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samedi 01 avril 2023


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Sommaire

Article 1 : LA PLANÈTE ET SES GUIGNOLS

par Jean-Jacques REY

Article 2 : ADRESSE AUX FOUDRES DE GUERRE !

par Guy CRÉQUIE

Article 3 : DÉSINFORMATION ET GUERRE EN UKRAINE

par MS21 

Article 4 : HAÏTI, TERRE DE MASSACRES DEPUIS LES ORIGINES

par Jean SAINT-VIL

Article 5 : PROJET MACRONESQUE SANS VRAIE LÉGITIMITÉ POLITIQUE

par Nicolas MATHIEU



Article 1





Carte montrant zones d'influence pour Organisation du Traité de Atlantique Nord.

Image animée de bombe clignotant rouge-jaune.


LA PLANÈTE ET SES GUIGNOLS
 
 
 

   C’est « Noël » pour les Ukrainiens, chaque pays en Europe y va de son petit paquet cadeau : quelques unités de chars, de canons, de lance-roquettes ou missiles, etc. Tout ça pour faire sa B. A. (Bonne Action) et se donner bonne conscience… En fait, sans les « Ricains », l’ OTAN, ce n’est pas si formidable force que ça ! Jusqu’à maintenant cette Organisation du Traité de l’Atlantique Nord n’a servi qu’à attaquer des pays isolés, ne disposant que de modestes moyens militaires : au regard des puissances moyennes de l’Europe occidentale ; d’ailleurs l’OTAN a largement débordé de son cadre initial d’action : comme par exemple, son intervention en Afghanistan (couronnée du succès que l’on sait)…

   On peut comprendre certaines préoccupations russes sur l’extension de sa zone d’intervention…

   Mais justement face au noyau dur de l’ancienne URSS qu’est la Russie, il s’agit d’une autre paire de manches pour agir et la raison d’être de l’OTAN : qui n’aurait alors plus affaire aux seuls Slaves isolés de Serbie… Et quelques uns aux « marches » de l’Europe de l’est ont raison de serrer les fesses : ils connaissent la chanson !

   Question géostratégie, les « Ricains » n’ont plus que l’Europe comme alliée d’importance (et encore, surtout les pays qui n’ont pas seulement des confettis d’armée)… Mais donc cette alliance est plutôt une charge pour les USA, et dans la zone du Pacifique où se trouve l’autre « poids lourd », rival devenu, ils ne peuvent pas trop compter sur leurs alliés « naturels » : les pays sous domination anglo-saxonne, vestiges de l’empire britannique, ou leurs obligés : Japon, Taïwan ou les Philippines par exemple. En fait, les Chinois doivent bien rigoler de voir le « grand diable » impérialiste, écartelé par ses propres considérations et zones de surveillance. Les USA ont beau essayé de maintenir leurs efforts de « containment », ils arrivent à la limite de leurs moyens de contrôle : en tout cas dans le monde réel ! … Après, c’est la bombe atomique ! Alors on fait quoi ? Tout faire sauter dans un feu d’artifice grandiose (et dans quelques millénaires ou millions d’années, l’Univers pourra reconstruire une planète) ou on se met à table pour négocier (et abandonner quelques prétentions et prérogatives) ?

   L’Occident n’a plus le choix, il est rattrapé par l’évolution qui l’a, lui-même, initiée. À force de se croire les plus forts, on oublie que les autres peuvent le devenir, et, on se cogne alors au plafond des réalités. Et ce ne sont pas les guignols qu’on se donne comme présidents, qui vont changer la donne précisément.

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   Si on veut en finir avec les politiques agressives et les dominations belliqueuses, il faut en finir avec les nôtres ; au lieu de diaboliser l’adversaire.

   Le conflit entre Russie et Ukraine est avant tout idéologique, si la volonté d’imposer ses vues et l’impérialisme de la Russie sont indiscutables et ne peuvent être niés, et ça, on ne l’entend quasiment jamais dans les commentaires officiels ou sur les médias pourris. Le (néo)libéralisme en économie, en vogue dans l’Occident, est la principale raison de cet affrontement sanglant.

   Les tenants en Ukraine de ce système socio-économique, dominant en Europe et grevant la planète Terre, se sont emparés de la gouvernance du pays au prix d’un coup d’état (dit « Révolution de Maïdan ») en février 2014, suivi d’une guerre civile, il faut être conscient de cela et ne pas l’oublier.
   Des Ukrainiens russophones, concentrés en majeure partie dans le Donbass : une riche région minière et industrielle, ont refusé la nouvelle orientation de politique (pro-européenne) et fait sécession en quelque sorte, désirant leur autonomie, en fait leur rattachement à la Russie (manipulés ou non).
   Depuis 2014, le conflit n’a alors pas cessé de s’envenimer, jusqu’à la guerre ouverte entre deux états : Russie et Ukraine.
   Le cas particulier de la Crimée, anciennement russe, est une autre affaire qui relève de la géostratégie : ouverture conséquente sur la Mer Noire et contrôle total de la Mer d’Azov. Il s’agit d’un intérêt vital pour la Russie (toujours la problématique d’accès facile aux océans sur la façade ouest du pays), et, cela remonte à des siècles anciens et fut contesté à maintes reprises par les principaux rivaux de l’empire russe qui voulaient limiter son expansion…
   On retrouve d’ailleurs trace de ces anciennes fractures géopolitiques en Ukraine, disons continentale, qui était divisée entre territoire polonais et territoire russe.

   Dans sa volonté d’enfermer et d’affaiblir la Russie, composante importante du bloc eurasiatique et principale alliée (puisque poussée dans ses bras) de la Chine qui, elle, est devenue le cauchemar et le principal contestataire de l’hégémonie des USA, l’Occident otanesque a joué les pompiers pyromanes…
   Et malgré les « vœux pieux », les racontars et la propagande (et même l’hystérie de certains intervenants), je pense que l’on s’achemine, à plus ou moins longue échéance, vers une scission de l’Ukraine, entre partie occidentale et orientale, plus ou moins sur la ligne de feu-front, actuelle, avec pour ligne de démarcation, le fleuve Dniepr ; ce qui nous rappellera à nous autres, Français, quelques souvenirs, pardon pour l’ironie (et aux Allemands aussi) !
   Quant à tous les « croisés » belliqueux qui sévissent sur les mass média et en particulier sur les plateaux de télévision, souvent des « experts » bien rémunérés pour donner leur avis, nous pouvons leur rétorquer que, sur le terrain, la guerre se fait rarement avec des mots… Merci pour la libre expression ! N’importe quel guignol est capable de comprendre cela.
   Donc diaboliser Poutine et ses sbires, jeter l’opprobre sur la Russie en général, ne revient à rien d’efficient, sinon se discréditer un peu plus, par du parti pris, aux yeux et à l’entendement de milliards de gens, spécialement dans les pays qui ne sont pas alignés sur l’Occident, et qui sont fatigués des empires et des « axes » du Bien ou du Mal !
   Évidemment, quelque part, c’est reconnaître le fait accompli par la force impitoyable : le lot commun de beaucoup d’animaux (dont les humains) ! Bien sûr, c’est avaliser la brutalité et la violence, ô combien aveugle ! Mais qui peut se prévaloir d’être irréprochable dans la communauté internationale et en particulier dans les pays réputés pour avoir apporté la « civilisation » aux autres ?

   La « loi » des armes a façonné les peuples et les nations, leurs territoires et leurs histoires, depuis des temps immémoriaux. On ne va pas le redécouvrir aujourd’hui ! Si nous voulons la paix et la justice, nous, baptisés « Occidentaux », ne pouvons pas jeter de l’huile sur le feu et donner des leçons de morale à tout va, sans arrêt. Les détracteurs de l’Occident trouveront toujours matière à nous renvoyer à nos propres erreurs et des exactions abominables, qui ont émaillé nos turpitudes millénaires.

   Ou on en termine avec les logiques prédatrices (telle celle du capitalisme) ou on aura que des guerres à répétition et des drames.

   L’Organisation des Nations Unies à un rôle vital en ce sens et devrait être refondée. Par exemple, on devrait supprimer le droit de veto du « club des cinq » : les cinq grands vainqueurs de la seconde guerre mondiale. Complètement anachronique (et injustifiée), cette disposition, près de huit décennies après cette époque sanglante ! Cela serait un pas décisif pour contrer les impérialismes et la loi du plus fort justement. Si tous les peuples et les nations de ce monde se donnent la main à ces fins ; alors la Civilisation et l’humanité feront un pas de géant vers la concorde
  






Voilà 9 articles qui traitent de différents problèmes liés au conflit en Ukraine et à l'impérialisme occidental
au regard du monde entier, avec ses conséquences jusque dans nos sociétés dites évoluées...



La dictature des médias : Conflit Russie Ukraine
Les médias jouent un rôle central dans le conflit
par Jorge Majfud. 4 mars 2022

elcorreo.eu.org/La-dictature-des-medias-Conflit-Russie-Ukraine

L’impérialisme de l’OTAN et la guerre de Poutine
Cela fait partie d’une stratégie dans laquelle même les gens les plus honnêtes tombent : si vous êtes contre l’impérialisme de l’OTAN, vous êtes pour la guerre de Poutine. Ou ne mentionnez pas notre impérialisme parce que des innocents meurent en Ukraine. Eh bien, il faut toujours se souvenir de l’impérialisme, parce qu’il est timide et ne veut pas être mentionné, parce que, bien qu’il ne soit pas absolu, c’est le principal cadre politique et idéologique du monde, et il faut le mentionner encore plus maintenant parce qu’il se pose comme un défenseur altruiste des victimes ukrainiennes, puisqu’il est un protagoniste direct de cette tragédie.

La FIFA a disqualifié la Russie de la Coupe du monde 2022 au Qatar
Par conséquent, l’effet football fonctionne parfaitement. Et ce n’est pas qu’une métaphore : la vieille mafia de la FIFA a suspendu l’équipe russe de football de la Coupe du monde de cette année au Qatar, une Coupe du monde où les droits de l’homme brillent par leur absence.
La FIFA a pu organiser des coupes du monde dans des dictatures comme l’Argentine en 1978 ou dans l’Italie fasciste en 1934, manipulée en faveur du régime de Mussolini (Il Duce a également participé en France en 1938). Trois cas qui se sont terminés avec l’obtention du trophée maximum, où non seulement les footballeurs ont été victimes mais ces événements ont servi de légitimité morale à la barbarie.
La FIFA a également réussi à maintenir la « neutralité sportive » lors de massacres plus récents. Les grandes chaînes de télévision sportives n’avaient jamais diffusé les programmes avec la bannière « Non à la guerre » jusqu’à présent. Mais entre gangsters, ils se défendent.

Censure des réseaux sociaux
Dans la même ligne de pseudo-neutralité idéologique, les principales plateformes mondiales, telles que les réseaux sociaux (toujours, mais de plus en plus évidemment) se sont autoproclamées juges de la vérité mondiale et marquent toutes les nouvelles des médias tels que Russia TV avec l’avertissement « cette information provient d’un média affilié au gouvernement russe » [Plateformes et journalistes ont été étiquetés par Twitter, etc. « médias-affiliés-au-gouvernement-russe » El Correo].
Mêmes les gouvernements bananiers ont même censuré cette chaîne d’information, malgré le fait que personne n’a jamais osé faire quelque chose de similaire avec CNN et Fox News lorsqu’ils ont rendu possible la désinformation qui s’est terminée par le massacre d’un million de personnes en Irak et sur un demi-continent dans un sanglante chaos qui persiste encore.
Sans parler de la censure classique de la visibilité et du positionnement médiatique des moteurs de recherche Internet qui entretiennent un oligopole quasi absolu, le tout manipulé depuis San Francisco. .../...
Ce sont les peuples qui doivent mûrir et s’éduquer pour apprendre à digérer l’information et, surtout, apprendre à s’organiser pour ne pas toujours laisser la majorité des médias les plus puissants, créateurs de peur et d’opinion, aux propriétaires du capital. Pourquoi quatre ou cinq puissants PDG de méga-entreprises, choisis par personne en dehors de leur petit conseil de cardinaux, se proclament les gardiens de la vérité ?

Balisage des médias
Bien sûr, dans tous les autres cas, ils n’étiquettent ni ne mentionnent les affiliations des médias occidentaux avec des gouvernements alignés. Les grands réseaux qui font l’opinion, comme Fox News ou CNN , chargés de soutenir des guerres massives et de cacher leurs crimes contre l’humanité, ne sont pas plus indépendants parce qu’ils sont privés, bien au contraire : leurs empires ne dépendent pas des lecteurs mais de leurs annonceurs millionnaires et les puissants intérêts de leur micro classe sociale.  .../...
Dans une large mesure, les chaînes qui ne cachent pas leur appartenance à un gouvernement, à un syndicat ou à une idéologie sont plus honnêtes que celles à projection internationale et à influence dévastatrice qui se posent en indépendantes et en championnes de l’objectivité informative.
De plus : l’objectivité médiatique n’existe pas et la neutralité n’est que lâcheté, voire cynisme. Ce qui existe et doit être apprécié, c’est l’honnêteté, en reconnaissant une fois pour toutes quelle vision du monde nous soutenons et si cette vision dépend de nos intérêts personnels, de notre classe ou de quelque chose de plus large appelé humanité.


