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Article 1 : LA LUTTE DES CLASSES CONTINUE DE PLUS BELLE
par Jean-Jacques REY
Article
2 : UN MONDE À L'ENVERS : LA PERVERSITÉ AU POUVOIR
par Alain SAGAULT
Article 3 : DOUZE MYTHES ET CROYANCES SUR LA PAUVRETÉ DANS LE MONDE
par Gideon FAKOMOGBON
Article 4 : UN PASTEUR DE BETHLÉEM DÉNONCE L' « APARTHEID » EN PALESTINE
par Munther ISAAC
Article 5 : ISRAËL COUPABLE D'EXTERMINATION À GAZA
par ONU, traduction par Alain MARSHAL
Le pays de
France s’enfonce dans la crise de régime, d’abord par
la faute d’un apprenti sorcier qui se prend pour un « Grand »,
mais qui se révèle petit joueur et plutôt mal inspiré. N’est
pas Charles de Gaulle qui veut, c’est vrai. Hélas ! Je crains encore d'autres surprises désagréables à venir pour ce pauvre peuple de France dont cet élu suprême ignore les états d'âme et gouverne contre ses souhaits. Je pense qu'il n'aurait pas volé d'être sérieusement recadré, ce président... (Comme en Corée du Sud par exemple). Il n'en fait qu'à sa tête et louvoie entre les rapports de force et les réalités qui le dérangent. Et en cela, il a l'obsession d'écarter la Gauche du Pouvoir gouvernemental. Il paraît ainsi évident qu’il veut la peau (ou le scalp selon certains) du NFP (Nouveau Front Populaire), refusant d'entériner que sans un Front républicain, bienvenu, son camp idéologique : amas composite de bourgeois entichés et retors qui le soutiennent (avec des pincettes maintenant), n'aurait eu que quelques dizaines de députés. Monsieur Macron, s’il avait un peu d’élégance et de panache, il pourrait recourir au référendum ; ainsi on saurait quelle orientation est majoritairement voulue par le peuple de France, en matière économique ou sociale notamment ; alors par exemple on pourrait en juger de la pertinence du récent report de l’âge de départ en retraite qui n’est qu’une étape de plus vers la retraite par capitalisation : une obsession des néolibéraux qui veulent faire « travailler » notre argent à leur profit ; et ensuite, ce chef d’état pourrait en tirer les conclusions qui s’imposent… (Le peuple est souverain ou pas !) Donc, remontons (un peu) dans le temps. Après les dernières élections législatives, anticipées en juillet 2024 sur décision présidentielle, le gouvernement de la France aurait dû revenir à la Gauche : réunie dans l’alliance du NFP qui était arrivée en tête des résultats définitifs. Dès lors, on aurait pu attendre de tous ceux qui ont appelé à former le « Front républicain », pour barrer la route du Pouvoir à l’extrême Droite, et qui ont obtenu leurs sièges de députés grâce à lui, qu'ils s’alignent par souci de cohérence et d’efficacité sur le programme validé majoritairement par l’électorat (qui s’est déplacé à cette occasion en masse vers les urnes). Cela eût été légitime. Au lieu de cela, les rescapés du macronisme, redevables à ce dit « Front républicain », ils ont persisté à jouer le « centre extrême » ! Ainsi, quitte à ne marquer aucun but et s’enfoncer dans le discrédit, ils ont magouillé avec les derniers grognards de la Droite classique (aux effectifs squelettiques) pour former un « socle commun » dont on s’aperçoit qu’il est bien bancal ! Et au final depuis ce bas revirement, on reprend les mêmes gens à peu de choses près pour gouverner et on recommence en pire. Conséquemment nous avons droit à des gouvernements illégitimes dont celui de Monsieur Barnier qui a été très éphémère. Quand on privilégie à ce point les intérêts de classe au détriment des intérêts nationaux, moi, je dis que nous avons affaire, plus qu’à de l’obstination bête et méchante, à des comportements qui frisent l’immoralité… D’ailleurs, je trouve particulièrement scandaleux que ces bourgeois du dit « bloc central » confisquent en quelque sorte la République, en excluant du mérite républicain (dans leurs considérations) ceux qui les dérangent, les renvoyant systématiquement à des positions d’extrêmes si ce n’est pas de les taxer d’extrémistes ; ce qui est justement une simplification extrême et une facilité de simplisme : presque une indigence d’esprit ! Bientôt en France, on assistera à une guerre civile, larvée, comme aux U.S.A. Le cancer de société, bourgeois, nous mène à ça : l’explosion des radicalités ! Enfin, n’oublions surtout pas un autre aspect de la crise de régime qui se dessine et l’a même initiée : les « exploits » passés des droitistes au Pouvoir qui ont détourné les institutions, jouant sur les peurs, ne solutionnant rien et ne faisant qu’empirer les problèmes, à la manière des médecins d’ancien temps… Chassez le naturel, il revient au galop, je dirai pour reprise. Certaines personnalités de ce bord doctrinaire l’ont bien avili cette cinquième République Française quand même ; mais celui qui tient le pompon en la matière, c’est sans conteste l’ancien Président Nicolas Sarkozy de Nagy Bocsa : néolibéral convaincu, délinquant reconnu et maintenant repris de justice. « L’homme au Kärcher » a mal tourné, voilà l’excellence que produisent, les donneurs de morale droitiste ! En son temps, cet énergumène a défié trop de monde et surtout UNE qu’il ne fallait pas… Lui et quelques uns de ses acolytes : des truands chevronnés sous le couvert de la politique, relèvent dès lors d’une Justice immanente qui se sert aussi volontiers de celle des humains… Je n’envie pas leur gloire passée et leurs facilités, ils vont les payer cher ! En fait, sous des masques et des apparences, nous sommes en plein dans la lutte des classes (pas seulement en France, en Europe, mais à l’échelle mondiale) et la bourgeoisie n’est pas sûre de la gagner cette fois. Elle a beau transformer son appétit de profit en intérêt collectif, bonne gouvernance et esprit de « responsabilité » : (risible mais dramatique), il y a multiplication des crises qui enfoncent dans le malheur et bafouent la démocratie. Jean-Jacques
REY
jj-pat-rey.com/INTERNET-TRIBUNE-LIBRE/index.html -
En
quatre articles -
Ce qui se cache sous l'IA ("Intelligence Artificielle") - En cinq articles - Quelques vérités dérangeantes concernant les arcanes de la Finance (*) _______________________________________________ Pourquoi la bulle de l’intelligence artificielle est condamnée à exploser Par James Meadway ; 17 septembre 2024 lvsl.fr/pourquoi-la-bulle-de-lintelligence-artificielle-est-condamnee-a-exploser/ [James
Meadway : auteur et économiste radical de Gauche :
critique par exemple des politiques d'austérité ; il est un
ancien conseiller de John McDonnell (: syndicaliste et homme
politique britannique, membre du Parti travailliste) et a été
économiste en chef à la New Economics Foundation. Il
critique en général le néolibéralisme et propose des principes
économiques axés sur la justice sociale, la démocratie et la
durabilité, comme le résume McDonnell. Meadway considère que la
crise de Covid-19 pourrait marquer un tournant dans le
capitalisme, accélérant des tendances déjà présentes et
remettant en question le néolibéralisme. Il a enseigné
l'économie aux universités SOAS, Cambridge, Sussex et City, et a
publié de nombreux articles sur la politique et la théorie
économiques dans les journaux New Statesman, Guardian,
Jacobin, Tribune et Novara.]
Depuis le lancement de ChatGPT, il y a bientôt deux ans, les grandes entreprises de la Silicon Valley ne jurent plus que par l’intelligence artificielle. Pendant un an et demi, leurs promesses d’une nouvelle révolution technologique grâce à l’IA ont séduit les investisseurs, qui ont parié énormément d’argent sur ces outils. Mais la bulle spéculative est condamnée à exploser, un premier avertissement ayant eu lieu sur les marchés financiers en août. Dès les prochaines années, les quantités de données et de ressources physiques nécessaires à l’IA risquent en effet de manquer. Début août, les sept plus grandes entreprises technologiques américaines ont perdu une valeur combinée de 800 milliards de dollars, les investisseurs ayant liquidé leurs actions dans un mouvement de panique soudain face à l’imminence d’une récession aux États-Unis et à la prise de conscience progressive que la « révolution de l’IA » tant attendue avait été spectaculairement surestimée. Ce marasme boursier est venu couronner 18 mois extraordinaires qui ont suivi le lancement, en décembre 2022, du modèle génératif de langage ChatGTP appartenant à la société Open AI, dont la capacité à produire des écrits et des conversations semblables à ceux d’un être humain a surpris le monde entier. Malgré un rebond partiel des valorisations en bourse depuis août, le sentiment de malaise qui s’installe, à savoir que l’IA ne sera pas à la hauteur de l’extraordinaire battage médiatique qu’elle a suscité, ne s’est pas dissipé pour autant. Goldman Sachs et la banque ING ont ainsi récemment publié des rapports mettant en garde contre les coûts excessifs et les avantages limités de l’IA. Cet engouement de la financer pour l’IA avait fini par atteindre des sommets caricaturaux. De vaines spéculations sur une éventuelle « conscience » des machines et la perspective imminente d’un superordinateur tout-puissant – ce que l’on appelle l’intelligence artificielle générale – ont été incessamment alimentées par des prophètes de l’IA tels que Sam Altman, PDG d’OpenAI. Cela a bien sûr contribué à faire grimper les valorisations de sa propre entreprise et bien d’autres dans le domaine de la technologie à des niveaux extraordinaires. Le concepteur de puces Nvidia, dont les semi-conducteurs et cartes graphiques ont été réorientés des jeux vidéo vers les applications d’intelligence artificielle, est ainsi brièvement devenu, en juin dernier, l’entreprise la plus valorisée au monde, ses puces essentielles au processus d’« entraînement » des modèles d’intelligence artificielle à partir d’énormes quantités de données étant en pénurie face à la demande. Pour comprendre pourquoi l’IA est une bulle, il est essentiel de comprendre qu’elle n’est qu’une extension de technologies déjà existantes et très familières. Depuis deux décennies, le modèle économique de base du secteur technologique repose sur la collecte et le traitement d’énormes quantités de données produites par les utilisateurs, ce qui permet d’obtenir des informations précieuses sur le comportement des consommateurs, qui sont vendues aux professionnels du secteur publicitaire. Avec l’arrivée des smartphones à la fin des années 2000, toute une infrastructure technologique s’est rapidement mise en place pour permettre la collecte impitoyable, minute par minute, des données des utilisateurs. Aujourd’hui, 5,35 milliards de personnes sont en ligne, soit plus que les 4,18 milliards qui ont accès à des toilettes à domicile. Cette agrégation ahurissante de données humaines constitue une partie de la matière première de l’IA. Associée à des processeurs spécialisés, du type de ceux fournis par Nvidia, la quantité de données est aujourd’hui si importante que de nouvelles applications jusqu’alors irréalisables peuvent être développées – la plus frappante étant la création de logiciels informatiques apparemment capables de tenir une conversation. À nos yeux humains, les résultats peuvent paraître presque magiques : l’ordinateur intelligent pouvant converser avec un humain est un vieux rêve de science-fiction. Dans le même temps, d’incroyables créations artistiques sont à la portée de quelques clics. Il n’est donc pas surprenant que l’IA ait suscité un engouement aussi extraordinaire. Mais elle reste, fondamentalement, une extension de l’industrie de l’extraction de données dans laquelle nous nous sommes tous empêtrés au cours des deux dernières décennies. Le volume de données extraites est désormais tel que des résultats relevant de la science-fiction semblent aujourd’hui possibles. Mais parce qu’il s’agit d’une industrie extractive, et parce qu’elle doit fonctionner à une échelle aussi vaste, il y a des limites strictes à ce que les technologies actuelles de l’IA peuvent faire. C’est ainsi que la valorisation boursière des entreprises technologiques dépasse largement la réalité économique, créant les conditions d’une bulle spéculative classique. Le premier obstacle est l’épuisement de la matière première que constituent les données humaines. Selon un calcul publié dans le Wall Street Journal, l’IA sera à court de données provenant de l’ensemble de l’internet et produites par l’ensemble de l’humanité dès 2026. Les entreprises spécialisées dans l’IA ont donc pris l’habitude d’utiliser des données générées par l’IA pour essayer d’entraîner leurs machines ! Mais cela produit ce qu’un récent article universitaire a appelé « l’effondrement du modèle » : L’IA cesse de fonctionner lorsqu’elle doit se nourrir d’elle-même. Et plus l’internet sera inondé de « déchets d’IA », moins l’IA sera utile. Un scénario qui met en doute la survie même de l’IA selon le spécialiste Corey Doctorow. À l’autre extrémité de la machine d’extraction de données se trouve l’infrastructure matérielle nécessaire pour faire fonctionner ses algorithmes. Cependant, plus les ordinateurs qui exécutent les logiciels sont alimentés en données, plus ils deviennent gourmands en ressources. Les centres de données se multiplient dans le monde entier pour répondre à la demande : Microsoft ouvre actuellement un nouveau datacenter quelque part sur la planète tous les trois jours. Or, ces datacenters exigent d’énormes ressources. Ainsi, un centre de données moyen de Google consomme autant d’électricité que 80.000 ménages. En Pennsylvanie, un complexe de serveurs d’Amazon dispose ainsi d’une centrale nucléaire dédiée à son alimentation en électricité. Pour maintenir au frais ces serveurs bourdonnants, il faut d’énormes volumes d’eau : un nouveau centre de données à grande échelle consomme en général la même quantité d’eau par jour que 40.000 personnes. Il n’est donc pas étonnant que, du Chili à l’Irlande, les protestations contre ces monstres commencent à se multiplier. En Grande-Bretagne, les plans d’expansion rapide de l’IA récemment annoncés par le gouvernement travailliste risquent de se heurter de plein fouet à des réserves d’eau déjà très sollicitées. Il existe donc des limites strictes à ce que cette génération d’IA est susceptible d’apporter et cela signifie que la bulle éclatera de nouveau : la réalité ne peut pas être à la hauteur du battage médiatique. Avant qu’elle ne s’effondre, certaines applications réellement utiles dans le domaine médical, par exemple, seront supplantées par la production de « déchets » à but lucratif et, plus inquiétant encore, par l’extension rapide des technologies de l’IA à des fins militaires, comme le tristement célèbre système israélien « Lavender », utilisé pour générer des milliers de cibles pour les forces de défense israéliennes dans la bande de Gaza. .../... _______________________________________________ Qu’est-ce que l’IA ? Illusions numériques, fausses promesses et rééducation de masse Publié le 26 août 2024. Article de Brandon Smith du 10 Août 2024. Traduit par Hervé pour le Saker Francophone lesakerfrancophone.fr/quest-ce-que-lia-illusions-numeriques-fausses-promesses-et-reeducation-de-masse [Brandon
Smith est un journaliste d'investigation dans une forme
traditionnelle de responsabilité. Il a utilisé des documents
pour publier des articles sur la brutalité policière, la
surveillance des militants, la santé publique et la pollution,
le monopole et les dépenses militaires. Son travail a été publié
dans The Guardian, Al Jazeera, The Daily Beast, In These
Times et le Chicago Reader. Il a été l'un des
premiers journalistes à utiliser des outils de cryptage pour
communiquer... Il a enseigné la sécurité des sources à des
étudiants de premier cycle et des cycles supérieurs de la Medill
School of Journalism de la Northwestern University.
Il a souvent enseigné aux avocats la loi sur la liberté
d'information pour obtenir des crédits de formation juridique à
New York, dans l'Illinois et en Allemagne. Etc.]
