INTERNET-TRIBUNE-LIBRE



dimanche 20 avril 2025


Navigation

Accueil général * Choix archives * Site littéraire * Archives 2025 * Nouvelles publications * stats économiques au monde


Sommaire

Article 1 : D’EST EN OUEST, LE TRIOMPHE DE TRUMP, LA MORT !

par Jean-Jacques REY

Article 2 : VERS UNE NOUVELLE VISION : LE RAISONALISME FACE AU DÉCLIN DU CAPITALISME...

par Gustave TATOUCHE

Article 3 : L'HEURE EST GRAVE POUR LES PERSONNES ÉTRANGÈRES

par Fanélie CARREY-CONTE

Article 4 : APPEL DE LA SOCIÉTÉ CIVILE POUR LA DÉFENSE DE L'ÉTAT DE DROIT

par (relais d'information) SOS Racisme

Article 5 : SARKOZY OU L'UTILITÉ D'UN JOURNALISME INDÉPENDANT

par François BONNET



Article 1





Photo de Donald Trump exibant tableau de tarifs douaniers.

Image composée justaposant symboles d'identités, étasunienne et chinoise.


D’EST EN OUEST, LE TRIOMPHE DE TRUMP, LA MORT !
 
 
 

   Il commence à nous faire « doucement » suer, l’autre fou furieux de D.(D.)T., « grand timonier » maintenant des U.S.A. qu’il lance à l’assaut du monde entier.

    En Europe, à part des vœux pieux, que faire d’efficace et d’efficient pour contrer l’impérialisme étasunien qui jette désespérément  ses dernières chances dans le feu de l’action pour conserver le leadership mondial ?
    Nos dirigeants ont-ils vraiment compris ce qui se passe dans les relations internationales (ou ne le savent-ils que trop) ?
   Le dit « Occident » a déjà perdu le contrôle de la marche du monde… Je dirai même que quelque part, cela sent le roussi pour le Capitalisme… En tout cas ses rouages sont en train de se gripper.

   Trump, c’est carrément Néron bis ou l’idiot utile des Chinois et par extension des BRICS+ : (Brésil ; Russie ; Inde ; Chine ; Afrique du Sud + Arabie Saoudite ; Egypte ; Emirat Arabes Réunis ; Ethiopie ; Iran).
    Ce personnage et son gang de croquemorts néofascistes sont dans l’esbroufe permanente : une véritable foire du Trône !
    En fait, c’est vraiment le signe d’un déclin et une décadence des U.S.A. que d’installer au pouvoir étatique de tels « expérimentateurs ». Les Chinois ont déjà gagné le challenge. Et puis ce gouvernement étasunien de pieds nickelés est en train de démontrer la fragilité de la mondialisation néolibérale, soi-disant heureuse (…) et celle du Capitalisme en général. Voilà qui sonne même comme un glas !  

    Il ne faut pas oublier ni se leurrer, une bonne partie des électeurs « trumpiens » veulent d’abord régler leurs comptes avec la Finance prédatrice et la mondialisation darwinienne autant qu’avec les institutions qui sont à leur service : à tous les niveaux, du macrocosme au microcosme ; et cet état d’esprit, il ne faut pas compter sur les médias inféodés pour le mettre en exergue ; comme le font d’ailleurs, tous les bénéficiaires et profiteurs dans le monde entier, eux qui visent à étouffer tout contradicteur du système dominant (socio-économique) avant même de songer à l’amender.

   Sans la Chine et l’Europe, les U.S.A. ne sont rien ou pas grand-chose ; en plus ils ont donc les BRICS+ qui manœuvrent contre eux. L’hégémonie étasunienne (complaisamment admise par beaucoup depuis des décennies) va en prendre un coup !
    Et la panique collective qui se profile à l’horizon, à commencer sur les marchés, n’a pas fini de faire des vagues…
    Tout ce qu’ils font, c’est d’affoler les gens et ainsi de précipiter une crise mondiale, en particulier dans les affaires.
    C’est surtout cela qui est la hantise des bourgeoisies à travers le monde : la démonstration par l’absurde des tares du système capitaliste qui accroissent les risques de dérapage dangereux et de conflits militaires.

   Cela dit, gardons bien en mémoire que l’internationale fasciste qui se met en place et provoque le chaos, elle est d’abord une réaction aux politiques néolibérales, dévastatrices pour la cohésion sociale, particulièrement dans le dit « Occident » ; mais elle est manipulée au premier chef par des ploutocrates à leur profit (comme Donald Trump évidemment).
    Prenons par exemple le cas d’un de ses potes : Elon Musk, un « rescapé » et rejeton de l’Apartheid (dans l’ancienne Afrique du Sud) qui a fait fortune en arrivant dans la cour de « l’oncle Sam », celui-là est considéré comme « libertarien » : par conséquent ennemi acharné de tout interventionnisme dans le domaine économique (il est ainsi pour la « loi de la jungle » dans cette sphère et il en subit actuellement les conséquences, semble-t-il), hé bien ! L’individu en question fait très fort aux USA en s’intégrant et interférant dans les ressorts du Pouvoir. Si on observe et déduit bien, son but ultime serait de mettre fin à la gouvernance démocratique, en pompant les ressources de l’Etat (fédéral) ni plus ni moins. Pour le peuple américain et son administration en particulier, c’est l’équivalent d’un agent pathogène à grande échelle et de grande intensité. Décidément, ce pays s’enfonce dans les abîmes de la dictature.

   Oui, danger incommensurable, l’internationale fasciste sème le désordre dans le monde entier, en désignant des boucs émissaires (comme les migrants) pour justifier ses ambitions suprématistes, racistes et égoïstes. Pour ces gens-là, il n’y a pas et il n’y aura jamais d’égalité entre différents membres du genre humain (à commencer entre féminin et masculin) ; sauf à tomber sur plus fort qu’eux…

    Enfin, je conclurai par cette note caustique concernant une polémique de bas étage : sans la France, les Etats-Unis d’Amérique n’existerait pas ou alors au prix d’une longue guerre avec les « Tuniques rouges » (surnom des soldats anglais de l’époque au regard de leur uniforme) ; alors les minables à Washington : siège du gouvernement fédéral, étasunien, qui nous rappellent obligeamment le rôle des U.S.A. pendant les deux guerres mondiales au vingtième siècle (cela avant tout pour leur propre intérêt), ils ne devraient pas l’oublier non plus, au lieu de vouloir rabaisser et chapitrer les Européens et les Français en particulier. Nous n’avons pas envie de supporter leurs leçons de morale et nous laisser intimider comme des proies faciles… De plus leur mépris, ils peuvent se le ranger dans les trous qu’ils ont dans leur raisonnement morbide ; eux qui sont les dignes héritiers de bénéficiaires du commerce esclavagiste et de l’exploitation féroce du genre humain ; eux qui sont en train de mener leur pays dans une fondrière aux idées et qui sont déjà bien enlisés dans la bêtise : une bêtise proverbiale, assurément !
    Voilà émis, puisque nous en sommes revenus au temps des propos aigres-doux entre « amis ». Vive Lafayette !





- En cinq articles -
Le discrédit de l'Occident
- En quatre articles -
Les menées de l'impérialisme étasunien (*)





______________________________________________

Le Président chinois Xi Jinping prévoit « un déclin de l'Occident et une ascension de l'Orient » en marge d'un tournant isolationniste de Donald Trump
Le pouvoir géopolitique passe de l'Ouest à l'Est

Ecrit par Oiwan Lam. Traduit par Rodrigue Macao. Traduction publiée le 31/03/2025

fr.globalvoices.org/2025/03/31/294138/

[*Oiwan Lam est une activiste sur les médias, chercheuse universitaire et éducatrice (école de journalisme et communication), actuellement basée à Hong Kong, agissant en tant qu'éditrice régionale pour l'Asie de l'Est au sein de Global Voices. En plus de son travail d'écriture, Oiwan Lam s'intéresse à des sujets tels que la censure en ligne, la liberté d'expression et les droits des minorités, notamment dans le contexte des mouvements pro-démocratiques à Hong Kong.]

« Le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient ». Cette phrase, prononcée par le président chinois Xi Jinping en 2020, décrit le changement récent dans la distribution des pouvoirs à l'international. Et avec les dernières directives de Donald Trump, qui semble conduire les États-Unis droit vers l'isolation, la phrase est véritablement devenue un slogan sur les réseaux sociaux chinois.
Il faudra remercier Qiushi, le journal officiel du Parti Communiste Chinois (le PCC), pour avoir permis à cette phrase de refaire surface. En effet, le média a publié le 1ᵉʳ janvier 2025 une transcription d'un discours de Xi Jinping datant de 2023 et dans lequel le président mentionne le déclin de l'Ouest en faveur de l'Est. Dans ce même discours, il soulignera l'affaiblissement constant des pays occidentaux, qui serait, d'après lui, la conséquence d'un capitalisme insatiable. Il fera ensuite allusion à « une Chine stable tandis que l'Ouest est en ruine » ainsi qu'à une nouvelle ère dans laquelle un « déclin de l'Occident » contrasterait avec une « ascension de l'Orient ». Xi Jinping insistera sur le fait que cette nouvelle balance géopolitique a offert une nouvelle chance aux pays en développement et il appellera à résister face à l'encerclement, la réprimande et l'impérialisme des États-Unis.
Même si ce n'est pas anormal pour les médias nationaux de relayer les idées de Xi Jinping, l'article de Qiushi a cette fois-ci attiré plus d'attention que d'habitude, surtout en provenance d'opposants politiques ne résident pas en Chine. Et tout cela est dû aux politiques isolationnistes de Donald Trump.

Réflexion d'un opposant au Parti Communiste Chinois :
"Comment le monde réagirait-il si Trump, qui ne cherche que le profit, et les États-Unis décidaient de se retirer de toutes aides internationales ? Le monde se rallierait-il à Trump ? Ou l'abandonnerait-il ? Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont généreusement envoyé de l'aide à de nombreux pays. Cela a-t-il affaibli le pays ? Celui qui ne réfléchit pas à long terme ne voit que ce qui a déjà été obtenu, pas ce qui doit l'être. Si les États-Unis abandonnent l'idée d'une alliance globale pour se tourner vers l'isolationnisme, cela laissera le champ libre à la Chine, et les mots de Xi, « Le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient », deviendront réalité."

« Le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient »
La phrase a été prononcée par Xi Jinping lors de la cinquième séance plénière du PCC en octobre 2020. Elle fut ensuite rendue publique en janvier 2021, lorsque les États-Unis étaient encore sous le premier mandat de Trump, que le pays était frappé par la COVID-19 et la désinformation, notamment concernant les vaccins et les mesures anti-pandémie.
Cette idée est basée sur les théories de Justin Yifu Lin, ancien vice-président de la Banque Mondiale, Hu Angang et David Daokui Li, tous deux professeurs d'économie à l'Université Tsinghua. D'après Xi et son groupe de réflexion, l'Orient et l'Occident représenteraient deux civilisations différentes.  La civilisation orientale serait caractérisée par le collectivisme et des valeurs communautaristes, tandis que l'Occident serait caractérisé par le capitalisme et des valeurs individualistes. Grâce aux progrès fulgurants de la Chine en termes économiques et technologiques, ainsi qu'au succès qu'a été l'endiguement initial de la pandémie, ces experts pensent que la Chine entre enfin dans une période d'allégresse et que d'ici 2030, la Chine pourrait prendre la place des États-Unis à la tête de l'économie mondiale.
Ce qui ne plaît pas à tout le monde. Lors de son discours de fin de mandat, l'ex-président Joe Biden a déclaré que jamais la Chine ne surpassera les États-Unis. Pour étayer son propos, il a mentionné le ralentissement économique post-COVID de la Chine et la baisse de la note de crédit souverain du pays. Lee Hsien Loong, ancien premier ministre de Singapour, a lui aussi suggéré que la Chine ne pourra jamais surpasser les États-Unis. D'après lui, les États-Unis ont non seulement l'avantage d'être une terre d'accueil pour le monde entier, le pays aurait également les capacités nécessaires pour se réinventer. Même au sein de la Chine, certains experts en politique pointent du doigt cette idée. Selon eux, la croissance économique n'est pas le plus gros indicateur de force des États-Unis, puisque l'hégémonie du pays est surtout protégée par sa présence et sa puissance militaire, ses alliances, sa disposition à attirer des talents du monde entier, ainsi que le statut du dollar américain comme la monnaie utilisée pour les échanges commerciaux à l'international.

Cela prouve que malgré le dur labeur de la Chine pour se construire une alliance, notamment au travers du projet de la nouvelle route de la soie, ainsi que la mise en place du Yuan numérique pour renforcer le Yuan chinois parmi les monnaies internationales, « le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient » n'était qu'une idée tirée par les cheveux, notamment lorsque la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine faisait rage, et que cette dernière était tourmentée par les dettes et la déflation. Une dure réalité. En tout cas jusqu'à ce que Donald Trump reprenne les rênes du pays et modifie complètement les politiques internationales du pays, transformant une nation cherchant autrefois le multilatéralisme en un endroit envahi par l'isolationnisme. Modifiant les politiques d'échanges, auparavant libre marché, pour créer un système protectionniste.

Après avoir supprimé de nombreuses aides de l'USAID et avoir menacé de quitter l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), stoppant possiblement son aide militaire à l'Ukraine, les conséquences des décisions de Donald Trump pourraient faire retomber le globe dans des sphères d'influence, avec la Russie, la Chine et États-Unis au centre de celles-ci. C'est en tout cas ce que suggère l'analyse politique du Wall Street Journal :
"Avec le déclin de l'ordre international post-guerre, la Russie, la Chine et les États-Unis sont sur le point de créer un nouvel âge d'empires, écrit Yaroslav Trofimov du WSJ."
Cette prédiction selon laquelle la Chine étendra ses relations internationales pendant que les États-Unis couperont graduellement leurs relations avec des alliés de longue date comme l'Ukraine, l'Union Européenne et le Canada est devenue le consensus chez les experts en politique :
"Les dirigeants chinois attendent que les politiques de Trump mettent fin aux fondations de l'hégémonie des États-Unis, créant ainsi une opportunité pour Pékin d'étendre ses influences plus loin, et plus vite, écrit Yun Sun."
La version chinoise de cette prédiction se reflète alors dans l'idée que « le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient », qui est désormais partagée à grande échelle dans les sphères politiques, libérales, en dehors de la Chine continentale .../...


_______________________________________________

« L'Occident nihiliste a perdu tout sens des réalités »
publié le 26/03/2024 Par Michael Brenner
Texte traduit et reproduit avec l'autorisation de Scheerpost.
Source : Scheerpost — 08/03/2024

elucid.media/politique/occident-ukraine-russie-gaza-israel-nihiliste-perdu-tout-sens-realites-michael-brenner

[*Michael Brenner est une autorité américaine reconnue sur l’évaluation et la gestion des risques, la politique étrangère américaine, et la géopolitique. Il est Professeur émérite d’affaires internationales à l’Université de Pittsburgh et membre du Center for Transatlantic Relations à SAIS/Johns Hopkins. Michael Brenner a été directeur du programme de relations internationales et d’études mondiales à l’université du Texas. Il a également travaillé au Foreign Service Institute, au ministère américain de la Défense et à Westinghouse. Il est l’auteur de nombreux livres et articles portant sur la politique étrangère américaine, la théorie des relations internationales, l’économie politique internationale et la sécurité nationale.]