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L’Ukraine et la crise de la politique étrangère de l’Occident
par Ralph Bosshard

zeit-fragen.ch/fr/archives/2022/zeit-fragen-nr-24/25-sonderbeilage-xxix-kongress-mut-zur-ethik-2022/die-ukraine-und-die-aussenpolitische-krise-des-westens

Ralph Bosshard a étudié l’histoire générale, l’histoire de l’Europe de l’Est et l’histoire militaire. Il a suivi l’école de commandement militaire de l’EPFZ ainsi que la formation d’état-major général de l’armée suisse. Il a continué sa formation universitaire et militaire par des études linguistiques en russe, à l’Université d’Etat de Moscou, ainsi qu’à l’Académie militaire de l’Etat-major général de l’armée russe. Il est expert en matière de la situation en Europe de l’Est pour avoir travaillé, pendant six ans, à l’OSCE en fonction de Conseiller spécial du représentant permanent de la Suisse.

Après l’intégration – ou plutôt, selon les Occidentaux, l’annexion – de la Crimée par la Fédération de Russie en 2014, le mot d’ordre de la politique étrangère occidentale était «on ne revient pas au business as usual». Depuis le 24 février, la formule s’est transformée en «No Business at all» et l’Occident menace de sanctions tout état ou toute personne qui entretiendrait malgré tout des relations avec la Russie. Les événements de ces derniers mois laissent toutefois planer le doute sur la capacité de l’Occident à imposer au monde son point de vue. En effet, l’Europe occidentale est en perte de vitesse et va devoir apprendre à vivre avec son déplaisant voisin de l’Est.
En politique étrangère, les instruments de lutte diplomatiques et économiques de l’Occident se sont avérés insuffisants contre la Russie. En outre, un grand nombre d’états contestent le leadership revendiqué par le président américain Joe Biden lors de la campagne électorale. Une résistance se fait jour après trois décennies passées à décréter qu’un pays qui déplaît est un état-voyou et mérite des sanctions. La revendication d’un monde multipolaire constitue une réponse à la domination exercée par l’Occident depuis la chute de l’Union soviétique.

L’Occident en mal d’arguments
L’indignation de l’Occident face à l’intervention russe en Ukraine peut s’expliquer en partie par le fait que les Russes ont utilisé, dans le cas de la Crimée et du Donbass, les mêmes arguments que ceux invoqués par l’Occident pour justifier ses diverses interventions au cours des trois dernières décennies : cette argumentation repose notamment sur le droit à la sécession revendiqué au nom des populations russophones du sud et de l’est de l’Ukraine par opposition à celui exprimé par les Albanais du Kosovo dans l’ex-Yougoslavie. A cela s’ajoute la notion de responsabilité de protection (Responsibility to Protect) ou d’intervention humanitaire, qui avait également été avancée dans le contexte du Kosovo, mais aussi de l’intervention occidentale en Libye.
La faiblesse de l’argumentation occidentale est accentuée par le fait que dans le cas de la Serbie en 1999 et de l’Irak en 2003, les justifications avancées pour l’intervention militaire se sont ultérieurement révélées sans fondement. L’existence du «Plan fer à cheval» demeure controversée et la thèse des armes de destruction massive irakiennes s’est avérée être un mensonge. Dans le domaine de la sécurité, l’Occident s’est également vu tendre un miroir réfléchissant. Depuis février de cette année, la Russie argue de la nécessité d’une attaque préemptive contre l’Ukraine, au motif de parer à d’imminentes frappes ukrainiennes dirigées contre les républiques populaires sécessionnistes de Donetsk et de Lougansk. C’est en 2002 que le terme d’attaque préemptive a été utilisé pour la première fois par le président américain de l’époque, George W. Bush, devant le Congrès. Moscou a toujours justifié son opposition à l’élargissement de l’OTAN vers l’Est en invoquant l’indivisibilité de la sécurité, stipulée dans le document final d’Helsinki. Bien entendu, l’Occident réfute toute argumentation de la Russie : ces événements n’ont rien à voir les uns avec les autres. Cette affirmation peut satisfaire une partie des Occidentaux. Il existe cependant des tenants d’une conception égalitaire du droit international, plus enclins à adopter le point de vue russe. Il s’agit notamment de pays qui ont déjà été victimes d’interventions occidentales ou qui se sentent menacés. Il n’est pas question ici de commenter ou même d’évaluer les arguments des parties en présence. Décider aujourd’hui de qui croit quoi relève plus souvent de convictions idéologiques que de l’analyse objective des faits.
Pour la dixième fois déjà, le gouvernement russe a organisé à la mi-août à Moscou sa traditionnelle conférence sur la sécurité, bien évidemment assombrie par la guerre en Ukraine. A cet égard, le tableau des origines des intervenants à cette conférence est éloquent : la majorité des pays d’Asie et d’Amérique latine y ont participé, ainsi que la moitié des pays africains. La participation de certains pays d’Europe occidentale est à cet égard intéressante, bien que du côté américain, on ait certainement tout fait, comme les années précédentes, pour l’empêcher. L’affluence de participants venus du monde entier est d’autant plus significative qu’elle survient alors que la Russie est activement engagée dans la guerre. La Russie est et reste un acteur important de la politique mondiale et même les pays qui ne cautionnent pas totalement les agissements de la Russie en Ukraine souhaitent rester en contact avec Moscou. L’Occident et plus particulièrement l’Europe perdent par contre de leur influence. La Russie peut donc se demander pourquoi elle devrait se soumettre à la volonté d’une Europe dont l’importance est en baisse.

Economie et géoéconomie
En 2015, lors d’un séminaire au George C. Marshall Center, l’attaché allemand à la Défense alors en poste en Russie, le brigadier-général Schwalb, montrant l’image d’une peau d’ours sur un mur, fit remarquer que l’Occident pouvait clouer la Russie au mur sans délai rien qu’en recourant aux moyens économiques.  Sept ans plus tard, son pronostic ne s’est toujours pas réalisé. C’est sans doute grâce à cette même certitude de la supériorité économique absolue de l’Occident que l’on a pu prédire, jusqu’en février dernier, que la Russie n’attaquerait pas l’Ukraine. En ce qui concerne l’efficacité de la géoéconomie, il faut dire que ces dernières années, l’Occident s’est considérablement surestimé.
Compte tenu de l’énorme impact économique et du risque politique d’une guerre, la géoéconomie devrait, selon les théories d’Edward N. Luttwak, remplacer la guerre conventionnelle. La mise en œuvre d’une stratégie géoéconomique prometteuse s’appuie obligatoirement sur une économie forte et performante. Jusqu’à présent, l’économie russe semble avoir eu l’envergure et la cohérence permettant de résister à la géoéconomie occidentale. .../... Dans le cas de la Russie, les sanctions économiques et politiques n’ont pas eu l’effet escompté. Si d’autres conflits éclatent à l’avenir avec des pays qui bénéficient du soutien de la Russie, de la Chine ou d’autres outsiders de la politique mondiale, l’Occident devra avoir recours à des moyens militaires plus rapidement que par le passé. Le déclin de l’Occident passera par la violence.

.../... Conclusion
Aujourd’hui, l’Occident n’est plus en mesure de rallier d’autres pays à ses vues, ni même de les forcer à les adopter. Le bloc ne peut actuellement maintenir sa cohésion qu’en jouant sur la peur qu’inspire la Russie. Par ailleurs, un certain consensus prévaut en Russie pour éviter toute nouvelle subordination à l’Occident, qui ne jouit de toute façon pas d’un grand prestige. Aucun revirement de la politique russe ne se profile à l’horizon. Il n’est pas encore certain que l’UE puisse financer la reconstruction de l’Ukraine, le développement de l’Europe de l’Est et une vague de réarmement. Ce qui est douteux au vu de l’actuel contexte économique. .../...


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La guerre d’Ukraine vue par les pays du Sud
Par Krishen Mehta – Le 22 février 2023. Publié par Robert Bibeau ; 1 mars 2023
Nota : Krishen Mehta est Senior Global Justice Fellow à l’université de Yale.
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

les7duquebec.net/archives/280753

En octobre 2022, environ huit mois après le début de la guerre en Ukraine, l’Université de Cambridge au Royaume-Uni a harmonisé des enquêtes dans lesquelles les habitants de 137 pays ont été interrogés sur leur opinion concernant l’Occident, la Russie et la Chine. Les conclusions de cette étude combinée sont suffisamment solides pour exiger une attention sérieuse de notre part.
Sur les 6,3 milliards de personnes qui vivent en dehors de l’Occident, 66 % ont une opinion positive de la Russie et 70 % de la Chine.
75% des personnes interrogées en Asie du Sud, 68% des personnes interrogées en Afrique francophone et 62% des personnes interrogées en Asie du Sud-Est déclarent avoir une opinion positive de la Russie.
L’opinion publique sur la Russie reste positive en Arabie saoudite, en Malaisie, en Inde, au Pakistan et au Vietnam.
Ces résultats ont suscité un certain étonnement et même de la colère en Occident. Il est difficile pour les leaders d’opinion occidentaux de comprendre que les deux tiers de la population mondiale ne se rangent pas du côté de l’Occident dans ce conflit. Cependant, je pense qu’il y a cinq raisons pour lesquelles le Sud ne prend pas le parti de l’Occident. J’aborde ces raisons dans le court essai ci-dessous.

 I) Le Sud ne pense pas que l’Occident comprenne ses problèmes ou fasse preuve d’empathie à son égard.
Le ministre indien des Affaires étrangères, S. Jaishankar, l’a résumé succinctement dans une récente interview : « L’Europe doit sortir de l’état d’esprit selon lequel les problèmes de l’Europe sont les problèmes du monde, mais les problèmes du monde ne sont pas les problèmes de l’Europe. » Les pays en développement sont confrontés à de nombreux défis, qu’il s’agisse des séquelles de la pandémie, du coût élevé du service de la dette, de la crise climatique qui ravage leur environnement, de la douleur de la pauvreté, des pénuries alimentaires, des sécheresses et des prix élevés de l’énergie. Pourtant, l’Occident a à peine reconnu du bout des lèvres la gravité de bon nombre de ces problèmes, même s’il insiste pour que le Sud se joigne à lui pour sanctionner la Russie.
La pandémie de Covid en est un parfait exemple. Malgré les appels répétés du Sud à partager la propriété intellectuelle sur les vaccins dans le but de sauver des vies, aucune nation occidentale n’a été disposée à le faire. L’Afrique reste à ce jour le continent le moins vacciné au monde. Les nations africaines ont la capacité de fabriquer les vaccins, mais sans la propriété intellectuelle nécessaire, elles restent dépendantes des importations.
Mais l’aide est venue de la Russie, de la Chine et de l’Inde. L’Algérie a lancé un programme de vaccination en janvier 2021, après avoir reçu son premier lot de vaccins russes Sputnik V. L’Égypte a commencé à vacciner après avoir reçu le vaccin Sinopharm de la Chine à peu près au même moment, tandis que l’Afrique du Sud s’est procuré un million de doses d’AstraZeneca auprès du Serum Institute of India. En Argentine, Sputnik est devenu l’épine dorsale du programme national de vaccination. Tout cela s’est produit alors que l’Occident utilisait ses ressources financières pour acheter des millions de doses à l’avance, puis les détruisait souvent lorsqu’elles arrivaient à expiration. Le message adressé au Sud était clair : la pandémie dans vos pays est votre problème, pas le nôtre.

 2) L’histoire compte : qui se tenait où pendant le colonialisme et après l’indépendance ? 
De nombreux pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie voient la guerre en Ukraine sous un angle différent de celui de l’Occident. Ils voient leurs anciennes puissances coloniales regroupées au sein de l’alliance occidentale. Cette alliance – pour la plupart des membres de l’Union européenne et de l’OTAN ou les plus proches alliés des États-Unis dans la région Asie-Pacifique – est composée des pays qui ont sanctionné la Russie. En revanche, de nombreux pays d’Asie, et presque tous les pays du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Amérique latine, ont essayé de rester en bons termes avec la Russie et l’Occident, en évitant les sanctions contre la Russie. Serait-ce parce qu’ils se souviennent de l’histoire qu’ils ont vécue sous le joug des politiques coloniales de l’Occident, un traumatisme avec lequel ils vivent encore mais que l’Occident a en grande partie oublié ?
Nelson Mandela a souvent dit que c’est le soutien de l’Union soviétique, tant moral que matériel, qui a contribué à inciter les Sud-Africains à renverser le régime de l’apartheid. Pour cette raison, la Russie est toujours considérée d’un œil favorable par de nombreux pays africains. Et une fois que ces pays ont obtenu leur indépendance, c’est l’Union soviétique qui les a soutenus, malgré ses propres ressources limitées. Le barrage égyptien d’Assouan, achevé en 1971, a été conçu par l’Institut des projets hydrauliques basé à Moscou et financé en grande partie par l’Union soviétique. L’usine sidérurgique de Bhilai, l’un des premiers grands projets d’infrastructure de l’Inde nouvellement indépendante, a été mise en place par l’URSS en 1959.
D’autres pays ont également bénéficié du soutien politique et économique de l’ancienne Union soviétique, notamment le Ghana, le Mali, le Soudan, l’Angola, le Bénin, l’Éthiopie, l’Ouganda et le Mozambique. Le 18 février 2023, lors du sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie, le ministre des Affaires étrangères de l’Ouganda, Jeje Odongo, s’est exprimé ainsi : « Nous avons été colonisés et avons pardonné à ceux qui nous ont colonisés. Maintenant, les colonisateurs nous demandent d’être les ennemis de la Russie, qui ne nous a jamais colonisés. Est-ce juste ? Pas pour nous. Leurs ennemis sont leurs ennemis. Nos amis sont nos amis ».
À tort ou à raison, la Russie actuelle est considérée par de nombreux pays du Sud comme le successeur idéologique de l’ancienne Union soviétique. Se souvenant avec tendresse de l’aide apportée par l’URSS, ils considèrent aujourd’hui la Russie sous un jour unique et souvent favorable. Compte tenu de l’histoire douloureuse de la colonisation, peut-on les en blâmer ?