Au cours des cinq dernières années, le concept d’intelligence artificielle a fait l’objet d’une grande fanfare, à tel point que sa primauté est considérée dans les médias comme une évidence. L’idée que les algorithmes peuvent “penser” est devenue un mythe omniprésent, un fantasme de science-fiction qui prend vie. La réalité est beaucoup moins impressionnante… Les globalistes du Forum économique mondial et d’autres institutions élitistes nous répètent sans cesse que l’IA est le catalyseur de la “quatrième révolution industrielle“, une singularité technologique censée changer à jamais tous les aspects de notre société. J’attends toujours le moment où l’IA fera quelque chose de significatif en termes d’avancement des connaissances humaines ou d’amélioration de nos vies. Ce moment n’arrive jamais. En fait, les globalistes ne cessent de déplacer les poteaux d’affichage de ce qu’est réellement l’IA. Je note que les zélateurs du WEF [Forum économique mondial] comme Yuval Harari parlent de l’IA comme s’il s’agissait de l’avènement d’une divinité toute puissante (je discute du culte globaliste de l’IA dans mon article “Intelligence Artificielle : Un regard séculaire sur l’antéchrist numérique“). Pourtant, Harari a récemment minimisé l’importance de l’IA en tant qu’intelligence sensible. Il affirme qu’elle n’a pas besoin d’atteindre la conscience de soi pour être considérée comme un super être ou une entité vivante. Il suggère même que l’image populaire d’une IA de type Terminator, dotée d’un pouvoir et d’un désir individuels, n’est pas une attente légitime. En d’autres termes, l’IA telle qu’elle existe aujourd’hui n’est rien de plus qu’un algorithme sans cervelle, et ce n’est donc pas de l’IA. Mais si tous les aspects de notre monde sont conçus autour d’infrastructures numériques et que l’on apprend à la population à avoir une foi aveugle dans l’“infaillibilité” des algorithmes, alors nous finirons par devenir les dieux robots que les globalistes appellent de leurs vœux. En d’autres termes, la domination de l’IA n’est possible que si tout le monde CROIT que l’IA est légitime. Harari admet essentiellement cet agenda dans le discours ci-dessus. L’attrait de l’IA pour le commun des mortels réside dans la promesse de se libérer de tout souci ou de toute responsabilité. Comme tous les narcissiques, l’élite globaliste aime simuler l’avenir et acheter la conformité populaire en promettant des récompenses qui ne viendront jamais. Oui, les algorithmes sont actuellement utilisés pour aider les profanes à faire des choses qu’ils ne pouvaient pas faire auparavant, comme construire des sites web, réviser des dissertations, tricher aux examens universitaires, créer de mauvaises œuvres d’art et du contenu vidéo, etc. Les applications utiles sont rares. Par exemple, l’affirmation selon laquelle l’IA “révolutionne” le diagnostic et le traitement médicaux est tirée par les cheveux. Les États-Unis, le pays qui a sans doute le plus accès aux outils d’IA, souffrent également d’une baisse de l’espérance de vie. Nous savons qu’il ne s’agit pas de la Covid, car le virus a un taux de survie moyen de 99,8 %. On pourrait penser que si l’IA est si puissante dans sa capacité à identifier et à traiter les maladies, l’Américain moyen vivrait plus longtemps. Il n’existe aucune preuve d’un avantage unique de l’IA à une échelle sociale plus large. Tout au plus, il semble qu’elle permette de supprimer des emplois de développeurs web et d’employés de McDonald’s au “Drive”. L’idée globaliste selon laquelle l’IA va créer une renaissance robotique de l’art, de la musique, de la littérature et de la découverte scientifique est totalement absurde. L’IA s’est avérée n’être rien de plus qu’un outil de commodité médiocre, mais c’est en fait la raison pour laquelle elle est si dangereuse. Je soupçonne le WEF d’avoir changé ses idées sur ce que l’IA devrait être parce qu’elle ne répond pas aux aspirations délirantes qu’il avait à l’origine pour elle. Ils attendaient qu’un logiciel prenne vie et commence à leur donner des informations sur les mécanismes de l’univers, et ils commencent à se rendre compte que cela n’arrivera jamais. Au lieu de cela, les élitistes se concentrent de plus en plus sur la fusion du monde humain et du monde numérique. Ils veulent fabriquer la nécessité de l’IA parce que la dépendance de l’homme à l’égard de la technologie sert les objectifs de la centralisation. Mais à quoi cela ressemblerait-il en réalité ? Eh bien, il faut que la population continue à devenir plus stupide tandis que l’IA s’intègre de plus en plus à la société. .../... Mais nous devons aussi commencer à prendre en compte le nombre d’enfants qui suivent leur scolarité en utilisant ChatGPT et d’autres outils de triche. Ils n’ont pas besoin d’apprendre quoi que ce soit, l’algorithme et la caméra de leur téléphone portable font tout pour eux. Cette tendance est inquiétante, car les êtres humains ont tendance à emprunter le chemin le plus facile dans tous les aspects de la survie. La plupart des gens ont cessé d’apprendre à cultiver leur nourriture parce que l’agriculture industrielle le fait pour nous. Ils ont cessé d’apprendre à chasser parce qu’il y a des abattoirs et des camions frigorifiques. Aujourd’hui, de nombreux Zennials sont incapables de se faire à manger parce qu’ils peuvent recevoir des plats à emporter à leur porte à tout moment. Ils ne parlent presque plus au téléphone et ne créent plus de communautés physiques parce que les textos et les médias sociaux sont devenus les intermédiaires de l’interaction humaine. .../... L’IA ne sait pas tout ; elle ne sait que ce que ses programmeurs veulent qu’elle sache. Elle ne vous donne que les informations que ses programmeurs veulent que vous ayez. Les globalistes l’ont bien compris et ils sentent bien le pouvoir qu’ils auront si l’IA devient une plateforme éducative de premier plan. Ils y voient un moyen d’inciter les gens à abandonner le développement personnel et la pensée individuelle. .../... Voyez les choses sous cet angle : Si tout le monde commence à se tourner vers l’IA pour obtenir des réponses à toutes ses questions, alors tout le monde recevra exactement les mêmes réponses et arrivera exactement aux mêmes conclusions. Tout ce que l’IA a à faire, c’est de censurer activement toute information qui contredit le récit officiel. .../... Le pouvoir en place n’a même pas besoin de censurer ou de supprimer directement les informations qu’il n’aime pas. Il leur suffit de laisser l’algorithme dicter les résultats de recherche et d’enterrer la vérité à la page 10 000, là où personne ne la cherchera. .../... L’IA peut définitivement être contrôlée, ou du moins modelée par le codage pour promouvoir la propagande que les programmeurs veulent qu’elle promeuve. Il n’existe pas d’IA autonome ; il y a toujours un agenda. .../... _______________________________________________ Antonio Casilli : « La menace d’un grand remplacement par les robots est une manière d’assurer la discipline » Par Baptiste Laheurte ; 12 avril 2023 lvsl.fr/antonio-casilli-la-menace-dun-grand-remplacement-par-les-robots-est-une-maniere-dassurer-la-discipline/ Le récent
engouement autour de ChatGPT a de nouveau ravivé
l’éternel débat sur la fin à venir du travail humain, remplacé
par des intelligences artificielles et des robots. Pour le sociologue Antonio Casilli,
auteur de "En attendant les robots : Enquête sur le
travail du clic (Seuil, 2019)", ces annonces
relèvent surtout d’un discours téléologique vénérant
excessivement le progrès et de slogans marketing. Ayant
étudié finement le fonctionnement concret de ces outils
digitaux, il montre combien ceux-ci s’appuient sur du
travail humain, généralement gratuit ou très mal rémunéré et
reconnu. Plus qu’une disparition du travail, nous
devons selon lui craindre, une plus grande précarisation
et atomisation de celui-ci.
LVSL : Les médias spéculent régulièrement sur une fin à venir, sans cesse repoussée, du travail humain. Par exemple, en relayant l’étude The future of employment: how susceptible are jobs to computerization qui voudrait que 47% des emplois soient susceptibles d’être automatisés. Comme le titre de votre ouvrage semble l’indiquer (En attendant les robots), vous ne partagez pas cette analyse. Pourquoi ? A. Casilli : Pour commencer, le titre n’est pas de moi. Ce n’était censé être à la base qu’un des chapitres de cet ouvrage, en l’occurrence le dernier. Cette référence renvoie à deux ouvrages majeurs : d’une part la poésie de Kavafys « En attendant les barbares » et de l’autre la pièce de Beckett « En attendant Godot », deux œuvres majeures du XXe siècle dans lesquelles on évoque une menace qui n’arrive jamais. Il s’agit d’une présence transcendante expliquant l’ambiguïté qui demeure aujourd’hui sur ce type d’automatisation qu’on attend tantôt avec impatience, tantôt avec crainte, mais qui finit toujours par être repoussée. Moi-même, dans ma jeunesse j’ai eu droit aux vagues de rhétorique sur la fin du travail, à travers notamment l’ouvrage « La fin du travail » de Jeremy Rifkin (1995), qui annonçait la même chose que l’étude de Frey et Osborne dans « The future of employment ». Le message revenait à dire que l’automatisation anticipée allait être telle qu’un nombre important d’emplois disparaitrait sous peu, selon une logique de substitution. Mais si l’on avait face à nous une personne qui aurait vécu par exemple depuis le début du XIXe siècle, elle aurait pu témoigner de rhétoriques et de prophéties comparables parce qu’il n’a pas fallu attendre les intelligences artificielles pour se retrouver face à ce type d’annonces. Ce type de communication s’adresse avant tout aux investisseurs, dotés de ressources matérielles et d’un imaginaire constamment sollicité. L’investisseur est une personne qui doit, comme disait Keynes, se soumettre aux esprits animaux, se démarquer et les suivre dans une espèce de quête chamanique. De l’autre côté, ce discours s’adresse aussi à une force de travail qui a besoin d’être disciplinée. Dans ce contexte-là, la menace d’un grand remplacement par les robots est une manière d’assurer la discipline en les ramenant à une condition purement machinique, à un travail sans qualité, sans talent, sans compétences. C’est donc une manière de déprécier ce travail et de démontrer son inutilité alors qu’il s’agit bien d’un travail nécessaire. C’est en me concentrant sur ce travail vivant nécessaire qui nourrit la nouvelle vague d’innovation qui émerge avec les intelligences artificielles au début du XXIe siècle, en montrant « l’essentialité » (c’est-à-dire le fait qu’ils requièrent du travail humain, ndlr) de ces métiers de la donnée, que je m’efforce de montrer que l’innovation n’est pas forcément destructrice de travail. Plutôt elle déstructure l’emploi – ou en tous cas la version formalisée et protégée du travail, qui cesse alors d’être un travail encadré selon des principes établis par de grandes institutions internationales comme l’OIT. Ces avancées technologiques rendent le travail de plus en plus informel, précaire, sujet à un ensemble de variabilité et de fluctuations qui répondent autant au marché classique qu’à un nouveau type de marché, celui des plateformes, qui ont leurs propres fluctuations, dues à des logiques moins économiques qu’algorithmiques. .../... Là, on est face à une organisation plus compliquée et à des micro-marchés, des marchés de niche qui sont réalisés ad hoc, créés par l’algorithme même. Pour terminer, le type de protection sociale qui allait de pair avec le fordisme-taylorisme a été complètement abandonné pour la raison qu’on ne se trouve pas dans une situation dans laquelle il faut assurer un salaire stable afin que ces employés puissent se permettre de consommer la production même de leur propre usine ou de leur entreprise. Aujourd’hui, ce n’est pas à Uber de s’occuper de donner suffisamment d’argent à une personne pour qu’elle puisse s’offrir des produits ou des services Uber. Il y a effectivement une séparation totale entre ces deux aspects, ce qui débouche sur un travail beaucoup moins protégé, qui offre beaucoup moins de certitudes quant à son existence même et à son activité, donc à sa rémunération. En outre, cela génère moins de protection sociale du point de vue de l’assurance, de la carrière, de la formation, de la retraite, et ainsi de suite. Tout ce qui faisait l’équilibre sociopolitique dans la deuxième moitié du XXe siècle – du moins dans les pays du Nord – est aujourd’hui laissé de côté et les plateformes qui produisent l’intelligence artificielle et qui se basent sur ce concept de « digital labour » sont finalement la réalisation et l’achèvement ultime de l’idéal néolibéral du chacun pour soi et du travail pour personne. .../... _______________________________________________ Plateformes numériques : une nouvelle exploitation des travailleurs par les multinationales Crise Sociale. 6.novembre.2023. Les Crises Source : Jacobin, Vitor Filgueiras, Veena Dubal. Traduit par les lecteurs du site Les-Crises les-crises.fr/plateformes-numeriques-une-nouvelle-exploitation-des-travailleurs-par-les-multinationales/ [Vitor
Filgueiras est professeur d’économie à l’université
fédérale de Bahia. Actuellement, il est également gestionnaire
de programmes à la FUNDACENTRO, la fondation pour la santé et la
sécurité du ministère brésilien du travail. Veena Dubal est
professeur de droit et (par courtoisie) d’anthropologie à
l’université de Californie, à Irvine, où elle étudie la
technologie, le travail et le travail précaire.]
Des entreprises comme Uber et iFood affirment qu’elles sont des « plateformes » plutôt que des employeurs et qu’elles ne devraient pas être assujetties au droit du travail. C’est absurde : les plateformes ne sont que des outils numériques. Et comme beaucoup d’autres outils dont se servent les entreprises sur les lieux de travail, elles portent préjudice aux travailleurs. .../... Le président Joe Biden et le président brésilien Lula da Silva ont récemment signé un « partenariat US-Brésil pour les droits des travailleurs », qui a fait la une de l’actualité au Brésil, mais qui a été à peine remarqué aux États-Unis. Cet accord aux allures anodines a pour but de renforcer les normes mondiales en ce qui concerne la transition vers les énergies renouvelables, le recours aux technologies et la transparence des chaînes d’approvisionnement. Mais pour atteindre ces objectifs, il faudra repenser fondamentalement la place des plateformes numériques dans la conception future du travail et accorder une attention particulière à la santé et au bien-être des travailleurs lors de la mise en place de nouvelles technologies et face aux risques professionnels. Tant au Brésil qu’aux États-Unis – deux des plus grands marchés mondiaux pour les entreprises de livraison et de covoiturage – les employeurs mènent une campagne vigoureuse pour faire adopter des lois qui mettent en péril les finalités du partenariat ainsi que la santé et la sécurité de dizaines de millions de travailleurs actuels et futurs. .../... Les dix dernières années de violence infligée aux travailleurs par l’intermédiaire de ces plateformes sont riches d’enseignements au regard du partenariat américano-brésilien sur le travail. Elles montrent qu’il est urgent de rejeter les discours fallacieux des entreprises et d’adopter (et d’étendre) les protections en matière de santé et de sécurité sur les lieux de travail, et ce, à l’échelle mondiale. Les plateformes sont des machines, pas des entreprises Le mythe des
plateformes, qui gagne du terrain dans le monde entier, veut que
ces entreprises ne soient que des intermédiaires technologiques
qui mettent en relation des fournisseurs (travailleurs
indépendants ou entrepreneurs) avec des clients. Selon ce
narratif, les « plateformes » – par exemple Uber, Rappi,
DoorDash, iFood – ont redessiné la relation entre
les acteurs, créant un nouveau secteur économique et de
nouvelles relations de travail. Mais comme en ont conclu de
récentes décisions judiciaires au Brésil et aux États-Unis
(ainsi qu’au Royaume-Uni, en France, en Suisse, aux Pays-Bas, en
Uruguay, en Nouvelle-Zélande et dans de nombreux autres pays),
rien ne saurait être plus éloigné de la vérité.
Plutôt que de redessiner les relations économiques, ces entreprises ne font que confirmer en fait les inégalités de pouvoir qui existent entre les employeurs et les employés, en reportant les risques sur les travailleurs précaires. Mais surtout, les plateformes ne sont pas des entreprises et ces sociétés ne créent pas un nouveau secteur économique (que nous l’appelions économie de petits boulots, de partage ou de plateforme). La plateforme – comme l’égreneuse à coton ou la courroie transporteuse – doit être comprise comme un moyen de production qui, lorsqu’il est employé par une société, est un outil du capital : une machine (numérique) ou un dispositif technologique utilisé par les entreprises pour la gestion des affaires et de la main-d’œuvre. En effet, les plateformes sont utilisées pour gérer les travailleurs qui, à leur tour, utilisent d’autres moyens de production (voitures, vélos, etc.) pour augmenter la productivité du travail et réduire les coûts de l’entreprise, en répercutant ces coûts sur les travailleurs individuels et en précarisant des secteurs entiers de ce qui était autrefois des emplois sûrs (voire syndiqués). À l’instar des machines d’usine qui rendent le travail routinier, mais avec une sophistication technique bien plus grande, les plateformes sont utiles aux entreprises parce qu’elles peuvent être programmées pour traiter des données hautement personnalisées et, en conséquence, embaucher, contrôler, payer, menacer, promettre, inciter, punir et licencier. C’est précisément parce que entreprises et plateformes sont souvent amalgamées ou considérées comme interchangeables que les énormes risques liés au travail géré par les plateformes sont souvent méconnus ou non compris. Les conséquences s’en sont révélées mortelles. En ne régulant pas les plateformes comme étant des machines et en les prenant pour des entreprises, on a laissé la gestion du travail au bon vouloir arbitraire des entreprises, leur permettant de concevoir et d’exploiter des plateformes d’une manière qui accroît les risques pour le corps et l’esprit de millions de travailleurs dans le monde entier. L’avantage d’être une plateforme Yuri, un coursier à
moto de 24 ans de Salvador, au Brésil, a travaillé tout au long
de la pandémie, risquant sa propre santé et celle de sa famille
pour apporter de la nourriture aux personnes confinées. Bien
qu’il ait été considéré comme « un héros » par ceux qui
ont momentanément reconnu l’importance de ses sacrifices en tant
que « travailleur essentiel », cela
n’a pas empêché son patron – iFood – de lui
dénier toute aide quand en 2021 il a été blessé.
Touché par une balle perdue alors qu’il effectuait une
livraison, Yuri a été gravement blessé au bras et a perdu son
gagne-pain.