L'Occident semble engagé sur la voie du suicide collectif : suicide moral à Gaza, suicide diplomatique au Moyen-Orient et dans toute l'Eurasie, suicide économique avec un système financier basé sur le dollar et une Europe désindustrialisée. Le tableau n'est pas bien joli à voir et curieusement, cette autodestruction se déclenche alors qu'aucun traumatisme majeur ne s'est produit.
Les dirigeants occidentaux vivent deux événements fracassants : la défaite en Ukraine et le génocide en Palestine. Le premier est humiliant, l'autre fait honte. Pourtant, ils ne ressentent ni humiliation ni honte. Leurs actes montrent de façon éclatante que ces sentiments leur sont étrangers et qu'ils sont incapables de franchir les limites bien ancrées du dogme, de l'arrogance et des insécurités endémiques. Ces dernières sont à la fois personnelles et politiques. .../...
Certains indices de ces anomalies sont fournis dans les récentes réactions des Occidentaux, lorsque la détérioration des conditions resserre l'étau – sur les émotions, sur les politiques en vigueur, sur les préoccupations politiques intérieures, et sur les egos démesurés des gouvernants. Ces réactions entrent dans la catégorie des comportements de panique. Au fond, ils ont peur, ils sont effrayés et nerveux.
Que ce soit Biden et consorts à Washington, Macron, Schulz, Sunak, Stoltenberg ou Von Der Leyen, aucun n'a le courage de ses convictions ni le courage de regarder la réalité en face. La vérité brutale est qu'ils ont réussi à se placer eux-mêmes, et leurs pays, dans un dilemme dont ils ne peuvent sortir qu'en se conformant aux intérêts et à l'engagement émotionnel qu'ils les ont définis. C'est pourquoi nous observons toute une série de réactions qui sont irresponsables, grotesques et dangereuses.

Des incapables.
La première pièce à conviction est le plan proposé par le président français Emmanuel Macron, qui consiste à poster en Ukraine des militaires des pays membres de l'OTAN afin de servir de cordon de sécurité. Disposés autour de Kharkov, Odessa et Kiev, ils sont censés dissuader les forces russes d'avancer vers ces villes par crainte de tuer des soldats occidentaux, risquant ainsi une confrontation directe avec l'Alliance. Il s'agit d'une idée très douteuse qui échappe à toute logique et qui défie toute expérience, tout en provoquant le destin.
La France a depuis longtemps déployé des membres de ses forces armées en Ukraine, où ils programmaient et utilisaient des équipements sophistiqués, en particulier les missiles de croisière SCALP. Il y a quelques mois, des dizaines de personnes ont été tuées par une frappe de représailles russe qui a détruit leur base. Paris a crié au « crime sacré » devant le comportement déloyal de Moscou, qui ripostait à ceux qui l'attaquaient. Il s'agissait de représailles pour la participation française au bombardement meurtrier de la ville russe de Belgorod.
Pourquoi alors faudrait-il s'attendre à ce que le Kremlin abandonne une campagne coûteuse mettant en jeu ce qu'il considère comme des intérêts nationaux vitaux, dès lors que des troupes occidentales en uniforme seraient déployées en ligne de défense autour des villes ? Peut-on sérieusement croire qu'ils seraient alors contraints à la passivité, intimidés par d'élégants uniformes réunis sous des bannières surdimensionnées arborant le slogan : « Ne plaisantez pas avec l'OTAN » ?
De plus, il y a déjà des milliers d'Occidentaux qui agissent en renfort des forces armées ukrainiennes. Environ 4 à 5 000 Américains remplissent des fonctions opérationnelles essentielles. Pour la majorité d'entre eux, cette présence en Ukraine précède même de plusieurs années le début des hostilités, il y a deux ans. Ce contingent a été renforcé par un groupe supplémentaire de 1 700 personnes l'été dernier. Il s'agissait d'un corps d'experts en logistique dont la mission était de rechercher et d'éradiquer la corruption dans le marché noir de fournitures volées.
Le personnel du Pentagone est présent au sein de l'armée ukrainienne, qu'il s'agisse des unités de planification du quartier général, des conseillers sur le terrain, des techniciens ou des forces spéciales. Il est communément admis que ce sont les Américains eux-mêmes qui ont utilisé l'artillerie sophistiquée à longue portée HIMARS et les batteries de défense antiaérienne Patriot. Cela signifie que des membres de l'armée américaine ont visé – et peut-être appuyé sur la gâchette – avec des armes qui tuent des Russes.
En outre, la CIA a mis en place un système massif et polyvalent capable de mener un large éventail d'activités de renseignement et d'opérations, de manière indépendante tout comme en collaboration avec le FSB ukrainien. Cela inclut le renseignement tactique au jour le jour. En revanche, nous ne savons pas si la CIA a joué un rôle dans la campagne d'assassinats ciblés sur le territoire russe.
La Grande-Bretagne a également joué un rôle essentiel. Son personnel spécialisé a utilisé les missiles Storm Shadow (équivalent du SCALP français) contre la Crimée et d'autres pays. De même, le MI-6 a joué un rôle de premier plan dans la conception des multiples attaques contre le pont de Kerch et d'autres infrastructures critiques. Le principal enseignement à tirer de ce tour d'horizon est que le positionnement de troupes européennes sur des sites clés en tant qu'otages humains n'est pas très original. Leur présence n'a pas dissuadé la Russie de les attaquer sur le terrain ou, comme dans le cas français, de les traquer jusque dans leurs résidences.

Des idiots.
La deuxième pièce à conviction est le largage par les Américains d'un chargement dérisoire d'aide humanitaire dans la mer au large de Gaza. Cette action bizarre relève à la fois de l'absurde et du grotesque. Les États-Unis sont les principaux complices des destructions israéliennes à Gaza. Leurs armes ont tué 30 000 Gazaouis, en ont blessé 70 000 et ont dévasté la majeure partie des hôpitaux. Washington a activement bloqué toute tentative sérieuse d'aide de l'UNWRA en retenant les fonds nécessaires au financement de ses opérations, tout en restant silencieux alors qu'Israël bloque les points d'entrée depuis l'Égypte et massacre les habitants qui attendent l'arrivée d'un convoi de nourriture.
En outre, Washington a opposé son veto à toutes les tentatives visant à mettre fin au carnage par le biais de résolutions de cessez-le-feu du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette absurdité consistant à parachuter des palettes depuis la soute d'un avion ne fait que souligner l'indifférence des Américains pour la vie des Palestiniens, leur mépris de l'opinion mondiale et leur soumission éhontée aux diktats d'Israël.

Sans foi ni loi.
La troisième preuve est fournie par Rishi (Sage), Sunak, Premier ministre du Royaume-Uni. Ardent défenseur d'Israël, il n'a cessé de critiquer les rassemblements pour la paix organisés pour dénoncer l'agression contre les habitants de Gaza, manifestations qu'il considère comme des obstacles à un cessez-le-feu à long terme et à un règlement politique. En cela, il perpétue la longue tradition de loyauté britannique à l'égard de son suzerain américain. Récemment, il a intensifié ses attaques en assimilant les manifestants à des outils du Hamas infiltrés par des terroristes – des terroristes qui représentent une menace pour l'unité du pays. Il les a qualifiés de « gouvernement par l'émeute », et en voit la preuve dans la victoire électorale du député marginal George Galloway, qui a écrasé les conservateurs (et les travaillistes) lors d'une élection partielle.
Rien ne prouve, bien sûr, qu'un demi-million de citoyens pacifiques sont un cheval de Troie pour les djihadistes salafistes. Ce mépris fait partie intégrante de l'attitude arrogante de la haute société anglaise, qui dans ces cercles exaltés, peut même contaminer un arriviste dont les origines remonteraient au Raj indien. Cela se traduit par de la condescendance envers les classes inférieures et par des directives quant aux limites d'un comportement acceptable. Cette attitude s'accompagne souvent de petites réflexions désobligeantes vis-à-vis des groupes ou des nationalités qui ne s'y conforment pas.
Le fait que Sunak lui-même n'hésite pas à lancer des accusations acerbes – même si elles sont insidieuses – à l'encontre des musulmans démontre la pérennité des préjugés culturels ainsi que la perméabilité historique de la classe supérieure anglaise à l'égard de ceux qui ont de l'argent ou un certain prestige. C'est peut-être cela le « progrès social » après tout...
Ce qui est particulièrement dangereux avec la démagogie indigne de Sunak, ce n'est pas son effet amplificateur sur la culpabilité de l'Occident dans le conflit palestinien. Les protagonistes régionaux, ainsi que le reste du monde, s'amusent des grandes envolées rhétoriques de la Grande-Bretagne en sachant que cette dernière n'est rien de plus que le valet des États-Unis. C'est en revanche le fait qu'elle ouvre une brèche dans les principes de liberté d'expression et de rassemblement du pays. En effet, la démagogie du Premier ministre britannique revient presque à dire que tout désaccord public avec la politique du gouvernement de Sa Majesté équivaut à une trahison. .../...


_______________________________________________

De quoi la peur des BRICS est-elle le nom ?
par Branko Marcetic, 18 septembre 2023

lvsl.fr/de-quoi-la-peur-des-brics-est-elle-le-nom/

[*Branko Marcetic est rédacteur (entre autre pour les magazines de Gauche américaine "Jacobin" et "The Nation") et auteur de "Yesterday’s Man: The Case Against Joe Biden". Il a écrit sur divers sujets, notamment la politique américaine, le soutien militaire à l'Ukraine et les critiques envers les élites financières, tout en plaidant pour une approche plus progressiste au sein du Parti démocrate. Il est considéré comme une voix critique au sein du paysage médiatique américain, plaidant pour une plus grande responsabilité et une réflexion sur les politiques qui affectent les citoyens ordinaires.]

Depuis la dernière réunion des BRICS, les commentateurs occidentaux oscillent entre alarmisme et ironie. Les uns déplorent la fin d’un monde dominé par l’Occident et dénoncent l’hydre chinoise. Les autres relativisent la signification d’une alliance qui réunit désormais la moitié de la planète. Ces réactions témoignent de la crainte des élites occidentales de voir les États-Unis perdre leur statut de super-puissance (notamment militaire et monétaire). Elles empêchent de porter un regard lucide sur la dynamique en cours – celle d’une multipolarisation progressive du monde, sans rupture brutale avec les États-Unis, lesquels conservent de bonnes relations avec la majorité des membres des nouveaux BRICS. Le risque principal du renforcement des alliances n’est pas que le monde se retrouve sous emprise chinoise – c’est plutôt que rien ne change fondamentalement.  

Le quinzième sommet des BRICS, marqué par l’adhésion de six nouveaux membres, a fait l’objet des commentaires les plus contradictoires au sein de la presse occidentale. « L’expansion des BRICS est une grande victoire pour la Chine », peut-on lire sur CNN. Mais Foreign Policy défend que « l’expansion des BRICS n’est pas un triomphe pour la Chine ». Elle marque tout de même « un échec du leadership américain », selon Bloomberg, bien que Deutsche Welle ajoute que les États-Unis sont « détendus » face à cette évolution. « Les BRICS sont réellement en train de construire un monde multipolaire », lit-on ailleurs – à moins que qu’il ne s’agisse « de rien d’autre que d’un acronyme vide de sens » ? Bien sûr, tout cela ne peut être vrai en même temps. Mais les multiples contradictions de ces réactions établissent que l’on s’aventure en terres inconnues, et que les élites occidentales ne savent qu’en penser.

Un défi au règne du dollar
Les réactions ont oscillé entre rejet et crainte. Côté rejet, les commentateurs ironisent sur l’événement, qui aurait rencontré un faible succès – quand il n’aurait pas consisté en un « agrandissement du salon de discussion » pour la Chine. Les trois jours de délibérations n’auraient donné lieu qu’à un « défilé de princes, d’autocrates, de démagogues et de criminels de guerre », dont « les actes et les paroles allaient du semi-grotesque à l’insignifiant ».
Côté crainte, on souligne la « bataille pour la suprématie mondiale » menée par Pékin et sa tentative, conjointement avec la Russie, de « défier l’hégémonie américaine », visant à rivaliser avec le G7, voire avec l’OTAN et les alliances militaires telles que le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (le QUAD) ou AUKUS. Un article de Bloomberg a synthétisé l’ensemble de ces réactions : l’événement est qualifié de « Sommet des superpuissances subalternes », et les BRICS de « vaisseau dominé par la Chine ».
Les uns et les autres se trompent. Ce sommet n’a pas consisté dans le fiasco que certains appelaient de leurs vœux, mais n’a pas tout à fait marqué l’entrée vers un nouvel ordre mondial non plus. Avec l’arrivée de [cinq] nouveaux États membresl’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran et les Émirats arabes unis (EAU) -, le groupe dépasse désormais le G7 en termes de part du PIB mondial et réunit désormais la moitié de la population mondiale. Le G7, quant à lui, n’en regroupe que 10 %. Il ne s’agit pas d’une évolution insignifiante, à l’heure où une partie croissante du monde tente de se défaire de l’influence pesante des États-Unis et de l’Union européenne.
Plus important encore, avec ses nouveaux membres, les BRICS se sont imposés au cœur du commerce mondial du pétrole. Ils comptent désormais parmi leurs membres quatre des plus grands producteurs mondiaux (l’Arabie saoudite, la Russie, l’Iran et les Émirats arabes unis), trois membres de l’OPEP (l’Arabie saoudite, l’Iran et les Émirats arabes unis), qui est elle-même le plus grand exportateur de pétrole au monde, et deux des plus grands importateurs de pétrole au monde (la Chine et l’Inde).
En conséquence, les BRICS sont désormais responsables de 42 % de la production mondiale de pétrole, soit plus du double de ce qu’ils détenaient auparavant, et de 36 % de la consommation mondiale de pétrole. Cela représente une part considérable des échanges – qui plus est dans un contexte où les États-Unis et l’Arabie saoudite sont caractérisées par une tension croissante.
Or, on sait l’importance de l’axe américano-saoudien dans le maintien de l’hégémonie du dollar comme monnaie de réserve mondiale, qui permet la domination des États-Unis sur le système financier international – une suprématie au moins aussi essentielle à leur position superpuissance géopolitique que leur armée. Ce rôle précis joué par le dollar est précisément une cible de choix des membres fondateurs des BRICS.
Avant même ce sommet, le système des pétrodollars avait déjà subi quelques coups d’estoc. L’Inde, troisième importateur mondial d’or noir, a commencé l’année dernière à acheter du pétrole russe à prix réduit dans des devises autres que le dollar – parmi lesquelles le yuan. Pékin et le gouvernement saoudien ont quant à eux discuté de l’éventualité d’échanges pétroliers en yuan. L’expansion des BRICS, on le devine, pourrait accroître cette dynamique.