 3) Le Sud considère que la guerre en Ukraine concerne principalement l’avenir de l’Europe plutôt que l’avenir du monde entier.
L’histoire de la guerre froide a appris aux pays en développement que s’engager dans des conflits entre grandes puissances comporte des risques énormes mais ne rapporte que peu, voire pas du tout, de profits. Par conséquent, ils considèrent que la guerre par procuration en Ukraine concerne davantage l’avenir de la sécurité européenne que l’avenir du monde entier. Du point de vue des pays du Sud, la guerre en Ukraine semble être une distraction coûteuse par rapport à leurs propres problèmes les plus urgents. Il s’agit notamment de la hausse des prix des carburants et des denrées alimentaires, de l’augmentation du coût du service de la dette et de l’inflation, autant de facteurs que les sanctions occidentales contre la Russie ont considérablement aggravés.
Une étude récente publiée par Nature Energy indique que jusqu’à 140 millions de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté en raison de la flambée des prix de l’énergie observée l’année dernière. Les prix élevés de l’énergie n’ont pas seulement un impact direct sur les factures d’énergie, ils entraînent également des pressions à la hausse sur les prix le long des chaînes d’approvisionnement et, en fin de compte, sur les produits de consommation, notamment les denrées alimentaires et autres produits de première nécessité. Cette inflation généralisée fait inévitablement plus de mal aux pays en développement qu’à l’Occident.
L’Occident peut soutenir la guerre « aussi longtemps qu’il le faudra ». Ils ont les ressources financières et les marchés de capitaux pour le faire, et bien sûr ils restent profondément investis dans l’avenir de la sécurité européenne. Mais le Sud n’a pas le même luxe, et une guerre pour l’avenir de la sécurité en Europe a le potentiel de dévaster la sécurité du monde entier. .../...

 4) L’économie mondiale n’est plus dominée par l’Amérique ou dirigée par l’Occident. Le Sud a maintenant d’autres options.
Plusieurs pays du Sud considèrent de plus en plus que leur avenir est lié à des pays qui ne sont plus dans la sphère d’influence de l’Occident. La question de savoir si ce point de vue reflète une perception exacte de l’évolution de l’équilibre des pouvoirs ou s’il s’agit d’un vœu pieux reste une question empirique.
La part des États-Unis dans la production mondiale est passée de 21 % en 1991 à 15 % en 2021, tandis que la part de la Chine est passée de 4 % à 19 % au cours de la même période. La Chine est le premier partenaire commercial de la plupart des pays du monde, et son PIB, en parité de pouvoir d’achat, dépasse déjà celui des États-Unis. En 2021, le PIB combiné des BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud) s’élevait à 42 000 milliards de dollars, contre 41 000 milliards pour le G7 dirigé par les États-Unis. Leur population de 3,2 milliards d’habitants est plus de 4,5 fois supérieure à la population combinée des pays du G7, qui s’élève à 700 millions. .../...

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Le véritable New Deal avec l’Afrique c’est d’en finir avec son pillage et le néocolonialisme !
Publié le 21 mai 2021 - CADTM, Survie

survie.org/themes/economie/cooperation-et-developpement/article/le-veritable-new-deal-avec-l-afrique-c-est-d-en-finir-avec-son-pillage-et-le

Le 18 mai [2021] a eu lieu à Paris un sommet rassemblant autour du Président Macron plusieurs chefs d’État africains, des responsables européens et des représentants des institutions financières internationales. Cette rencontre avait pour objectif de trouver de nouvelles sources de financement pour le continent. Présenté comme une solution novatrice, le New Deal vanté par Macron s’inscrit en réalité dans la droite ligne des politiques néolibérales en grande partie responsables des faiblesses structurelles des économies africaines.
 

La France a accueilli ce mardi 18 mai, à l’invitation du président français, Emmanuel Macron, un Sommet sur le financement des économies d’Afrique subsaharienne avec une quinzaine de chefs d’Etat africains, ainsi que des responsables européens et d’institutions financières et commerciales internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) ou l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Il s’est agi, officiellement, de venir en aide à un continent pour lequel la pandémie s’est surtout manifestée sous la forme d’une grave crise économique encore pire que celle de de 2008. Il a ainsi vu une contraction son PIB de 2,1%, une première depuis 25 ans, mais aussi une chute des investissements directs étrangers ainsi que des transferts de fonds de la diaspora qui constituent une des principales sources de financement du continent, au moins deux fois plus que l’aide publique au développement. Selon le FMI, ces pays pourraient se trouver face à un déficit de financement de 290 milliards $US d’ici 2023 alors que, pour faire face aux effets de la pandémie, ils pourraient avoir besoin de 425 milliards d’ici à 2025.
Cela s’est inévitablement traduit par des conséquences sociales terribles : alors que la pauvreté était en baisse régulière depuis deux décennies sur le continent, selon la Banque africaine de développement (BAD), plus de 39 millions d’Africain-es supplémentaires pourraient tomber d’ici la fin de l’année sous le seuil d’extrême-pauvreté (1,90 dollar par jour), se rajoutant aux 30 millions de l’an dernier pour atteindre un total de 465 millions de personnes, soit près de 35% de la population du continent.

Au vu de cette situation et de ces perspectives, le principe d’un sommet consacré à l’Afrique n’était pas dénué de sens et pouvait faire écho aux nombreux appels lancés depuis un an, y compris par les sociétés civiles africaines. Sauf que, depuis le début de la crise sanitaire mondiale, ce n’est pas la première fois que le président français feint de plaider en faveur de l’Afrique. Il y a un peu plus d’un an, il a ainsi, à plusieurs reprises, lancé un appel pour une « annulation massive » des dettes africaines. Mais, dans les faits, force est de constater que la France n’a cessé d’œuvrer dans un sens contraire.
Cette fois-ci, avec ce nouveau sommet, il s’agissait pour Emmanuel Macron de mettre en place « un New Deal du financement de l’Afrique » reposant notamment « sur des solutions profondément novatrices ». Faut-il vraiment croire le président français sur parole ? Il est permis d’en douter. Les solutions envisagées n’ont rien de « novatrices », elles sont dans la droite ligne des remèdes infligés depuis des décennies, responsables des faiblesses structurelles des pays africains. Elles les ont notamment enfermés dans un modèle extractiviste ravageur et peu rémunérateur qui les rend, de surcroît, dépendants et extrêmement vulnérables aux chocs exogènes, comme on a encore pu le constater récemment lors de la chute du cours des matières premières.

Ce « New Deal » macronien est une déclinaison du « Consensus de Paris » exposée en novembre dernier, lors d’un entretien du président français au Grand Continent. Comme souvent avec Emmanuel Macron, sous un emballage se voulant disruptif, ce sont les mêmes recettes libérales éculées qui sont servies : il s’agit ici, en l’occurrence, malgré les dénégations, de remettre encore plus le sort des économies africaines entre les mains d’intérêts privés et de la finance. On s’en doute, leur préoccupation première n’est pas la philanthropie ou l’intérêt public mais le rendement de leurs investissements. L’un des outils de prédilection de cette politique, ce sont les partenariats public-privé (PPP), ces conventions par lesquelles le financement et la gestion de services publics sont confiés à des prestataires privés. Décriés en Europe, notamment par la Cour des comptes européenne (CCE) pour qui ils « ne peuvent être considérés comme une option économiquement viable pour la fourniture d’infrastructures publiques », et en France, où la Cour des comptes a fustigé son coût et « son insoutenabilité financière », amenant le gouvernement d’Emmanuel Macron à y renoncer, les PPP font pourtant encore l’objet d'une large promotion, y compris par la France, par le truchement de l’Agence française de développement (AFD), auprès des pays africains.
Plus profondément, derrière un laïus qui se veut moderne, se niche une vision du développement archaïque. Celle qui domine depuis le discours d’investiture de Harry Truman de janvier 1949 et qui le réduit à une dimension économique et comptable donnant aux pays du Nord vis-à-vis de ceux du Sud, un objectif messianique prenant le relais de la « mission civilisatrice » du temps des colonies.

Non seulement la logique qui sous-tend le sommet de Paris est dangereuse pour les pays africains, mais elle est évite soigneusement d’aborder et d’interroger les causes profondes et premières de leur situation désastreuse.
Les fondements sur lesquels reposait ce sommet laissaient donc peu augurer de son succès du point de vue des populations africaines. D’autant moins qu’il n’était pas du tout question de s’attaquer aux causes profondes du désastre africain. Certes, on pourrait, à raison, rappeler que la situation catastrophique dans laquelle sont la plupart des pays africains, est en bonne partie liée au fait qu’ils souffrent de la mauvaise gouvernance de dirigeants souvent illégitimes et d’abord mus par leurs intérêts propres, mais, en fait, cette situation d’extrême faiblesse s’explique d’abord par l’histoire séculaire de la construction de mécanismes de domination et d’exploitation par les grandes puissances.

La France est un acteur majeur de cette sombre histoire africaine. Après les périodes de la traite puis de la colonisation, elle a fini par se résoudre à  l’indépendance de ses anciennes colonies non sans s’être assurée de les maintenir sous sa domination pour continuer à les exploiter et les piller, notamment en leur imposant toute une série d’accords léonins dits de coopération. Les plus controversés étant ceux relatifs à la défense, aux matières premières et aux produits stratégiques ainsi qu’aux relations économiques, monétaires et financières. Ces accords ont dépouillé ses anciennes colonies des principaux attributs de souveraineté au profit quasi exclusif de la France. D’abord, ils donnaient à cette dernière un contrôle et un accès privilégié, et même clairement abusif, à leurs richesses naturelles. Ensuite, ils garantissaient également à la France, des débouchés commerciaux privilégiés et une maîtrise quasi totale de leur politique monétaire via le franc CFA, que ces accords obligent à adopter comme monnaie : celle-ci permet à la France de contrôler la politique monétaire de ces pays au profit notamment de ses multinationales ainsi protégées des risques de change. Enfin, ces accords faisaient de la France, leur fournisseur exclusif pour le matériel militaire et la formation de leur armée ; ils lui permettaient également d’y d’intervenir militairement, à sa guise, selon ses intérêts, ce dont elle ne s’est pas privée à diverses reprises. Avec la complicité d’élites locales corrompues et de dirigeants installés ou maintenus au pouvoir par la France pour veiller à leur bonne application, ces accords ont constitué la base d’un ordre néo-colonial, la Françafrique, un entrelacs nébuleux de relations économiques, politiques et militaires au détriment des populations locales.

Ces relations asymétriques avec la France s’inscrivent dans un contexte mondial néolibéralles pays africains se voient imposer des accords commerciaux de libre-échange dévastateurs pour leurs économies, à l’instar de ceux avec l’Union européenne : celle-ci tente d’approfondir via, notamment, les Accords de partenariat économique (APE) - que les Africains ont vite fait de rebaptiser « Accords de Paupérisation économique » - une politique commerciale mortifère dont les seuls véritables gagnants sont les multinationales et les banques. Avec la complicité active des institutions commerciales et financières internationales, notamment le FMI, la Banque mondiale ou l’OMC, ces accords commerciaux se doublent de plus en plus d’accords d’investissement scélérats renforçant la domination des multinationales sur les Etats.