À peine quelques mois plus tard, Mandy, immigrée chinoise et chauffeuse Uber de longue date à Los Angeles, a été heurtée par une voiture venant en sens inverse alors qu’elle conduisait des étudiants universitaires à un dîner. Elle a été gravement blessée – physiquement et psychologiquement – et ne peut pas travailler depuis. Uber décline toute responsabilité et refuse de l’aider à couvrir ses pertes de salaire et ses frais médicaux. Les expériences tragiques de Yuri et Mandy en tant que travailleurs employés par une application sont loin d’être uniques. Au Brésil, une enquête récente financée par une start-up a découvert que 25 % des coursiers employés par l’application avaient eu un accident, 18 % avaient été victimes de racisme ou de violence sexiste et 8 % avaient, pendant leur journée de travail, été victimes de vols au cours des trois mois précédents. En ce qui concerne les conductrices et conducteurs, 15 % avaient eu un accident, 14 % avaient été victimes de racisme ou de violence sexiste et 9 % avaient été victimes de vols au cours de la même période. Les conclusions d’un autre rapport publié le mois dernier par FUNDACENTRO, un programme concernant la santé et la sécurité des travailleurs géré par le ministère brésilien du travail, font état de conditions de travail encore plus dangereuses : 58,9 % des chauffeurs et coursiers interrogés ont été victimes d’un accident de la circulation, d’une maladie, d’un vol, d’une agression (y compris sexuelle et raciale) ou d’une fusillade alors qu’ils travaillaient via des plates-formes. Aux États-Unis, où l’on trouve plus d’applications de livraison que dans n’importe quel autre pays du monde, de nouvelles recherches pointent vers le même constat : les chauffeurs et les coursiers travaillant via des plateformes sont souvent victimes d’accidents du travail et sont confrontés de manière disproportionnée à la violence au travail – y compris les violences sexuelles et raciales. Une étude américaine a révélé que sur les dizaines de chauffeurs et de coursiers assassinés au travail, 63 % étaient des travailleurs de couleur. Les femmes ont signalé un nombre anormalement élevé de situations dangereuses sur leur lieu de travail. Machines à réguler, plates-formes de régulation Jusqu’à présent, le
débat sur la manière de réglementer le travail géré par les
plateformes a été abordé sous l’angle de l’« ancien travail »
par rapport au « nouveau travail ». Toutefois, les futurs
modes de travail ont beaucoup à apprendre des efforts déployés
par le passé pour réglementer les « machines physiques ».
.../... Aujourd’hui, le mythe selon lequel les plateformes sont des entreprises – et non des machines de gestion de la main-d’œuvre – a conduit à un dangereux recul idéologique. Les travailleurs gérés par les plateformes sont pour la plupart classés à tort comme des auto-entrepreneurs. Cela permet aux entreprises de reporter la responsabilité du bien-être et de la sécurité des travailleurs sur les travailleurs individuels, qui sont gérés par des dispositifs numériques qui sont systématiquement conçus et exploités pour renforcer les tensions entre survie économique et sécurité physique. Il est inutile d’attendre des décennies pour réfléchir à la manière dont les machines numériques devraient être sécurisées ou pour déplorer le fait qu’elles auraient dû l’être plus tôt. Bien que les contours exacts du nouveau partenariat américano-brésilien sur le travail ne soient pas encore clairs, il constitue un outil central par lequel les dirigeants et les législateurs mondiaux peuvent agir rapidement pour sauver des vies et préserver les moyens de subsistance des populations. Une fois que nous reconnaissons que les entreprises ne sont pas des plateformes, il devient clair que ces sociétés doivent être traitées comme des employeurs, quels que soient les moyens de production qu’elles utilisent ; et que les plateformes elles-mêmes doivent être réglementées, comme toute autre machine ou moyen de production, afin d’être plus sûres pour ceux qui interagissent avec elles. .../... _______________________________________________ _______________________________________________ Comment les « fonds vautours » dépècent les États surendettés Par Benjamin Lemoine ; 24 octobre 2024 lvsl.fr/comment-les-fonds-vautours-depecent-les-etats-surendettes/ [Benjamin
Lemoine : sociologue du politique, chercheur au CNRS et au
centre Maurice Halbwachs. Il est spécialiste de la dette
souveraine et de l’analyse des liens entre états et marchés
financiers globalisés, au sein de l’équipe Sociologie politique
de l’économie à l’Institut de recherche interdisciplinaire en
sociologie, économie et science politique. Il a publié L’ordre
de la dette, La démocratie disciplinée par la dette
(2022), et Chasseurs d’États (2024) aux éditions La
Découverte.]
Les difficultés financières du Sud global constituent une opportunité pour les « fonds vautours » pour empocher de très grosses plus-values. Leurs méthodes extrêmement agressives pour soumettre les États, judiciaires ou non, sont mêmes théorisées par un cabinet d’avocats new-yorkais. Dans son nouvel ouvrage "Chasseurs d’États. Les fonds vautours et la loi de New York à l’assaut de la souveraineté" (La Découverte), le sociologue Benjamin Lemoine plonge dans les arcanes de la finance et des cours de justice américaines pour décrypter les méthodes de ces rapaces de la finance… et les moyens de leur résister. Extrait. Ils se vivent comme des « chasseurs ». Leurs proies sont les « souverains ». Ils sont avocats et ont pour clients la haute finance ou des firmes multinationales à qui des États doivent de l’argent, qu’il s’agisse d’une dette impayée, d’une indemnité obtenue à la suite d’un procès ou d’un recours en arbitrage. L’un d’entre eux a rédigé le manuel du « bon » traqueur d’État, intitulé « À la poursuite des actifs protégés des débiteurs souverains ». Son auteur, Michael S. Kim, est spécialisé dans les disputes commerciales transnationales. Fondateur et principal associé du cabinet d’avocats new-yorkais Kobre & Kim LLP, diplômé de la faculté de droit de Harvard, cet ancien assistant au bureau du procureur général du district sud de New York (où il travaillait sur la criminalité en col blanc) met son expertise acquise au département de la Justice au service des entreprises et financiers qui cherchent à recouvrer leurs créances. De redoutables « chasseurs d’États » Les États
souverains constituent pour ces chasseurs, qui s’en prennent
aussi à des sociétés privées, l’espèce la plus redoutable des
débiteurs, et les poursuivre relève d’« un affrontement avec des
titans ». Pendant l’été 2005, les membres du cabinet Kobre &
Kim se sont rendus dans le Connecticut, où ils ont passé une
journée entière sur un champ de tir : « Nous nous occupons
de litiges et de procès très agressifs ; nous préférons donc
une activité qui s’accorde bien avec cette culture. Frapper
une petite balle blanche sur les greens de golf ne nous
convient pas vraiment », explique Kim à un journaliste du
New York Times en 2005. Le stand de tir est devenu
l’activité de prédilection pour les séminaires d’intégration de
nombreuses entreprises new-yorkaises. Finies les parties de
pêche et de softball. Les montants en jeu sont élevés, dépassant
la plupart du temps la centaine de millions, parfois plusieurs
milliards de dollars. Le lexique décrivant leur travail est
militaire : on parle de « campagnes d’exécution
». Il s’agit, en mobilisant tous les leviers de pression
imaginables, juridiques ou extra-juridiques, de contraindre
les États à transiger. En effet, si le créancier a le
droit pour lui, une décision de justice ou la sentence d’un
tribunal d’arbitrage, aucune force ne contraint les États à
payer. Dès lors, une armada est nécessaire pour
transformer un bordereau de justice en liquidités.
Depuis la fin des années 1990, le tableau de chasse mondial est fourni. Certains actifs saisis sont qualifiés de « trophées » en raison de leur valeur financière ou symbolique, matérialisant la punition et l’entrave infligées aux États. Un Falcon de la flotte du président de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso, attaché au sol dans un hangar de l’aéroport de Mérignac en Gironde. Une frégate argentine immobilisée au Ghana. Des huissiers de justice dépêchés pour tenter de saisir un satellite de l’État argentin ou pour bloquer un port commercial du Venezuela. Les comptes bancaires des ambassades gelés. La Federal Reserve de New York dans l’incapacité de transférer de l’argent depuis le compte de la Banque centrale d’Argentine pour honorer le paiement du gouvernement au Fonds monétaire international… Quand bien même ces saisies peuvent être levées dans certaines juridictions où elles sont entreprises, l’objectif a été atteint. Car ces raids légaux, délibérément spectaculaires, embarrassent, sinon humilient les États. Si les créanciers n’espèrent pas se rembourser intégralement par la saisie d’actifs, cette collecte provisoire finance leur procédure et, surtout, paralyse progressivement la cible. L’État débiteur voit peu à peu sa vie de souverain devenir impossible : ses partenaires commerciaux sont aussi visés et touchés, ses biens, ses transports sont placés sous surveillance et certains sont immobilisés. Tant que l’État pourchassé n’accepte pas de revenir à la table des négociations, avec eux en priorité, il éprouve de sérieuses difficultés à débourser son argent pour payer un autre créancier sans être menacé de confiscation. Jusqu’à ce qu’il craque. Tous les coups légaux sont permis pour mettre sous pression et étrangler financièrement le mauvais payeur et l’acculer au remboursement. En donnant libre cours à leur « instinct de chasseur », les créanciers finissent souvent par arracher le consentement de l’État débiteur à transiger et par en tirer profit. Depuis le début des années 2000, des centaines d’investisseurs étrangers ont poursuivi en justice plus de la moitié des États du monde, fait des recours en arbitrage pour réclamer des dommages et intérêts liés à un large éventail d’actions gouvernementales – des réglementations en matière environnementale ou de santé publique – considérées comme une remise en cause de leurs investissements financiers (en juillet 2024, on recensait 1 332 cas de recours contre les États, ndlr). Mais les réclamations devant les tribunaux portent aussi sur des dettes non honorées. La probabilité qu’une crise de la dette s’accompagne d’une action en justice est passée de moins de 10 % dans les années 1980 à plus de 50 % ces dernières années. Quand les États ne sont plus souverains face aux spéculateurs Cette industrie
du litige contre les États est dominée par un petit nombre de
fonds spéculatifs, des hedge funds, qui
sont entourés d’enquêteurs et d’informateurs très bien
renseignés, officiels ou officieux – dont la fonction est de traquer
les actifs de l’État endetté circulant dans le monde –,
ainsi que de spécialistes en relations publiques – qui se
démènent pour nuire à la réputation des mauvais payeurs
et, a contrario, polir l’image de victime des financiers auprès
des tribunaux et de l’opinion financière. Dans chaque opération
commando, il s’agit de faire face à la souveraineté des États,
c’est-à-dire d’affronter leur capacité à ne pas reconnaître des
droits au remboursement, à ne pas se plier au jugement des
tribunaux étrangers et à décider qu’une situation exceptionnelle
– crise économique, sociale ou politique – justifie d’ignorer
les promesses préalablement faites.
La plupart du temps, les détenteurs originaux des titres d’emprunt ou des indemnités arbitrales se sont délestés des créances ou du dossier et les ont revendus sur un marché de l’occasion, dit secondaire, découragés par le coût d’une procédure judiciaire de longue haleine ou éprouvant le besoin de nettoyer leur portefeuille. On le voit, la poursuite juridique est devenue financiarisée, transformant les litiges en supports d’investissement circulant sur un marché des affaires. Des consortiums réunissant financiers, avocats, spécialistes de l’information investissent dans des disputes et rachètent les créances « vacantes ». En Argentine, ces organisations financières sont devenues des ennemis publics : la présidente Cristina Kirchner comparait les fondos buitres, « fonds vautours », à des « terroristes financiers ». Si les hedge funds sont décrits comme des spéculateurs prospérant sur le cadavre des entreprises, des clubs de football ou des États au bord de la faillite, les milieux financiers parlent plus sobrement de « fonds procéduriers », d’activistes, spécialisés dans une classe d’investissements spécifique : la dette en détresse. La méthode est, a priori, simple et lucrative : mettre la main sur la créance d’un débiteur insolvable, revendue à bas prix, et le poursuivre par des moyens judiciaires et extrajudiciaires, par exemple via une campagne médiatique de dénigrement, jusqu’à l’astreindre au paiement et empocher le remboursement à un prix bien supérieur à celui de l’achat, auquel s’ajoutent les intérêts courus et les frais de justice. Si beaucoup se prétendent « chasseurs d’actifs souverains », peu ont un « historique de recouvrement » à faire valoir, me confie Kim. Les succès sont « extrêmement rares » : « Lorsque des clients (des investisseurs) engagent des avocats, presque personne ne demande : “Avez-vous déjà perçu des fonds ?”. » En face, les gouvernants des États-nations débiteurs ne sont pas des victimes ingénues. Il est donc fondamental pour ces fonds vautours de dégainer vite et de frapper par surprise, pendant le procès, avant même que la décision soit rendue. .../... À mesure que Wall Street est devenue la place financière incontournable du monde, les tribunaux de New York se sont imposés comme la chambre globale de règlement des litiges et de collecte des réclamations. La grande majorité des dettes en circulation, émises par des États émergents sous forme d’obligations, sont régies par le droit new-yorkais. Le tribunal du district sud de Manhattan, New York Southern District, le premier niveau hiérarchique de l’administration judiciaire étatsunienne (avant les tribunaux d’appel et la Cour suprême), est ainsi devenu un véritable centre de pouvoir global. .../... ______________________________________________ « L’idée que l’État pourrait “faire faillite” est brandie comme un épouvantail » 6 janvier 2025 par Malo Janin basta.media/idee-que-etat-pourrait-faire-faillite-est-brandie-comme-epouvantail-dette-publique-interview-Benjamin-Lemoine [-
Malo Janin : Apprenti journaliste en formation à l’ESJ de
Lille (École supérieure de journalisme).
- Benjamin Lemoine : sociologue du politique, chercheur au CNRS et au centre Maurice Halbwachs. Il est spécialiste de la dette souveraine et de l’analyse des liens entre états et marchés financiers globalisés, au sein de l’équipe Sociologie politique de l’économie à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sociologie, économie et science politique. Il a publié L’ordre de la dette, La démocratie disciplinée par la dette (2022), et Chasseurs d’États (2024) aux éditions La Découverte.] La dette publique de la France menace-t-elle notre stabilité financière ? L’austérité ou la faillite, est-ce la seule alternative ? Le sociologue Benjamin Lemoine décrypte la pression que les marchés financiers font peser sur les États. Entretien. Basta! : La France connaît une période d’instabilité politique suite à la dissolution de l’Assemblée nationale en juin, à la motion de censure contre le gouvernement Barnier en décembre, et au report du vote du budget. Cette situation peut-elle rendre le pays et la dette publique française plus vulnérable face aux marchés financiers ? Benjamin Lemoine : L’instabilité politique inquiète les marchés financiers. Ils craignent que le gouvernement français ne parvienne pas à mener à bien ses politiques d’austérité et que l’État soit dans l’incapacité de rembourser ses créanciers. Ce que les marchés redoutent le plus, c’est une situation où d’autres urgences, sociales, environnementales, politiques, seraient en position de faire vaciller le caractère sacré et prioritaires des engagements financiers vis-à-vis des prêteurs. Lors de ces séquences d’incertitude, les créanciers exigent une prime de risque avant de prêter et placer leur argent : les taux d’intérêt augmentent. Si, pour l’instant, il n’y a pas de signal d’alerte majeur, la France profite aujourd’hui moins que les autres pays émetteurs de la zone euro de la tendance à la baisse générale des taux d’intérêts. Pourrait-on imaginer un scénario à la grecque en France, comme quand, en 2010, une explosion du déficit public et de la dette publique grecques a conduit à une dégradation de la note grecque sur les marchés financiers, et a forcé le pays a prendre des mesures d’austérité très dures en échange de prêts et d’une assistance financière internationale ? A priori, non. Il faut prendre en compte des facteurs institutionnels : la France est un pays considéré comme « cœur » au sein de la zone euro, non seulement sur le plan économique mais aussi politique. Laisser la dette de la France dévisser, c’est prendre le risque d’éclatement de la zone euro. Tout le stress de marché sur la dette française pourrait être annulé par l’action de prêteuse en dernier ressort de la Banque centrale européenne (BCE). Mais des discours en off de banquiers centraux glanés par Le Monde laissent à penser que la technocratie européenne désire faire fonctionner la punition de marché sur la France, afin de donner une leçon à la population comme aux gouvernements et faire accepter les plans d’austérité. L’ironie du sort, c’est que le gouverneur de la Banque centrale grecque lui-même considère souhaitable que la France « souffre un peu » sur les marchés. Il y a des raisons idéologiques à cela. Pendant la pandémie, la BCE a racheté les dettes souveraines de la zone euro de façon inconditionnelle, ce qui laissait croire qu’il était possible de financer des projets politiques sans contraintes de marché. Et c’est justement cette émancipation potentielle qui pose problème aux élites. François Bayrou, à l’époque Haut Commissaire au Plan, expliquait qu’il était nécessaire de reconstruire un « récit civique » sur la dette, que le Covid était une parenthèse, et qu’il fallait se préparer au retour nécessaire à la réalité, soit selon lui l’ordre de marché indépassable. Alors qu’une infrastructure monétaire telle que la BCE pourrait neutraliser la contrainte de marché, les gouvernants veillent à ce que cela soit ignoré du débat public. Ils prétendent « coller au réel », alors qu’ils contribuent à en faire ignorer par la population une majeure partie. Pour les technocrates et principaux représentants politiques, les institutions monétaires européennes ne doivent être qu’un outil de stabilité financière. En effet, les dettes souveraines, en tant qu’actifs considérés comme « sans risques », sont utilisées comme une garantie pour des opérations plus juteuses. La haute finance utilise la dette publique comme une monnaie et a besoin de cette finance d’État. .../... Qu’entendez-vous par « goûts et dégoûts sociaux » des marchés ? La dette ne saurait s’analyser indépendamment des intérêts sociaux et politiques qu’elle sert. Les déficits eux-mêmes ont un caractère politique. Ils servent une politique de classe : celle des « caisses vides », par la baisse de cotisations patronales et de la fiscalité des plus aisés. Ceux auprès de qui la puissance publique emprunte et rémunère les intérêts de ses dettes. La classe épargnante mondiale se comporte comme une classe sociale, défendant des intérêts et une idéologie. Elle est en attente de certaines orientations gouvernementales, de budgets arbitrés en faveur du capital : peu d’inflation, peu d’imposition sur le patrimoine. Vendre la dette française c’est aussi vendre un horizon économique futur. Un exemple frappant : une note de JP Morgan de 1987 vantait aux investisseurs le taux élevé de chômage en France, car cela maintenait la pression sur les salaires et la mise en compétition des travailleurs. La peur de la dette sert-il à vos yeux la destruction de l’État social ? Évidemment, je ne suis pas dupe là-dessus. L’idée que l’État pourrait « faire faillite » est brandie comme un épouvantail pour rendre acceptable l’inacceptable : la redistribution des revenus du bas vers le haut. On voit à quel point la simple idée de rééquilibrer la fiscalité en mettant à contribution les hauts revenus a rencontré des obstacles au sein des derniers gouvernements. Et ce sera le cas de n’importe quel gouvernement pseudo-technique qui reconduit en fait le consensus du bloc bourgeois. Avec une fiscalité frappant tous les ménages de façon peu progressive, via la TVA, le Trésor devient une machine à emprunter et à proposer des supports d’accumulation financière pour les classes possédantes. La « main gauche », services sociaux, de l’État devient la variable d’ajustement de la « main droite », budget, finances. Cette dernière émet la dette souveraine et revendique le monopole du « fardeau » de maintenir une crédibilité de la dette auprès des marchés. Ce mécanisme va bien au-delà du simple récit de la peur, c’est une véritable ingénierie de domination bureaucratique, de discipline par la dette. Vous évoquez cette notion dans votre ouvrage "La Démocratie disciplinée par la dette". Qu’est-ce que cela signifie ? C’est l’idée que les gouvernements adaptent leurs politiques pour répondre aux attentes des détenteurs de capitaux. Cela passe par des réformes qui affaiblissent les services publics et alignent la société sur les objectifs financiers. Le projet ultime de la finance est de faire de chacun un petit détenteur de dette publique, par exemple via la capitalisation des retraites. Pourquoi ? Parce que, de la même façon que devenir propriétaire peut modifier votre idéologie, si votre retraite est liée à votre épargne personnelle, vous allez considérer comme légitime et indispensable d’avoir une dette publique financiarisée, compétitive, soutenable, et que l’austérité est la seule issue. Cela engagerait donc matériellement la majorité de la population dans ce système. .../... La confusion entre classe épargnante et classe dirigeante est d’origine. .../... _______________________________________________ Quand le dollar devient l’arme secrète de la stratégie chinoise Par maliweb - 30 Déc 2024. Source: cryptoast.fr - 29 décembre 2024 maliweb.net/international/quand-le-dollar-devient-larme-secrete-de-la-strategie-chinoise-3089678.html Face à une dette
américaine insoutenable et à un dollar toujours hégémonique, la
Chine déploie une stratégie audacieuse pour remodeler les flux
financiers mondiaux, tout en renforçant sa propre influence.