D’aucuns pourraient être rassurés par la froideur avec laquelle l’appel du président brésilien Lula en faveur d’une monnaie commune a été accueilli – avec l’exception notable de la Russie. Le sommet s’est toutefois concentré sur la manière dont les États-membres pourraient accroître l’utilisation de leurs propres monnaies dans leurs échanges commerciaux. Si rien de précis n’a été convenu en la matière, une grande partie du commerce mondial du pétrole est contrôlée par les membres élargis des BRICS, et s’effectue entre eux : faire de cette résolution une réalité ne semble pas hors de portée.
La Nouvelle banque de développement (NBD), créée en 2014 comme alternative au FMI et à la Banque mondiale, actuellement dirigée par l’ancienne présidente brésilienne Dilma Rousseff, tente de réduire le montant de la dette mondiale détenue en dollars. « Les monnaies nationales ne sont pas des alternatives au dollar. Ce sont des alternatives à un système », a déclaré Dilma Rousseff à ce propos.
Ainsi, même si la « dédollarisation » que de nombreux pays appellent de leurs vœux n’a pas beaucoup progressé, les éléments nécessaires à la contestation de la suprématie du dollar semblent se mettre en place. Le développement de systèmes de paiement alternatifs à SWIFT, un autre moyen potentiel de contourner l’ordre financier dominé par les États-Unis, a également été discuté. Il s’agit de grandes avancées sur des mécanismes qui sont pratiquement demeurés intacts depuis plus d’une décennie.
Pourquoi maintenant ? Si le krash de 2008 et le rejet de la diplomatie par les sanctions de Washington alimentent une hostilité de longue date au billet vert, c’est la tentative infructueuse de conduire l’économie russe vers un effondrement qui constitue le véritable catalyseur de cette nouvelle donne. De nombreux « experts », dont la secrétaire au Trésor Janet Yellen, ont d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme quant à l’impact des sanctions financières américaines en termes de dédollarisation.

L’union autour des matières premières
Bien entendu, ce n’est pas seulement du billet vert dont il est question. Un tel poids dans le commerce des matières premières les plus importantes confère des avantages géopolitiques incontournables, et le pétrole n’est qu’un élément du tableau.
Selon une analyse datant de 2019 commanditée par ABN AMRO, les BRICS fournissaient déjà près de la moitié de l’offre – et de la consommation – mondiale de matières premières. On leur devait notamment la moitié ou plus de l’aluminium, du cuivre, du fer et de l’acier, ainsi que plus de 40 % du blé, du sucre et du café – et environ un tiers du maïs. Il faut ajouter à cette configuration un grand producteur de café et d’or – l’Éthiopie -, "un grand exportateur de blé et de maïs – l’Argentine" – et un grand producteur de gaz naturel – l’Égypte. Le groupe compte également quatre des quinze premiers détenteurs de réserves de lithium .../...
Étant donné l’opposition des BRICS au système financier dominé par les États-Unis, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi l’adhésion à cette alliance peut sembler attrayante pour des pays comme Cuba, le Venezuela ou la Syrie – soumis à des années de sanctions brutales depuis des années. Du reste, les quatre premiers membres des BRICS ont soigneusement refusé de signer les sanctions américaines à l’encontre de leur partenaire russe, tout comme les nouveaux membres.
On aurait également tôt fait de sous-estimer l’aura des BRICS dans l’intégralité du monde « en développement ». Depuis leur création, les BRICS ont toujours prétendu porter leur voix. Inclure l’Afrique du Sud en leur sein, en 2010, n’avait pas grand sens en termes étroitement économiques. Mais la signification politique de cette décision était considérable, car elle permettait d’y inclure une voix africaine. Il en va de même pour l’intégration de l’Éthiopie, l’un des pays africains les plus peuplés et à la croissance la plus soutenue.
Que quarante pays aient exprimé leur intérêt pour les BRICS et que vingt autres aient officiellement déposé leur candidature suggère que le « Sud global » voit dans l’intérêt affiché des BRICS pour les pays « en développement » autre chose qu’un effet rhétorique. En creux, ces chiffres illustrent le degré de rejet de l’ordre mondial dominé par les États-Unis. .../...


_______________________________________________

La guerre d’Ukraine : Enjeu central pour le contrôle du Heartland
Par René Naba , dans : Actualités Diplomatie International Politique Russie ; 1 avril 2022

renenaba.com/la-guerre-dukraine-enjeu-central-pour-le-controle-du-heartland/

[*René Naba : écrivain et journaliste libanais, reconnu pour son expertise sur le monde arabe, ayant travaillé comme correspondant pour l'AFP à Beyrouth et il a fondé "les Lumières de Paris" (Institut International) ; devenu ancien responsable du Monde arabo-musulman au service diplomatique de l’AFP ; puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Etc. : madaniya.info/auteurs/ ]

La guerre d’Ukraine n’est pas accidentelle, résultant d’un dérapage fortuit ou d’un enchaînement incontrôlé des événements, ou pis d’un comportement impulsif d’un dirigeant éruptif. Non, la guerre d’Ukraine constitue un objectif majeur de la stratégie contemporaine et, face à la débâcle de l’OTAN en Afghanistan, l’enjeu central du contrôle du Heartland, le centre du Monde, en application des préconisations de Halford John Mackinder, le fondateur de la géopolitique contemporaine.
Ce professeur de géographie à Oxford University (RU) estimait tout bonnement que quiconque contrôle l’Europe de l’Est commande le cœur du Monde.
Selon Mackinder, le Heartland qui représente les 2/12 de la terre, est composé des continents euro-asiatiques et africains. Il est donc impératif de tenir ce Heartland, –vaste plaine s’étendant de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale qui rayonne sur la Mer Méditerranée, le Moyen Orient et le sud de la Chine– et qui a constitué la voie par excellence des invasions mongoles de l’Europe du XIII e siècle et du XIV e siècle) de Gengis Khan et de Tamerlan.
L’enjeu est donc de taille et explique la formidable guerre psychologique engagée par les médias occidentaux pour discréditer la Russie, coupable d’avoir bravé le primat de l’Otan en Europe depuis l’effondrement du bloc soviétique, en 1989, en vue de briser net le grignotage atlantiste des anciennes marches de l’Empire soviétique (Pologne, Hongrie, Pays baltes, etc..).
A ce titre, la guerre d’Ukraine, par ses excès de langage et ses omissions, a constitué une parfaite illustration du discours disjonctif occidental et révélé le tréfonds de la pensée d’une fraction de l’élite occidentale.
Désigné communément dans le jargon journalistique de «double standard», le discours disjonctif est un discours prônant la promotion des valeurs universelles pour la protection d’intérêts matériels. Il est en fait un discours en apparence universel mais à tonalité morale variable, adaptable en fonction des intérêts particuliers des États et des dirigeants. Dans un monde où l’hypocrisie n’est pas de mise, un tel double langage est plus crûment qualifié de duplicité ou d’hypocrisie.

De l’égarement de la pensée occidentale.
Dans la guerre psychologique, les médias occidentaux s’en sont donnés à cœur joie pour diaboliser Vladimir Poutine.
Traiter le président russe de «criminel de guerre» est en effet de bonne guerre de la part de son rival américain Joe Biden, désireux de se livrer à une démonstration de force en trois directions :
  - L’Ukraine, au delà l’Europe, théâtre privilégié des manœuvres d’encerclement de la Russie depuis une décennie et victime à ce titre d’un jeu de billards à trois bandes.
  - La Chine, pour tenter de la dissuader de se livrer à pareille opération en direction de Taïwan , que Pékin considère comme faisant partie partie intégrante de la Chine, dont elle avait été détachée arbitrairement lors de l’avènement du régime communiste.
  - L’opinion américaine en campant une posture de chef de guerre, soucieux de ménager la croissance américaine et le budget des ménages en maintenant à bas prix le prix du carburant afin de ne pas compromettre les résultats des élections de mi mandat américaines, de novembre 2022.
[Cela] au prix de faire les yeux de Chimène au boucher de Riyad, l’ordonnateur d’une décapitation de 81 opposants saoudiens, dans la semaine même de l’intervention russe en Ukraine, Mohamad Ben Salmane: un interlocuteur particulièrement recommandable du fait de ses états de service, l’équarrisseur du journaliste Jamal Khashoggi et co-agresseur du Yémen.
Toute honte bue, l’Occident a même dépêché deux de ses plus éminents représentants, –Emmanuel Macron, le président français de la Patrie des Droits de l’Homme et le britannique Boris Johnson, le pays doyen des démocraties occidentales de l’époque contemporaine–, à Riyad pour tendre la sébile, dans un remake de l’humiliant voyage à Canossa du Moyen Âge, en vue de dédouaner aux yeux de leur opinion le sanguinaire wahhabite.
.../...
Sauf à être animé d’une mauvaise foi crasse, quiconque doté des rudiments de la stratégie planétaire ne pouvait ignorer que les États-Unis ne resteraient pas inerte face à la débâcle de Kaboul, en Août 2021, particulièrement à son monumental impact psychologique sur le rôle dirigeant du leadership occidental sur le reste de la planète. D’autant plus impérativement que le reflux militaire atlantiste en Afghanistan s’est doublé de la percée russe en Afrique francophone avec la fin de l’opération française du Barkhane au Mali, tendant à accréditer l’impression d’une débandade des «anciens maîtres du monde».
Sauf à être frappé d’amnésie précoce, anticiper de surcroît la réaction du Kremlin était chose d’autant aisée pour les Américains que l’une des crises majeures de l’époque de la guerre froide, la crise des missiles de Cuba, en 1962, avait précisément mis aux prises les États Unis et l’Union Soviétique d’alors, et, débouché sur le retrait concomitants des missiles soviétiques de Cuba et des missiles américains de Turquie, le flanc sud de l’Otan.
Pour avoir délibérément ignoré les règles de base de la gestion de crise, l’Ukraine, ce pays culturellement jumeau et frontalier de la Russie, a été amputé une première fois de la Crimée et de son importante base navale de Sébastopol, en 2014 ; puis, huit ans plus tard, en 2022, de la région russophone du Donbass. Il est désormais réduit ,à la quatrième semaine du conflit, au statut de futur ex candidat potentiel au pacte atlantiste.

De la tonalité du discours dominant à propos de la guerre d’Ukraine et de sa distorsion.
Au diapason, dès l’intervention de la Russie contre l’Ukraine, le 24 Février 2022, les médias occidentaux ont pris fait et cause pour les Ukrainiens, dans un soutien sans nuance, célébrant des faits et gestes, qu’ils condamnent sévèrement ailleurs. .../...
Mieux, pour galvaniser la solidarité avec la blanche Ukraine, ils mettront en exergue le fait que la guerre d’Ukraine est le premier conflit en Europe depuis la fin de la 2me guerre mondiale et l’effondrement du bloc soviétique, occultant délibérément la destruction de la Yougoslavie par l’Otan dans la décennie 1990, en vue d’éliminer toute structure pouvant faire barrage à l’extension du pacte atlantiste dans l’ancienne chasse gardée soviétique; de même que la guerre de Géorgie en 2008, pour sécuriser un glacis de la Russie dans ses zones limitrophes. Un schéma identique à celui qui a provoqué l’intervention russe en Ukraine.
A l’unisson, les médias occidentaux s’émerveilleront de l’entraînement au maniement des cocktails Molotov par les femmes ukrainiennes, alors que dans d’autres temps et sous d’autres cieux, ils fustigeaient avec la plus extrême vigueur le lancer de pierre d’adolescents palestiniens contre des soldats israéliens, quand bien même les bombes incendiaires ont un effet infiniment plus dévastateur que des frondes palestiniennes. La figure inversée du petit David palestinien terrassant avec une fronde le géant israélien Goliath provoque encore de nos jours de sueurs froides dans les chaudes chaumières de la bonne conscience occidentale.

Le remake des tirailleurs africains
Les Européens, particulièrement, habituellement grincheux à l’égard des migrants par crainte de leur «grand remplacement démographique”, se sont ainsi portés volontaires par milliers pour l’accueil des réfugiés et la mobilisation d’importantes collectes de vivres et de fonds, sans conditionner, curieusement, cet élan de générosité au respect des valeurs professées précisément par les grandes démocraties occidentales… à savoir, notamment la libre circulation des personnes.
Dans le cas particulier de l’Ukraine, la liberté des Africains, résidant dans ce pays en guerre: –une guerre à laquelle ils sont totalement étrangers–, de retourner dans leur pays d’origine, [n'a pas eu autant d'attentions], sans qu’il ait été possible de savoir si cette omission relevait d’un fâcheux oubli ou bien d’une posture de mépris…d’un mépris caractéristique des nantis face au sort des plus démunis. Aucun pétitionnaire compulsif, qui dicte habituellement la règle du jeu, n’a protesté, à titre d’exemple –pour l’exemple- contre la volonté de Kiev d’enrôler les Africains résidant dans le pays dans la guerre contre la Russie en un vieux remake des «Tirailleurs africains» de la 1e Guerre mondiale (1914-1918). Embrigadés dans des conflits qui leur étaient, étymologiquement, totalement étrangers, ces Africains feront office de «chairs à canon» pour défendre, paradoxalement, leurs colonisateurs contre les oppresseurs de leurs propres oppresseurs. .../...


_______________________________________________

RCA : Touadéra parle des conséquences de crise des migrants sur la tribune des Nations-Unis
Publié le 21.09.2023 à 17h29 par JDBangui

journaldebangui.com/rca-touadera-parle-des-consequences-de-crise-des-migrants-sur-la-tribune-des-nations-unis/

[*Faustin-Archange Touadéra, né à Bangui le 21 avril 1957, est un professeur universitaire et homme d'État centrafricain, Premier ministre de 2008 à 2013 sous le régime de François Bozize, puis Président de la République Centrafricaine (RCA) à partir de 2016.]