Les effets de ces politiques sont désastreux sur les plans économiques, sociaux, environnementaux et politiques. D’abord, elles fragilisent considérablement les économies africaines tant au niveau macro que micro économique, renforcent les dépendances structurelles et aggravent les déficits des balances commerciale et de paiement. Ensuite, elles entretiennent un chômage de masse, développent une grande précarité des emplois, détruisent les activités agricoles et accroissent très fortement les inégalités sociales et de genre. En outre, elles favorisent un extractivisme et un accaparement des ressources naturelles au profit des multinationales, dégradant considérablement l’environnement, toujours au détriment des populations locales. Enfin, ces politiques néolibérales entretiennent un cercle vicieux antidémocratique. D’une part, elles sont d’autant plus appliquées que les dirigeants africains ne sont pas légitimes et que leurs intérêts sont alignés sur ceux des capitalistes français et européens plutôt que sur ceux de leur peuple. D’autre part, elles contribuent à renforcer leur pouvoir et leurs pratiques anti-démocratiques.
Non seulement les multinationales françaises et européennes jouissent ainsi de marchés ouverts dont ils peuvent piller les richesses et exploiter une main d’œuvre bon marché tout en bénéficiant de solides mécanismes de protection qui limitent les capacités d’exportation des pays africains, mais en plus elles bénéficient d’un système fiscal international, mis en place par les pays du Nord, qui leur permet de se livrer de manière intensive à de l’évasion fiscale. .../... Un des piliers de ce système de prédation et de domination du néolibéralisme est la dette. D’un côté ce système oblige les pays africains à s’endetter massivement. De l’autre, l’endettement massif de ces pays facilite leur pillage. Ils ont payé très cher pour le savoir, par exemple avec les plans d’ajustement structurel imposés par les institutions de Bretton Woods, entraînant une privatisation de leurs principaux services publics et de nombre de leurs ressources naturelles tout en les affaiblissant. Le gros des populations locales n’en perçoit aucun bénéfice alors même qu’elles assument le fardeau de ces dettes illégitimes. Il sera d’autant plus compliqué pour la plupart des pays africains de sortir de ce cercle infernal et vicieux qu’au moment où la pandémie a commencé, ils connaissaient déjà un début de crise de la dette, avec un endettement qui a plus que doublé durant la décennie précédente.
Un autre outil de ce système néocolonial est la mal nommée Aide publique au développement. Outre le fait qu’elle prend en grande partie la forme de prêts, elle est souvent conditionnée à l’application des politiques néolibérales décrites plus haut et produit donc les mêmes effets. .../...

Le vrai New Deal, la vraie nouvelle donne sera de changer les relations avec l’Afrique.
Sans changements profonds et radicaux, ce sommet de Paris sur les financements des économies africaines, tout comme le sommet « Afrique-France » de Montpellier, désormais reporté à octobre prochain, ainsi que les grandes déclarations d’Emmanuel Macron, à l’instar de celle de Ouagadougou en novembre 2017, ne seront que de la poudre de perlimpinpin, de grossières manœuvres ayant pour objet de permettre à la France de maintenir et même étendre une influence et une domination sur le continent africain alors qu’elle est de plus en plus concurrencée dans son pré carré par ses rivaux habituels ainsi que par de nouvelles puissances, notamment asiatiques. .../...
Si Emmanuel Macron veut réellement que le sommet de Paris de ce 18 mai, ou celui de Montpellier en octobre prochain et tous leurs avatars soient autre chose que de grandes opérations de communication et d’auto-promotion, qu’ils servent à construire de nouvelles relations et un nouveau partenariat avec l’Afrique, reposant sur des bases saines, il peut prendre rapidement diverses décisions.
.../...
Au final, au vu de la faiblesse criante de ses résultats, on peut se demander si la première mesure « novatrice » pour le financement d’une relance durable en Afrique n’aurait pas été d’organiser ce Sommet de Paris en ligne et économiser ainsi de précieuses ressources. Ce dont les pays africains ont profondément besoin de la part de la France, ce n’est pas de communication ni d’un New Deal mais de la promotion et de la défense d’une vraie nouvelle donne : celle d’une indépendance réelle de l’Afrique dans un monde ne reposant plus sur un système économique intrinsèquement porteur de profondes inégalités, de rapports de domination et d’exploitation au détriment de l’humain et de la planète.


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L’axe Chine-Russie : une insurrection structurelle contre l’Occident ?
3.février.2023 ; source : The Alt World, Alastair Crooke
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

les-crises.fr/l-axe-chine-russie-une-insurrection-structurelle-contre-l-occident/

L’axe Chine-Russie allume les feux d’une insurrection structurelle contre l’Occident dans une grande partie du reste du monde. Ces feux visent à « faire bouillir lentement la grenouille » [endormir la méfiance, NdT].

Dans une récente interview accordée au Financial Times, un général des Marines américains de haut rang, James Bierman, a expliqué, dans un moment de candeur, comment les États-Unis préparent le théâtre d’une éventuelle guerre avec la Chine, tout en admettant avec désinvolture, en aparté, que les planificateurs de la défense américaine étaient occupés, il y a des années, à l’intérieur de l’Ukraine, à préparer sérieusement la guerre avec la Russie – jusqu’au pré-positionnement des fournitures, en identifiant les sites à partir desquels les États-Unis pourraient apporter leur soutien et appuyer les opérations. En d’autres termes, ils étaient là, préparant l’espace de combat depuis des années.
Ce n’est pas vraiment une surprise, car de telles réponses militaires découlent directement de la décision stratégique fondamentale des États-Unis d’appliquer la doctrine Wolfowitz de 1992, selon laquelle les États-Unis doivent planifier et agir de manière préventive, afin de mettre hors d’état de nuire toute grande puissance potentielle, bien avant qu’elle n’atteigne le point où elle peut rivaliser avec les États-Unis ou porter atteinte à leur hégémonie.
Aujourd’hui, l’OTAN est entrée en guerre contre la Russie dans un espace de combat qui, en 2023, pourrait ou non se limiter à l’Ukraine. En d’autres termes, le passage à la « guerre » (qu’il soit progressif ou non) marque une transition fondamentale à partir de laquelle il n’est pas possible de revenir en arrière – les « économies de guerre » sont, par essence, structurellement différentes de la  » normalité  » à laquelle l’Occident a été habitué au cours des dernières décennies. Une société en guerre – même si elle n’est que partiellement mobilisée – pense et agit structurellement différemment que la société en temps de paix.

.../... Pourtant, la fiction soigneusement entretenue en Europe et aux États-Unis continue de prétendre que rien n’a vraiment changé ou ne changera : nous sommes dans un « trou d’air » temporaire. Et c’est tout.
Zoltan Pozsar, l’influent « oracle » financier du Crédit Suisse, a déjà souligné, dans son dernier essai Guerre et paix (abonnement uniquement), que la guerre est bien engagée, en énumérant simplement les événements de 2022 :

  - Le blocus financier de la Russie par le G7 (L’Occident définit l’espace de bataille)
  - Le blocus énergétique de l’UE par la Russie (la Russie commence à définir son théâtre)
  - Le blocus technologique de la Chine par les États-Unis (l’Amérique prépositionne des sites pour soutenir les opérations).
  - Le blocus naval de Taïwan par la Chine (la Chine montre qu’elle est prête)
  - Le « blocus » américain du secteur des véhicules électriques de l’UE avec la loi sur la réduction de l’inflation. (Les planificateurs de la défense américaine se préparent aux futures « lignes d’approvisionnement »).
  - Le « mouvement de tenaille » de la Chine autour de l’ensemble de l’OPEP+ avec la tendance croissante à facturer les ventes de pétrole et de gaz en "renminbi" [: nom officiel du yuan]. (L' »espace de bataille des produits de base » Russie-Chine).

Cette liste équivaut à un « bouleversement » géopolitique majeur – éloignant de manière décisive le monde de la soi-disant  « vie normale  » (à laquelle tant de membres de la classe des consommateurs aspirent ardemment) vers un état intermédiaire de guerre. La liste de Pozsar montre que les plaques tectoniques de la géopolitique sont sérieusement « en mouvement » – des mouvements qui s’accélèrent et s’entremêlent de plus en plus, mais qui sont encore loin d’être stabilisés. La « guerre » sera probablement un élément perturbateur majeur (au minimum), jusqu’à ce qu’un certain équilibre soit établi. Et cela peut prendre quelques années. .../...

Quoi qu’il en soit, Pozsar nous laisse quatre conclusions économiques clés (avec de brefs commentaires) :
  - La guerre est historiquement le principal moteur de l’inflation, et la faillite des États. (Commentaire : l’inflation due à la guerre et le resserrement quantitatif (QT) adopté pour combattre l’inflation sont des politiques radicalement opposées l’une à l’autre. Le rôle des banques centrales se limite à soutenir les besoins de la guerre – au détriment d’autres variables – en temps de guerre.
  - La guerre implique une capacité industrielle efficace et extensible pour produire des armes (rapidement), ce qui, en soi, nécessite des lignes d’approvisionnement sûres pour alimenter cette capacité. (Une faculté que l’Occident ne possède plus, et qu’il est coûteux de recréer) ;
  - Les produits de base qui servent souvent de garantie aux prêts se raréfient – et cette raréfaction se traduit par une « inflation » des produits de base ;
  - Et enfin, la guerre coupe de nouveaux canaux financiers, par exemple « le projet m-CBDC Bridge ».

Ce point doit être souligné à nouveau : la guerre crée une dynamique financière nouvelle et façonne une psyché différente. Plus important encore, la « guerre » n’est pas un phénomène stable. Elle peut commencer par des frappes mesquines sur l’infrastructure d’un rival, puis, à chaque fois que la mission progresse, glisser vers une guerre totale. Dans sa guerre contre la Russie, l’OTAN ne se contente pas d’élargir sa mission, elle intervient sur le terrain, craignant une humiliation de l’Ukraine dans le sillage de la débâcle de l’Afghanistan.
L’UE espère arrêter ce glissement bien avant une guerre totale. Il s’agit néanmoins d’une pente très glissante. Le but de la guerre est d’infliger de la souffrance et d’affaiblir l’ennemi. Dans cette mesure, elle est ouverte à la mutation. Les sanctions formelles et les plafonds sur l’énergie se transforment rapidement en sabotage de pipelines ou en saisie de pétroliers.

La Russie et la Chine, cependant, ne sont certainement pas naïves, et se sont occupées à mettre en place leur propre théâtre, avant un potentiel affrontement plus large avec l’OTAN. La Chine et la Russie peuvent désormais prétendre avoir établi une relation stratégique, non seulement avec l’OPEP+, mais aussi avec l’Iran et les principaux producteurs de gaz.
La Russie, l’Iran et le Venezuela représentent environ 40 % des réserves pétrolières prouvées dans le monde, et chacun d’entre eux vend actuellement du pétrole à la Chine pour des renminbis avec une forte décote. Les pays du CCG [Conseil de coopération du Golfe (persique)] représentent 40 % supplémentaires des réserves pétrolières prouvées et sont courtisés par la Chine pour qu’ils acceptent des renminbis pour leur pétrole, en échange d’investissements transformateurs. Il s’agit d’un nouvel espace de combat important qui se prépare – mettre fin à l’hégémonie du dollar en faisant lentement bouillir la grenouille.

La partie adverse a porté le coup initial, en sanctionnant la moitié de l’OPEP et ses 40 % de réserves pétrolières mondiales. Cette tentative a échoué : l’économie russe a survécu et, sans surprise, les sanctions ont fait perdre ces États à l’Europe, qui les a cédés à la Chine.

.../... L’émancipation ? Oui ! Voici l’essentiel : la Chine reçoit de l’énergie russe, iranienne et vénézuélienne avec un rabais de 30%, tandis que l’Europe obtient toujours de l’énergie pour son industrie, mais avec une forte majoration. En bref, une plus grande partie, voire la totalité, de la valeur ajoutée des produits sera captée par les pays « amis » à l’énergie bon marché, au détriment des pays « ennemis » non compétitifs. .../... Cela ne semble peut-être pas si évident, mais il s’agit d’une guerre financière. .../... Pour l’Europe, cela signifie beaucoup moins de production intérieure – et plus d’inflation – car les alternatives qui gonflent les prix sont importées de l’Est. L’Occident, qui prend la « décision facile » (puisque sa stratégie en matière de renouvelables n’a pas été bien réfléchie), constatera probablement que l’arrangement se fait au détriment de la croissance en Occident – ce qui préfigure un Occident plus faible, dans un avenir proche. .../... Ainsi, alors que le général Bierman a expliqué comment les États-Unis ont préparé l’espace de combat en Ukraine, la Russie, la Chine et les planificateurs des BRICS se sont employés à définir leur propre « théâtre ».

Bien sûr, il n’est pas nécessaire que les choses soient comme elles sont : la chute de l’Europe vers la catastrophe reflète la psychologie de l’élite dirigeante occidentale. .../... Il n’est pas nécessaire de réfléchir, ni de prendre des décisions difficiles, lorsque les dirigeants ont la conviction inébranlable que l’Occident est le centre de l’univers. Il suffit de remettre à plus tard, en attendant que l’inexorable se déploie.
L’histoire récente des guerres éternelles menées par les États-Unis est une preuve supplémentaire de cette lacune occidentale : ces guerres zombies s’éternisent pendant des années sans justification plausible, pour être ensuite abandonnées sans cérémonie. La logique stratégique a toutefois été plus facilement supprimée et oubliée lors de guerres d’insurrection – par opposition à la lutte contre deux États concurrents bien armés et comparables.
Le même dysfonctionnement s’est manifesté dans de nombreuses crises occidentales à évolution lente : néanmoins, nous persistons… parce que la protection de la psychologie fragile de nos dirigeants – et d’un secteur influent de l’opinion publique – est prioritaire. L’incapacité d’envisager de perdre pousse nos élites à préférer le sacrifice de leur propre peuple, plutôt que de voir leurs illusions démasquées. .../...