Cet article explore comment Pékin manipule le système du dollar
pour en prendre le contrôle à l’extérieur des États-Unis,
offrant ainsi aux pays émergents une alternative au modèle
américain.
Le déclin progressif du dollar : un changement de paradigme monétaire global Depuis 1945, le
dollar américain a dominé l’économie mondiale grâce à la
création du système monétaire international (SMI),
positionnant le billet vert comme monnaie de réserve
internationale. Cependant, sa part dans les réserves de
change mondiales a atteint son niveau le plus faible depuis 25
ans, laissant entrevoir de nouvelles évolutions pour les années
à venir.
.../...Après la Seconde Guerre mondiale, en 1944, le SMI est mis en place lors de la Conférence des Nations Unies à Bretton Woods. Les États-Unis, détenant 70 % des réserves d’or mondiales, imposent un système de parité fixe mais ajustable avec le dollar. Néanmoins, ce système commence à montrer des signes de faiblesse dès les années 1960, notamment en raison des déficits commerciaux et publics américains, entraînant de ce fait une augmentation des réserves en dollars et une dévaluation de la monnaie américaine. En 1971, face à cette crise, la convertibilité en or du dollar est suspendue, ouvrant la voie à une période de changes flottants. Cette décision a marqué la fin du système monétaire international tel qu’il avait été conçu après la Seconde Guerre mondiale et a entraîné une nouvelle ère où les monnaies sont désormais régies par les forces du marché plutôt que par des parités fixes. La double pyramide du crédit : clé de voûte de l’hégémonie du dollar américain À partir de
maintenant, il est possible de se financer grâce aux marchés
financiers, ce qui n’est plus une compétence réservée au
secteur bancaire. Toutefois, comme l’explique Jacques
Rueff dans sa théorie de la double pyramide du crédit,
ce mécanisme est instable, car il repose sur la confiance dans
un dollar sans ancrage solide à l’or.
De fait, dans ce système, les États-Unis financent leurs déficits en empruntant des capitaux étrangers, déposés dans des banques non américaines (première pyramide). Puis, ces banques, à leur tour, réinvestissent ces capitaux pour créer de nouveaux crédits en dollars, amplifiant la liquidité internationale (deuxième pyramide). Cette double création est à l’origine de la grande inflation des années 1970, faisant passer l’or de 33 dollars l’once à 800 dollars. Depuis cette époque, la capacité des banques non américaines à créer des dollars ex nihilo a presque disparu en raison des mécanismes des prêts interbancaires internationaux. Qu’est-ce que la dédollarisation ? Ce qu’il faut
comprendre ensuite, c’est que les devises ne quittent jamais
leur pays d’origine. Les banques doivent collaborer entre
elles pour accéder aux monnaies de leurs pairs. Par exemple, une
banque européenne doit déposer des fonds dans un compte
correspondant auprès d’une banque américaine afin de bénéficier
d’un réservoir de dollars liquides. Ce sont ensuite ces banques
correspondantes qui traitent les paiements internationaux pour
le compte de la banque émettrice.
Ce mécanisme joue ainsi un rôle central dans l’utilisation internationale du dollar, car il permet à des banques de toutes nationalités de participer au système financier américain sans avoir besoin d’établir de filiale bancaire sur le sol des États-Unis. Mais cela a également pour conséquence d’exposer les banques étrangères aux décisions réglementaires américaines (sanctions ou restrictions), puisque du jour au lendemain, la banque américaine correspondante peut refuser de recevoir les dollars ou de s’acquitter des ordres de transactions si la banque d’origine provient d’un pays sur la liste noire diplomatique des États-Unis. Pour ces raisons économiques, stratégiques et politiques, les BRICS cherchent une alternative au dollar hégémonique, qui donne une influence disproportionnée aux États-Unis sur l’économie mondiale. La Chine, nouvel architecte du flux global des dollars ? La Chine semble
avoir trouvé une solution audacieuse à ce problème en
structurant un système qui centralise le contrôle des flux
en dollars en dehors des États-Unis.
En attirant des capitaux d’épargnants excédentaires en dollars, comme l’Arabie Saoudite, la Chine utilise ses banques pour transformer ces fonds en prêts destinés à des entrepreneurs étrangers (notamment en Inde). En s’appuyant sur des sociétés chinoises à forte capacité de production, la Chine devient ainsi un acteur clé du financement global en dollars. Cela montre également une nouvelle dynamique dans le recyclage des pétrodollars, car les excédents pétroliers des pays du Golfe ne soutiennent plus directement l’économie américaine. Ces pays considèrent désormais la Chine comme une alternative fiable, permettant aux producteurs de stabiliser leur économie de manière similaire à ce qu’ils faisaient avec les bons du Trésor américains. Les réserves en dollars détenues par les banques centrales de Chine et de Hong Kong constituent un rempart efficace contre les crises de liquidité, car elles permettent de faire face à d’éventuelles pénuries de devises. Par ailleurs, le rôle stratégique de Hong Kong, qui maintient un taux de change fixe par rapport au dollar et investit massivement dans des bons du Trésor américain, lui permet de gérer les flux financiers de manière fluide. Cela facilite le recyclage de ces réserves en dollars sans provoquer de tensions avec la Réserve fédérale (Fed) ou le Trésor américain, qui n’ont ainsi aucune raison de s’opposer à ces mouvements financiers. Ce système, soutenu par une régulation chinoise centralisée et respectée, pourrait orienter et stabiliser les flux de dollars tout en renforçant l’influence de la Chine sur la finance internationale, sans risquer de faire exploser le système, comme l’a fait l’eurodollar dans les années 1970. Du dollar à l’or : la Chine prépare l’après-Bretton Woods II Avec l’abandon de la politique de convertibilité dollar-or le 15 août 1971, les États-Unis ont retrouvé une liberté totale pour s’endetter. En 2023, la dette publique avoisine les 33 442 milliards de dollars, soit 9 fois plus qu’en 1990. Le problème américain réside dans le fait que cette dette croît plus rapidement que l’économie, la rendant ainsi insoutenable à long terme et suscitant des inquiétudes. Cette réalité, la Chine l’a bien comprise, puisqu’elle a récemment entrepris de liquider massivement les dettes américaines qu’elle détenait. En effet, entre 2016 et 2023, la Chine a revendu 600 milliards de dollars d’obligations américaines, se classant désormais à la 2e place des détenteurs étrangers de la dette américaine, avec une créance d’environ 816 milliards de dollars. Cela pourrait ainsi marquer la fin de Bretton Woods II, avec une Chine qui cesse d’investir ses excédents commerciaux en dollars. Mais avant de lancer cette opération, Pékin a d’abord mis en place son propre système de cotation de l’or en yuan : le Shanghai Gold Exchange. En 10 ans, l’Empire du Milieu a remplacé environ un quart des bons du Trésor américain qu’il détenait par de l’or. Ses réserves d’or sont passées de 600 tonnes en 2010 à 2 235 tonnes à la fin de l’année 2023, plaçant ainsi la Chine au 6e rang mondial en termes de détention. De plus, en raison des sanctions financières imposées par le passé, les banques centrales ont progressivement réduit leurs réserves en dollars au profit de l’or, qui peut être stocké physiquement, excluant ainsi le risque de sanctions. .../... La réponse à la question de la future monnaie des BRICS pourrait bien être sous nos yeux : un dollar international dont l’émission serait, de facto, sous le contrôle de la Chine, avec Hong Kong comme centre névralgique. Cet arrangement offrirait une alternative stratégique aux pays émergents et aux États sous sanctions américaines, qui cherchent à contourner les contraintes imposées par Washington. Ces économies dynamiques, en quête de capitaux liquides pour financer leur développement, trouveraient dans ce système une solution pratique et flexible. Cette dynamique devrait conduire à une hausse de la demande de crédits en dollars, un besoin qui pourrait, à terme, exercer une pression à la hausse sur les taux d’intérêt de la monnaie américaine. L’approche chinoise, qui combine pragmatisme économique et maîtrise des flux financiers internationaux, lui permet ainsi de redessiner subtilement les contours de la finance mondiale tout en consolidant sa propre influence. .../... _______________________________________________ Les BRICS défient l'ordre occidental : la fin de l'hégémonie du dollar est enclenchée. Publié le 01/11/2024 par Jacques Sapir. elucid.media/politique/brics-defient-ordre-occidental-fin-hegemonie-dollar-enclenchee-jacques-sapir?mc_ts=crises [Jacques
Sapir : Docteur ès-sciences économiques (Paris 10, 1986) ;
économiste spécialiste de l'URSS ; professeur à l'Université de
Paris-X-Nanterre (en 1988) ; directeur d’études à l'École des
Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) : il y dirige
le Centre d'Études des Modes d'Industrialisation
(CEMI-EHESS) et assure la fonction de responsable de la
formation doctorale Recherches Comparatives sur le Développement
de l'EHESS. En outre il est enseignant à l’École de Guerre
Économique (Paris), professeur associé à la MSE-MGU (Université
Lomonossov, Moscou), directeur du CEMI-CR451, membre
étranger de l’Académie des Sciences de Russie. .../...]
Le 16e sommet des BRICS, qui s’est achevé le jeudi 24 octobre à Kazan, a été l’occasion d'importantes prises de décisions tant économiques que politiques. Il a notamment confirmé l’importance prise, et cela depuis plusieurs années, par cette organisation qui arrive désormais dans une phase de maturité. Sa capacité à fonder des institutions capables de concurrencer celles établies par les puissances occidentales et plus généralement les défis qu’elles lancent à la gouvernance économique (mais aussi politique) occidentale se doivent d’être remarqués. La présence de nombreux chefs d’État, outre ceux des pays membres, de délégations étrangères au niveau ministériel, mais aussi celle du Secrétaire Général des Nations-Unies, Antoñio Gutterez, témoignent de l’intérêt international que les BRICS suscitent. Ils sont devenus à l’évidence un des acteurs majeurs de la nouvelle multipolarité du monde, que ce soit dans le domaine du commerce international, de l’économie, ou de celui des relations politiques. Il faut alors revenir sur ce qu’est cette organisation, sur son importance pour la Russie (mais aussi pour la Chine et l’Inde), pour comprendre pourquoi ce 16e sommet était aussi important et pourquoi il a abouti à des résultats d’une telle importance. L’importance des BRICS et le poids de la Russie L’émergence des
BRIC, puis des BRICS et enfin des BRICS+ a été très probablement
l’événement le plus important de ces vingt dernières années.
L’acronyme BRIC – Brésil, Russie, Inde, Chine – a été
introduit dans notre langage populaire par Jim O’Neill,
économiste chez Goldman Sachs, il y a maintenant
plus de vingt ans. Ce groupe de pays a été rejoint en 2011 par
l’Afrique du Sud. Avec cet ajout, les pays BRICS
représentaient 26 % de la masse continentale mondiale et un
total du PIB mondial (en PPA) passant de 25,6 % en 2009 à 33,7 %
fin 2024. L’affirmation selon laquelle les BRICS
représentent les intérêts de la « majorité mondiale » y a
donc gagné en crédibilité.
1. Les BRICS au-dessus du G7 ? Le premier sommet
des BRICS s’est tenu en 2009 à Ekaterinbourg. Le fait que l’on
soit désormais au 16e sommet dément toutes les analyses qui
considéraient que ce groupe de pays n’était qu’une alliance de
circonstance, minée par des contradictions internes. L’adhésion
de quatre nouveaux pays en 2023 et les probables adhésions à
venir montrent le dynamisme et le pouvoir d’attraction
de cette organisation.
D’autre pays comme l’Indonésie ou la Malaisie (un gros producteur de microprocesseurs) pourraient rejoindre ce groupe dans les prochaines années. Le Premier ministre Datuk Seri Anwar Ibrahim a exprimé publiquement son souhait de voir la Malaisie rejoindre le club. L’Inde fait partie des BRICS. Or, l’élévation des liens entre l’Inde et la Malaisie, d’un simple partenariat stratégique renforcé (ESP) à un partenariat stratégique global (CSP), constitue une amélioration significative des relations entre les deux pays et plaide pour une adhésion au BRICS. Les deux pays amélioreront leurs relations bilatérales. De même, l’amélioration des relations avec la Chine plaide aussi en ce sens. Alors que la gouvernance économique mondiale devient de plus en plus complexe, la nécessité d’une meilleure coordination entre les BRICS, le G20 et le G7 devient elle aussi de plus en plus évidente. Cinq membres des BRICS – le Brésil, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud – font déjà partie du G20, et l’Arabie saoudite pourrait rejoindre les BRICS. Si l’Arabie saoudite confirme son adhésion, près d’un tiers du G20 sera composé de membres des BRICS. Dans le même temps, le G7, composé du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, du Royaume-Uni, des États-Unis et de l’Union européenne, représente 35 % du G20. Chaque groupe joue un rôle central dans la gouvernance économique mondiale. En représentant des économies émergentes influentes, les BRICS offrent une plateforme aux pays souvent sous-représentés dans les forums mondiaux. De plus, au travers de la Nouvelle Banque de Développement, les pays des BRICS se sont dotés d’un instrument important pour les investissements, mais aussi pour la stabilité financière des pays de l’organisation et de nombreux pays sympathisants. Les pays BRICS représentaient 26 % de la masse continentale mondiale et un total du PIB mondial (en Parité de Pouvoir d’Achat) passant de 25,6 % en 2009 à 32,2 % fin 2023. On constate que le poids économique des BRICS a donc dépassé celui du G7 en 2020. Si la part du G7 dans le PIB mondial représentait 46,8 %, elle est tombée à 29,08 % en 2024. Inversement, alors que les pays des BRICS représentaient 15,9 % du PIB mondial en 1992, aujourd’hui leur part est de 33,7 %. 2. Une modification substantielle du poids de la Russie Dans le même temps,
après avoir connu la grande dépression des années 1990, la
Russie s’est progressivement imposée comme une puissance
économique à l’échelle européenne. Après avoir connu une
chute spectaculaire dans les années 1990, la Russie a stabilisée
sa situation. Parmi les pays européens, elle a dépassé la part
de la France et du Royaume-Uni dès 2003, et dépassé l’Allemagne
en 2020.
