers l'actualité du livre et ses acteurs. Rencontre de Gutenberg et du numérique."
pour "Syndicat des Écrivains de Langue française"
* Par exemple cet article entre autres :

"Le Syndicat des Écrivains de Langue Française se ranime"
Publié le 26/06/2012 : "C'est ce soir même qu'a eu lieu la première assemblée générale du Syndicat des Écrivains de Langue Française « nouvelle génération ». En sommeil « quasi léthargique depuis 6-7 ans » d'après les propres aveux de Benjamin Lambert, son dernier président, le SELF va être réactivé pour proposer aux auteurs un nouvel organisme de conseils et de représentation, pas de trop en cette période de négociations (houleuses) autour de l'exploitation numérique des oeuvres." .../...
* ou celui-là:
"Nous, auteurs, sommes le maillon vital de l'industrie du livre"
Publié le 28/10/2014 : "Suite aux échanges qui ont eu lieu la semaine passée durant le 10e Forum de la SGDL, tourné vers la rémunération des auteurs, le S.E.L.F., Syndicat des écrivains de langue française, a décidé d'une prise de position ferme, et sans équivoque. « C'est avant toute chose une mobilisation, qui n'est en rien tournée contre la SGDL, mais contre les propos que l'on a pu entendre durant ce Forum, qu'il nous a semblé important, non, primordial de prendre la parole », nous précise le syndicat." .../...







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Article 5

Envoi personnel du 23/04/2025 d'un article par Gérard CHAROLLOIS
Site : ecologie-radicale.org






Image symbolique de livres en feu.

Dessin humoristique représentant oligarques des GAFAM offrant fortune au maître TRUMP.


LES OBSCURANTISMES DE LA TECHNOCRATIE  CONTRE LA SCIENCE
 
 
Par Gérard CHAROLLOIS
 


Aux USA, les ennemis de la science, de la raison et de l’émancipation, interdisent les « mots », censurent la pensée, enclenchent un processus régressif inédit.

Bien sûr, les études sociologiques et politologiques étaient désignées à la vindicte des néofascistes comme les recherches sur le climat et les sciences de la Terre et de la Vie.

Tout fascisme s’invente son bouc émissaire imaginaire : voici le « wokisme ».

Les concepts de « genre », la « discrimination », le « féminisme », « l’égalité des chances », le « réchauffement atmosphérique » la « biodiversité », « l’écologie », deviennent des pensées coupables exposant tout enseignant et chercheur aux foudres de l’administration de TRUMP et MUSK.

Mais même des scientifiques travaillant sur l’immunologie et la tuberculose sont victimes de la chasse aux sorcières du savoir.

Les USA étaient le premier centre de recherche mondial.

Le néofascisme triomphant entre en guerre contre la recherche.

La presse est intimidée et la justice est ignorée avant d’être mise au pas.

Rien ne doit contrarier la volonté du chef auquel le monde entier vient « lécher le cul » pour reprendre un de ses bons mots, digne d’un promoteur immobilier.

Pour eux, la science se résume à envoyer les copines des oligarques faire un tour de 11 minutes à cent kms de la Terre avant de redescendre, consommant chacune autant de carbone qu’un individu en 45 ans !

Et les badauds sont priés d’admirer ces exploits comme ils sont sommés de rêver devant les étalages arrogants de fortune et de grossièretés de ces personnages parasites d’une société malade de leurs déprédations.

La Terre est une planète vivante mais ils ne le savent pas.

Après l’avoir dévastée, souillée, pillée, assassinée, ils imaginent aller vivre sur Mars, planète morte impropre à la vie, mais peut-être riche en minerais, sources de nouveaux profits.

La Nature devient un concept gênant pour le profit maximisé et débridé de toute entrave écologique et sociale.

Aucune norme ne doit s’opposer au profit.

Les hommes politiques ont accoutumé les citoyens à parler pour ne rien dire. Alors, le citoyen entend la musique du discours sans même en comprendre les paroles.

J’entendais, tout récemment, le président du parti d’extrême droite qui voulait « libérer la production française de toute entrave ».

Il fallait comprendre que les normes sociales, les garanties des droits, les protections de l’environnement et de la santé publique devaient s’effacer devant les impératifs spéculatifs.

Plus de norme, ni de contrôle.

Les oligarques seront libérés de tout ce fatras règlementaire imposé par des « socialistes » et des « écologistes punitifs ».

Et pour la Nature, les badauds pourront se rendre dans des Disneylands où on leur montrera une faune aseptisée, au mieux captive et à défaut purement virtuelle.

La Terre ne sera plus la planète de la vie mais celle du fric.

Je l’ai déjà dit : le problème de notre temps ne réside pas dans l’existence d’une élite.

Toute société en possède une.

Le malheur est que ceux qui détiennent l’argent et le pouvoir, qui gouvernent, commandent et manipulent, ne sont plus des élites mais des voyous habités par l’esprit de lucre.

Ce sont les ennemis du savoir, de la vérité, de l’empathie et les adeptes de la dystopie finale.


Gérard CHAROLLOIS








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Dernière modification : 21.05.25, 20:21:40