A l’occasion de la 78e Session de l’Assemblée générale qui s’est ouvert ce 21 septembre 2023, le président centrafricain, comme ses pairs a fait une déclaration sur la tribune des Nations-Unies.
Placé sous le thème : « Rétablir la confiance et raviver la solidarité : accélérer l’action menée pour réaliser le Programme 2030 et ses objectifs de développement durable en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous », les travaux de la 78e Session de l’Assemblée générale des Nations-Unies sont en cours.
Après la déclaration du Secrétaire général, Antonio Guterres, Faustin Archange Touadéra et plusieurs chefs d’Etats et de gouvernements ont fait des déclarations.
Le discours intégral du président centrafricain.
"– Monsieur le Président de l’Assemblée Générale.
La 78ème Session de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies, à laquelle je participe au nom de mon beau pays, la République Centrafricaine, m’offre l’heureuse occasion de réaffirmer notre inflexible détermination de contribuer à la recherche de solutions communes aux défis de l’humanité.
.../...
Avant d’apporter la contribution de mon pays au débat général, je voudrais, du haut de cette tribune des Nations Unies, symbole par excellence de la solidarité humaine, exprimer la solidarité du peuple centrafricain aux peuples frères du Maroc et de la Libye, durement frappés par des catastrophes naturelles ayant entraîné des milliers de pertes en vies humaines et des dégâts matériels inestimables quelques jours avant l’ouverture de notre Session.
Comme je l’ai soutenu en d’autres occasions, les conséquences dramatiques de ces catastrophes naturelles doivent interpeler la communauté scientifique mondiale sur l’urgence d’identifier les régions du monde particulièrement vulnérables à des événements climatiques extrêmes, et de mettre à la disposition des Etats concernés les informations nécessaires afin d’en limiter les dégâts.
Par ailleurs, le monde entier a suivi avec une profonde consternation l’arrivée massive, ces derniers jours, des milliers de migrants africains sur l’île de Lampedusa, en Italie. Ces jeunes qui représentent le présent et l’avenir de notre continent, l’Afrique, cherchent désespérément à rejoindre les pays du continent européen, à la recherche d’un eldorado.
Cette escalade de la crise des migrants est l’une des conséquences effroyables des pillages des ressources naturelles des pays rendus pauvres par l’esclavage, la colonisation, l’impérialisme occidental, le terrorisme et les conflits armés internes souvent ouverts sur fond de visées hégémoniques, des tensions géopolitiques et géostratégiques entre les grandes puissances mondiales.
Tout en regrettant ce phénomène déshumanisant, je salue la solidarité et les efforts inouïs, déployés par les pays d’accueil et l’Organisation Internationale pour les Migrations, pour fournir l’assistance à ces jeunes dont les vies sont mises en danger par des passeurs et vendeurs d’illusions sans foi ni loi.
Toutefois, mon pays estime que l’ONU doit aller au-delà de notre engagement commun à raviver la solidarité mondiale, en impliquant les pays africains dans la recherche des solutions globales aux crises migratoires et aux défis existentiels qui se posent aux jeunes du continent africain.
Alors que nos pays continuent de faire face aux chocs climatiques, aux tensions géopolitiques et aux défis financiers, énergétiques et alimentaires sans précédent, de nouveaux défis mondiaux se révèlent chaque jour.
Aujourd’hui, en Afrique comme ailleurs, des conflits, symptômes des tensions géopolitiques et géostratégiques qui divisent les grandes puissances, sont ouverts.
Au Soudan, un conflit armé interne d’une rare cruauté a éclaté, en avril 2023, alors même que le pays était sur la voie de la normalisation avec un processus de dialogue prometteur entre toutes les forces vives de la nation.
La République Centrafricaine a déjà enregistré 51.077 réfugiés soudanais et tchadiens, dans la Préfecture de la Vakaga, exposant ainsi nos populations certes résilientes, à des risques d’aggravation de la situation humanitaire encore délétère et d’insécurité. J’en appelle à une prise en considération de l’impact de cette crise sur la géopolitique régionale ainsi qu’à la solidarité internationale en faveur des réfugiés.
Et pendant que nous tenons cette Session, le conflit russo-ukrainien se poursuit sur le terrain sans aucune perspective de règlement pacifique, alors que les conséquences pour le monde sont douloureuses et regrettables.
.../...
La persistance et la multiplication des foyers de tensions à travers le monde soulèvent des interrogations quant à l’efficacité de certains mécanismes de prévention et de règlement pacifique des différends de l’ONU dont la mission première est de garantir la paix et la sécurité internationales.
C’est pourquoi, nous réaffirmons avec force la Position Africaine Commune sur la réforme du Conseil de Sécurité de l’ONU, afin d’augmenter le nombre des membres permanents et non permanents et d’accorder un siège permanent à l’Afrique, et ce ne sera que justice.
La République Centrafricaine estime qu’il est urgent de réparer ces injustices historiques subies par l’Afrique, au regard des agendas importants tels que le Sommet du futur en 2024 et le 80ème anniversaire des Nations Unies en 2025 qui pourront être des occasions d’unir les pays membres afin de prendre des mesures concrètes pour ladite réforme.
.../...
La République Centrafricaine s’interroge sur le point de savoir : comment accélérer la réalisation de l’Agenda 2030 en faveur de la paix, de prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous, lorsque certains Etats, du haut de leur puissance politique, économique et militaire, agitent en permanence la diplomatie coercitive ou instrumentalisent les institutions financières internationales aux fins d’imposer des blocus économiques, financiers et commerciaux contre les pays rendus pauvres par l’esclavage, la colonisation et l’impérialisme ?
En effet, le 29 juillet 2023, le peuple centrafricain a appris avec une grande désolation la reconduction de l’embargo sur les armes, motivée par des rapports et exposés des motifs tronqués, avec une fallacieuse dérogation pour les forces de sécurité nationale. La République Centrafricaine dénonce à la face du monde cette cynique décision qui trahit l’intention inavouée des membres du Conseil qui l’ont votée, d’instrumentaliser les régimes de sanctions à des fins de pressions politiques, sous l’égide de l’ONU. Je dois rappeler, pour le déplorer, que les embargos sur les armes et diamants reconduits depuis 10 ans, auxquels s’ajoute la suspension des appuis budgétaires, constituent de réels obstacles à la réalisation par mon pays des objectifs de l’Agenda 2030. Nous récusons ce déni de notre droit à l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur nos richesses et ressources naturelles, garanti par les instruments juridiques pertinents des Nations Unies.
J’exhorte le Conseil de Sécurité à faire cesser ces artifices qui visent à masquer la volonté de pérenniser l’insécurité et la mainmise sur les ressources naturelles du pays au profit des puissances étrangères, consacrent la légitimation des groupes armés et leur accordent le statut de sujet de droit international. .../...


__________________________________________________________
__________________________________________________________


Jeffrey Sachs: la géopolitique de la paix
Par Jeffrey D. Sachs. Arrêt sur info — 28 février 2025

arretsurinfo.ch/jeffrey-sachs-la-geopolitique-de-la-paix/

[*Jeffrey D. Sachs est un universitaire et économiste américain, directeur du Centre pour le développement durable de l’Université Columbia, où il a dirigé l’Earth Institute (Institut de la Terre) de 2002 à 2016. Il est également président du Réseau des solutions de développement durable des Nations Unies et commissaire de la Commission des Nations Unies sur le haut débit pour le développement. Il est consultant spécial auprès du secrétaire général des Nations unies António Guterres. Il est connu pour ses travaux comme consultant économique auprès des gouvernements d'Amérique latine, d'Europe de l'Est, d'ex-Yougoslavie, d'ex-Union soviétique, d’Asie, et d’Afrique. Il est aussi connu pour sa coopération avec des agences internationales sur les thèmes de réduction de la pauvreté, l’annulation de la dette, et le contrôle épidémiologique dans les pays en voie de développement. Etc.]

L’auteur explique aux députés européens la politique étrangère manipulatrice des États-Unis d’après-guerre, fait exploser les mythes sur l’Ukraine et appelle à une politique étrangère européenne indépendante.
Il s’agit d’une transcription éditée du discours du professeur Jeffrey Sachs au Parlement européen lors d’un événement intitulé « La géopolitique de la paix », organisé par l’ancien secrétaire général adjoint de l’ONU et actuel député européen de la BSW, [Alliance Sahra Wagenknecht - Pour la raison et la justice : parti politique allemand de Gauche] Michael von der Schulenburg, le 19 février 2025. La transcription a été éditée pour plus de clarté et annotée.

Introduction
Merci à vous tous de m’avoir donné l’occasion de nous réunir et de réfléchir ensemble. Nous vivons une période compliquée, qui évolue rapidement et qui est très dangereuse. Nous avons donc vraiment besoin de clarté dans nos pensées. Je suis particulièrement intéressé par notre conversation, je vais donc essayer d’être aussi succinct et clair que possible.
J’ai suivi de très près les événements en Europe de l’Est, dans l’ex-Union soviétique, en Russie et en Ukraine au cours des 36 dernières années. J’ai été conseiller du gouvernement polonais en 1989, de l’équipe économique du président Gorbatchev en 1990 et 1991, de l’équipe économique du président Eltsine de 1991 à 1993 et ​​de l’équipe économique du président Koutchma en Ukraine de 1993 à 1994.
J’ai contribué à l’introduction de la monnaie estonienne. J’ai aidé plusieurs pays de l’ex-Yougoslavie, notamment la Slovénie. Après le Maïdan, le nouveau gouvernement [ukrainien] m’a demandé de venir à Kiev, j’ai visité le Maïdan et j’ai appris beaucoup de choses de première main.
Je suis en contact avec les dirigeants russes depuis plus de 30 ans. Je connais aussi de près les dirigeants politiques américains. Notre ancienne secrétaire au Trésor [U.S.A.], Janet Yellen, a été mon merveilleux professeur de macroéconomie, il y a 52 ans. Nous sommes amis depuis un demi-siècle.
Je connais ces gens. Je dis cela parce que ce que je veux expliquer de mon point de vue, n’est pas de seconde main. Ce n’est pas une question d’idéologie. C’est ce que j’ai vu de mes propres yeux et ce que j’ai vécu pendant cette période. Je veux partager avec vous ma compréhension des événements qui ont frappé l’Europe dans de nombreux contextes et j’inclurai non seulement la crise ukrainienne, mais aussi la crise serbe de 1999, les guerres au Moyen-Orient, notamment en Irak, en Syrie, les guerres en Afrique, notamment au Soudan, en Somalie, en Libye. Ces événements sont dans une très large mesure le résultat de politiques américaines profondément erronées. Ce que je vais dire peut bien vous surprendre, mais je parle d’expérience et de connaissance de ces événements.

La politique étrangère des États-Unis
Ce sont les États-Unis qui ont mené et provoqué ces guerres. Et cela dure depuis plus de trente ans. Les États-Unis en sont venus à la conclusion, notamment en 1990-1991, puis avec la chute de l’Union soviétique, que c’est désormais eux qui dirigent le monde et qu’ils n’ont pas à tenir compte des opinions, des lignes rouges, des préoccupations, des points de vue en matière de sécurité, des obligations internationales ou du cadre de l’ONU. Je suis désolé de le dire aussi clairement, mais je veux que vous compreniez.
En 1991, j’ai fait de mon mieux pour obtenir une aide financière pour Gorbatchev, qui était selon moi le plus grand homme d’État de notre époque moderne. .../.... J’ai récemment lu le mémo archivé du débat du Conseil de sécurité nationale sur ma proposition du 3 juin 1991, lisant pour la première fois comment la Maison Blanche l’a complètement rejetée et a essentiellement tourné en dérision ma demande aux États-Unis d’aider l’Union soviétique à stabiliser ses finances et à mener à bien ses réformes. Le mémo documente que le gouvernement américain a décidé de faire le strict minimum pour éviter le désastre, mais juste le minimum. .../... Ils ont décidé que ce n’était pas le rôle des États-Unis d’aider. Bien au contraire.
Lorsque l’Union soviétique a pris fin en 1991, cette vision est devenue encore plus exagérée. Je pourrais citer des chapitres et des versets, mais la vision était que c’était nous [les États-Unis] qui dirigions les opérations. [Dick] Cheney, [Paul] Wolfowitz et bien d’autres que vous connaissez ont cru littéralement que le monde était désormais américain et que nous ferions ce que nous voudrions. Nous nettoierons l’ancienne Union soviétique. Nous éliminerons tous les alliés de l’ère soviétique qui subsistent. Des pays comme l’Irak, la Syrie, etc. disparaîtront.
Et nous vivons cette politique étrangère depuis 33 ans. L’Europe en a payé le prix fort, car elle n’a pas eu de politique étrangère pendant cette période, à ma connaissance. Pas de voix, pas d’unité, pas de clarté, pas d’intérêts européens, seulement la loyauté américaine.
Il y a eu des moments de désaccords, et je pense que c’étaient des désaccords très importants. Le dernier moment important remonte à 2003, à l’approche de la guerre en Irak, lorsque la France et l’Allemagne ont déclaré qu’elles ne soutenaient pas que les États-Unis contournent le Conseil de sécurité de l’ONU pour cette guerre. Cette guerre avait été directement fomentée par Netanyahou et ses collègues du Pentagone américain. .../... Je ne dis pas qu’il s’agissait d’un lien ou d’une réciprocité. Je dis simplement que c’était une guerre menée pour Israël. C’était une guerre que Paul Wolfowitz et Douglas Feith avaient coordonnée avec Benjamin Netanyahu.
C’est la dernière fois que l’Europe a eu voix au chapitre. J’ai parlé avec les dirigeants européens à l’époque, et ils ont été très clairs, et c’était vraiment merveilleux d’entendre leur opposition à une guerre inacceptable. L’Europe a complètement perdu sa voix après cela, et surtout en 2008. Ce qui s’est passé après 1991, et pour nous amener à 2008, c’est que les États-Unis ont décidé que l’unipolarité signifiait que l’OTAN s’élargirait quelque part de Bruxelles à Vladivostok, étape par étape.