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Le défi de la souveraineté
Par ARNAUD PAGÈS - Le 30 janvier 2023

demain.ladn.eu/secteurs/energie/le-defi-de-la-souverainete/

L'invasion de l'Ukraine perturbe le secteur de l'énergie dans des proportions inédites. Par ricochet, cette crise nous permet de réévaluer notre indépendance énergétique et la transition bas carbone.

En 2021, dans un communiqué commun, Vladimir Poutine et Xi Jinping annonçaient travailler à l'avènement d'une « nouvelle ère » qui permettrait à la Russie et à la Chine de jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale. En creux, cela signifiait que le marché mondial des hydrocarbures allait inévitablement connaître un choc de grande ampleur.
De fait, ces dernières années, à force de ne regarder que le réchauffement climatique, les démocraties occidentales ont apparemment oublié que l'énergie était aussi un instrument servant à affirmer la puissance des nations et à réguler les rapports de force internationaux. En février 2022, d'une manière particulièrement brutale, le Kremlin a sonné le rappel à l'ordre. Et le réveil est douloureux.

Le pétrole, le gaz et l'électricité constituent en effet, en tant que ressources indispensables à la croissance, le noyau atomique des PIB. Mais, au-delà de la simple loi des marchés, ils pèsent aussi sur les mécanismes géopolitiques. Ainsi, ce que le conflit en cours nous montre, c'est que l'énergie est une arme qui peut servir à affaiblir une nation. C'est en menaçant de couper les livraisons de gaz, puis en passant à l'acte, que Vladimir Poutine a véritablement déclaré la guerre aux Occidentaux, car cette décision visait à fragiliser les économies européennes et à mécontenter les opinions publiques. Selon le ministère de l'Économie, la baisse de l'approvisionnement va entraîner une chute de 1 % du produit intérieur brut français, quand le FMI estime que cette baisse atteindrait 6 % au niveau continental, en cas de coupure totale, avec à la clé des conséquences désastreuses.
Dès lors, pour les acteurs de l'énergie, la conjoncture a basculé. Désormais, il ne s'agit plus seulement de cheminer vers la neutralité, mais également de construire un modèle plus résilient afin de garantir aux populations et aux entreprises un approvisionnement sécurisé. Dans un premier temps, cela veut dire trouver de nouveaux partenaires, mais in fine, s'affranchir le plus possible des dépendances extérieures pour relocaliser l'essentiel de la production au cœur des territoires. De fait, pour concilier urgence écologique et enjeux géopolitiques, il faut renforcer l'autonomie énergétique à l'échelle nationale.

New deal
C'est réellement une redistribution des cartes inédite et particulièrement rapide à laquelle nous sommes en train d'assister. Le 10 mars 2022, seulement deux semaines après le début des hostilités, les 27 États membres de l'Union européenne convenaient de mettre un terme à leur dépendance aux combustibles fossiles russes d'ici la fin de l'année, c'est-à-dire dans un délai extrêmement court. En creux, cela signifiait que les Européens devaient réfléchir à une nouvelle organisation, car celle qui existait jusque-là, et qui avait déjà démontré sa fragilité lors de la pandémie, n'était pas à la hauteur de l'incertitude géopolitique dans laquelle le monde venait d'entrer.
Comme premières mesures, les dirigeants de l'UE décidèrent de diversifier leurs sources d'approvisionnement, d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables, de poursuivre l'amélioration de l'efficacité énergétique, mais aussi d'optimiser l'interconnexion des réseaux de gaz et d'électricité. Ce dernier point ouvre de nouvelles perspectives. .../...
Cependant, cette nouvelle solidarité énergétique, qui devrait monter en puissance à l'avenir, ne permet pas de répondre aux enjeux climatiques, car elle ne fait que remplacer une importation d'hydrocarbures par une autre. Il faut donc aller un cran plus loin.

Vers un autre mix ?
En réalité, pour accroître la production locale d’électricité décarbonée et remplir le double objectif de neutralité et de souveraineté, il n'y a pas beaucoup de solutions. Comme le suggérait déjà la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de 2020, il faudrait accélérer le déploiement des énergies renouvelables partout sur le territoire national, en multipliant autant que possible les panneaux solaires, les éoliennes et les barrages hydroélectriques, tout en sollicitant au maximum le parc nucléaire français, ce qui permettrait de compenser la baisse de consommation des énergies fossiles. .../...
Problème, plusieurs réacteurs nécessitent une révision qui prendra plusieurs années avant qu'ils ne puissent fonctionner de nouveau à plein régime. Et pour ne rien arranger, la France n'exploite plus de mines d’uranium depuis 2001. Les 10 656 tonnes de minerai qui viennent nourrir nos centrales tous les ans proviennent principalement de pays situés dans la sphère d'influence de la Russie, notamment le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, comme le démontre « Atlas de l'uranium », une enquête réalisée par les fondations Nuclear Free Future, Rosa-Luxemburg-Stiftung et Sortir du nucléaire. Ce n'est donc pas un approvisionnement sécurisé.
De fait, même si miser sur la double dynamique du renouvelable et de l'atome présente l'avantage de garantir un mix entièrement décarboné et autonome, il faut envisager d'autres solutions.

Nouvelles ressources locales
Dans cette course à la production souveraine et propre, un faisceau de possibilités est en train d'apparaître, des possibilités qui, jusqu'ici, n'avaient été que peu exploitées, tout en étant considérées comme des atouts pour la transition zéro carbone.
C'est le cas de la géothermie, qui capte la chaleur présente dans le sous-sol, à des profondeurs variant entre plusieurs centaines de mètres et quelques kilomètres, pour la transformer en électricité dans des convertisseurs installés à la surface. À ce jour, si la France ne possède que deux centrales géothermiques, l'une en Guadeloupe et l'autre en Alsace, des expérimentations menées depuis plusieurs années dans la capitale démontrent le haut potentiel de cette source d'énergie renouvelable. .../...

En route vers un nouveau modèle
La guerre en Ukraine nous montre à quel point il est important de relocaliser la production d'énergie au sein des pays. Là où le réchauffement climatique avait jusqu'à présent échoué à motiver la transformation des chaînes de valeur, la géopolitique accélère la mise en œuvre de solutions souveraines, décentralisées et à moindre impact pour l'environnement.
À ce titre, il ne faut pas négliger l'importance de l'innovation. Les progrès réalisés actuellement sur l'hydrogène et sur la fusion nucléaire ouvrent des pistes d'avenir, et permettent d'envisager le déploiement à grande échelle de nouvelles énergies propres à très haut rendement.
Pour autant, demain, la véritable révolution pourrait venir d'un découplage entre PIB et énergie. Bien qu'il ne soit pas à l'ordre du jour, ce changement de paradigme ouvrirait un nouveau chapitre de l'énergie, laquelle ne serait plus considérée comme un instrument de puissance par les nations, mais comme un simple outil servant à faire fonctionner les sociétés. Le vrai changement est peut-être là.


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L’hégémonie américaine et ses périls
Arrêt sur info — 23 février 2023

arretsurinfo.ch/lhegemonie-americaine-et-ses-perils/

Depuis qu’ils sont devenus le pays le plus puissant du monde après les deux guerres mondiales et la guerre froide, les États-Unis ont agi avec plus de détermination pour s’immiscer dans les affaires intérieures d’autres pays, poursuivre, maintenir et abuser de leur hégémonie, favoriser la subversion et l’infiltration, et mener délibérément des guerres, portant ainsi préjudice à la communauté internationale.

Les États-Unis ont mis en œuvre une stratégie hégémonique qui consiste à fomenter des « révolutions de couleur », provoquer des conflits régionaux et même déclencher directement des guerres sous couvert de promouvoir la démocratie, la liberté et les droits de l’homme. S’accrochant à la logique de la guerre froide, les États-Unis ont intensifié la politique des blocs et alimenté les conflits et les confrontations. Ils ont outrepassé le concept de sécurité nationale, abusé des contrôles à l’exportation et imposé des sanctions unilatérales aux autres. Ils ont adopté une approche sélective du droit et des règles internationales, les utilisant ou les rejetant comme bon leur semble, et ont cherché à imposer des règles qui servent leurs propres intérêts au nom du maintien d’un « ordre international fondé sur des règles ».
Le présent rapport, en décrivant les faits pertinents, vise à dénoncer l’abus d’hégémonie des Etats-Unis dans les domaines politique, militaire, économique, financier, technologique et culturel, et à attirer davantage l’attention de la communauté internationale sur les dangers des pratiques américaines pour la paix et la stabilité mondiales et le bien-être de tous les peuples.

I. Hégémonie politique – Jeter tout son poids dans la balance
Les États-Unis tentent depuis longtemps de modeler les autres pays et l’ordre mondial avec leurs propres valeurs et leur propre système politique au nom de la promotion de la démocratie et des droits de l’homme.
Les exemples d’ingérence des États-Unis dans les affaires intérieures d’autres pays abondent. Au nom de la « promotion de la démocratie », les États-Unis ont pratiqué une « doctrine néo-Monroe » en Amérique latine, ont fomenté des « révolutions de couleur » en Eurasie et ont orchestré le « printemps arabe » en Asie occidentale et en Afrique du Nord, apportant le chaos et le désastre à de nombreux pays.

En 1823, les États-Unis ont annoncé la Doctrine Monroe. Tout en vantant une « Amérique pour les Américains », ils voulaient en réalité une « Amérique pour les États-Unis ».
Depuis lors, les politiques des gouvernements américains successifs à l’égard de l’Amérique latine et de la région des Caraïbes ont été marquées par l’ingérence politique, l’intervention militaire et la subversion des régimes. Depuis 61 ans d’hostilité et de blocus à l’égard de Cuba jusqu’au renversement du gouvernement Allende au Chili, la politique américaine à l’égard de cette région repose sur une maxime : ceux qui se soumettent prospèrent, ceux qui résistent périssent.

L’année 2003 a marqué le début d’une succession de « révolutions de couleur » – la « révolution des roses » en Géorgie, la « révolution orange » en Ukraine et la « révolution des tulipes » au Kirghizstan. Le Département d’État américain a ouvertement admis avoir joué un « rôle central » dans ces « changements de régime ». Les États-Unis se sont également immiscés dans les affaires intérieures des Philippines, en chassant le président Ferdinand Marcos Sr. en 1986 et le président Joseph Estrada en 2001 par le biais des « révolutions du pouvoir populaire ».
En janvier 2023, l’ancien secrétaire d’État américain Mike Pompeo a publié son nouveau livre Never Give an Inch : Fighting for the America, I Love. Il y révèle que les États-Unis ont comploté pour intervenir au Venezuela. Le plan consistait à forcer le gouvernement Maduro à conclure un accord avec l’opposition, à priver le Venezuela de sa capacité à vendre du pétrole et de l’or pour obtenir des devises étrangères, à exercer une forte pression sur son économie et à influencer l’élection présidentielle de 2018.

Les États-Unis font deux poids deux mesures en matière de règles internationales. Plaçant leur intérêt personnel au premier plan, les États-Unis se sont éloignés des traités et organisations internationaux, et ont placé leur droit national au-dessus du droit international. En avril 2017, l’administration Trump a annoncé qu’elle couperait tout financement américain au Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA ) au prétexte que l’organisation « soutient, ou participe à la gestion d’un programme d’avortement coercitif ou de stérilisation involontaire. » Les États-Unis ont quitté l’UNESCO à deux reprises, en 1984 et en 2017. En 2017, ils ont annoncé quitter l’accord de Paris sur le changement climatique. En 2018, ils ont annoncé leur sortie du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, invoquant le « parti pris » de l’organisation contre Israël et son incapacité à protéger efficacement les droits de l’homme. En 2019, les États-Unis ont annoncé leur retrait du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire afin de chercher à développer sans entrave des armes avancées. En 2020, ils ont annoncé leur retrait du traité « Ciel ouvert ».
Les États-Unis ont également constitué une pierre d’achoppement pour la maîtrise des armes biologiques en s’opposant aux négociations sur un protocole de vérification pour la Convention sur les armes biologiques (CIAB) et en faisant obstacle à la vérification internationale des activités des pays en matière d’armes biologiques. Seul pays en possession d’un stock d’armes chimiques, les États-Unis ont à plusieurs reprises retardé la destruction de ces armes et sont restés réticents à remplir leurs obligations. Ils sont devenus le principal obstacle à la réalisation d’un « monde sans armes chimiques ».
Les États-Unis assemblent de petits blocs grâce à leur système d’alliances. Ils ont imposé une « stratégie indo-pacifique » à la région Asie-Pacifique, en constituant des clubs exclusifs comme les Five Eyes, la Quad et l’AUKUS, et en forçant les pays de la région à prendre parti. Ces pratiques visent essentiellement à créer une division dans la région, à attiser la confrontation et à saper la paix. .../...