Or, trop souvent, c’est l’image de la Russie des années 1990 que l’on garde à l’esprit. Pourtant, la croissance économique que le pays a connue, et qui n’a pas été altérée par les sanctions occidentales prises depuis la guerre en Ukraine, a été spectaculaire et a modifié la donne, du moins pour ce qui est de l’économie, sur le continent européen. En 2019, le pays était le 2e producteur mondial de platines, de cobalt et de vanadium, 3e producteur mondial d'or et de nickel, 4e producteur mondial d'argent et de phosphates, 5e producteur de minerai de fer et le 6e d’uranium et de plomb. La principale production de l'agriculture russe est les céréales. La Russie est ainsi le premier exportateur mondial de blé et le plus grand producteur d'orge, de sarrasin, d'avoine et de seigle, ainsi que le deuxième producteur de graines de tournesol. Naturellement, la Russie est le 1er exportateur de gaz (et détient les réserves les plus importantes au monde) et le 2e exportateur de pétrole. .../... Le 16e sommet des BRICS de Kazan devait donc permettre de revenir à la fois sur la dynamique de cette organisation, en la consolidant au travers d’un processus d’institutionnalisation et de consolidation interne, et sur celle de la Russie. La montée en puissance des BRICS signifie très probablement le basculement du monde dans une logique multipolaire, non plus comme représentation mais comme réalité. La remontée de la Russie en Europe, une remontée, qui a été trop longtemps masquée par des a priori tant idéologiques que politiques, change la balance des forces et impose de considérer la Russie comme un acteur majeur tant des relations sur le continent européen qu’à l’échelle mondiale, où sa capacité d’influence est largement démultipliée par celle des BRICS. On comprend donc l’importance de ce 16e sommet pour la Russie. Mais, du fait du conflit avec les États-Unis, il n’était pas moins important pour deux autres pays, la Chine et l’Inde. Si le conflit entre la Chine et les États-Unis est ancien, depuis environ un an, les relations entre l’Inde et les États-Unis se dégradent régulièrement. Cela a donné une nouvelle importance, pour ces deux pays, à leur participation aux BRICS. Les résultats du sommet des BRICS de Kazan Lors de ce sommet,
des décisions nombreuses ont été prises ; on en retiendra trois
: celle d’institutionnaliser une catégorie
des pays « partenaires » des BRICS, la création du système
BRICS-Clear pour faciliter les échanges entre pays
membres mais aussi partenaires sans passer par le Dollar
américain, et la création d’une compagnie qui prendra en
charge l’assurance et la réassurance des transactions et du
transport, la BRICS (Re)Insurance Company.
Ces trois décisions, qui étaient toutes poussées par la Russie,
mais avec l’assentiment plus ou moins fort des autres membres,
constituent le cœur des résultats de ce 16e sommet des BRICS.
.../... Une autre décision importante, celle de constituer un marché des BRICS pour les produits agroalimentaires (sur le modèle et en concurrence avec le marché de Chicago) sera analysée quand plus d’informations seront disponibles sur ce sujet. .../... L’institutionnalisation de la catégorie de « pays partenaires », pays qui pourraient bénéficier des infrastructures des BRICS et ainsi développer leur commerce avec les BRICS, mais sans participer directement au processus de décision ni devoir se conformer à certaines règles communes, apparaît comme une solution élégante aux problèmes soulevés par une poursuite rapide du processus d’adhésion entamé en 2023. .../... Le cas de la Turquie, un pays qui est formellement membre de l’OTAN et qui était jusqu’à ces dernières années considéré comme un allié des États-Unis, est naturellement d’un grand intérêt. Il est clair que ce pays joue désormais sa propre carte dans le jeu international. Sa décision de se rapprocher des BRICS semble motivée à la fois par une volonté d’équilibre politique mais aussi par une volonté d’équilibre économique, la Turquie anticipant une stagnation ou une baisse des ses échanges avec l’Union européenne et cherchant à s’ouvrir de nouveaux marchés dans le « Sud global ». La création de cette catégorie de « pays partenaires » a néanmoins abouti à étendre et à renforcer l’influence des BRICS en Asie. La présence de pays tels que l’Indonésie ou la Malaisie, ou encore à un autre niveau la Thaïlande et le Vietnam dans cette catégorie de « partenaires » implique que les BRICS, déjà dominants dans l’Asie du fait de la présence dans l’organisation de la Chine et de l’Inde, pourraient devenir hégémoniques dans cette zone. D'autre part, la présence du Nigeria et de l’Ouganda, venant après la présence de la République d’Afrique du Sud au sein des BRICS et l’adhésion en 2024 de l’Éthiopie et de l’Égypte, montre que cette organisation a désormais les moyens de devenir dominante sur le continent africain. Conclusion La mise en place de
trois des mesures décidées lors du 16e sommet des BRICS aura des
conséquences extrêmement importantes, tant immédiates qu’à long
terme, sur l’ensemble du système monétaire et économique
international.
Deux pays apparaissent comme les principaux bénéficiaires de ces mesures : la Chine et la Russie. Mais en réalité, tous les pays des BRICS et un certain nombre de pays associés, qualifiés de « partenaires » des BRICS, en profiteraient aussi à des degrés variables. Les bénéfices pour l’ensemble de ces pays seront une capacité renforcée de résister à des sanctions occidentales, un renforcement du commerce au sein de ce qu’il convient désormais d’appeler la « zone BRICS étendue », et une accélération du processus d’intégration régionale, au moins à l’échelle de l’Asie et de l’Afrique. La question est donc de savoir si cela conduira à une organisation du commerce en deux blocs antagoniques, ou si cela aboutira à une réorganisation des institutions du commerce mondial et de l’ordre monétaire international. Le fait que les pays des BRICS+ aient été poussés à une logique de contestation ouverte du monde dominé par « l’Occident collectif », alors qu’initialement ils cherchaient juste des modifications acceptables à ce même monde en dit tout autant sur la montée en puissance de ces pays que sur le manque d’intelligence politique et stratégique des élites politiques des pays du G-7 qui n’ont su, et sans doute pas voulu, leur accorder la place qui leur revenait logiquement dans les institutions internationales. Les BRICS ne se sont pas constitués d’emblée en alternative. Mais ils ont été découragés dans leurs tentatives pour faire évoluer les institutions héritières de Bretton Woods, par le silence, l’apathie ou la mauvaise foi des puissances occidentales. La logique d’affrontement actuelle est largement le produit de cette incapacité, ou de cette mauvaise volonté. Toute tentative pour renouer le dialogue devra en tenir compte, et surtout chercher à apurer le passif. Il n’est pas dit que les pays qui composent « l’Occident collectif » y soient prêts… .../... _______________________________________________ Nouvelle crise de la vie chère en Martinique : faut-il que tout change pour que rien ne change ? 17 octobre 2024. Par Jean-Michel Salmon. madinin-art.net/nouvelle-crise-de-la-vie-chere-en-martinique-faut-il-que-tout-change-pour-que-rien-ne-change/ [Jean-Michel
SALMON est Docteur en sciences économiques, Maître de
Conférences des universités, en poste à la Faculté de Droit,
d’Economie et de Gestion de l’Université des Antilles
depuis 1994. Il est membre actif du Comité Consultatif de l’Accord
de Partenariat Economique CARIFORUM-UE en tant que
représentant des milieux académiques de l’Union Européenne, il
est également un expert indépendant, auteur de nombreux rapports
pour les collectivités locales, les gouvernements et les
organisations internationales y compris l’Union Européenne,
l’OCDE et l’ONU. Ses centres d’intérêts scientifiques ont
démarré autour de la question du lien entre commerce
international et développement économique, et se sont
poursuivies sur les petites économies insulaires, les outre-mer,
les politiques communautaires, les relations entre l’UE et les
pays ACP, les négociations commerciales et les institutions
économiques internationales. .../...]
La vie est chère à la Martinique ; très chère, trop chère. Savez-vous pourquoi ? C’est parce que
nous sommes obligés, je dis bien obligés de n’acheter que
les marchandises européennes qui sont déjà chères,
par elles-mêmes et qui deviennent encore plus chères du fait
que, pour arriver jusqu’à nous, elles sont obligées de franchir
7000 km de mer en payant le fret le plus cher du monde.
Aimé Césaire, 24 février 1978,
Discours des Trois Voies ou des Cinq Libertés. Ne croyez-vous donc pas que ce serait une bonne chose que les Martiniquais aient le droit de commercer librement avec leurs voisins immédiats. L’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, les Antilles-Guyane. Est-ce qu’ils ne devraient pas par exemple, avoir le droit d’acheter à côté pour 9 F ce qu’à l’heure actuelle ils sont obligés d’acheter en Franc 18 F ou 20 F ? Et bien ça, ça s’appelle LA LIBERTÉ COMMERCIALE. La nouvelle crise de la vie chère en Martinique a atteint un paroxysme de violence. Y en aura-t-il d’autres, plus grands encore ? Comme il est de
coutume de dire, pour savoir où l’on va, il faut s’avoir
d’où l’on vient. Et regarder où vont (ou que font) les
autres. J’aimerais ici dès lors partager une double perspective
que nous apporte une réflexion dans le temps et dans l’espace.
Commençons par le lien avec l’Histoire contemporaine de la Martinique : la crise de la vie chère actuelle n’est en rien nouvelle, et elle n’est que la partie émergée de l’iceberg. Sa problématique fut très bien synthétisée par Michel Branchi, ex- commissaire de la Concurrence et de la Consommation en Martinique, dans un article publié en février 2009 à partir de la première grave crise de la vie chère, tandis que rien n’a changé depuis, à part le petit « BQP », véritable cache-sexe posé sur une réalité restée honteusement inchangée. Laquelle ? L’INSEE parle de 40 % d’écart moyen de prix avec l’hexagone, et déjà tous les opérateurs-affairistes sont venus nous expliquer les étapes de la chaîne logistique où chaque opérateur serait raisonnable, mais où, comme on dénombre 13 à 15 maillons de cette chaîne (et autant de marges au passage) en contexte de petite économie insulaire, ceci expliquerait cela. Rappelons en premier lieu que le calcul des 40% d’écart dans les prix alimentaires est sujet à caution : tout dépend de la manière dont on constitue le panier de consommation, base de la comparaison. Soit. Mais encore : la moyenne a bon dos ! Comment se fait-il que pour nombre de produits, on obtienne des écarts allant de 200 à 300% ? Est-ce uniquement lié au nouveau mode de facturation du transporteur maritime par forfait au container, et non plus par produit transporté, comme cela nous est gentiment expliqué ? On peut en douter. Ne serait-ce pas plutôt parce qu’il est aisé, dans le contexte de la Martinique, de prendre le consommateur local en otage ? Les différentes sessions de la table ronde qui se sont succédé depuis début septembre 2024 ont amené les différentes parties prenantes à travailler et s’engager conjointement sur les éléments constitutifs des prix, afin de les baisser : la taxe d’octroi de mer (dont les taux sont gérés par la CTM, en respect du cadre européen pris par la décision du Conseil), la TVA (décidée par l’Etat, là aussi en respect du cadre européen), les marges des opérateurs privés – transporteur maritime, transitaire, importateur, grossiste, distributeur… – qui souvent sont parvenus à se positionner en situation d’oligopole voire de monopole sur tout ou partie de la chaîne logistique (intégration dite verticale) et dont certains connaissent des résultats nets faramineux. La CGA-CGM, et ses 23.5 milliards d’euros de bénéfice mondial en 2022 ; ou encore le groupe GBH, créé en 1960, et sa place de 210ème au classement des plus grandes fortunes françaises, la sienne étant estimée à 300 millions d’euros. Rappelons que le rapport parlementaire du député Hajjar a mis en évidence en 2023 la grande opacité qui règne sur les comptes de la grande distribution qui refuse de publier ses comptes, en toute illégalité, au nom du « secret des affaires ». Relevons que cela n’empêche pas l’État d’en décorer le plus célèbre d’entre eux, du grade de Commandeur de la Légion d’honneur en 2011 puis plus récemment, sur décision du Président Macron, de celui de Grand Officier de la Légion d’honneur, en juillet 2024. Ce manque de transparence n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui qui caractérise le transport aérien vers les outre-mer, de nombreuses commissions parlementaires s’étant succédées sans grand résultat sur les pratiques tarifaires de la compagnie nationale, dont l’Etat est pourtant le plus grand actionnaire, toujours considérées à juste titre comme abusives par les populations antillaises, notamment quand les politiques de ‘yield’ management génèrent des pics tarifaires en haute saison, insupportables notamment pour les familles. Et de demander à l’État de faire un surcroît d’effort en matière de « continuité territoriale » dans le transport aérien, comme dans le transport alimentaire… Mais qui va payer le prix des marges pratiquées par tous ceux qui s’enrichissent grassement au passage ? Le contribuable français ? Nous reviendrons plus loin sur cette intéressante question. Mais poursuivons d’abord notre mise en perspective cette fois en matière de géographie. Nous sommes sommés d’avaler le bien-fondé des écarts parfois ubuesques de prix – pour la qualité, nous y venons dans quelques lignes – en en attribuant la cause à la petite insularité et au grand éloignement de nos outre-mer. Quel esprit raisonnable pourrait penser que les coûts de livraison, donc les prix de vente, puissent être les mêmes à Fort de France qu’à Nancy. Certes ! Et pourtant. Venons-en maintenant à LA racine profonde du conflit, tant « sé déyè lanmè ki ni lanmè ». Elle est simple : elle réside dans la persistance d’une grande pauvreté-précarité en Martinique, associée aux effets d’hystérèse de l’esclavage colonial. La combinaison structurelle des deux conduit à l’absence totale de justice économique dans ce pays, malgré la perfusion budgétaire dont il bénéficie. En réalité, de facto, cette perfusion aggrave les inégalités. Expliquons-nous en partageant quelques éléments d’analyse historico-sociologique et politico-économique de la société martiniquaise : cette dernière se constitue d’une pyramide sur laquelle sont versés des transferts publics qui permettent le maintien d’une formidable rente dont les plus modestes ne touchent que quelques miettes. Le ruissellement est ici, encore plus qu’ailleurs, une fable, pour ne pas dire une farce. Au sommet de cette pyramide, la caste béké bien entendu, avec à sa tête le groupe GBH. Quand je suis arrivé en 1991, j’ai lu l’ouvrage « Les puissances d’argent en Martinique » de Guy Cabort-Masson, publié en 1984. Qu’est-ce qui a changé depuis lors ? Rien. Au contraire, le pouvoir de cette caste s’est encore renforcé. Et son mode de fonctionnement est resté inchangé au niveau sociétal, quand bien même un de ses membres, le très courageux Roger de Jaham (paix à son âme) a tenté en son temps (années 1990-2000) d’en bousculer l’habitus qu’il dénonçait lui-même publiquement comme étant basé sur un leg parental raciste transmis par éducation. Sous cette caste, deux classes. Celle des professions libérales (médecins, pharmaciens, avocats, etc…) – peut-être conviendrait-il de parler d’ethno-classe ici, car y sont représentés majoritairement, des mulâtres, dont il se dit qu’ils ont choisi cette voie professionnelle sachant que celle des affaires économiques (lisez commerciales) leur était barrée par la caste susmentionnée. Et la classe de la grande, moyenne et petite bourgeoisie d’État – les fonctionnaires dont le traitement est boosté par la prime de vie… chère, les fameux 40%. Quand deux fonctionnaires sont en couple, cela fait une prime de 80%, soit quasiment un 3ème salaire… Cette bourgeoisie d’État constitue une clientèle captive pour la grande distribution – ou une alliée de fait, c’est selon, puisque créant un pouvoir d’achat sans lequel la chaîne logistique d’importation ne pourrait pas pratiquer ces marges que l’on imagine très élevées d’autant qu’elles sont maintenues illégalement dans le secret (cf supra). Notons au passage que ces traitements salariaux majorés, conçus initialement pour compenser la vie chère, au final de facto la nourrissent mécaniquement… Et finalement, à la base ce cette pyramide, un « bas » peuple discriminé, percevant des bas salaires, ou, en l’absence d’emploi, des revenus d’assistance (comme le RSA…). Rien de singulier me direz-vous : on retrouve ça ailleurs dans toute société capitaliste néolibérale, n’est-il pas… ? Oui, et… non. Car il y a une différence de degré, voire de nature. En Martinique, de nombreux salariés du secteur privé restent au SMIC du début à la fin de leur carrière, sans espoir d’ascension sociale au sein de l’entreprise. Ensuite, le précariat et la grande pauvreté sont nettement plus prégnants en outre-mer que dans l’hexagone. Et le profil ethnique de cette pauvreté est clair : il s’agit là des descendants de travailleurs de la canne, « descendus » massivement en ville par l’exode rural des années 50-60, qui eux-mêmes sont des descendants d’esclaves. Nous sommes donc en présence d’un lumpen-ethno-prolétariat. La crise de la vie chère est donc une manifestation d’une lutte d’ethno-classe, et bien souvent derrière la dénonciation de la « profitasyon » se cache (de moins en moins) celle des comportements de la caste du sommet de la pyramide, décriés par le bas de cette même pyramide. Il lui en faut du courage, car ses espoirs d’emplois, quand il en a encore, correspondent largement à une embauche par… le secteur privé aux mains de la caste. Courage, ou plutôt, en temps de crise, désarroi et désespérance. .../... |
Envoi personnel du 02/12/2024 d'un article par Alain SAGAULT
Site : ateliersdartistes.com
Je ne trouve plus mes mots.