Élargissement de l’OTAN
L’élargissement de l’OTAN vers l’Est ne connaîtrait aucune limite. Ce serait le monde unipolaire américain. Si vous jouez au jeu du risque comme moi, vous verrez que l’idée des États-Unis est la suivante : avoir la pièce sur chaque partie de l’échiquier. Tout endroit dépourvu de base militaire américaine est un ennemi, en fait. La neutralité est un gros mot dans le lexique politique américain.
La neutralité est peut-être le mot le plus grossier dans la mentalité américaine. Si vous êtes un ennemi, nous savons que vous êtes un ennemi. Si vous êtes neutre, vous êtes un subversif, car vous êtes en réalité contre nous, mais vous ne nous le dites pas. Vous faites seulement semblant d’être neutre. C’était donc effectivement la mentalité américaine, et la décision a été prise officiellement en 1994 lorsque le président Clinton a signé l’élargissement de l’OTAN vers l’Est.
Vous vous souviendrez que le 7 février 1990, Hans-Dietrich Genscher et James Baker s’étaient entretenus avec Gorbatchev. Genscher avait ensuite donné une conférence de presse au cours de laquelle il avait expliqué que l’OTAN ne se déplacerait pas vers l’Est.
L’Allemagne et les États-Unis ne tireront pas profit de la dissolution du Pacte de Varsovie. Il faut comprendre que cet engagement a été pris dans un contexte juridique et diplomatique, et non dans un contexte fortuit. Ces engagements étaient au cœur des négociations visant à mettre fin à la Seconde Guerre mondiale et à ouvrir la voie à la réunification allemande.
Il a été convenu que l’OTAN ne se déplacerait pas d’un pouce vers l’Est. (Il s’agissait d’un accord, bien que verbal, car Gorbatchev a souligné aux États-Unis et à l’Allemagne l’importance de l’engagement des États-Unis et de l’Allemagne de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est.) Et c’était explicite, et cela figure dans d’innombrables documents. Il suffit de consulter les Archives de la sécurité nationale de l’Université George Washington, et vous pouvez obtenir des dizaines de documents. Il s’agit d’un site Web intitulé « Ce que Gorbatchev a entendu à propos de l’OTAN ». Jetez-y un coup d’œil, s’il vous plaît, car tout ce que les États-Unis vous disent à propos de cette promesse est un mensonge, mais les archives sont parfaitement claires.  .../...
C’est donc en 1994 que Clinton a décidé d’étendre l’OTAN jusqu’en Ukraine. Il s’agit d’un projet américain à long terme, qui n’est pas le fait d’une administration ou d’une autre. Il s’agit d’un projet du gouvernement américain qui a débuté il y a plus de trente ans. En 1997, Zbigniew Brzezinski a écrit Le Grand Échiquier, qui décrit l’élargissement de l’OTAN vers l’Est.
Ce livre ne contient pas seulement les réflexions de M. Brzezinski. Il présente au public les décisions déjà prises par le gouvernement des États-Unis, ce qui est le principe d’un livre comme celui-ci. Le livre décrit l’élargissement de l’Europe vers l’Est et celui de l’OTAN comme des événements simultanés et conjoints. Il contient un bon chapitre qui pose la question : que fera la Russie lorsque l’Europe et l’OTAN s’étendront vers l’Est ?
.../... Selon Brzezinski, la Russie n’a pas d’autre vocation que la vocation européenne. Ainsi, lorsque l’Europe se déplace vers l’Est, la Russie ne peut rien y faire. C’est ce que dit un autre stratège américain. Est-il possible de se demander pourquoi nous sommes en guerre tout le temps ? Parce qu’une chose est sûre, en Amérique, c’est que nous « savons » toujours ce que nos homologues vont faire, et nous nous trompons toujours ! Et l’une des raisons pour lesquelles nous nous trompons toujours, c’est que dans la théorie du jeu non coopératif que les stratèges américains pratiquent, on ne parle pas vraiment à l’autre camp. On sait juste quelle est la stratégie de l’autre camp. C’est merveilleux. Cela fait gagner tellement de temps. On n’a tout simplement pas besoin de diplomatie.
.../...
L’élargissement de l’OTAN, comme vous le savez, a commencé en 1999 avec la Hongrie, la Pologne et la République tchèque. La Russie était extrêmement mécontente de cette décision, mais ces pays étaient encore loin de ses frontières. Elle a protesté, mais en vain. Puis George Bush Jr. est arrivé au pouvoir. Lorsque les attentats du 11 septembre ont eu lieu, le président Poutine a promis tout son soutien aux États-Unis. Puis, vers le 20 septembre 2001, les États-Unis ont décidé qu’ils lanceraient sept guerres en cinq ans ! .../... Le plan du gouvernement américain consistait en partie à éliminer les anciens alliés soviétiques et en partie à éliminer les partisans du Hamas et du Hezbollah. L’idée de Netanyahou était et est qu’il n’y aura qu’un seul État, merci, dans toute la Palestine d’avant 1948. Oui, un seul État. Ce sera Israël. Israël contrôlera tout le territoire, du Jourdain à la mer Méditerranée. Et si quelqu’un s’y oppose, nous le renverserons. Pas Israël, en fait, mais plus précisément notre ami, les États-Unis. C’est la politique américaine jusqu’à ce matin. Nous ne savons pas si elle va changer. Le seul problème, c’est que peut-être les États-Unis « posséderont Gaza » [selon les termes du président Trump] au lieu qu’Israël le fasse. L’idée de Netanyahou existe depuis au moins 25 ans. Elle remonte à un document intitulé « Rupture nette » que Netanyahou et son équipe politique américaine ont élaboré en 1996 pour mettre fin à l’idée de la solution à deux États. .../...
En 2008, les États-Unis ont imposé à l’Europe leur projet de longue date d’élargir l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie. Il s’agit d’un projet à long terme. .../... Comme vous le savez, Viktor Ianoukovitch a été élu président de l’Ukraine en 2010 sur la base de la neutralité de l’Ukraine. La Russie n’avait aucun intérêt ni ambition territoriale en Ukraine. .../... L’idée que Poutine reconstruise l’empire russe est de la propagande puérile. Excusez-moi.
Si quelqu’un connaît l’histoire au jour le jour et d’année en année, il s’agit d’un raisonnement puéril. Pourtant, les raisonnements puérils semblent fonctionner mieux que les raisonnements d’adultes. Ainsi, il n’y avait aucune revendication territoriale avant le coup d’État de 2014 [en Ukraine]. Pourtant, les États-Unis ont décidé que Ianoukovitch devait être renversé parce qu’il était favorable à la neutralité et opposé à l’élargissement de l’OTAN. C’est ce qu’on appelle une opération de changement de régime. Depuis 1947, les États-Unis ont mené une centaine d’opérations de changement de régime, dont beaucoup dans vos pays [s’adressant aux députés] et beaucoup dans le monde entier. .../...
J’ai supplié les Ukrainiens de rester neutres. N’écoutez pas les Américains. Je leur ai répété le célèbre adage d’Henry Kissinger : être un ennemi des États-Unis est dangereux, mais être un ami est fatal. Je le répète à l’Europe : être un ennemi des États-Unis est dangereux, mais être un ami est fatal.

L’administration Trump
Je terminerai en disant quelques mots sur le président Donald Trump. Trump ne veut pas que Biden perde la partie. C’est pourquoi Trump et le président Poutine vont probablement s’entendre pour mettre fin à la guerre. Même si l’Europe continue à faire la guerre, cela n’aura aucune importance. La guerre est en train de se terminer. Alors, s’il vous plaît, oubliez ça. Dites à vos collègues : « C’est fini. » C’est fini parce que Trump ne veut pas s’accrocher à un perdant. Celui qui sera sauvé par les négociations en cours, c’est l’Ukraine. Le deuxième, c’est l’Europe.  .../...
Votre marché boursier est en hausse ces derniers jours en raison des « horribles nouvelles » concernant des négociations et une paix potentielle. Je sais que cette perspective d’une paix négociée a été accueillie avec une horreur absolue dans ces chambres, mais c’est la meilleure nouvelle que vous puissiez recevoir. J’ai essayé de contacter certains dirigeants européens. Je leur ai dit : « N’allez pas à Kiev, allez à Moscou. Négociez avec vos homologues. Vous êtes l’Union européenne. Vous êtes 450 millions de personnes et une économie de 20 000 milliards de dollars. Agissez en conséquence. »
L’Union européenne devrait être le principal partenaire commercial de la Russie. L’Europe et la Russie ont des économies complémentaires. Les liens entre elles sont très forts pour un commerce mutuellement bénéfique. D’ailleurs, si quelqu’un souhaite discuter de la façon dont les États-Unis ont fait échouer le projet Nord Stream, je serais ravi d’en parler également.
L’administration Trump est avant tout impérialiste. Trump croit manifestement que les grandes puissances dominent le monde. Les États-Unis seront impitoyables et cyniques, y compris vis-à-vis de l’Europe. N’allez pas supplier Washington. Cela ne servirait à rien. Cela ne ferait probablement qu’accroître la cruauté. Ayez plutôt une véritable politique étrangère européenne. .../...


_______________________________________________

Les États-Unis d’Amérique, la plus grande « bulle » de l’Humanité.
15 mars 2025 ; Juan Laborda pour El Salto.
Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diáspora par : Estelle et Carlos Debiasi.

elcorreo.eu.org/Les-Etats-Unis-d-Amerique-la-plus-grande-bulle-de-l-Humanite

[*Juan Laborda :  est un entrepreneur et économiste espagnol ; par ailleurs professeur en ingénierie financière pour des universités espagnoles à Madrid (Université Carlos III ; Université de Syracuse ; Université polytechnique). Il est connu pour son rôle dans la création de Podemos (parti politique) et son implication dans divers projets économiques (...) En parallèle, il a publié de nombreux articles et synthèses en plus d'être un collaborateur régulier de mass-médias sur les questions économiques et financières, etc.]

Donald Trump n’est pas une anomalie, mais la cristallisation de ce pacte pervers entre l’argent et la politique. Le modèle USA – financiarisation, oligarchie rentière et imposition de l’hégémonie du dollar – atteint ses limites.
Trump personnifie le déclin terminal des démocraties occidentales, mais son ascension n’est que le corollaire logique d’une dynamique systémique qui, bien que certains d’entre nous l’aient anticipée, s’est avérée impossible à arrêter en raison de notre incapacité personnelle et collective à contrer ses mécanismes. Sa figure incarne l’aboutissement d’un libéralisme dérégulé et arrogant, dont les explosions historiques – du colonialisme au capitalisme sauvage – ont toujours laissé derrière elles des séquelles de polarisation et de crises civilisationnelles. Les avertissements théoriques, depuis « Inverted Totalitarianism » de Sheldon Wolin jusqu’aux analyses classiques du fascisme, semblent désormais être des prophéties qui s’ auto-accomplissent.

L’implosion du bloc soviétique en 1989 marque un tournant : le néolibéralisme , jusqu’alors contenu par la guerre froide, se défait de toute ambiguïté. Dans ce nouvel ordre, les revendications sociales et les principes démocratiques sont restés subordonnés à un dogme incontestable : l’infaillibilité du marché. Ce paradigme n’était pas un accident, mais un projet orchestré avec la complicité active des principales forces politiques occidentales – libéraux, conservateurs, chrétiens-démocrates et même sociaux-démocrates – qui ont abdiqué de leur rôle de redistribution. Le monde de la connaissance, pour sa part, a légitimé ce changement à travers des modèles économiques élégamment mathématiques, déconnectés de la réalité matérielle, transformés en un sacerdoce au service du capital.
Le résultat fut une mutation structurelle : les économistes devinrent des augures du marché, tandis qu’une légion d’experts politiques réduisaient la politique à un manuel de « bonnes pratiques » technocratiques. La gauche traditionnelle, et en particulier la social-démocratie, a payé le prix le plus élevé : sa transformation en gestionnaire du statu quo l’a vidée de son contenu idéologique, fracturant ses liens avec les syndicats, les classes moyennes appauvries et les secteurs vulnérables. Ce vide de représentation a fourni un terreau fertile à l’extrême droite en général, et au trumpisme en particulier.
Aux États-Unis, les partis hégémoniques – démocrate et républicain – sont conjointement responsables. Leur collusion avec les élites du monde des affaires et les groupes de pression a transformé l’État en un instrument au service d’intérêts privés. Trump n’est pas une anomalie, mais la cristallisation de ce pacte pervers entre l’argent et la politique. La même chose s’est produite de l’autre côté de l’Atlantique : en Europe, l’érosion progressive de la social-démocratie et de la droite institutionnelle a ouvert les vannes à des projets ultranationalistes qui, sous la rhétorique de la souveraineté, reproduisent le même scénario : démanteler les institutions, diaboliser ceux qui sont différents et normaliser l’autoritarisme.

Trump, le vantard, oublie certaines choses
La stratégie protectionniste de Donald Trump, sous le slogan « L’Amérique d’abord », donne la priorité aux tarifs douaniers et aux sanctions commerciales pour imposer la suprématie économique américaine. Son approche, initialement axée sur la renégociation d’accords comme l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec le Mexique et le Canada, menace de déstabiliser le commerce mondial en ignorant l’interdépendance économique. Par exemple, ses tarifs douaniers de 25 % sur le Mexique visent à forcer des concessions politiques, mais pourraient déclencher une crise similaire à celle de 1982 : la réduction des exportations mexicaines vers les États-Unis déprimerait le peso, déclencherait l’inflation et compliquerait le paiement de la dette libellée en dollars, reproduisant ainsi un effondrement régional. »
Les politiques de Trump pèsent sur la balance des paiements des économies dépendantes des États-Unis, en particulier dans les pays du Sud. Un dollar fort, résultant de la réaction initiale aux politiques tarifaires, augmente le coût des importations et la dette extérieure de ces pays. Les pays sont confrontés à un dilemme pervers : accepter les conditions américaines (avec une dépréciation de la monnaie et une baisse du niveau de vie) ou résister en suspendant la dette et en remplaçant les importations. Si j’étais eux, j’opterais pour la deuxième option et je les emmerderais. Si nous devons jouer, jouons tous. Peut-être que le vantard Trump finira par faire face à quelque chose qu’il n’attend pas : l’effondrement de l’ordre monétaire actuel et la fin de l’hégémonie du dollar.

Keynes avait raison : la théorie erronée du commerce international de David Ricardo
La théorie du commerce international de David Ricardo , fondée sur l’avantage comparatif, soutient que les pays trouveront toujours un moyen d’équilibrer leurs paiements internationaux en ajustant les salaires et les prix pour rendre leurs exportations plus compétitives. Cette logique sous-tend le modèle d’austérité du FMI, qui impose de sévères coupes budgétaires aux pays débiteurs dans l’espoir qu’ils réduisent leurs déficits commerciaux.
Cependant, comme l’a expliqué John Maynard Keynes dans les débats économiques des années 1920 et 1930, cette théorie est profondément erronée. Durant l’entre-deux-guerres, les États-Unis ont exigé de leurs alliés européens qu’ils paient d’énormes dettes de guerre, qu’ils ont répercutées sur l’Allemagne, mais ont en même temps imposé des tarifs douaniers qui ont empêché ces pays de générer des revenus en exportant vers les États-Unis. Le résultat fut une spirale de crises financières et la montée de régimes autoritaires qui menèrent à la Seconde Guerre mondiale.
Keynes a soutenu qu’un système financier international fonctionnel doit permettre aux pays débiteurs de générer des revenus en exportant vers les pays créanciers. Sinon, le système s’effondre sous la pression de la dette. La proposition de Keynes à Bretton Woods d’établir un mécanisme d’ajustement basé sur le « bancor » cherchait précisément à éviter la polarisation du monde entre pays créanciers et pays débiteurs. Ils l’ont ignoré, et maintenant, avec Trump, c’est double peine. Si les menaces de Trump sont mises à exécution, les États-Unis violeront ce principe fondamental en bloquant l’accès d’autres pays au commerce international, rendant leurs dettes impayables. Je le répète, encore une fois, pour la deuxième fois, les dettes en dollars ne seront pas payées !
L’arrogance de Trump suppose que les économies touchées ne réagiront pas. L’histoire montre cependant que des options telles que la suspension du paiement de la dette (Mexique, 1982), la réorientation des échanges commerciaux vers la Chine ou la promotion d’alliances régionales (BRICS, yuan numérique) sont viables. Ces mesures non seulement affaibliraient le dollar en tant que monnaie mondiale, mais accéléreraient également la fragmentation du système financier. Les politiques de Trump, loin de renforcer la puissance des États-Unis, pourraient au contraire catalyser leur déclin en tant que puissance économique hégémonique.