Hégémonie militaire – Le recours indiscriminé à la force
L’histoire des États-Unis est caractérisée par la violence et l’expansion. Depuis leur indépendance en 1776, les États-Unis ont constamment cherché à s’étendre par la force : ils ont massacré des Indiens, envahi le Canada, mené une guerre contre le Mexique, déclenché la guerre américano-espagnole et annexé Hawaï. Après la Seconde Guerre mondiale, les guerres provoquées ou lancées par les États-Unis ont inclus la guerre de Corée, la guerre du Viêt Nam, la guerre du Golfe, la guerre du Kosovo, la guerre d’Afghanistan, la guerre d’Irak, la guerre de Libye et la guerre de Syrie, abusant de leur hégémonie militaire pour ouvrir la voie à des objectifs expansionnistes. Ces dernières années, le budget militaire annuel moyen des États-Unis a dépassé 700 milliards de dollars américains, soit 40 % du total mondial, plus que les 15 pays derrière eux réunis. Les États-Unis possèdent environ 800 bases militaires à l’étranger, avec 173 000 soldats déployés dans 159 pays.

Selon le livre America Invades : How We’ve Invaded or been Militarily Involved with almost Every Country on Earth, les États-Unis ont combattu ou ont été militairement impliqués dans presque tous les 190 pays reconnus par les Nations unies, à trois exceptions près. Ces trois pays ont été « épargnés » parce que les États-Unis ne les ont pas trouvés sur la carte.

Comme l’a dit l’ancien président américain Jimmy Carter, les États-Unis sont sans aucun doute la nation la plus belliqueuse de l’histoire du monde. Selon un rapport de l’université Tufts, « Introducing the Military Intervention Project: A new Dataset on U.S. Military Interventions, 1776-2019″, les États-Unis ont entrepris près de 400 interventions militaires dans le monde entre ces années, dont 34 % en Amérique latine et dans les Caraïbes, 23 % en Asie de l’Est et dans le Pacifique, 14 % au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et 13 % en Europe. Actuellement, ses interventions militaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ainsi qu’en Afrique subsaharienne sont en augmentation.

Alex Lo, un chroniqueur du South China Morning Post, a souligné que les États-Unis ont rarement fait la distinction entre la diplomatie et la guerre depuis leur fondation. Au XXe siècle, ils ont renversé les gouvernements démocratiquement élus de nombreux pays en développement et les ont immédiatement remplacés par des régimes fantoches pro-américains. Aujourd’hui, en Ukraine, en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Pakistan et au Yémen, les États-Unis répètent leurs vieilles tactiques en menant des guerres par procuration, de basse intensité et par drones.
L’hégémonie militaire américaine a provoqué des tragédies humanitaires. Depuis 2001, les guerres et opérations militaires lancées par les États-Unis au nom de la lutte contre le terrorisme ont fait plus de 900 000 morts dont environ 335 000 civils, des millions de blessés et des dizaines de millions de déplacés. La guerre d’Irak de 2003 a provoqué la mort de quelque 200 000 à 250 000 civils, dont plus de 16 000 directement tués par l’armée américaine, et a laissé plus d’un million de personnes sans abri. .../...
En septembre 2022, le ministre turc de l’Intérieur Suleyman Soylu a déclaré lors d’un rassemblement que les États-Unis ont mené une guerre par procuration en Syrie, transformé l’Afghanistan en champ d’opium et en usine d’héroïne, plongé le Pakistan dans la tourmente et laissé la Libye dans des troubles civils incessants. Les États-Unis font tout ce qu’il faut pour voler et asservir le peuple de tout pays disposant de ressources souterraines.
Les États-Unis ont également adopté des méthodes effroyables en matière de guerre. Au cours de la guerre de Corée, de la guerre du Viêt Nam, de la guerre du Golfe [persique], de la guerre du Kosovo, de la guerre d’Afghanistan et de la guerre d’Irak, les États-Unis ont utilisé des quantités massives d’armes chimiques et biologiques ainsi que des bombes à fragmentation, des bombes à air comprimé, des bombes au graphite et des bombes à l’uranium appauvri, causant d’énormes dommages aux installations civiles, d’innombrables victimes civiles et une pollution durable de l’environnement. .../...


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Une guerre de géants pour quelques nanomètres
par Marco D’Eramo ; 13 décembre 2022

lvsl.fr/une-guerre-de-geants-pour-quelques-nanometres/

Une guerre mondiale a été déclarée le 7 octobre dernier. Si aucune chaîne d’information n’a couvert l’événement, nous aurons tous à souffrir de ses conséquences. Ce jour-là, l’administration Biden a lancé une offensive technologique contre la Chine, en imposant des limites plus strictes et des contrôles plus durs sur l’exportation non seulement des micro-processeurs, mais aussi de leurs schémas, des machines utilisées pour graver les circuits sur silicone et des outils que ces machines produisent. Désormais, si une usine chinoise a besoin de n’importe lequel de ces composants pour produire des marchandises, les entreprises doivent demander un permis spécial pour les importer. Pourquoi les USA ont-ils mis en place ces sanctions ? Et pourquoi sont-elles si dures ? Article du journaliste Marco D’Eramo, publié dans la New Left Review et traduit par Marc Lerenard pour LVSL.

Comme l’écrit Chris Miller dans son dernier livre, « l’industrie du semi-conducteur produit, chaque jour, plus de transistors qu’il n’y a de cellules dans le corps humain » (La guerre des puces : le combat pour la plus indispensable des technologiques mondiales – 2022). Les circuits intégrés (les « puces ») font partie de chaque produit que nous consommons – c’est-à-dire de tout ce que la Chine fabrique -, des voitures aux téléphones, des machines à laver aux grille-pains, des télévisions aux micro-ondes. C’est pourquoi la Chine consomme plus de 70% des produits semi-conducteurs mondiaux, même si contrairement à ce que l’on peut penser, elle n’en produit que 15%. En réalité ce dernier chiffre est même trompeur : la Chine ne produit aucune des puces les plus récentes, celles utilisées à des fins d’intelligence artificielle ou de systèmes d’armements perfectionnés.

Nous ne pouvons aller nulle part sans cette technologie. La Russie l’a découvert lorsque, après avoir été placée sous embargo par l’Occident à la suite de son invasion de l’Ukraine, elle a été obligée de fermer certaines de ces plus grosses usines automobiles. La rareté des puces participe également de l’inefficacité relative des missiles russes : très peu sont « intelligents », c’est-à-dire disposant de micro-processeurs qui guident et corrigent leur trajectoire. Aujourd’hui la production des micro-processeurs est un processus industriel globalisé, avec quatre points nodaux principaux listés par le Centre pour les Etudes Stratégiques et Internationales : 1) les modèles de puces d’intelligence artificielle, 2) les logiciels d’automatisation de conception électronique, 3) l’équipement de fabrication des semi-conducteurs, 4) les composants d’équipements.

Comme il l’explique, les dernières mesures de l’administration Biden exploitent simultanément la domination américaine sur ces quatre points. Ces mesures montrent le degré jusqu’ici jamais atteint d’interventionnisme du gouvernement américain visant non seulement à préserver son contrôle sur ces technologies, mais également à lancer une nouvelle politique visant à étouffer activement de larges segments de l’industrie chinoise – avec l’intention de la tuer.
Chris Miller est plus modéré dans son analyse. « La logique », écrit-il, « est de mettre du sable dans l’engrenage » même s’il souligne également que « ce nouvel embargo sur les exportations ne ressemble à rien de ce qu’on a pu voir depuis la Guerre Froide ». Même un commentateur aussi obséquieux vis-à-vis des États Unis que Martin Wolf du Financial Times ne peut s’empêcher d’observer que « les annonces récentes sur le contrôle de l’exportation des semi-conducteurs, et des technologies associées, en direction de la Chine sont plus menaçantes que tout ce que Donald Trump a pu faire. Le but est clairement de ralentir le développement économique chinois. C’est un acte de guerre économique. Et cela aura des conséquences géopolitiques majeures. »

« Etouffer avec l’intention de tuer » est une caractérisation convenable des objectifs de l’empire américain, sérieusement préoccupé par la sophistication technologique croissante des systèmes d’armement chinois, de ses missiles hypersoniques à l’intelligence artificielle. La Chine a en effet réalisé d’importants progrès en la matière grâce à l’utilisation de technologies qui sont soit détenues, soit contrôlées par les États-Unis. Pendant des années, le Pentagone et la Maison Blanche ont observé avec sourde irritation leur concurrent faire des pas de géant avec des outils qu’ils lui avaient eux-mêmes fourni. L’anxiété vis-à-vis de la « menace chinoise » n’était pas juste une pulsion transitoire de l’administration Trump. De telles préoccupations sont partagées par l’administration Biden, qui poursuit désormais les mêmes objectifs que son prédécesseur, mais avec une vigueur redoublée.
L’annonce américaine a été effectuée quelques jours après l’ouverture du Congrès national du Parti communiste chinois. En un sens, l’interdiction d’exportation était une manière pour la Maison Blanche d’intervenir dans ces assises, qui devait cimenter la suprématie politique de Xi Jinping. À l’inverse des sanctions imposées à la Russie – qui, blocus sur les micro-puces mis à part, ont été relativement inefficaces -, ces restrictions devraient avoir un impact considérable, étant donné la structure unique du marché des semi-conducteurs et la particularité de sa chaîne de production.
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Ainsi, notre modernité technologique est caractérisée par un paradoxe de taille : une miniaturisation infinitésimale nécessite des installations toujours plus titanesques, et d’une ampleur telle que même le Pentagone ne peut se les permettre, en dépit de son budget annuel de 700 milliards de dollars. Et dans le même temps, un tel processus nécessite un niveau d’intégration lui aussi croissant pour assembler des centaines de milliers de composants différents, produits par diverses technologies, chacune d’entre elles hyper-spécialisées.
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En réalité, deux mois avant l’annonce des sanctions sur les micro-processeurs à destination de la Chine, l’administration Biden avait lancé le CHIPS Act, qui allouait 50 milliards au rapatriement d’au moins une partie de la chaîne de production, forçant presque Samsung et TSMC à construire des nouveaux sites de production (et à mettre à jour les anciens) sur le sol américain. Samsung a depuis engagé 200 milliards pour construire 11 nouveaux centres au Texas pour les dix prochaines années – même si le calendrier risque de se compter en décennies, au pluriel. Tout cela indique une chose : si les États-Unis sont certes prêts à « dé-globaliser » une partie de leur appareil productif, il est aussi très difficile de découpler les économies chinoises et américaines après 40 ans d’immixtion réciproque. Et il serait d’autant plus compliqué pour les États-Unis de convaincre ses autres alliés – Japon, Corée du Sud, Europe – de démêler leur économie de la Chine, en particulier puisque ces États ont historiquement utilisé ces liens commerciaux pour se libérer du joug américain.

L’Allemagne constitue un cas d’école : ce pays est le plus grand perdant de la guerre d’Ukraine. Ce conflit a remis en question chacune des décisions stratégiques de ses élites ces cinq dernières décennies. Depuis le début du millénaire, l’Allemagne a fondé sa fortune économique – et donc politique – sur sa relation avec la Chine, devenue son principal partenaire commerciale (leurs échanges commerciaux équivalent à 264 milliards de dollars annuels). Aujourd’hui, l’Allemagne continue de renforcer ses liens bilatéraux avec la Chine, en dépit du refroidissement des relations entre Washington et Beijing et la guerre en cours en Ukraine, qui a perturbé le rôle d’intermédiaire de la Russie entre le bloc allemand et la Chine. .../...


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« Le modèle américain, c'est 50% du pays en détresse financière »
Par Chris Hedges. 01/03/2022. Société

elucid.media/societe/chris-hedges-modele-americain-moitie-etats-unis-detresse-financiere-guerre-classes/?mc_ts=crises

Les citoyens sont devenus la proie des banques, des services publics privatisés, des prêts étudiants, d'un système de soin à but lucratif et d'employeurs qui paient des salaires de misère sans aucun avantage social. La souffrance et l'instabilité vont s'aggravant et les travailleurs syndiqués se sont mis en mouvement aux États-Unis.

Il y a un dernier espoir pour les États-Unis. Il ne réside pas dans les urnes. Il réside dans la syndicalisation et les grèves des salariés d'Amazon, de Starbucks, d'Uber, de Lyft, de John Deere, de Kellogg, de l'usine Special Metals de Huntington, en Virginie occidentale, appartenant à Berkshire Hathaway, du syndicat Northwest Carpenters Union, de Kroger, des enseignants de Chicago, de Virginie occidentale, de l'Oklahoma et de l'Arizona, des salariés de la restauration rapide, des centaines d'infirmières de Worcester, dans le Massachusetts, et des membres de l'International Alliance of Theatrical Stage Employees.

Les travailleurs syndiqués, défiant souvent leurs directions syndicales timorées, se sont mis en mouvement partout aux États-Unis. Plus de quatre millions de salariés, soit environ 3 % de la main-d'œuvre, principalement dans les secteurs de l'hébergement et de la restauration, des soins de santé et de l'assistance sociale, des transports, du logement et des services publics, ont quitté leur emploi, refusant les médiocres salaires et les conditions de travail pénalisantes et dangereuses.
Il existe un consensus croissant – 68 % dans un récent sondage Gallup, ce chiffre atteignant 77 % chez les 18-34 ans – sur le fait que le seul moyen de modifier l'équilibre des forces et d'obtenir des concessions de la part de la classe capitaliste dominante réside dans la mobilisation générale et la grève, bien que seulement 9 % de la main-d'œuvre américaine soit syndiquée. Oubliez les Démocrates wokes. On est ici dans une guerre de classe.