Je ne sais plus quoi dire. Parler aujourd'hui semble inutile. Partout règne un vacarme infernal où tout se perd. Je ne comprends plus mes semblables – mais sommes-nous semblables ? – et par moments je ne me comprends plus moi-même. Faisons tout de suite la part du "vieux-connisme". Bien sûr que je vieillis, que je m'encroûte, que je m'enkyste, bien sûr qu'il y a des choses que je ne comprends pas ou plus, même quand j'essaye, sans compter les choses que je ne veux surtout pas comprendre, parce que l'adaptation, la résilience et toutes ces conneries post-modernes, vers les 80 berges, ça commence à bien faire. N'empêche que mes repères, mes principes, mes minuscules expériences, ma petite vision du monde, tout ce vécu me paraît encore très juste, c'est à dire très cohérent, très réel, palpable, concret. Ma vie, je la sens vibrer bien fort à l'intérieur de moi, seule certitude possible. La vie, je la vois se vivre autour de moi, mer, ciel, montagne, soleil, étoiles, et je sais et je sens que j'en fais partie, et pas seulement pour quelque temps encore, puisque mes restes continueront à participer de leur mieux à la vie universelle. En revanche, depuis quelques dizaines d'années, je vis dans un monde « humain » chaque jour plus étranger, où ma réalité n'a plus lieu d'être, où elle est tranquillement niée, délibérément pervertie, voire effacée. Et je suis entouré de gens dont pour la plupart le comportement m'est incompréhensible, dont les paroles et les actes me sidèrent ou me révoltent. Des êtres apparemment humains acceptent presque joyeusement l'inhumanité, la cautionnent et m'expliquent qu'il faut s'adapter à l'insupportable, que de toute façon tout se vaut, que le blanc et le noir sont interchangeables, ou même, entre chien et loup, identiques, que le bien et le mal dépendent juste d'un signe + ou d'un signe –, que la beauté n'est qu'une affaire de goût, qu'en somme il n'y a rien de vrai, de vraiment vrai, juste des vérités partielles et momentanées se succédant au gré des fluctuations d'une société dévotement soumise aux caprices de la mode, ce minable ersatz de religion. Et les bons apôtres de me dire que ces « vérités » passagères, il ne faut pas s'y attacher puisqu'elles ne cessent de changer, juste se rallier à la dernière parue, et qu'il ne sert à rien de les défendre, puisque de toute façon elles ne font que passer. Aux yeux des puissants du jour, la vérité n'est qu'une fiction, à manipuler au mieux de son intérêt personnel. En conséquence, ma vie, paraît-il, ne dépend que de moi, à condition que j'avale sagement mes médicaments ; je peux créer ma propre vérité, tout est plastique, tout est sujet à mutation selon mon désir, j'aurais pu décider de mon genre et devenir une femme, et je ne suis pas vieux, c'est juste dans ma tête, mais c'est vrai que je commence à être de trop, vu mon âge ; sauf si je peux me payer de quoi rester jeune… Les mêmes bons apôtres me répètent qu'il faut bien comprendre que certaines victimes le sont moins que d'autres, que massacrer des enfants est très mal si on prie Allah, mais bien compréhensible si on adore Yahvé, et que les bourreaux barbus sont pires que les bourreaux glabres, question de pilosité sans doute. On m'explique patiemment qu'en dépit des apparences, les agresseurs sont en fait les agressés et inversement, que je dois apprendre à voir la réalité en face : la gauche est fasciste et raciste, l'extrême-droite est républicaine et humaniste, c'est une évidence qui saute aux yeux de tout citoyen de bon sens ! Le seul monde possible, ce serait donc le monde à l'envers, celui où on dit le contraire de ce qu'on fait pour mieux faire le contraire de ce qu'on dit, où le bien consiste à cultiver le mal, où la triche est un idéal, la corruption, une morale, et la violence sadique, une justice en même temps qu'une jouissance. Dans ce monde humain voué aux apparences, rien n'existe réellement, tout est contingent. Tout change sans cesse, la vie est une succession d'obsolescences plus ou moins programmées, elle se résume à la lente décomposition des chiens crevés au fil de l'eau. La seule chose qui dure, la seule immortelle, c'est l'avidité et le chaos qu'elle engendre. Pour moi, je suis perdu dans ce monde-là, je le sens me rendre fou peu à peu, il me désespère chaque jour davantage, certains matins j'ai envie d'abandonner, de donner raison aux Tartuffes, d'admettre qu'il n'y a pas d'alternative… Je n'arrive plus à théoriser, à analyser, à expliquer, à discuter, je n'en ai même plus envie. C'est inutile, les prophètes du monde à l'envers n'écoutent qu'eux-mêmes. Et le déni bouche les oreilles de ceux qui ont renoncé à vivre parce qu'ils ne veulent pas renoncer à consommer. Mais je suis encore en vie et je peux crier ! Dire mon dégoût, ma révolte et surtout, surtout, continuer à travailler avec d'autres qui sentent comme moi combien ce « nouveau monde » sonne faux, combien il est pervers et mortifère. Il y a d'autre valeurs et une autre vie, de vraies valeurs et une vraie vie, sans cesse à créer et recréer. Mon monde est ébranlé, mais il est encore à l'endroit, et je sais que d'autres le partagent avec moi. Échange et amitié, écoute et création, nos boussoles indiquent encore le nord. Tenons le cap ! |
Transmission personnelle le 01/12/2024 d'un article par Moise DORCÈ
Source
: globalcitizen.org/fr/content/misconceptions-myth-about-poverty-extreme-poverty/
24 juin 2022 Il circule de multiples croyances
et informations erronées sur la pauvreté et les personnes
qui la subissent. Vous en avez probablement déjà entendu
certaines, par exemple le fait que la pauvreté serait la
faute de la personne ou qu’il serait impossible de mettre
fin à l’extrême pauvreté.
En réalité, la pauvreté est un problème de société qui touche des personnes à travers le monde. Il s’agit d’un problème complexe et aux multiples facettes, les expériences individuelles de la pauvreté variant d’une personne à l’autre. Au fond, la pauvreté est bien plus qu’un manque d’argent. La pauvreté, c’est aussi l’exclusion de la société, c’est la discrimination et l’impossibilité d’accéder aux ressources dont votre famille à besoin pour rester en bonne santé. Comme
le dit la Banque mondiale : « La pauvreté a de
nombreux visages. Elle change de lieu en lieu et
avec le temps. Elle a été décrite de maintes manières. Le
plus souvent, la pauvreté est une situation à laquelle les
gens veulent échapper. La pauvreté est donc un appel à
l’action – pour les pauvres comme pour les riches –, un
appel à l’action pour changer le monde pour que beaucoup
plus de gens aient assez à manger, un logement décent,
accès à l’instruction, à des soins de santé et à la
protection contre la violence, ainsi qu’un mot à dire par
rapport à ce qui se passe dans leur collectivité. »
La désinformation, qui alimente les préjugés, est puissante - suffisamment puissante pour détourner du véritable récit de la pauvreté et des personnes qui y sont confrontées ainsi qu’à la lutte pour y mettre fin. Les effets systémiques de la désinformation vont bien au-delà des personnes mal informées. La désinformation peut rapidement engendrer de fausses croyances et opinions sur la pauvreté, influençant les actions des décideurs et des dirigeants qui ont la capacité et les ressources nécessaires pour réduire l’extrême pauvreté et y mettre fin. Voici quelques mythes et préjugés courants sur la pauvreté et ceux qui la subissent, ainsi que quelques faits sur la réalité. 1 Les pays
pauvres sont condamnés à rester pauvres.
L’idée
que les pays à faible revenu sont piégés dans un cycle de
pauvreté dont ils ne peuvent sortir est répandue dans
le monde entier, mais particulièrement dans les pays
occidentaux. Si l’hypothèse selon laquelle les pays pauvres
ne progresseront jamais existe, des faits avérés peuvent la
démentir. Des pays comme le Mexique, la Turquie
et le Chili qui, selon le projet Borgen,
étaient autrefois considérés comme « irrémédiablement
pauvres », possèdent aujourd’hui des économies
florissantes.
Des progrès très importants ont été réalisés pour lutter contre la pauvreté dans le monde rien qu’au cours des deux dernières décennies, et on n’en parle franchement pas assez. Selon les Nations unies, en 2015, 10 % de la population mondiale, soit environ 734 millions de personnes, vivaient dans l’extrême pauvreté (c’est-à-dire avec moins de 1,90 dollar par jour), contre 36 % en 1990. Il convient toutefois de noter qu’il s’agit de chiffres antérieurs à la pandémie, la Banque mondiale indiquant qu’environ 97 millions de personnes supplémentaires ont plongé dans la pauvreté à la suite de la pandémie de la COVID-19. 2. L’aide
à la lutte contre la pauvreté est un gaspillage.
Selon
l’homme d’affaires et philanthrope Bill Gates, l’un des
mythes les plus répandus au sujet de l’aide internationale
est qu’il s’agit d’un gaspillage d’argent - et cela
est en partie dû à la couverture médiatique qui présente une
image « déformée », « avec de grandes généralisations basées
sur de petits exemples ».
Les médias donnent une image « déformée » de la situation, « avec de grandes généralisations basées sur de petits exemples ». Ce récit préjudiciable peut amener le public à penser que l’aide ne fonctionne pas, ce qui donne aux dirigeants une excuse pour réduire le financement de l’aide humanitaire et du développement. En fait, c’est ce que le gouvernement britannique a déjà fait, en réduisant son budget d’aide en 2020. L’aide à la Syrie, par exemple, a été réduite de 69 %, avec pour seul impact de cette réduction le fait que plus de 40 000 enfants syriens ne sont plus scolarisés en conséquence directe. Vous pouvez en apprendre davantage ici sur les raisons pour lesquelles l’aide internationale est en fait plus vitale que jamais - et pourquoi les pays riches doivent augmenter, et non réduire, leurs contributions. 3. Faire
sortir les personnes de la pauvreté conduira à la
surpopulation.
L’anxiété
suscitée par l’accroissement de la population mondiale,
notamment face au changement climatique et à l’imminence
d’une crise alimentaire mondiale, est compréhensible - mais
elle risque aussi de prendre le pas sur le souci des êtres
humains qui composent la population mondiale.
Une chose doit être bien claire : défendre et protéger les personnes vivant dans la pauvreté ne conduit pas à la surpopulation. C’est même plutôt le contraire. Le projet Borgen souligne que la pauvreté et le manque d’accès à l’éducation sont effectivement à l’origine de la surpopulation. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles la lutte contre la pauvreté et ses causes systémiques contribue également à réduire la taille d’une population, notamment le fait que lorsque le taux de mortalité infantile est élevé, le taux de natalité l’est également. Si les gens savent que leurs enfants peuvent accéder aux soins de santé et ont plus de chances de grandir en bonne santé, ils ont moins d’enfants. De même, lorsque les femmes et les filles ont accès à l’éducation et aux soins de santé sexuelle et reproductive, comme la contraception, elles ont moins d’enfants. 4. La
pauvreté d’une personne est de sa responsabilité.
Il
s’agit d’une croyance largement répandue, mais
totalement fausse : si quelqu’un vit dans la pauvreté,
c’est parce qu’il ne fait pas assez d’efforts ou ne
travaille pas assez dur pour s’en sortir. Ce concept transfère la responsabilité
de la société sur celle des individus. En
d’autres termes, la pauvreté devient un problème « vous » ou
« eux », et non un problème « nous ».
L’un des effets néfastes insidieux de ce mythe est qu’il fournit une excuse bien pratique pour ne rien faire pour lutter contre la pauvreté. Si la pauvreté est le résultat de comportements individuels déficients et si la responsabilité de la pauvreté incombe entièrement aux pauvres, alors il serait inefficace et futile de les aider. Quelle est donc la réalité ? Eh bien, la pauvreté est une réalité complexe et à multiples facettes. Elle est enracinée dans les barrières structurelles, les discriminations et les inégalités systémiques, l’injustice, l’iniquité et l’exclusion sociale. La pauvreté est générationnelle, et de nombreuses personnes qui vivent dans la pauvreté y sont nées - et sont nées avec le manque d’accès aux soins de santé, à l’éducation, à la nutrition, à l’emploi, et plus encore, qui sont des ressources essentielles pour y échapper. 5. Toutes les
familles pauvres sont identiques et sont pauvres de la
même manière.
Si
l’extrême pauvreté est définie comme le fait de vivre avec
moins de 1,90 dollar par jour, il n’existe pas un
ensemble unique de privations pouvant être utilisé
pour décrire l’expérience de la pauvreté de chacun. Il
n’existe pas d’indice unique qui puisse rendre compte de
manière adéquate des différentes façons dont une famille ou
un individu vit la pauvreté et la non-pauvreté.
6. Les
personnes en situation de pauvreté ne peuvent pas trouver
elles-mêmes des solutions.
Lorsque
les gens ont le pouvoir de nommer leur propre pauvreté,
d’identifier leurs propres problèmes, ils ont également le
pouvoir d’aider la société dans son ensemble à résoudre ces
problèmes.
Trop souvent, les efforts de lutte contre la pauvreté - que ce soit au niveau communautaire, national ou mondial - ne sont pas centrés sur les voix et les expériences de ceux qui vivent dans la pauvreté et en font l’expérience directe. Les personnes vivant dans la pauvreté sont les mieux placées pour dire quels sont les obstacles auxquels elles sont confrontées et quelles sont les ressources dont elles ont besoin pour les surmonter. Ce qu’il faut, c’est que les personnes qui vivent directement dans la pauvreté puissent s’asseoir à la table et être écoutées par les responsables politiques et les décideurs. 7. Seules les
personnes sans domicile fixe sont réellement pauvres.
La
pauvreté ne se résume pas au fait d’être sans domicile fixe,
sans emploi, avoir un faible niveau de vie ou un faible
revenu. La pauvreté est une question complexe. Elle a de
nombreuses causes et manifestations et la façon dont les
gens vivent la pauvreté varie.
Pour de nombreuses personnes en situation de pauvreté, cela peut se traduire par un niveau de vie comprenant des privations, de la malnutrition, de mauvaises conditions sanitaires, un manque d’accès à l’eau potable, à l’éducation, aux soins de santé et l’absence de protection sociale. 8. Fournir
des emplois est le « remède magique » pour résoudre la
pauvreté.
En
réalité, le fait d’avoir un emploi ne vous sort pas
toujours de la pauvreté. Beaucoup de personnes
travaillent, et occupent parfois plusieurs emplois, tout en
ayant du mal à joindre les deux bouts. On les appelle le
plus souvent les « travailleurs pauvres ».
Selon la Banque mondiale, la demande mondiale d’emplois - qui augmente du fait de l’urbanisation, du fait que de plus en plus de personnes s’installent dans les villes - et le taux de chômage élevé poussent un nombre croissant de personnes à occuper des emplois informels, mal rémunérés et moins productifs. Ce problème se pose aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés. Au Royaume-Uni, par exemple, la majorité des personnes vivant dans la pauvreté en 2020 faisaient partie de ménages qui travaillaient. Aux États-Unis, le Center for Poverty and Inequality Research affirme que les bas salaires restent le principal obstacle qui empêche les « travailleurs pauvres » d’échapper à la pauvreté. 9. La
pauvreté n’existe que dans les pays à faible revenu.
La
pauvreté existe en réalité dans chaque pays, à divers
degrés. Il existe différentes définitions et façons de
mesurer la pauvreté, telles que la pauvreté absolue et la
pauvreté relative, ce qui peut rendre les comparaisons entre
pays difficiles. Mais aux
États-Unis par exemple, environ 34 millions de personnes
vivent dans la pauvreté ; au Royaume-Uni, un peu plus
d’une personne sur 5, soit environ 14,5 millions de
personnes.
En 2018, le professeur Philip Alston, alors rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté, a rédigé un rapport accablant sur l’augmentation des niveaux de pauvreté aux États-Unis, estimant que « les bénéfices de la croissance économique vont massivement aux riches. » 10. Certaines
personnes sont imperméables à la pauvreté.
Certes,
la géographie et les inégalités financières mondiales sont
deux facteurs importants de la pauvreté, mais il n’en reste
pas moins que la pauvreté peut toucher tout le monde
- personne n’est à l’abri.
Comme l’a souligné l’ONG Concern, l’impact économique de la COVID-19 en est un très bon exemple, les confinements ayant entraîné des pertes de revenus et de moyens de subsistance pour les populations du monde entier. Le changement climatique coûte également des moyens de subsistance et l’impact économique ne fera que croître sans une action immédiate et généralisée. Les conflits sont également un facteur important de pauvreté, comme en Syrie, où le pourcentage de personnes vivant dans la pauvreté est passé de 10 % à 80 % en raison d’une décennie de guerre. À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les Nations Unies ont estimé en mars que 9 Ukrainiens sur 10 étaient susceptibles de sombrer dans la pauvreté d’ici un an. 11. Chaque
enfant a les mêmes chances de réussir dans la vie.