Autre chose : les États-Unis sont la plus grande « bulle » de l’Humanité.
Il y a quelque chose dont personne ne parle. Les États-Unis sont en réalité la plus grande « bulle » de l’histoire de l’humanité. Tout ce qu’ils produisent , en particulier la technologie, les biens et les services, est profondément surévalué. Leur programme militaire et spatial en est un exemple. Ils dépensent beaucoup plus en armement que leurs principaux concurrents, mais actuellement, sur le champ de bataille, ils laissent beaucoup à désirer – voyez ce qui se passe en Ukraine – : ils n’ont pas de missiles hypersoniques, comme les Russes, ni d’avions de combat de sixième génération, comme les Chinois. Il est clair, comme le dit le mathématicien Nassim Talen , qu’il y a un surpaiement – très typique des accords public-privé. La même chose se produit avec la voiture électrique, avec le programme aérospatial, avec l’industrie pharmaceutique, avec leur système d’éducation universitaire… Le dernier exemple en date : l’intelligence artificielle. Dans ce domaine, un groupe de gamins autocrates ne cessent de tirer des profits depuis leurs tours de guet ??? de la Silicon Valley. Mais à l’heure de vérité, les Chinois sont arrivés et ont lancé DeepSeek, qui était beaucoup moins cher et plus efficace, car, au final, l’ingénierie des choses fonctionne. .../...
Depuis la fin du XXe siècle, l’économie US a évolué vers un modèle dominé par la finance et profondément extractif, transformant même les droits universels fondamentaux tels que le logement, l’éducation et les soins de santé en actifs spéculatifs. De plus, il s’agit d’une activité profondément prédatrice, qui accélère la crise climatique et l’extraction de toutes sortes de minéraux et de matières premières. Nous nous dirigeons vers Thanatia [: concept hypothétique représentant une Terre dégradée où tous les matériaux concentrés ont été extraits et tous les combustibles fossiles brûlés...] – c’est de là que part la fanfaronnade sur le Groenland. Les fonds d’investissement et les banques ont artificiellement gonflé les prix de l’immobilier, les transformant en un moyen de rentabilité plutôt qu’en un droit.
L’éducation, soumise à une dette étudiante exorbitante, et les soins de santé, contrôlés par des compagnies d’assurance et des sociétés pharmaceutiques qui facturent des prix monopolistiques exorbitants, reflètent la manière dont la financiarisation privilégie le profit sur l’accès. Le point culminant final de cette dynamique est l’augmentation du pouvoir de marché de certaines entreprises, qui a conduit à une augmentation du capital extractif (profits purs) au détriment du travail et du capital productif. Ce processus a détourné les capitaux de l’investissement productif vers des bulles spéculatives, exacerbant les inégalités et générant des crises cycliques. .../...


______________________________________________

La politique étrangère de l’Europe a été influencée et les conséquences sont désastreuses
Thomas Palley, 6 mars 2024

investigaction.net/la-politique-etrangere-de-leurope-a-ete-influencee-et-les-consequences-sont-desastreuses/

[*Thomas Palley (né le 17 mars 1956) est un auteur et économiste américain qui était économiste en chef pour la Commission d'examen des relations économiques et sécuritaires entre USA et Chine. Licencié ès Lettres de l'Université d'Oxford en 1976, il a obtenu une maîtrise dans les relations internationales et un doctorat dans l'économie à l'Université de Yale. Son travail a porté sur la théorie macroéconomique et la politique, traité des sujets sur la finance internationale et le commerce, la mondialisation, le développement économique et le marché du travail où son approche est Post-Keynesienne. Il a publié dans de nombreuses revues universitaires.]

La politique étrangère européenne a été prise en otage par les intérêts néoconservateurs américains. Cette prise d'otage constitue une grave menace à la fois pour la démocratie européenne et pour la sécurité mondiale.
La menace pour la sécurité mondiale vient du fait que l’Europe est actuellement prise au piège de la guerre néoconservatrice des États-Unis contre la Chine et la Russie. La menace pour la démocratie réside dans le fait que, progressivement, les électeurs européens commencent à réaliser qu’ils ont été trahis, ce qui explique en partie leur réaction négative envers la classe politique dirigeante.
Les conséquences de cette ingérence sont simples et néfastes, mais les révéler est difficile. Le statu quo est privilégié et il y a une résistance à reconnaître les faits désagréables. Cet article expose ces faits.

Qu’est-ce que le néoconservatisme et qui sont les néoconservateurs
Il faut d’abord comprendre le néoconservatisme et les néoconservateurs. Le premier est une doctrine politique américaine qui s’est imposée dans les années 1990. Elle soutient qu’il n’y aura plus jamais de puissance étrangère, comme l’ancienne Union soviétique, qui défie l’hégémonie mondiale américaine. Cette doctrine donne aux États-Unis le droit d’imposer sa volonté n’importe où dans le monde, ce qui explique qu’ils aient plus de 750 bases dans 80 pays autour à la fois de la Russie et de la Chine.
Initialement, cette doctrine a été adoptée par des républicains intransigeants tels que Dick Cheney et Donald Rumsfeld, puis elle a été adoptée par des démocrates tels que Hillary Clinton et Barack Obama. Cela la rend encore plus dangereuse, car elle a pris le contrôle des deux partis politiques américains. De plus, maintenant, les démocrates lui donnent une légitimité trompeuse en affirmant que la motivation des États-Unis est de protéger la démocratie et les droits de l’homme. .../... Les États-Unis ont une longue histoire d’ingérence politique. ... /...

La mécanique de l’intrusion
De nos jours, le processus d’intrusion fonctionne à travers le gouvernement des États-Unis et ses alliés corporatifs, qui cherchent à pencher la balance en leur faveur dans les résultats politiques des pays étrangers. Ils le font en aidant des alliés politiques et en promouvant des journalistes et des universitaires adeptes. Les intérêts politiques similaires bénéficient d’un soutien financier et médiatique. Les professionnels de la communication sont récompensés par des promotions et des salaires plus élevés, accompagnés d’un accès, d’une visibilité et d’un soutien accrus de la classe dirigeante.
Les think tanks sont un outil essentiel. Ils fournissent une référence et une scène pour les politiciens et les professionnels des médias, et développent les récits politiques qui alimentent la grande chambre d’écho de la société. Ils fournissent également la crédibilité intellectuelle qui légitime le récit néoconservateur et ses auteurs. Parmi les think tanks les plus connus, on trouve le German Marshall Fund, le National Endowment for Democracy, le Council on Foreign Relations, le Carnegie Endowment for International Peace, l’Atlantic Council et l’Hoover Institution de l’Université de Stanford.
Les honoraires des conférenciers et des consultations jouent également un rôle fondamental. Les politiciens en exercice sont récompensés par des conférences bien rémunérées et des emplois secondaires extracurriculaires. Les politiciens qui se sont temporairement retirés de l’arène reçoivent des contrats de travail encore plus confortables, ce qui représente un investissement pour l’avenir. On fait également appel aux services d’anciens dirigeants avec des honoraires exorbitants pour des conférences et des travaux de conseil ad hoc. ... /...

Les preuves de l’ingérence
La mécanique de l’ingérence est une partie de l’histoire. L’autre partie concerne les preuves de cette ingérence, qui sont inévitablement niées. L’ingérence n’est pas annoncée et il n’y a aucun moyen de la prouver. À la place, la seule chose à faire est de présenter les arguments et de les examiner pour vérifier leur véracité, leur cohérence logique et leurs motivations. Le processus est comme un procès avec un jury et peut facilement échouer. Mettre en lumière la vérité nécessite un processus équitable et un jury ayant l’esprit ouvert.
Le trait le plus frappant de la politique étrangère européenne est le préjudice énorme qu’elle s’est infligé. L’Europe a promu des politiques qui ont été contre ses intérêts et en faveur des États-Unis. C’est la marque classique de l’ingérence.
1. La politique au Moyen-Orient
La politique européenne au Moyen-Orient révèle la profondeur et les coûts de l’ingérence américaine. Cette politique est responsable de multiples conflits dans lesquels l’Europe n’avait rien à gagner et beaucoup à perdre. En particulier, elle a déclenché des flux massifs de réfugiés qui ont déstabilisé la politique européenne. En revanche, les États-Unis n’ont pratiquement rien vu de ce conflit, car ils sont protégés par l’Atlantique et le Pacifique. ... /...

2. Expansion et transformation de l’OTAN
L’OTAN est un canal fondamental à travers lequel la politique étrangère européenne a été influencée. L’organisation est dominée par les États-Unis, qui ont utilisé leur position pour s’ingérer dans la politique militaire et étrangère de l’Europe, entraînant ainsi l’Union à soutenir des politiques bénéfiques pour les États-Unis, même si elles sont préjudiciables à ses propres intérêts.
L’histoire de l’OTAN comporte deux dimensions : l’expansion et la transformation. Cette dernière est passée inaperçue, mais elle est également importante.
L’expansion de l’OTAN vers l’est est largement connue. Le processus a commencé presque immédiatement après la fin de la Guerre froide et a enfreint l’engagement américain de ne pas s’étendre convenu avec le président Gorbatchev. George Kennan, l’auteur de la doctrine de la containment pendant la Guerre froide, a souligné les conséquences agressives et dangereuses de cette violation dans un article d’opinion de 1997 publié dans The New York Times.
Pour les néoconservateurs américains, l’expansion de l’OTAN est parfaitement compréhensible. La Russie n’avait subi aucune défaite militaire ni n’avait été contrainte de se rendre sans conditions (comme l’Allemagne et le Japon), et les néoconservateurs la considéraient comme une menace constante pour l’hégémonie mondiale des États-Unis. L’expansion de l’OTAN a renforcé la position militaire des États-Unis et affaibli celle de la Russie.
Cependant, pour l’Europe, tout était inconvénients. Les nouveaux membres de l’OTAN ajoutaient peu de capacité défensive, tout en apportant de multiples hostilités et menaces de conflit préexistantes. Ils manquaient également d’une culture politique partagée. Et surtout, tout conflit se déroulerait en Europe. Par conséquent, l’Europe en subirait les conséquences les plus graves, ce qui offrait aux néoconservateurs américains des incitations à accroître leur agressivité à l’égard de la Russie.
L’autre face de l’histoire de l’OTAN est sa transformation, passant d’une alliance défensive régionale (Atlantique Nord) à une organisation agressive et interventionniste à l’échelle mondiale. Cette transformation a commencé avec le bombardement de Belgrade par l’OTAN en 1999, s’est intensifiée avec la participation de l’OTAN à l’invasion de l’Afghanistan dirigée par les États-Unis en 2001, et s’est consolidée avec l’intervention en Libye en 2011, initiée sous l’égide de l’OTAN.Tout comme pour l’expansion, du point de vue néoconservateur, la transformation de l’OTAN est facilement compréhensible. Les États-Unis ont un agenda pour atteindre l’hégémonie mondiale, et la transformation de l’OTAN signifiait que d’autres pays partageaient le fardeau de cet agenda. Cela a également servi à donner une couverture multilatérale aux États-Unis. Cependant, une fois de plus, il n’y avait rien pour l’Europe, qui n’a pas d’agenda équivalent. ... /...

3. La guerre en Ukraine
Le discours sur la guerre en Ukraine a été le plus manipulé de manière exhaustive, ce qui en fait le plus difficile à démêler. Le meilleur point de départ est de savoir qui a gagné et qui a perdu économiquement avec la guerre. Là, les comptes sont clairs. Les États-Unis ont été les grands gagnants, tandis que l’Europe occidentale (et surtout l’Allemagne) a été la grande perdante. Les travailleurs allemands ont été les plus touchés.
Les États-Unis ont gagné en mettant fin à la dépendance de l’Allemagne et de l’Europe occidentale à l’égard de l’énergie russe. De plus, l’énergie russe a été remplacée par une énergie coûteuse fournie par les États-Unis. Cela représente un triple avantage pour les États-Unis : cela a affaibli la Russie, augmenté la dépendance de l’Europe occidentale à l’égard des États-Unis et bénéficié aux producteurs américains. Les États-Unis ont également bénéficié de l’augmentation de la production d’armes, qui a stimulé considérablement leur industrie manufacturière. Cette configuration mondiale aide à expliquer pourquoi les États-Unis ont évité une récession. ... /...
Finalement, d’un point de vue environnemental, le changement de l’approvisionnement énergétique a été désastreux. Le gaz provenant de la fracturation hydraulique aux États-Unis (Texas) est l’un des plus polluants au monde, en plus de la pollution liée au transport maritime. La guerre a également été une source directe de dommages environnementaux et climatiques énormes. Cela explique l’ingérence dans le Parti vert allemand.
La justification de l’establishment européen pour rejeter tout compromis est que la Russie représente une menace existentielle pour l’Europe. C’est l’argument des think tanks défendus par des auteurs néo-conservateurs comme Anne Applebaum et Timothy Garton Ash de la Hoover Institution.
L’argument néo-conservateur fait appel aux préjugés de la guerre froide, est truffé de lacunes et manque de substance. Il ignore la réalité de l’expansion de l’OTAN vers l’est, la menace qu’elle représente pour la sécurité de la Russie et les conflits au sein de la société civile ukrainienne, y compris l’oppression des Russes ethniques. Plus important encore, l’affirmation selon laquelle il existe une menace russe pour l’Europe ne tient pas la route.
La Russie est en déclin démographique et ne dispose pas des ressources nécessaires pour rétablir son hégémonie en Europe centrale. ... /...

4. Chine
Enfin, il y a la politique chinoise de l’Europe, une question émergente que les néo-conservateurs américains cherchent également à torpiller. Ils considèrent la Chine comme la plus grande menace pour l’hégémonie mondiale des États-Unis. Cette menace est à la fois économique, géopolitique et militaire. L’économie chinoise pourrait largement dépasser celle des États-Unis en taille, ce qui lui permettrait de contester l’influence diplomatique mondiale et l’hégémonie militaire des États-Unis en Extrême-Orient.
L’Europe n’est pas confrontée à un tel défi et entretient un partenariat économique solide avec la Chine. Les entreprises européennes bénéficient d’investissements en Chine et de l’exportation de biens d’investissement vers la Chine, que cette dernière rembourse en biens de consommation.
Les groupes de réflexion américains présentent la Chine comme un ennemi de l’Europe. Une partie de l’argument est que la Chine soutient la Russie, et que la Russie est l’ennemi de l’Europe. La Chine est donc l’ennemie de l’Europe. Une fois que la politique russe de l’Europe est examinée de près, cette lacune est utilisée pour manipuler la politique chinoise de l’Europe.  ... /...

Les conséquences de l’ingérence
Les conséquences immédiates de l’ingérence sont doubles et désastreuses. Premièrement, la mainmise des néoconservateurs sur la politique étrangère européenne met en péril la sécurité mondiale. En effet, les néo-conservateurs estiment que les États-Unis ont le droit de détenir l’hégémonie mondiale, ce qui met en péril la sécurité internationale en créant inévitablement des conflits avec la Chine et la Russie.
La Chine et la Russie considèrent les interventions américaines à leurs frontières et les efforts visant à modifier leurs régimes internes comme des menaces pour leur sécurité nationale. Les interventions aux frontières constituent également un empiètement sur leurs sphères d’influence régionales. Il en résulte un cycle de défis et de réponses qui conduit inexorablement au conflit.
Deuxièmement, l’ingérence dans la politique étrangère européenne met en péril la démocratie européenne, car les conséquences se répercutent sur la société.   ... /... De plus, le danger de perdre le fil est persistant. Lorsqu’un conflit éclate, les médias de l’establishment présentent l’histoire comme si elle commençait à ce moment-là et ignorent tout ce qui s’est passé auparavant. Cela permet de concentrer l’attention sur le conflit immédiat et d’en ignorer les causes, ce qui maintient l’intervention en place. ... /...