La question, nous a rappelé Karl Popper, n'est pas de savoir comment faire pour que ce soit des gens bien qui gouvernent. La plupart de ceux qui sont attirés par le pouvoir, des personnalités comme Joe Biden, sont au mieux médiocres, et beaucoup comme Dick Cheney, Donald Trump ou Mike Pompeo, sont vénaux. La question est plutôt de savoir comment organiser les institutions pour empêcher les dirigeants incompétents ou nuls d'infliger trop de dégâts. Comment opposer le pouvoir au pouvoir ?

Les Démocrates ont été des partenaires à part entière dans le démantèlement de notre démocratie, en refusant de bannir du processus électoral l'argent noir et celui des entreprises, et en gouvernant, comme l'a fait Obama, par le biais de mesures présidentielles, de « directives » d'agences, d'avis et autres formes obscures réglementaires qui contournent le Congrès.
Les Démocrates, qui ont contribué à déclencher et pérenniser nos guerres sans fin, ont également été les co-architectes d'accords commerciaux tels que l'ALENA, d'une surveillance accrue des citoyens, d'une police militarisée, du plus grand système carcéral au monde et d'une série de lois antiterroristes telles que les mesures administratives spéciales (MAS) qui abolissent presque tous les droits, y compris le droit à un procès en bonne et due forme et le privilège du secret professionnel des avocats, permettant que les suspects puissent être condamnés et emprisonnés sur la base de preuves secrètes qu'eux-mêmes et leurs avocats ne sont pas autorisés à voir.

La dilapidation de ressources faramineuses au profit de l'armée777,7 milliards de dollars par an — budget adopté au Sénat par 89 voix contre 10 et à la Chambre des représentants par 363 voix contre 70, conjuguée aux 80 milliards de dollars dépensés chaque année pour les agences de renseignement, a rendu l'armée et les services de renseignement, dont beaucoup sont dirigés par des entrepreneurs privés tels que Booz Allen Hamilton, pratiquement omnipotents.

Les Démocrates ont depuis longtemps abandonné les travailleurs et les syndicats. La gouverneure démocrate du Maine, Janet Mills, par exemple, a rejeté, il y a quelques jours, un projet de loi qui aurait permis aux ouvriers agricoles de l'État de se syndiquer. Sur toutes les grandes questions structurelles, il n'y a aucune différence entre les Républicains et les Démocrates.

Plus le Parti démocrate tarde à proposer de véritables réformes pour contrer les difficultés économiques, exacerbées par une inflation galopante, plus il alimente la frustration de nombre de ses partisans, l'apathie généralisée (80 millions d'électeurs potentiels, soit un tiers de l'électorat, ne votent pas) et la haine des élites « progressistes » alimentée par le Parti républicain sectaire de Donald Trump. Le programme phare de Joe Biden en matière d'infrastructures, Build Back Better, quand on en lit les petits caractères, constitue une nouvelle injection de milliards du gouvernement dans les comptes bancaires des entreprises. Cela ne devrait surprendre personne, quand on sait qui finance et contrôle le Parti démocrate.
La souffrance et l'instabilité vont s'aggravant alors qu'elles s'emparent d'au moins la moitié du pays vivant dans la détresse financière, des gens exclus et privés de leurs droits, devenus la proie des banques, des sociétés de cartes de crédit, des sociétés de prêts étudiants, des services publics privatisés, de la gig economy [petits boulots], d'un système de soins à but lucratif qui a produit un quart de tous les décès par Covid-19 dans le monde – bien que nous soyons moins de 5 % de la population mondiale – et des employeurs qui paient des salaires d'esclaves et ne fournissent aucun avantage social. .../...








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Article 2

Envoi personnel du 29/01/2023 d'un article par Guy CRÉQUIE
Site : guycrequie.blogspot.com/ ; “Le Messager de la paix






Image animée de journaliste hurlant avec calepin et porte-voix.

Image animée de soldat dans tank hurlant Go !


ADRESSE AUX FOUDRES DE GUERRE !
 
 
À PROPOS DE LA GUERRE EN UKRAINE ET DES PARTISANS DE l’ABSENCE DE NÉGOCIATION AVEC LA RUSSIE
TANT QUE LA RUSSIE NE SERA PAS DÉFAITE TOTALEMENT MILITAIREMENT !

 

Ces derniers jours, sur les plateaux de télévision, un certain nombre de commentateurs politiques, d’universitaires spécialisés sur l’histoire ukrainienne, d’experts militaires d’Instituts ou de Fondations,  de journalistes, exposent d’une façon péremptoire qu’aucune négociation ne doit être engagée avec la Russie, ceci tant qu’elle ne sera pas défaite totalement militairement.

À noter déjà, que des gradés militaires, invités sur ces mêmes plateaux de télévision, eux, sont beaucoup plus prudents et nuancés concernant le développement de cette guerre et le moment et les conditions de sa terminaison.

Ensuite, la meilleure défense étant l’attaque : ces mêmes experts qualifient de munichois, de défaitistes, de renoncement aux valeurs démocratiques, au modèle du monde dit libre, toutes celles et ceux qui à minima, s’interrogent sur leur position ou ne la partage pas.

Alors, que la Russie est entrée en économie de guerre, d’ores et déjà, il peut- être imaginé que cette guerre va durer.

Et d’ailleurs, de telles affirmations ne peuvent que conduire la Russie à la prolonger ! Ensuite, ces défenseurs de l’idéal démocratique, pensent-ils au respect de la dignité de toute vie ? Des mois et années de guerre supplémentaire = ce seront encore des destructions de l’économie ukrainienne, de ses infrastructures, des dizaines ou centaines de milliers de morts supplémentaires, la destruction de nombre d’espèces animales, végétales, minérales.

D’ailleurs, d’autres Instituts ou organisations de paix ne partagent pas leur vision guerrière : il faudra la lire, mais, je ne pense pas que le bouddhiste japonais : Daisaku IKEDA, dans sa 41è proposition pour la paix adressée au secrétaire général de l’ONU, le 26 janvier 2023, se prononce pour l’absence de négociation tant que la défaite totale de la Russie ne sera pas assurée.

De même, je ne pense pas que l’organisation Internationale : Coalition for Peace ICP, créée par un prix Nobel d’origine israélienne, une dirigeante en Argentine d’une ONG internationale, et un humaniste et éditeur américain, proposent également ce type d’aberration.

Celles et ceux, qui proposent cette solution après la livraison de chars lourds d’attaques, de missiles de portée plus conséquente, bientôt d’avions de combats (en discussion), vont- ils aller jusqu’à proposer à l’Ukraine l’arme nucléaire ?

De façon sérieuse, ceux qui préconisent la défaite totale de la Russie et l’absence de négociation, ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.

Ils oublient, qu’une défaite totale de la Russie, compte tenu de l’aversion du modèle occidental par nombre de pays, le système politique dont ils ne veulent pas, provoquerait des rancœurs, voire des haines, bien au-delà de la Russie, et notre monde deviendrait une poudrière !

La Chine, l’Inde, la Turquie, l’Iran, une partie des pays africains et d’Amérique centrale et du sud (…) vivraient très mal cette défaite, et notre planète connaîtrait divers types de crises.

C’est pourquoi : comme simple citoyen, au-delà des propositions de spécialistes et organismes de paix, dans mon ouvrage en cours de rédaction : » L’humanisme et ses diverses filiations à l’épreuve de la guerre », [j'ai formulé], à titre personnel, comme simple citoyen, mes propositions pour une issue négociée à cette guerre et qui ne sont nullement un alignement sur Moscou.

Certes, je le sais, mes propositions seront critiquées, voire balayées d’un revers de main ; néanmoins, si un citoyen peut avancer des propositions de paix, la question est : pourquoi les dirigeants d’États ne le font pas ?



© Guy CRÉQUIE
Retraité, écrivain observateur social-auteur de 38 livres publiés,
en attente de publication « Pensées transmises à nos successeurs » Éditions Maia
Messager de la culture de la paix par l’UNESCO (manifeste 2000)
Membre individuel d’ONG internationales de paix et d’harmonie
Représentant européen de la Commission diplomatique mondiale des éducateurs pour la paix affiliés à l’ONU,
détenteur de 114 distinctions ou reconnaissances internationales.



À signaler, ces pétitions lancées par l'auteur :

"Propositions concrètes d'un simple citoyen messager de paix = paix en Ukraine"
reproduite sur : https://jj-pat-rey.com/INTERNET-TRIBUNE-LIBRE/archives2023/2mars/index.html#Article_3
et à signer sur : www.mesopinions.com/petition/politique/propositions-concretes-simple-citoyen-messager-paix/201121
plus celle-ci :
"Que la pensée humaniste se lise et s'achète ! Adresse à mes futurs lectrices et lecteurs"
sur :
www.mesopinions.com/petition/art-culture/pensee-humaniste-se-lise-achete-adresse/202738/







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Article 3

Signalement personnel le 22/02/2023 d'un article par MS21
Site : ms21.org






Image symbolique pour brouillard de la propagande de guerre.

Image symbolique pour outils des médias.


DÉSINFORMATION ET GUERRE EN UKRAINE
 
 
 


Source : ms21.org/affiche-article_791.html

22/02/2023

Les analyses objectives de la guerre en Ukraine sont difficiles à trouver à travers l’épais brouillard de la propagande de guerre. Mais nous devrions prêter attention lorsqu’une série de hauts responsables militaires occidentaux, en activité ou à la retraite, lancent des appels urgents à la diplomatie pour rouvrir les négociations de paix. Par ailleurs, ils préviennent que la prolongation et l’escalade de la guerre risquent de provoquer une guerre totale entre la Russie et les États-Unis. Ce qui pourrait dégénérer en guerre nucléaire.

On dit que « la première victime de la guerre est toujours la vérité ». C’est juste, mais j’aurais aimé que ce ne soit pas le cas en Europe, en France. (Andreï Makine (1)).

La propagande de guerre comprend des mensonges et des omissions.


1- Liste des « fausses nouvelles » qui circulent en France

*La Russie a déclenché la guerre en Ukraine le 24 février 2022. C'est un faux récit.

La responsabilité en incombe en partie à l'armée ukrainienne et à ses chefs à Kiev. En 2014, éclate, une guerre civile entre Ukrainiens pro-européen et Ukrainiens russophones. L’armée ukrainienne bombarde pendant 8 ans les populations russophones du Donbass (14 000 morts) accusées de « séparatisme » (2014-2022). En fait, ces Républiques ne cherchaient pas à se séparer de l’Ukraine, mais à avoir un statut d’autonomie leur garantissant l’usage de la langue russe comme langue officielle. (cf Jacques Baud (2)).

L'objectif des accords de Minsk était de mettre fin à cette guerre civile qui a commencé en 2014 après le coup d’État du Maïdan soutenu par les États-Unis. Il incombait aux deux garants du traité : l'Allemagne et la France, de s'assurer que les deux parties (l’Ukraine, alors présidée par Petro Porochenko (3), et le Donbass) respectent les termes de l'accord. Ces accords n’ont jamais été respectés. Russes et Ukrainiens se sont accusés mutuellement d’avoir rompu le cessez-le-feu, premier article des accords. Mais, en décembre 2021, l'ancienne chancelière allemande, Angela Merkel, a déclaré dans une interview à un journal allemand (Die Zeit) que le plan était de gagner du temps pour préparer l'Ukraine à mener une guerre contre la Russie (entraînement des soldats, envoi de conseillers militaires, livraisons d’armes...) . Donc, clairement, dès le début, les États-Unis avaient l'intention de provoquer une guerre avec la Russie.

Qui sont les plus responsables, ceux qui font les guerres ou ceux qui les provoquent et les rendent ainsi inévitables ?

 . Le politologue américain John Mearsheimer (4) , dans sa conférence internationale, déclare que les États-Unis et l'OTAN sont tous responsables de l'effusion de sang en Ukraine. "L'histoire condamnera sévèrement les États-Unis pour leur politique étonnamment insensée envers l'Ukraine", conclut l'auteur.

 . « L’élargissement de l’OTAN serait l’erreur la plus fatale de la politique américaine de toute l’ère de l’après-Guerre froide.» On peut lire cette phrase dans un texte écrit par George F. Kennan (5) le 5 février 1997 et publié par le New York Times. Malgré cela l’OTAN n’a cessé de s’étendre vers l’est, armant des bases militaires en Roumanie et en Pologne. Si maintenant l’Ukraine adhère à l’OTAN, la perspective de voir des missiles installés à sept minutes de vol de Moscou est intolérable pour la Russie. A-t-on oublié que Kennedy était prêt à déclencher une guerre nucléaire (en 1962) si les Soviétiques installaient des missiles à Cuba ? Finalement la crise a été résolue par une contrepartie pragmatique, par laquelle les Soviétiques ont retiré leurs missiles de Cuba et les États-Unis ont retiré leurs missiles de la Turquie.