L’idée
que tous les enfants commencent leur vie avec les mêmes
chances de réussite est également fausse. En réalité,
les enfants nés dans la pauvreté ou en situation de pauvreté
commencent leur vie avec un risque élevé de développer des
problèmes physiques, sociaux, émotionnels, de santé et/ou de
développement comportemental résultant d’un manque de
nutrition, de stimulation physique ou de développement
émotionnel.
Lorsqu’ils grandissent et tentent de briser le cycle de la pauvreté, de nouveaux obstacles se présentent, comme l’accès à l’éducation, puis à l’emploi. Si la pauvreté n’est pas une fatalité, elle se transmet néanmoins de génération en génération. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles il est si important d’investir dans les femmes et les filles pour briser le cycle de la pauvreté - car, comme l’indique l’organisation à but non lucratif Women Deliver : « Les preuves provenant du monde entier confirment que l’investissement dans les filles et les femmes crée un effet d’entraînement qui produit de multiples avantages, non seulement pour les femmes individuelles, mais pour les familles, les communautés et les pays. » 12. La
pauvreté est trop compliquée à éliminer et coûterait trop
cher.
Il
est vrai que la question de la pauvreté est complexe, mais
avec une stratégie globale impliquant une collaboration, une
volonté affirmée des dirigeants et une coordination
financière mondiale, il est possible de mettre fin à
l’extrême pauvreté et les ressources nécessaires existent
déjà.
Selon Nelson Mandela : « Comme l’esclavage et l’apartheid, la pauvreté n’est pas naturelle. Elle est le fait de l’homme et elle peut être surmontée et éradiquée par les actions des êtres humains. » C’est pourquoi notre campagne « Mettre fin à l’extrême pauvreté MAINTENANT - Notre futur ne peut pas attendre », lancée au début de l’année, rassemble des millions de Global Citizens à travers le monde pour exiger des gouvernements et des dirigeants d’entreprise qu’ils prennent des mesures immédiates dans trois domaines essentiels : autonomiser les adolescentes à travers le monde ; faire tomber les barrières systémiques qui maintiennent les gens dans la pauvreté ; et agir de manière significative en faveur du climat. Bien qu’un financement adéquat soit indispensable - non seulement en cas de crise comme solution provisoire, mais aussi comme financement du développement durable à long terme - on ne saurait trop insister sur l’importance d’une volonté et d’une détermination fortes de la part des responsables politiques et des décideurs. Les gouvernements, les chefs d’entreprise et les personnes les plus riches du monde ont tous un rôle important à jouer dans l’adoption de lois et de politiques, ainsi que dans la mise à disposition de financements et de ressources, afin de protéger les droits humains fondamentaux de chacun et, en fin de compte, de mettre fin à l’extrême pauvreté. Vous
pouvez rejoindre les Global Citizens du monde
entier pour passer à l’action afin de mettre fin à
l’extrême pauvreté. Il vous suffit de vous inscrire en
tant que Global Citizen, de télécharger
l’application Global Citizen ou de vous rendre sur
notre page d’action pour commencer à agir dès maintenant :
globalcitizen.org/account/register/
Que
signifie être un Global Citizen : globalcitizen.org/fr/content/what-is-a-global-citizen/Gideon FAKOMOGBON
(Nom complet : Gideon Oluwabunmi Fakomogbon, vit dans l'État de Kwara au nord du Nigeria) PROFIL et PHOTO (rubrique 11) sur page consacrée à la promotion 2021 de la Global Citizen Fellowship |
Transmission personnelle le 20/12/2024 d'un article par Pierre PÉGUIN
Articles sur : apag2.wordpress.com
Propos recueillis par Alice PAPIN,
Ses articles publiés sur Réforme : journal protestant d'actualité Publié le 11 décembre 2024. Pour le pasteur luthérien de Bethléem, Munther Isaac, la réconciliation en Israël-Palestine ne pourra se réaliser qu'à travers une plus grande justice et une reconnaissance des crimes commis par les autorités israéliennes. Théologien chrétien palestinien, Munther Isaac, 45 ans, est le pasteur de l’Église luthérienne évangélique de Noël à Bethléem et de l’Église luthérienne de Beit Sahour, toutes deux situées en Cisjordanie, sa terre natale. Défenseur d’une résistance radicale et pacifique à l’occupation israélienne, il intervient régulièrement tant au niveau local qu’international. Malgré la gravité de situation actuelle, il demeure convaincu de la possibilité d’une réconciliation. Passionné de football, il rêve qu’un jour ses fils puissent jouer au ballon avec des enfants israéliens. En ce temps de l’Avent, encore marqué par la guerre, Munther Isaac a accepté de répondre aux questions de Réforme sur le conflit israélo-palestinien. Ses mots sont percutants, sans fard. Le 25 novembre, sur le réseau social X, vous racontiez qu’une autre barrière a été installée par l’armée israélienne à l’entrée de Bethléem. Pouvez-vous en dire plus sur la situation actuelle en Cisjordanie que vous décrivez comme invivable ? Avant le 7-Octobre, Bethléem faisait déjà l’objet de nombreuses restrictions – checkpoints, limitations de mouvement – mais depuis, la situation s’est fortement aggravée. De nombreuses barrières ont été posées aux entrées et sorties de la ville. Certaines routes sont complètement bloquées, et les autorisations dont disposaient de nombreux Palestiniens pour se rendre à Jérusalem ont été révoquées. Actuellement, il n’y a que deux routes permettant de sortir ou d’entrer à Bethléem. Si Israël ferme ces deux routes, elle deviendra une autre Gaza. Ces restrictions provoquent de gros embouteillages à l’intérieur de Bethléem et il devenu très difficile de rejoindre d’autres villes palestiniennes, telles que Ramallah ou Hébron. On a l’impression d’être dans une grande prison. Aujourd’hui, la situation en Cisjordanie est insupportable. Israël a fragmenté la Cisjordanie et pousse les Palestiniens à vivre dans des zones urbaines extrêmement denses. Ceux qui habitent en dehors, dans des zones plus isolées, souffrent énormément de la violence des colons. Je crois fermement que c’est une tentative délibérée de nous pousser lentement mais sûrement hors de la Cisjordanie, une famille à la fois. La victoire de Donald Trump aux États-Unis a été saluée par le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui espère qu’elle lui offrira une liberté totale dans ses guerres à Gaza et au Liban. Comment cette élection a-t-elle été perçue à Bethléem, et plus largement en Cisjordanie ? Donald Trump ou Joe Biden, aux yeux des Palestiniens, cela ne fait aucune différence. Joe Biden n’a aucunement aidé les Palestiniens. Il a soutenu et financé ce que nous considérons comme un génocide contre notre peuple. C’est une erreur de croire que les démocrates sont meilleurs pour les Palestiniens que les républicains. Les démocrates prétendent se soucier des Palestiniens, mais suivent finalement un programme politique similaire aux républicains. Pour les États-Unis, Israël est un allié qui protège leurs intérêts au Moyen-Orient. La justice ou le droit international ne sont pas leur priorité. Ils soutiendront Israël quoi qu’il arrive. Même lorsque l’administration Biden avait des preuves qu’Israël commettait des crimes de guerre à Gaza, elle a continué à soutenir la politique de Benyamin Nétanyahou. Vous critiquez régulièrement le sionisme chrétien dans vos discours. Quelle est votre réaction à la nomination de Mike Huckabee, un évangélique étroitement lié aux milieux sionistes chrétiens, comme prochain ambassadeur des États-Unis en Israël ? Lors de son premier mandat, lorsque Trump a déplacé l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, il a ouvertement déclaré : « Je l’ai fait pour les évangéliques. » Mike Huckabee n’est pas seulement un évangélique ; c’est un fervent sioniste chrétien. Il nie l’existence d’une occupation. Mais que dire des soldats qui pointent des armes vers nous lorsque j’emmène mes enfants à l’école ? Des personnalités politiques comme Mike Huckabee vivent dans une réalité différente – une réalité biblique, basée sur une interprétation fondamentaliste étroite. Sa nomination comme prochain ambassadeur des États-Unis en Israël est profondément alarmante. En tant que pasteur, je m’oppose fermement au sionisme chrétien parce qu’il va à l’encontre de la paix. Il promeut une image raciste et violente de Dieu – un Dieu de nettoyage ethnique. Cette idéologie sacrifie les chrétiens palestiniens, nous chassant de la terre où le christianisme a vu le jour. C’est aussi une honte pour l’Évangile de Jésus, déformant son message. Une véritable foi chrétienne devrait se concentrer sur la justice, la coexistence et la réconciliation, et non sur le soutien à l’apartheid ou au nettoyage ethnique. Vous êtes le directeur du programme de conférences Christ at the Checkpoint (« Christ au poste de contrôle »), né en 2010, qui rassemble des chrétiens du monde entier pour discuter des questions de foi, de justice et de paix dans des situations d’oppression. Quel rôle peuvent jouer les chrétiens actuellement dans le conflit israélo-palestinien ? Jésus dit dans le Sermon sur la montagne : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, de vérité. » Il dit aussi : « Heureux les artisans de paix. » J’aurais aimé que les chrétiens, au fil des années, se mobilisent pour réunir Palestiniens et Israéliens, mais surtout pour mettre fin à l’injustice et à ce qu’il se passe ici. Je pense que les chrétiens sont appelés à se ranger du côté des opprimés, à être du côté de la vérité et de la justice, et à tenir ceux qui commettent des crimes de guerre responsables. C’est le rôle que les personnes de foi, en général, doivent jouer, que ce soit en Palestine ou ailleurs. Aujourd’hui, j’aimerais que les personnes de foi, et notamment les dirigeants chrétiens, dénoncent le crime d’apartheid que commettent les autorités israéliennes, qu’ils disent la vérité au pouvoir. Si les leaders religieux ne sont pas prêts à défendre l’État de droit dans notre monde, à demander que les auteurs de crimes de guerre soient tenus responsables, alors je pense que nous perdons notre crédibilité en tant que leaders religieux. Dans de nombreuses universités occidentales, des manifestations pro-palestiniennes ont eu lieu. Quel regard portez-vous sur ces mouvements ? Ces manifestations m’apportent beaucoup d’espoir car je crois sincèrement que le changement viendra de ces mouvements émergeant de la base. J’ai voyagé aux États-Unis et rencontré certains de ces étudiants. Ils étaient issus de milieux très divers. Il y avait des juifs, des musulmans, des chrétiens, des athées et même des bouddhistes. En revanche, j’ai été profondément attristé par la violence avec laquelle ces manifestations ont été accueillies. Cela illustre encore une fois l’hypocrisie du monde occidental, qui se vante de défendre la liberté d’expression et d’opinion, mais seulement tant que cela ne concerne pas Israël et la Palestine. Honnêtement, j’espère que ces manifestations continueront. Les décideurs politiques doivent écouter le pouls de la rue, prêter attention à leurs citoyens. Aux États-Unis, par exemple, une écrasante majorité de la population soutient un cessez-le-feu, mais le gouvernement persiste à agir à l’encontre de cette volonté. « Notre plus grand défi en tant que chrétiens n’est pas de vaincre nos ennemis mais de nous en faire des amis », écrivez-vous dans votre ouvrage: L’Autre Côté du mur (Amis de Sabeel France, 2020). « Même si, aujourd’hui, je suis engagé dans l’urgence d’en finir avec l’occupation israélienne, je dois me rappeler que l’objectif en soi n’est pas la fin de l’occupation, mais bien davantage la réconciliation. » Pensez-vous que la réconciliation soit toujours possible ? En tant qu’homme de foi, je me dois d’y croire. J’ai foi en Dieu, et je crois fermement qu’il nous faut, en définitive, trouver des moyens de vivre ensemble. Actuellement, il y a deux peuples sur cette terre, et les possibilités semblent assez simples : soit l’un élimine l’autre – ce que je ne veux absolument pas, car je suis contre la violence et contre cette idée –, soit nous trouvons des moyens de partager la terre. Malheureusement, ce qui se passe aujourd’hui, c’est précisément cela : un côté élimine, contrôle et déplace l’autre. La deuxième option, celle que je défends, consiste à partager cette terre. Cela dit, je ne suis pas naïf. Je reconnais que le chemin à suivre est très difficile. Permettez-moi d’ajouter une dernière chose : le chemin vers ce rêve, vers cet espoir, ne peut passer que par la justice. Sans justice, il est impossible d’arriver à une véritable réconciliation. Si nous ne démantelons pas l’apartheid, nous n’atteindrons jamais la réconciliation. Ce que l’histoire du Moyen-Orient et les événements récents nous apprennent, c’est que les empires finissent toujours par tomber, que les dictateurs finissent par tomber, et que les peuples trouvent des moyens de vivre ensemble. En tant qu’homme de foi, je ne peux pas perdre cet espoir. Quelles sont selon vous les solutions pour sortir du conflit ? Il m’est très difficile, en toute honnêteté, de parler d’une quelconque solution en ce moment, car nous traversons une période de génocide. Tout ce que je souhaite, c’est que cette guerre prenne fin. En tant que Palestiniens, notre seul espoir pour l’instant est de survivre à ce génocide brutal. Ce n’est qu’après la fin de cette guerre et après que ceux qui ont commis des crimes de guerre seront tenus pour responsables, que nous pourrons commencer à penser à un futur où nous diviserions la terre en deux États ou la partagerions sous la forme d’un seul État. Le 21 novembre, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre Benyamin Nétanyahou et Yoav Gallant, son ex-ministre de la Défense, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La mise à l’écart du Premier ministre israélien ouvrirait-elle une solution au conflit ? Oui, je le pense. Benyamin Nétanyahou agit selon le principe que « la force fait le droit ». Il ne se soucie pas des vies palestiniennes. Il nous a qualifiés d’Amalécites. Il a utilisé un principe biblique, considérant qu’Israël est le peuple de Dieu affrontant les Amalécites, et qu’en tant que tels, nous devrions tous être exterminés. Il a été inculpé par la Cour pénale internationale. Il devrait se trouver à La Haye. C’est un scandale pour moi que des dirigeants mondiaux continuent d’être en bons termes avec le régime israélien actuel. En Syrie, par exemple, tout le monde a appelé à juger Bachar al-Assad pour crimes de guerre. Personne n’applique le même traitement à Benyamin Nétanyahou. Même les politiciens français trouvent encore des moyens de le défendre. Tant que le Premier ministre israélien bénéficiera de cette protection de la part de la communauté internationale, il n’y aura, selon moi, aucune chance de parvenir à la paix. Benyamin Nétanyahou est un problème, un obstacle, un criminel de guerre. .../... |
Transmission personnelle le 19/11/2024 d'un article par Yaressua DNOMYAR
Site : prosea.fr
Source : alainmarshal.org/2024/11/18/gaza-lonu-declare-israel-coupable-dextermination-un-crime-contre-lhumanite/
Publié par Alain MARSHAL (pseudonyme), le 18 novembre 2024 Ce rapport récent de l’ONU, véritable bréviaire d’horreurs qui surpassent les « atrocités » alléguées du 7 octobre tant en nature qu’en ampleur, malgré les dénégations de certains, accuse Israël d’extermination méthodique à Gaza, créant délibérément des conditions de vie visant à entraîner la destruction du peuple palestinien en tant que groupe. Les responsables et médias occidentaux, qui continuent de parler de « guerre » alors qu’il s’agit d’un cas d'école de génocide, sont complices, œuvrant à invisibiliser le plus grand crime du siècle. Alain MARSHAL "
Nations Unies Assemblée générale 11 septembre 2024 Soixante-dix-neuvième session Point 71 de l’ordre du jour provisoire (A/79/150) Promotion et protection des droits de l’homme Rapport de la Commission internationale indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël " Source : ONU Traduction par Alain Marshal *******
Note du
Secrétaire général.
Le Secrétaire général a l’honneur de
transmettre à l’Assemblée générale le rapport de la Commission
internationale indépendante d’enquête sur le territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël, présenté
conformément à la résolution S-30/1 du Conseil des droits de
l’homme.Résumé.
La Commission internationale
indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y
compris Jérusalem-Est, et Israël, soumet par la présente son
troisième rapport à l’Assemblée générale. Le rapport examine le
traitement des détenus et des otages ainsi que les attaques
contre les installations et le personnel médicaux entre le 7
octobre 2023 et août 2024.Note
du traducteur (Alain Marshal).
Dans ce
rapport comme dans d’autres, les Palestiniens emprisonnés
par les « forces de sécurité israéliennes » sont qualifiés
de « détenus », même lorsqu’il s’agit d’arrestations
arbitraires voire d'enfants, et les Israéliens capturés par
les « groupes armés palestiniens » sont qualifiés d’ «
otages », même quand il s’agit de soldats. Ce ne sont là que
deux exemples de nombreux biais persistants qui
amènent à prendre pour argent comptant la propagande
israélienne génocidaire et à recycler ses éléments de
langage, voire à renvoyer dos à
dos une puissance régionale occupante et un peuple
colonisé. Nous protestons contre cette
conception dévoyée de « l'équité », omniprésente en
Occident, et opposons à la partialité inavouée qui
fait la part belle au récit israélien, notre parti pris assumé pour les droits
du peuple palestinien, qui nous a notamment
valu une exclusion de la CGT. Par conséquent, nous ne
traduisons pas les sections de ce rapport consacrés aux «
crimes » imputés aux Palestiniens (20 paragraphes sur un
total de 115), marquées par des ellipses entre crochets et
identifiables avec la numérotation des paragraphes. Au sujet
de la présence de ces biais jusque dans les rapports de
l'ONU, lire Norman Finkelstein : les accusations de crimes sexuels contre
le Hamas sont infondées.