_______________________________________________

Le rôle regrettable de l’Europe dans la guerre russo-ukrainienne et les larmes qu’il a provoquées
Les clés d’une catastrophe annoncée

par Boaventura de Sousa Santos ; 11 mars 2022 ; Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi.

elcorreo.eu.org/Le-role-regrettable-de-l-Europe-dans-la-guerre-russo-ukrainienne-et-les-larmes-qu-il-a-provoquees

[* Boaventura de Sousa Santos est portugais, docteur en sociologie du droit de l'université Yale (U.S.A.) et professeur d'université à la Faculté d'économie de l'université de Coimbra: il est directeur du Centre d'études sociales de cette université. Il est aussi un poète. Actuellement, il est l'un des principaux intellectuels du secteur de sciences sociales, reconnu internationalement. Il bénéficie d'une grande popularité au Brésil, principalement parce qu'il a participé à trois éditions du Forum social mondial à Porto Alegre. Sa trajectoire récente (2007) est marquée par la proximité avec les mouvements altermondialistes, etc.]

L’auteur analyse la genèse du conflit et l’incapacité des dirigeants européens à désarmer une guerre longuement préparée à l’avance, le rôle des États-Unis d’Amérique et ce qui attend la politique et l’économie internationale

Parce que l’Europe n’a pas su s’attaquer aux causes de la crise, elle est condamnée à s’occuper des conséquences. La poussière du drame est loin d’être retombée, mais force est tout de même de constater que les dirigeants européens n’étaient pas et ils ne sont toujours pas à la hauteur de la situation que nous vivons. Ils entreront dans l’histoire comme les dirigeants les plus médiocres que l’Europe ait eus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Maintenant, ils font de leur mieux en matière d’aide humanitaire, et le mérite de cet effort ne peut être remis en question. Mais ils le font pour sauver les apparences face au plus gros scandale de cette époque. Ils gouvernent les peuples qui, au cours des soixante-dix dernières années, se sont organisés et ont manifesté le plus contre la guerre dans n’importe quelle partie du monde, où qu’elle ait eu lieu. Et ils n’ont pas été en mesure de les défendre contre la guerre qui, au moins depuis 2014, couvait chez eux.
Les démocraties européennes viennent de montrer qu’elles gouvernent sans les peuples. De nombreuses raisons nous amènent à cette conclusion.

UNE GUERRE PRÉPARÉE IL Y A LONGTEMPS
Cette guerre était préparée depuis longtemps par la Russie et les États-Unis. Dans le cas de la Russie, l’accumulation d’énormes réserves d’or ces dernières années et la priorité donnée au partenariat stratégique avec la Chine, notamment dans le domaine financier, en vue de la fusion bancaire et de la création d’une nouvelle monnaie internationale, et dans le commerce, où il existe d’énormes possibilités d’expansion avec l’initiative « la Ceinture et la Route » en Eurasie.
Dans les relations avec les partenaires européens, la Russie s’est révélée être un partenaire crédible, exprimant clairement ses préoccupations en matière de sécurité. Préoccupations légitimes, si un instant on pense que dans le monde des superpuissances il n’y a ni bien ni mal, il y a des intérêts stratégiques qu’il faut ménager. Ce fut le cas lors de la crise des missiles de 1962 avec la ligne rouge des Etats-Unis, qui ne voulait pas que des missiles à moyenne portée soient installés à moins de 70 km de sa frontière. Qu’on ne pense pas que seule l’Union Soviétique a cédé. Les États-Unis ont également renoncé aux missiles à moyenne portée qu’ils avaient en Turquie. Ils ont rendu la pareille, ils se sont accommodés et ils ont conclu un accord durable. Pourquoi cela n’a-t-il pas été possible dans le cas de l’Ukraine ? Regardons la préparation du côté étasunien.
.../...
Face au déclin de l’emprise mondiale qu’ils ont depuis 1945, les États-Unis cherchent à tout prix à consolider des zones d’influence qui garantissent à leurs entreprises des facilités commerciales et l’accès aux matières premières. Ce que j’écris ci-dessous peut être lu dans des documents officiels et des groupes de réflexion, qui écartent les théories du complot. La politique de changement de régime ne vise pas à créer des démocraties, mais uniquement des gouvernements fidèles aux intérêts des États-Unis.
Ce ne fut pas des États démocratiques, ceux des interventions sanglantes au Vietnam, en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Libye. Ce n’est pas pour promouvoir la démocratie qu’ils ont encouragé des coups d’État qui ont renversé des présidents démocratiquement élus au Honduras (2009), au Paraguay (2012), au Brésil (2016), en Bolivie (2019), sans parler du coup d’État de 2014 en Ukraine.
Depuis quelque temps, le principal rival est la Chine. Dans le cas de l’Europe, la stratégie US repose sur deux piliers : provoquer la Russie et neutraliser l’Europe (surtout l’Allemagne). La Rand Corporation, organisme de recherche stratégique bien connu, qui a publié en 2019 un rapport préparé à la demande du Pentagone, intitulé « ExtendingRussiaCompetingfromAdvantageous Ground », analyse la manière de toucher les pays afin que la provocation puisse être exploitée par les États-Unis.

COMMENT DESTABILISER LA RUSSIE
Concernant la Russie, il dit :
« Nous avons analysé une série de mesures non violentes capables d’exploiter les véritables vulnérabilités et inquiétudes de la Russie comme un moyen de faire pression sur l’armée et l’économie russes et sur le statut politique du régime à l’intérieur et à l’extérieur. Les mesures que nous avons examinées n’auraient pas pour objectif principal la défense ou la dissuasion, bien qu’elles puissent contribuer aux deux. De telles mesures sont plutôt considérées comme des éléments d’une campagne visant à déstabiliser l’adversaire, en forçant la Russie à concourir dans des domaines ou des régions où les États-Unis ont un avantage concurrentiel, en amenant la Russie à s’étendre militairement ou économiquement, ou en obligeant le régime à perdre prestige et influence au niveau national et/ou international ».
Avons-nous besoin d’en savoir plus pour comprendre ce qui se passe en Ukraine ?
La Russie a été incitée à s’étendre pour ensuite être critiquée pour l’avoir fait. L’expansion de l’OTAN vers l’Est, contrairement à ce qui avait été convenu avec Gorbatchev en 1990, a été la première étape de la provocation. La violation des accords de Minsk en fut une autre. Il convient de noter que la Russie a commencé par ne pas soutenir la revendication d’indépendance de Donetsk et Lougansk après le coup d’État de 2014. Elle a préféré une autonomie forte au sein de l’Ukraine, comme prévu dans les accords de Minsk. Ces accords ont été rompus par l’Ukraine avec le soutien des États-Unis, et non par la Russie.

LE ROLE DESTINÉ À L’EUROPE
Quant à l’Europe, le principe est de conforter la condition de partenaire mineur qui n’ose pas perturber la politique des zones d’influence. L’Europe doit être un partenaire fiable, mais elle ne peut pas attendre la réciprocité. C’est pourquoi l’UE, à la surprise ignorante de ses dirigeants, a été exclue de l’AUKUS, le traité de sécurité pour la région Inde-Pacifique entre les États-Unis, l’Australie et l’Angleterre.
La stratégie du partenaire mineur exige que la dépendance européenne soit approfondie, non seulement dans le domaine militaire (déjà garanti par l’OTAN) mais aussi dans le domaine économique, c’est-à-dire énergétique. La politique étrangère (et la démocratie) des États-Unis est dominée par trois oligarchies (il n’y a pas d’oligarques qu’en Russie et en Ukraine) : le complexe militaro-industriel ; le complexe gazier, pétrolier et minier ; et le complexe bancaire-immobilier. Ces complexes réalisent des profits fabuleux grâce aux rentes dites de monopole, des situations de marché privilégiées qui leur permettent de gonfler les prix.
Le but de ces complexes est de maintenir le monde en guerre et de créer une plus grande dépendance vis-à-vis des fournitures d’armes américaines. La dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie était inacceptable. Du point de vue de l’Europe, il ne s’agissait pas de dépendance, il s’agissait de rationalité économique et de diversité des partenaires. .../...









sommaire_1


Article 2

Envoi personnel du 24/03/2025 d'un article par Gustave TATOUCHE
Site : gustave.tatouche.free.fr/index.htm






Copie en miniature de peinture de Salvador Dali, caricature du système capitaliste.

Image symbolique de fraternité et coopération citoyenne.


VERS UNE NOUVELLE VISION :
LE RAISONALISME FACE AU DÉCLIN DU CAPITALISME
 
 
 

   Pour introduire la notion de raisonalisme, que je vais développer au fil de cette nouvelle chronique, je pars d'un constat édifiant : celui du dérèglement sociétal. Depuis des années, ce dérèglement a un impact négatif sur les acquis des progrès que l'humanité semblait avoir accomplis. Tandis que dans l'espace médiatique, où le flux d'informations sans hiérarchie ne s'interrompt plus, la réflexion humaine se perd, empêchant la société de rebondir et de sortir de l'impasse.

   L’actualité internationale s'imprègne de violence et de prédation financière, menaçant l’équilibre fragile du monde occidental. En quelques décennies seulement, le capitalisme s’est imposé comme le moteur dominant de toutes les économies, influençant la quasi-totalité des régimes politiques. D’abord perçu comme un allié du progrès et de la démocratie, ce modèle économique a en réalité bénéficié bien plus aux élites politiques et économiques qu’aux populations, favorisant la concentration des richesses entre les mains d’une minorité privilégiée.
Parallèlement, le capitalisme a détourné notre attention des enjeux cruciaux, notamment environnementaux, en nous enfermant dans une logique consumériste aussi stérile qu'aliénante. Plutôt que de nous inciter à observer et à réagir aux bouleversements climatiques croissants, il nous pousse vers des distractions superficielles mais lucratives. Ainsi, chaque catastrophe naturelle devient un spectacle médiatique éphémère, une tragédie sur laquelle on s’apitoie brièvement avant de replonger dans les automatismes consuméristes. Ce modèle économique a progressivement érodé nos capacités d’adaptation et de résilience face aux crises contemporaines.

   Le capitalisme traditionnel touche à sa fin. Nous assistons à l’émergence d’une nouvelle ère, celle du «national-capitalisme». Ce dernier voit de puissants acteurs économiques privés acquérir une influence politique sans précédent, au point de pouvoir, dans un avenir proche, s’approprier des territoires entiers et y imposer leurs propres lois. Les milliardaires de demain pourront financer leurs propres administrations et leurs armées privées, remodelant les nations selon leurs intérêts comme on l'observe déjà de façon embryonnaire.
   Le « national-capitalisme » est donc en marche, incarné par des figures comme Vladimir Poutine, Donald Trump ou Elon Musk, qui représentent la partie émergée de l'iceberg. Ces hommes symbolisent une fusion troublante entre un pouvoir financier démesuré et une influence politique mondiale. Leur stratégie repose sur l’ambiguïté délibérée, cherchant systématiquement à affaiblir l’État de droit et les mécanismes de régulation afin d’accroître leur domination. Leur objectif ultime ? Accumuler toujours plus de richesses et de pouvoir, au détriment des principes démocratiques et du droit, dès lors que ceux-ci entravent leur désir insatiable de profit sans contraintes.

   Bien que la société moderne s’irrite des excès du capitalisme, elle peine encore à en identifier clairement la source. Par crainte de perdre les privilèges et le confort relatif liés à ce système, nous restons passifs, espérant qu'un jour nous pourrions à notre tour en profiter.
   Pourtant, une alternative viable existe : une révolution non violente, fondée sur une transformation profonde de notre rapport à la consommation et à la création de valeur. Il ne s’agit nullement d’un rejet total du système économique actuel, mais d’une réorientation vers une voie intermédiaire, plus équilibrée et durable. C’est précisément ici qu’intervient le raisonalisme, en proposant un modèle inédit qui appelle au débat public.

   L’avenir de notre civilisation est suspendu à un fil ténu. Les valeurs humanistes et démocratiques, patiemment construites au fil des siècles, risquent d’être balayées par ces nouveaux monarques du capitalisme, infiniment plus puissants que les souverains d’autrefois. Ces conquérants modernes, bien que dépourvus d’armes traditionnelles, pourraient bientôt devenir des chefs de guerre invincibles sur le champ de bataille économique, technologique et politique.
   Face à cette menace existentielle, le raisonalisme propose une alternative porteuse d’espoir et de renouveau. Il s’agit d’une refonte méthodique de notre structure économique et sociétale, qui pourrait être mise en place progressivement à l’échelle des nations, sans rupture brutale ni chaos. C’est cette vision ambitieuse mais réaliste que j’explorerai dans mon prochain article.
 

Gustave TATOUCHE,
auteur essayiste
Site Web perso








sommaire_2


Article 3

 Envoi personnel du 07/04/2025 d'un article par Fanélie CARREY-CONTE
 (Secrétaire générale pour La Cimade : Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués) Site : lacimade.org






Photo de migrants arrivés à Lampedusa en Italie, dénombrés dans centre de rétention.

Image symbolique de la Justice à travers le monde.


L'HEURE EST GRAVE POUR LES PERSONNES ÉTRANGÈRES 
 
 
 


Peut-on encore espérer des politiques migratoires fondées sur le respect des droits humains, la dignité des personnes et la solidarité ? La question est légitime et la réponse nous inquiète particulièrement, à l’heure où la France et l’Europe semblent franchir un nouveau pas dans l’inhumanité et où bien des vents mauvais, venus d’Outre-Atlantique et d'ailleurs, soufflent sur notre monde.

En France, plusieurs textes législatifs, qu’ils soient votés, en cours de mise en œuvre ou en discussion, nous font craindre le pire.

Nous vous en parlions récemment : promulguée en janvier 2024 après la censure d’une partie de ses mesures par le Conseil constitutionnel, la « loi Darmanin » sur l’asile et l’immigration n’aura pas tardé à montrer ses effets délétères. Chaque jour, elle piétine davantage les droits fondamentaux des personnes exilées en France, les condamnant à vivre dans l’illégalité, dans la peur et souvent à la merci d’employeurs peu scrupuleux.

Fin janvier, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a abrogé la circulaire « Valls » pour la remplacer par une nouvelle circulaire. Celle-ci vient acter un durcissement des régularisations et entériner une vision dangereuse consistant à stigmatiser, suspecter et précariser les personnes étrangères.

Début février, peu de temps après le passage dévastateur du cyclone Chido, l’Assemblée Nationale a voté une loi pour restreindre encore le droit du sol à Mayotte dans un climat délétère saturé de stigmatisations où nombre de propos nauséabonds et faux ont été tenus par les responsables politiques. Loin des regards, le département de Mayotte fait une fois de plus office de laboratoire de dégradation des droits.

L’Europe, quant à elle, prépare la mise en œuvre de son Pacte sur la migration et l’asile, annonciateur d’une transformation de nos frontières en zones de tri, de violations des droits, d’enfermement et de refoulements massifs.

Enfin depuis plusieurs semaines, nous assistons à un déferlement de propositions de loi largement inspirées des idées de l’extrême-droite, plus inacceptables les unes que les autres : condition de durée de résidence pour le versement de prestations sociales, interdiction de mariage avec une personne sans-papiers, rétablissement du délit pour séjour irrégulier, etc.

« Il y a de sérieuses raisons de s’inquiéter face à cette surenchère de haine et de rejet, fruit de la montée des droites extrêmes et du climat anxiogène qui s’est installé, désignant les personnes étrangères au mieux comme des indésirables, au pire comme des dangers en puissance. »

Face à ces innombrables défis, loin de baisser les bras, La Cimade doit plus que jamais se mobiliser !

Votre don nous est indispensable pour : ( lacimade.org )

Renforcer l’accompagnement des personnes exilées quelles que soient leurs origines, leurs parcours ou leurs convictions au sein de nos 114 permanences d'accueil sur l’ensemble du territoire national et de nos ateliers d'apprentissage du français ;

Approfondir notre travail d'analyse et de recueil d'information pour œuvrer à un changement des politiques françaises et européennes ;

Sensibiliser l'opinion publique et plus particulièrement la jeunesse pour mettre en relief les enjeux des politiques migratoires et pour lutter contre les fausses informations et les préjugés distillés dans le débat public.


D’avance, un grand merci pour votre soutien et votre engagement à nos côtés.



Fanélie CARREY-CONTE
Profil personnel
La Cimade (Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués)
- organisation  - histoire









sommaire_3


Article 4

Envoi personnel du 08/04/2025 d'un article par SOS Racisme
Site : sos-racisme.org






Photo de Marine Le Pen tenant discours constestant décision de justice, 6 avril 2025.

Marine Le Pen, lors du meeting du RN le 6 avril 2025. Crédit image: Julien de Rosa / AFP 

Photo de rassemblement pour défense symbolique de l’Etat de droit à Perpignan, le 12 avril 2025.

Manifestation pour la défense de l'État de droit à Perpignan, le 12 avril 2025. Crédit image: Jc Milhet & Hans Lucas / AFP


APPEL DE LA SOCIÉTÉ CIVILE POUR LA DÉFENSE DE L'ÉTAT DE DROIT
 
 
 

Paris, le 8 avril 2025

Le 31 mars, à l’issue de longues années de procédure et d’un débat judiciaire contradictoire, le Rassemblement national ainsi que des élus et des cadres du mouvement d’extrême droite ont été condamnés pour détournements de fonds publics. Marine Le Pen, qui était présidente du parti et parlementaire européenne au moment des faits, est la personne la plus lourdement condamnée : 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire et 4 ans de prison, dont 2 avec sursis.

Depuis l’annonce de ce verdict qui découle de la seule application de la loi par des juges indépendants, le Rassemblement national a choisi de dénoncer la décision de justice en des termes aussi abusifs que choquants. Il a accrédité l’idée d’un « complot » mené par un « gouvernement des juges », s'attirant ainsi les soutiens enthousiastes des figures mondiales de l’extrême droite que sont, Trump, Musk, Bolsonaro, Poutine, Orban ou Salvini.

Encore plus inquiétant, ces critiques d’une décision de justice ont été plus largement relayées par des élus et responsables politiques d’autres partis, y compris le Premier ministre, et par un grand nombre de médias peu soucieux de la réalité des faits.

Ces sorties ont immédiatement entraîné des menaces à l’endroit des magistrats qui ont rendu leur jugement collégialement.

Derrière cette violente attaque contre l’État de droit et les magistrats qui le servent, se dessine le refus de ce qu’il implique : un traitement égal de toutes et tous, personne ne pouvant réclamer l’application de privilèges liés à sa naissance, à son statut social ou à sa notoriété. Certes, ces attaques qui visent à remettre en cause le fondement de nos institutions protectrices des droits et de l’égalité devant la loi ne sont pas nouvelles. Mais elles se sont dangereusement multipliées ces dernières années.

Fermement attachés à l’égalité de toutes et de tous devant la loi, nous sommes nécessairement attachés à l’État de droit qui deviendrait un concept vide si l’indépendance de la justice n’était pas respectée.

Nous savons également que l’État de droit nous protège d’un autre fléau. Car, garantie de l’exercice des droits et des libertés fondamentales, l'État de droit est également ce qui contribue à ce que les relations qui se nouent entre les citoyennes et les citoyens ne soient pas abandonnées à la violence, à la force, aux pouvoirs sans limites, aux mauvaises passions ; mais puissent être régulées par des normes juridiques. A l'heure où les haines racistes et antisémites, le masculinisme et les offensives anti-IVG ainsi que le mépris des habitats naturels, connaissent une vigueur renouvelée, l'État de droit nous apparaît d'autant plus précieux.

Garantie d’impartialité, de traitement égal devant la loi et de refus de la violence dans les relations, l’État de droit – indissociable d’une démocratie effective et de la protection des droits humains - résonne avec nos convictions. Celles qui nous animent lorsque nous refusons les injustices sociales et environnementales, les racismes, l’antisémitisme, la xénophobie, le sexisme, les LGBTphobies et toutes les idéologies qui visent à faire primer l’exploitation, l’oppression, les haines et les peurs sur le respect de toutes et de tous.

Parce que nous défendons la démocratie et les principes qui la fondent, nous, organisations de la société civile, appelons toutes celles et tous ceux qui partagent ces principes à exprimer leur attachement à la justice et à l’État de droit en se rassemblant le samedi 12 avril 2025 dans toutes les villes de France. .../... 



Relais d'information par :
SOS Racisme Touche pas à mon pote

51 avenue de Flandre , 75019, Paris
sos-racisme.org

Organisations signataires :

Amnesty international France, Association des Parents et futurs parents Gays et lesbiens (APGL), ATTAC, Au Tambour !,  Cercle Olympe de Gouges, La Cimade, Collectif Alertes Féministes, Collectif Golem, Collectif national pour les Droits des Femmes, Comité marche du 23 mai 1998 (CM98), Confédération Générale du Travail (CGT), Coordination 75 des Sans Papiers (CSP75), Démocratie Ouverte, Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE), Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne (FIDL), Fondation Copernic, France Fraternités, France terre d'asile, Fédération Syndicale Unitaire (FSU), Greenpeace France, Jalons pour la Paix, Ligue de l’Enseignement, Ligue des Droits de l’Homme (LDH), LOBA, Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), Nous Toutes, Nos services publics, Osez le féminisme !, Oxfam France, le Planning Familial, Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR), SOS Homophobie, SOS Racisme, Stop Homophobie, Syndicat de la Magistrature, Syndicat des Avocats de France (SAF), Transparency International France, Union Etudiante, Union Maintenant, Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), Union syndicale Solidaires.







sommaire-4


Article 5

Signalement personnel (avec extrait) le 27/03/2025 d'un article par Charlotte CLAVREUL
(Directrice exécutive pour Fonds pour une Presse Libre) Site : fondspresselibre.org






Photo de Nicolas Sarkozy accueillant Mu'ammar al-Kadhafi officiellement en France, an 2007.

Image symbolique de Nicolas Sarkozy sur la case de jeu Monopoly, direction prison.


SARKOZY OU L'UTILITÉ D'UN JOURNALISME INDÉPENDANT
 
 
Par François Bonnet
 


Source : fondspresselibre.org/sarkozy-ou-lutilite-dun-journalisme-independant

27 mars 2025

Le procès de Nicolas Sarkozy et de l’argent libyen est en tous points historique. Pour la première fois dans l’histoire de la République, un ancien président est poursuivi pour corruption, association de malfaiteurs, détournements de fonds publics, blanchiment et financement illégal de campagne. Sans la presse indépendante et les quinze années d’enquête du journal Mediapart, ce scandale n’aurait jamais surgi.

Cette fois, l’expression n’est pas galvaudée. Le procès de Nicolas Sarkozy, accusé d’avoir construit « un pacte de corruption inconcevable, inouï, indécent » avec la dictature Kadhafi, selon les termes du procureur, est à proprement parler historique.

Pour la première fois dans l’histoire de la République, un ancien président est poursuivi pour des faits d’une gravité exceptionnelle : « association de malfaiteurs », « corruption active et passive », « complicité de corruption », « recel de détournement de fonds publics » et « financement illégal de campagne électorale ». Avant toute condamnation définitive, Nicolas Sarkozy est présumé innocent.

Encore Sarkozy, diront certains, lassés d’une bataille judiciaire qui dure depuis des années et des cris d’indignation d’un homme politique aujourd’hui dévalué jusque dans son propre camp. Cinq procès en cinq ans, une condamnation définitive en décembre 2024 pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « Bismuth », l’homme comparaît sous bracelet électronique devant le tribunal de Paris dans cette affaire libyenne tentaculaireLa carrière judiciaire de Sarkozy peut sembler interminable et parfois bien répétitive.

Il faut pourtant prendre la mesure de ce qui est en train de se produire. Et regarder au-delà de l’homme, de ses proches et lieutenants également accusés. Ce procès est aussi celui d’une République devenue délinquante, elle-aussi corrompue par un présidentialisme toxique qui génère financements illégaux et fraudes massives en plus d’un affaissement général du débat politique.

Les hommes politiques font-ils mine de s’inquiéter du gouffre abyssal qui sépare la société et ses représentants ? Qu’ils se penchent donc sur une réforme démocratique d’institutions vérolées où, année après année, se multiplient les scandales, jusqu’à cet acmé qu’est l’affaire de l’argent libyen pour l’élection présidentielle de 2008.

Nicolas Sarkozy « qui conclut un pacte de corruption avec un dictateur sanguinaire, terroriste, n’abîme-t-il pas l’image même de la France ? », a demandé au tribunal le procureur Quentin Dandoy. « Force est de constater que derrière l’image de l’homme public, du ministre, du président de la République, se dessine la silhouette d’un homme porté par une ambition personnelle dévorante, prêt à sacrifier sur l’autel du pouvoir les valeurs essentielles que sont la probité, l’honnêteté et la droiture dont il devait pourtant être l’incarnation ».

 Depuis 1995 au moins, et les fraudes avérées dans les financements des campagnes présidentielles d’Edouard Balladur et de Jacques Chirac, la quasi-totalité des campagnes pour la conquête de l’Elysée ont donné lieu à des détournements, des fraudes, de l’argent sale. Ces manipulations ont été documentées, bien plus rarement portées devant le tribunal, tant la monarchie présidentielle, qui est le cœur de notre système politique, s’est construite dans une impunité quasi-revendiquée. En ce sens, le procès de l’argent libyen de Sarkozy peut être d’une immense utilité démocratique si la société et les politiques s’en saisissent.

Ce procès a une autre vertu : démontrer audience après audience l’utilité du journalisme indépendant. Beaucoup l’ont oublié, mais l’affaire libyenne ne démarre pas dans le cabinet d’un juge d’instruction ou le bureau d’un policier.

Elle se dessine dès l’été 2011 au sein d’un journal alors bien peu connu, lancé seulement trois ans plus tôt, et d’une rédaction comptant à peine trente journalistes. Il s’agit de Mediapart, qui a mis au cœur de son projet éditorial ce qu’on appelle « l’enquête d’initiative ». Il ne s’agit pas de dévoiler des enquêtes judiciaires en cours, procès-verbaux, bouts de dossier d’instruction, mais bien de révéler des faits nouveaux, soigneusement engloutis, en produisant des témoignages et des documents.

A l’été 2011, Mediapart commence ainsi à publier une série d’articles titrés « Les documents Takieddine ». L’intermédiaire dans les grands marchés d’armement est alors quasi-inconnu mais Mediapart a pu accéder à des milliers de documents et photos qui détaillent ses affaires, ses réseaux, ses liens politiques en France et à l’étranger.

Les premiers articles détaillent son rôle dans l’affaire Karachi puis dans des contrats avec l’Arabie saoudite. Les commissions se comptent en centaines de millions. Il n’est pas encore question d’argent libyen mais déjà les liens avec la Sarkozie apparaissent au grand jour.

Jusqu’à l’automne, Mediapart publie une vingtaine d’articles. Ces révélations se heurtent au silence quasi-général de la presse et au mutisme de l’audiovisuel. Aucune reprise, les « grands médias » ignorent quand, fort de rédactions de dizaines ou centaines de journalistes, ils auraient pu eux-aussi enquêter. L’AFP tord le nez et se met en service minimum, la classe politique se tait.

A partir de l’automne, les contours du scandale libyen commencent à apparaître. Les deux journalistes de Mediapart, Fabrice Arfi et Karl Laske, multiplient les documents. Durant presque quinze ans, ils ne cesseront plus de travailler pour révéler des informations qui sont aujourd’hui au cœur du procès.

Deux ans après ces premiers articles, la justice se décide à se saisir de l’affaire. Le 13 avril 2013, une information judiciaire pour corruption est ouverte à Paris. Confiée aux juges Serge Tournaire et René Grouman, elle vise un éventuel soutien financier de la Libye à la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007. L’enquête judiciaire durera dix ans.

Nicolas Sarkozy, durant ces années, a lui table ouverte dans les différentes télés et médias amis, par exemple Le Figaro. Les 20h de TF1 et de France2, les interviews long format et « exclusives » sur BFM-TV« Fable », « plaisanterie », « ignominie », l’ancien président n’est pas avare de qualificatifs pour répondre à de molles questions de journalistes qui, trop souvent, semblent presque s’excuser d’aborder l’affaire libyenne.

C’est aussi ce que dit aujourd’hui ce procès : la faiblesse de la presse française. Ne généralisons pas, des médias et émissions télé ont bien heureusement détaillé l’affaire libyenne, ont prolongé par leurs propres enquêtes les informations de Mediapart. Mais dans l’ensemble, ce qu’il est convenu d’appeler la « presse mainstream », ces « grands » médias, propriété de milliardaires souvent proches de Sarkozy (Bolloré, Lagardère, Bouygues, Dassault, pour ne citer qu’eux) n’a cessé de rester en retrait, quand elle n’attaquait pas Mediapart, comme dérangée par la révélation de ce qu’est la face obscure du sarkozysme.

Au final, si on laisse de côté les identités des protagonistes, Sarkozy et Mediapart, que reste-t-il ? Un journal totalement indépendant, ayant placé l’enquête au cœur de sa proposition éditoriale, fait chavirer le pouvoir politique en révélant des pratiques massives de corruption construites dans l’appareil d’Etat et l’exécutif politique. C’est une belle démonstration de la nécessité de l’indépendance de la presse et du journalisme, de son utilité, de son souci de l’intérêt public, au service des citoyennes et citoyens.


François BONNET
Président du FPL,
fondspresselibre.org








INTERNET-TRIBUNE-LIBRE_index-généralINTERNET-TRIBUNE-LIBRE_haut-pageINTERNET-TRIBUNE-LIBRE_archives-2025



Dernière modification : 19.04.25, 19:19:44