I.
Introduction et méthodologie
1. Dans ce rapport, la Commission résume ses conclusions factuelles et juridiques concernant les attaques menées depuis le 7 octobre 2023 contre des installations et du personnel médicaux, ainsi que le traitement des détenus sous la garde d’Israël et des otages détenus par des groupes armés palestiniens. Il s’agit du deuxième rapport de la Commission sur les attaques survenues à partir du 7 octobre 2023 [1] — [Note du traducteur : nous ne traduisons pas les notes de bas de page, mais laissons leur numéro pour permettre de s'y référer dans le document original]. 2. La Commission a adressé neuf demandes d’informations et d’accès au gouvernement israélien, deux demandes d’informations à l’État de Palestine et une au ministère de la Santé à Gaza. L’État de Palestine et le ministère de la Santé à Gaza ont répondu, tandis qu’aucune réponse n’a été reçue de la part d’Israël. 3. La Commission a appliqué la même méthodologie et le même niveau de preuve que lors de ses enquêtes précédentes [2]. Elle a consulté de multiples sources d’information, recueilli des milliers de documents en source ouverte et mené des entretiens, à distance comme en personne, avec des victimes et des témoins. Les matériaux en source ouverte ont été collectés conformément aux normes internationales de préservation des contenus en ligne et aux règles d’admissibilité des preuves numériques. Lorsque cela était nécessaire, ces matériaux ont été vérifiés par recoupement avec un large éventail de sources fiables et enrichis par des examens médico-légaux avancés. Ces derniers incluent l’authentification de supports visuels, l’analyse de la géolocalisation et de la chronolocalisation, l’extraction des métadonnées et la reconnaissance faciale. II. Cadre
juridique applicable
4. La Commission rappelle que le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Gaza, ainsi que le Golan syrien occupé, sont actuellement sous occupation belligérante par Israël. Cette situation est régie simultanément par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme. [3] La Commission constate qu’Israël continue d’occuper Gaza, comme l’a confirmé la Cour internationale de justice en juillet 2024 [4], et qu’il a rétabli sa présence militaire dans la bande de Gaza depuis octobre 2023. [5] En tant que puissance occupante, Israël est tenu de respecter les obligations découlant de la quatrième Convention de Genève, du droit international coutumier et du Règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. 5. Dans son analyse juridique, la Commission s’est appuyée sur l’avis consultatif de la Cour internationale de justice dans l’affaire : Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Dans cet avis, la Cour a conclu que la présence continue d’Israël dans le territoire palestinien occupé était illégale, en raison de l’exploitation constante de sa position de puissance occupante, de l’annexion et de l’imposition d’un contrôle permanent sur ce territoire, ainsi que du refus persistant de reconnaître le droit du peuple palestinien à l’autodétermination [6]. La Commission exposera ses recommandations sur les modalités de mise en œuvre de cet avis consultatif dans un document de synthèse juridique. Les conclusions de l’enquête présentées dans ce rapport seront également utilisées dans des affaires portées devant la Cour, notamment l’affaire : Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël). .../...
IV.
Conclusions
Soins de santé 88. L’offensive sur Gaza depuis le 7 octobre a entraîné la destruction du système de soins de santé déjà fragile dans la bande de Gaza, avec des effets préjudiciables à long terme sur les droits de la population civile à la santé et à la vie. Les attaques contre les établissements de santé sont un élément intrinsèque de l’assaut plus large des forces de sécurité israéliennes contre les Palestiniens de Gaza et l’infrastructure physique et démographique de Gaza, ainsi que des efforts visant à étendre l’occupation. Les actions d’Israël violent le droit humanitaire international et le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, et sont en contradiction flagrante avec l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de juillet 2024. 89. La Commission constate qu’Israël a mis en œuvre une politique concertée visant à détruire le système de santé de Gaza. Les forces de sécurité israéliennes ont délibérément tué, blessé, arrêté, détenu, maltraité et torturé le personnel médical et pris pour cible des véhicules médicaux, ce qui constitue le crime de guerre d’homicide volontaire et de mauvais traitements et le crime contre l’humanité d’extermination. Les autorités israéliennes ont commis ces actes tout en renforçant le siège de la bande de Gaza, ce qui a empêché les hôpitaux de recevoir du carburant, de la nourriture, de l’eau, des médicaments et des fournitures médicales, tout en réduisant considérablement les autorisations accordées aux patients de quitter le territoire pour recevoir un traitement médical. La Commission estime que ces mesures ont été prises à titre de punition collective contre les Palestiniens de Gaza et qu’elles s’inscrivent dans le cadre de l’attaque israélienne contre le peuple palestinien qui a débuté le 7 octobre. 90. La destruction par les forces de sécurité israéliennes de l’infrastructure sanitaire de Gaza a eu un effet gravement préjudiciable sur l’accessibilité, la qualité et la disponibilité des services de santé, augmentant considérablement la mortalité et la morbidité, en violation du droit à la santé physique et mentale, qui est intrinsèquement lié au droit à la vie. Les attaques visant les établissements de santé ont exacerbé une situation déjà catastrophique, l’augmentation rapide du nombre de patients d’urgence souffrant de blessures graves venant s’ajouter au nombre de patients non traités souffrant de maladies chroniques ou nécessitant des soins spécialisés. 91. En ce qui concerne les attaques contre les hôpitaux Nasr, Shifa’, Awdah et l’hôpital turc, la Commission constate que, compte tenu du nombre excessif de morts et de blessés civils, ainsi que des dommages causés aux installations des hôpitaux et de leur destruction, les forces de sécurité israéliennes n’ont pas respecté les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité, ce qui constitue les crimes de guerre que sont l’homicide volontaire et les attaques contre des biens protégés. La Commission constate que, lors des attaques contre les hôpitaux Shifa’ et Nasr, les forces de sécurité israéliennes ont considéré que les locaux des hôpitaux et toutes les zones environnantes pouvaient être pris pour cible sans distinction et ont donc violé le principe de distinction. En ce qui concerne la saisie par les forces de sécurité israéliennes de l’hôpital turc à des fins militaires et l’établissement d’un poste militaire à l’intérieur, la Commission estime que ces actions n’étaient pas requises par l’impératif de nécessité militaire et qu’elles constituent donc un crime de guerre consistant à saisir des biens protégés. 92. La Commission n’a pas trouvé de preuves d’une activité militaire des groupes armés palestiniens à Awdah ou à l’hôpital turc au moment où ils ont été attaqués. La Commission a documenté les déclarations des forces de sécurité israéliennes selon lesquelles les hôpitaux Shifa’ et Nasr étaient utilisés à des fins militaires, et les affirmations des forces de sécurité concernant la découverte de caches d’armes. Elle n’a toutefois pas été en mesure de vérifier ces affirmations de manière indépendante. La Commission a confirmé la présence d’un tunnel et d’un puits sur le terrain de l’hôpital Shifa’, mais elle n’a pas pu vérifier qu’ils étaient utilisés à des fins militaires. La Commission a vérifié des informations indiquant que des membres de groupes armés étaient entrés dans l’hôpital Shifa’ avec des véhicules des forces de sécurité israéliennes qui avaient été volés le 7 octobre. Cependant, elle n’a trouvé aucune preuve d’une présence militaire dans les services spécifiques de l’hôpital que les forces de sécurité israéliennes ont bombardés en novembre, y compris la maternité et l’unité de soins intensifs. La Commission conclut qu’au moment des attaques des forces de sécurité israéliennes, les hôpitaux et les installations médicales bénéficiaient d’une protection spéciale en vertu du droit international humanitaire et étaient à l’abri de telles attaques. […] 94. Les attaques contre les établissements de santé ont directement entraîné la mort de civils, y compris des enfants et des femmes enceintes, qui recevaient un traitement ou cherchaient un abri, et ont indirectement entraîné la mort de civils en raison du manque de soins, de fournitures et d’équipements médicaux qui en a résulté, ce qui constitue une violation du droit à la vie des Palestiniens. La Commission conclut également que ces actes constituent le crime contre l’humanité d’extermination. 95. En ce qui concerne l’attaque du 29 janvier contre une famille, dont cinq enfants, qui se trouvait dans un véhicule et contre une ambulance de la Société du Croissant-Rouge palestinien (voir paragraphe 11), la Commission, sur la base de son enquête, conclut avec des motifs raisonnables que la 162e division des forces de sécurité israéliennes opérait dans la région et est responsable du meurtre de la famille de sept personnes, ainsi que du bombardement de l’ambulance, tuant les deux ambulanciers qui se trouvaient à l’intérieur. Ces actions constituent les crimes de guerre d’homicide volontaire et d’attaque contre des biens civils. 96. Les attaques israéliennes contre les installations médicales ont entraîné des blessures et la mort d’enfants et ont eu des conséquences dévastatrices pour les soins pédiatriques et néonatals dans les hôpitaux de Gaza, créant un besoin important et non satisfait de soins chirurgicaux et médicaux complexes pour les enfants, y compris les bébés prématurés. Israël n’a pas agi dans l’intérêt supérieur des enfants et n’a pas garanti la protection de leurs droits à la vie et au meilleur état de santé possible, et a délibérément créé des conditions de vie qui ont entraîné la destruction de générations d’enfants palestiniens et du peuple palestinien en tant que groupe. 97. La Commission estime que la destruction délibérée des installations de soins de santé sexuelle et génésique constitue une violence génésique et a eu un effet particulièrement néfaste sur les femmes enceintes, les femmes en post-partum et les femmes allaitantes, qui restent exposées à un risque élevé de blessures et de décès. Le fait de viser de telles infrastructures constitue une violation des droits reproductifs des femmes et des jeunes filles, ainsi que des droits à la vie, à la santé, à la dignité humaine et à la non-discrimination. En outre, il a causé des dommages et des souffrances physiques et mentales immédiates aux femmes et aux filles et aura des effets irréversibles à long terme sur la santé mentale et les perspectives de reproduction physique et de fertilité du peuple palestinien en tant que groupe. 98. Le fait de viser intentionnellement des installations cruciales pour la santé et la protection des femmes, des nouveau-nés et des enfants a violé la norme du droit international humanitaire coutumier qui accorde une protection spéciale aux femmes et aux enfants dans les conflits armés. Ces actes préjudiciables étaient prévisibles et n’ont pas été réparés. Les souffrances physiques et mentales prolongées des enfants blessés et le préjudice reproductif causé aux femmes enceintes, en post-partum et allaitantes relèvent du crime contre l’humanité d’autres actes inhumains. 99. La Commission constate que les forces de sécurité israéliennes ont fait preuve de perfidie lorsque des soldats sont entrés dans un hôpital de Jénine, déguisés en personnel médical et en femmes civiles le 30 janvier. Cette action constitue une violation du droit international humanitaire. […] Détention de Palestiniens 101. La détention arbitraire, massive, de Palestiniens est une pratique de longue date au cours des 75 années d’occupation israélienne de Gaza et de la Cisjordanie. La détention en Israël a été caractérisée par des abus généralisés et systématiques, des violences physiques et psychologiques, des violences sexuelles et sexistes, et des décès en détention. La fréquence et la gravité de ces pratiques ont augmenté depuis le 7 octobre. 102. Les mauvais traitements infligés aux détenus palestiniens par les autorités israéliennes sont le résultat d’une politique intentionnelle. Des actes de violence physique, psychologique, sexuelle et reproductive ont été perpétrés pour humilier et dégrader les Palestiniens. Ces actes ont été observés dans plusieurs installations et lieux de détention temporaire, ainsi que pendant les interrogatoires et les déplacements vers et depuis les installations. Les détenus, y compris les personnes âgées et les enfants, ont été soumis à des mauvais traitements constants, notamment l’absence de nourriture suffisante et d’installations d’hygiène appropriées, des coups, des propos injurieux et l’obligation d’accomplir des actes humiliants. Les forces de sécurité israéliennes ont commis ces actes avec l’intention d’infliger des douleurs et des souffrances, ce qui équivaut à de la torture en tant que crime de guerre et crime contre l’humanité et constitue une violation de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le décès de détenus à la suite de sévices ou de négligence constitue un crime de guerre, à savoir un homicide volontaire ou un meurtre, ainsi qu’une violation du droit à la vie. 103. Ces abus systématiques sont directement et causalement liés aux déclarations faites par des responsables israéliens, y compris le ministre de la sécurité nationale, qui dirige l’administration pénitentiaire israélienne, et d’autres membres de la coalition gouvernementale, israélienne, légitimant la vengeance et la violence à l’encontre des Palestiniens. Le fait que les membres des forces de sécurité israéliennes n’aient pas à rendre compte de leurs actes et que la violence contre les Palestiniens soit de plus en plus acceptée, a permis à ces comportements de se poursuivre sans interruption et de devenir systématiques et institutionnalisés. 104. Des arrestations massives d’hommes et de garçons palestiniens ont été effectuées sans motif justifiable ou presque, dans de nombreux cas apparemment simplement parce qu’ils étaient considérés comme étant en « âge de combattre » ou qu’ils n’avaient pas suivi les ordres d’évacuation. La détention de milliers de Palestiniens pendant des périodes prolongées, même lorsqu’ils ne présentaient manifestement aucun risque pour la sécurité, est arbitraire, illégale et constitue une punition collective et une persécution fondée sur le sexe [Note du traducteur : Pourquoi ne pas les désigner comme ce qu’ils sont, à savoir des « otages » ?]. 105. La politique israélienne consistant à dissimuler délibérément des informations concernant les noms, le lieu de détention et le statut des détenus relève du crime contre l’humanité de disparition forcée. Les souffrances mentales des familles des détenus sont assimilables à de la torture. 106. Les forces de sécurité israéliennes ont intentionnellement, illégalement et arbitrairement privé des enfants palestiniens de leur liberté et de leurs droits fondamentaux et leur ont causé de graves souffrances physiques et mentales. Les forces de sécurité israéliennes ont transféré des enfants détenus de Gaza et de Cisjordanie vers des centres de détention militaires israéliens, où ils ont été détenus pendant des périodes prolongées dans les mêmes quartiers que les adultes et soumis à de graves mauvais traitements, humiliations et tortures. Des mauvais traitements ont également été observés dans les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne. Les enfants libérés présentaient des signes de blessures physiques graves, de détresse psychologique extrême et de traumatisme. 107. Les forces de sécurité israéliennes ont utilisé des détenus comme boucliers humains à plusieurs reprises en Cisjordanie et à Gaza, ce qui constitue un crime de guerre. Les forces de sécurité israéliennes ont transporté des détenus de Cisjordanie sur le capot de véhicules des forces de sécurité israéliennes au milieu d’un échange de tirs. Elles ont forcé des détenus à entrer dans des tunnels et des bâtiments avant le personnel militaire dans la bande de Gaza. 108. L’intensité des hostilités a augmenté, de même que la prévalence et les types de violences sexuelles et sexistes commises. Dans son précédent rapport au Conseil des droits de l’homme (A/HRC/56/26), la Commission a identifié des actes de persécution commis à l’encontre d’hommes et de garçons palestiniens, y compris le fait de filmer des scènes de déshabillage et de nudité forcés en public. La Commission constate que ces actes de persécution se sont poursuivis en détention sous la forme de tortures sexualisées. Les détenus de sexe masculin ont subi des atteintes à leur sexualité et à leurs organes reproducteurs, notamment des violences sur leurs organes génitaux et leur anus, et ont été contraints d’accomplir des actes humiliants et pénibles, nus ou déshabillés, à titre de punition ou d’intimidation, dans le but de leur soutirer des informations. Des détenus de sexe masculin ont été victimes de viols, ce qui constitue un crime de guerre et un crime contre l’humanité. De tels actes de violence sexuelle, causant de graves souffrances physiques et mentales, sont également assimilables à de la torture. 109. Les forces de sécurité israéliennes ont soumis des détenus, hommes et femmes, à une nudité forcée et à un déshabillage pendant leur transfert, dans les centres de détention et pendant les interrogatoires ou les fouilles corporelles, de manière généralisée et systématique. Associés à d’autres actes de violence sexuelle commis à des fins d’humiliation ou de dégradation, tels que le fait d’être photographié entièrement ou partiellement nu et de faire l’objet d’abus sexuels verbaux et physiques et de menaces de viol, les actes susmentionnés constituent les crimes de guerre que sont les traitements inhumains et les atteintes à la dignité de la personne, ainsi que le crime contre l’humanité que constituent les autres actes inhumains. Dans certains cas, ces actes constituent le crime de guerre et le crime contre l’humanité de torture. 110. Les forces de sécurité israéliennes ont interdit aux détenus libérés de retourner sur leurs lieux de résidence dans le nord de Gaza. Cette interdiction constitue un déplacement forcé. Les attaques contre les civils qui tentent de retourner auprès de leurs familles s’apparentent à un transfert forcé. Il s’agit de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. […] .../...
Nations Unies (ONU) ; assemblée générale ;
11 septembre 2024 ; promotion et protection des droits de l’homme. alainmarshal.org/2024/11/18/gaza-lonu-declare-israel-coupable-dextermination-un-crime-contre-lhumanite/
Rapport de la Commission internationale indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël. |