 . De Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN depuis le 28 mars 2014, en conférence de presse du 13 courant (février 2023) : « En fait, depuis 2014, l’OTAN a mis en œuvre les plus grands renforcements de la défense collective en une génération, parce que la guerre n’a pas commencé en février de l’année dernière. Elle a commencé en 2014. Et cela a déclenché une grande adaptation de notre Alliance avec une plus grande préparation des forces, avec plus de présence dans la partie orientale de l’Alliance, avec plus d’exercices ».[ Alliance = OTAN ]
Source : nato.int/cps/en/natohq/opinions_211689.htm?selectedLocale=en  -  (La traduction officielle en français n'est pas disponible.)
Jens Stoltenberg est le responsable le plus qualifié pour réfuter ce mensonge mille fois répété « C'est Poutine qui a déclenché la guerre en envahissant l'Ukraine le 24 février 2022 ». Encore un coup où les complotistes avaient raison, et là, c'est le patron de l'OTAN, lui-même, qui le confirme publiquement.

* Poutine veut recréer la « Grande Russie », envahir l’Ukraine, la conquérir, puis continuer sa guerre de conquête vers l’ouest ... C’est faux
Dans aucun de ses discours, V. Poutine n’a fait de telles déclarations. Lorsqu’il a décidé d’entrer en Ukraine ses objectifs étaient : démilitariser et dénazifier l’Ukraine afin de protéger les populations russophones. Il n’a jamais dit qu’il voulait renverser le gouvernement de Kiev ni occuper le pays (discours du 16 mars 2022). La Russie n’a absolument pas les moyens matériels et humains pour occuper un grand pays comme l’Ukraine, a fortiori au-delà…

* La Russie est isolée sur le plan international : c’est encore faux
Lors des votes à l’ONU pour imposer des sanctions économiques, financières, commerciales, culturelles et diplomatiques à la Russie, une majorité de pays africains, asiatiques et latino-américains se sont abstenus, quelques-uns ont voté contre. Les plus déterminés sur les sanctions sont les États-Unis et l’Union européenne.

* A propos de la centrale nucléaire de Zaporijia et des gazoducs : de fausses accusations
L’armée russe est entrée en Ukraine le 24 février 2022 et une de ses premières opérations a été la mise en sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia : le 4 mars, l’armée russe l’occupe afin de prévenir tout incident (ou accident). C’est la centrale la plus importante d’Europe qui alimente en électricité la moitié du pays. Et en août cette centrale est bombardée. Le journal Le Monde titre « Kiev et Moscou s’accusent de nouvelles frappes sur le site de la centrale nucléaire de Zaporijia ».
Zelinsky affirmera longtemps que ce sont les Russes qui bombardent la centrale : comment peut-on avaler de tels mensonges ? Les Russes seraient assez idiots pour bombarder leurs propres soldats ?
Tout comme, quelques mois plus tard, ils auraient sabordé leurs gazoducs Nord Stream I et II qui leur ont coûté très cher et qui leur rapportent gros ? Très récemment un journaliste étasunien, Seymour Hersch, (6) a révélé que ce sont les Nord-Américains avec l’aide des Norvégiens qui ont saboté les gazoducs et non les Russes.
[Parmi d'autres, voilà une explication allant dans ce sens] :
francesoir.fr/politique-monde/l-us-navy-et-la-norvege-derriere-le-sabotage-des-gazoducs-nord-stream-selon-une



2- Les omissions , ce que les grands médias ne disent pas …

. L’armée ukrainienne a bombardé les Républiques dissidentes du Donbass de façon sporadique dès 2014, faisant quelque 14 000 victimes en 8 ans. Qui en a parlé, qui a protesté, en France , en Europe ? Silence radio…

. Les promesses occidentales faites à l'URSS à la fin de la guerre froide - l’Otan ne s’étendra pas vers l’est - n’ont pas été tenues. L’OTAN n’a cessé de s’élargir progressivement pour « encercler » la Russie (1999, 2004, 2009, 2017, 2020) . Quels journaux français ont divulgué cela et tiré la sonnette d’alarme ?

*Conférence ( annuelle) de Munich de 2007 ( Alfred de Zayas (7))
Il y a seize ans, le 10 février 2007, le Président russe, Vladimir Poutine, a prononcé un discours historique lors de la conférence de Munich sur la sécurité. C’était une formulation claire de la politique étrangère russe de l’après-guerre froide, axée sur la nécessité du multilatéralisme et de la solidarité internationale. Les grands médias n’ont pas donné beaucoup de visibilité à l’analyse de la sécurité de Poutine en 2007, et ils ne le font toujours pas. Pourtant, cela vaut la peine de revenir sur ce discours.
Le président russe développe sa vision de la sécurité en Europe : "Il me semble évident que l’élargissement de l’Otan n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé." Ce jour de 2007, Vladimir Poutine a donc posé les principes qui guident depuis la diplomatie russe : l’existence même de la Russie est menacée par la présence à ses frontières de pays membres de l’OTAN avec des bases militaires. Les grands médias portent une responsabilité considérable dans le fait qu’ils n’ont pas informé le public du discours de Poutine et de ses offres répétées de négocier de bonne foi, comme l’exige l’article 2, paragraphe 3, de la Charte des Nations unies.

* Les négociations entre Russes et Ukrainiens sabotées à plusieurs reprises par les Britanniques et les Étasuniens (mars puis avril -mai 2022)
Quelques jours après le début de la guerre en Ukraine, le New York Times a rapporté que « le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a demandé au Premier ministre israélien, Naftali Bennett, de servir de médiateur pour des négociations à Jérusalem entre l’Ukraine et la Russie ». Bennett ajoute que les États-Unis ont bloqué ces tentatives d’accord de paix entre la Russie et l’Ukraine. Selon Bennett, les concessions que chaque partie était prête à faire comprenaient le renoncement à l’adhésion future de l’Ukraine à l’OTAN et, du côté russe, l’abandon des objectifs de «dénazification » et de désarmement de l’Ukraine.
En mars de l’année dernière, Niall Ferguson (8) a rapporté que des sources au sein des gouvernements étasunien et britannique lui avaient confié que le véritable objectif des puissances occidentales dans ce conflit n’était pas de négocier la paix ou de mettre fin rapidement à la guerre, mais de la prolonger afin de « saigner Poutine » et de parvenir à un changement de régime à Moscou. Ferguson en conclut que « les États-Unis ont l’intention de poursuivre cette guerre ».
L’empire US obtient tout ce qu’il veut de cette guerre par procuration. C’est pourquoi il a sciemment provoqué cette guerre, c’est pourquoi il a saboté à plusieurs reprises les efforts de paix dès le début de la guerre , et c’est pourquoi cette guerre par procuration n’a pas de stratégie de sortie.
[Voir pour développement ici] :
investigaction.net/fr/loccident-a-sabote-la-paix-en-ukraine-les-preuves-saccumulent


MS21,
(Mouvement pour un Socialisme du 21ème siècle)
ms21.org



Notes :

(1) Andreï Makine, né en Sibérie, a publié une douzaine de romans traduits dans plus de quarante langues. Il a été élu à l’Académie française en 2016. Il donne un entretien d’une grande lucidité au FigaroVox, 
( à lire ici : lepcf.fr/Andrei-Makine-Pour-arreter-cette-guerre-il-faut-comprendre-les-antecedents-qui )

(2) Jacques Baud est un ancien colonel de l'armée suisse, analyste stratégique, spécialiste du renseignement et du terrorisme, chef de la doctrine des opérations de la paix pour les Nations Unies et chef de la lutte contre la prolifération des armes légères, à l’OTAN. Auteur dernièrement de “OPERATION Z”.

(3) Petro Porochenko : président de l’Ukraine du 7 juin 2014 au 20 mai 2019. Il a fait fortune dans le chocolat. Dans le reportage de Anne Laure Bonnel sur le Donbass, voyez le discours de Porochenko (dès le début, moins d’une minute) :
youtube.com/watch?v=CWSYY4KL76E

(4) John Mearsheimer, ancien officier de l’armée de l’air américaine, est un spécialiste des relations internationales.

(5) Georges F. Kennan (1904-2005) est un diplomate, politologue et historien américain dont les idées ont eu une forte influence sur la politique des États-Unis envers l'Union soviétique au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Profondément anti communiste et anti soviétique, après la chute de l’URSS il pense qu’il ne faut pas tourner le dos à la Russie et reproduire la guerre froide.

(6) Seymour Hersch est un célèbre journaliste d’investigation américain lauréat du prix Pulitzer en 1970 pour avoir dévoilé, dans un reportage, le massacre commis par des militaires américains dans le village de My Lai pendant la guerre du Vietnam. Il a aussi dévoilé les tortures commises par des soldats US dans la prison d’Abou Ghraib en Irak.

(7) Alfred de Zayas est un historien, juriste et écrivain de nationalité américaine et suisse. Il est haut fonctionnaire des Nations Unies pendant 22 ans (1981-2003), secrétaire du Comité des droits de l’Homme. Actuellement, il est professeur de droit international et relations internationales à l'École de diplomatie et de relations internationales de Genève.

(8) Niall Ferguson est un historien britannique.









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Article 4

Signalement personnel le 15/02/2023 d'un article par Jean SAINT-VIL
Auteur prolifique dans des genres variés, entre autres, voir quelques poèmes publiés en 2012-2014-2020-2022
par jj-pat-rey.com/JJ-REY_NEO/sommaire-nouvelles-publications.html






Image symbolique pour assassin brandissant couteau.

Image symbolique de femme seule marchant sur route en pleine lumière jaune-rouge.


HAÏTI, TERRE DE MASSACRES DEPUIS LES ORIGINES
 
 
par Jean SAINT-VIL
 

Source : lenational.org/post_article.php?soc=621

16/02/2023

On entend par massacre l’action de tuer une quantité importante de personnes — au moins une dizaine — qui ne sont pas en pouvoir de se défendre. Quand un massacre est perpétré dans l’objectif d’exterminer un groupe humain, on parle de génocide.

L’histoire de l’humanité regorge de massacres qui ont été commis dans presque tous les pays pour plusieurs raisons : ethniques, nationales, religieuses, politiques ou raciales. Tandis que les génocides sont plus rares. Les génocides les plus récents qu’on a retenus dans l’histoire du monde ont été le génocide arménien qui s’était conclu par la mort d’un million et demi de ressortissants d’Arménie par les Turcs entre 1915 et 1923 ; celui qui été décidé par Hitler contre les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale qu’on appelle communément Shoah ou Holocauste qui avait conduit à la disparition de six millions de Juifs ; et celui du Rwanda où périrent entre le 7 avril et le 15 juillet 1994 environ 800 000 Tutsis originaires du même pays.

D’après les opinions des auteurs, Haïti aurait connu plusieurs génocides et quelques dizaines de tueries pour des raisons religieuses, politiques, raciales ou foncières. Ce qui fait que ce pays a une réputation de pays de massacres depuis les premiers temps de sa colonisation.

Les pages qui suivent sont une tentative de décrire et d’analyser les massacres qui ont été commis sur la Terre d’Haïti et une approche pour faire prendre conscience aux Haïtiens de rompre avec la politique de massacres qui est malheureusement ancrée dans l’histoire du pays.


I)    Permanence des massacres qui sont toujours impunis en Haïti

     1.   Des massacres tout le long de l’histoire d’Haïti

Haïti est un pays né dans le sang où le moindre conflit a tendance à se résoudre dans le sang au nom d’une tradition de violence qui s’est transmise de génération en génération. En effet, le territoire a subi d’abord de nombreux massacres des Indiens pendant la période espagnole, qui ont abouti à la disparition des natifs de l’ile. Sous la colonisation française, les massacres étaient légion. De nombreux massacres furent commis également dans le cadre de la lutte entre les groupes raciaux. Après l’indépendance, ponctuée par le massacre des Français, décidé par Dessalines, la porte restait grandement ouverte aux tueries de masse qui étaient devenus une constante des politiques des gouvernements pour la plupart dictatoriaux et en en même temps une des caractéristiques majeures de l’instabilité politique du pays pendant tout le 19e siècle. Les choses n’avaient point changé, sinon empiré au 20e siècle avec les batailles politiques pour le pouvoir, qui avaient atteint un premier pic entre les années 1950 et la fin du 20e siècle, et qui se sont déroulées dans presque tous les points du pays avec tous les records battus par Port-au-Prince qu’Henry Christophe appelait Port-aux-Crimes. Mais, le pire a été observé au cours des trois premières décennies du siècle actuel caractérisé par l’exacerbation des luttes politiques et par un virage vers le banditisme qui atteint actuellement son point culminant avec la pullulation des gangs menaçant de toute évidence le fondement de la « nation ».

     2.   Pourquoi Haïti est-il une terre de massacres ?

De nombreux facteurs expliquent la permanence des massacres en Haïti. Le pays a démarré dans une atmosphère de crimes, de guerres civiles qui se sont succédé pendant les deux périodes coloniales espagnole et française. Pour la première, on sait que ce sont les Indiens qui avaient fait les frais des exactions commises par les hommes qui avaient débarqué à Hispaniola dans le sillage de la découverte de l’île par Christophe Colomb. Pour la seconde, c’était, d’une part, l’ensemble des souffrances et des mauvais traitements auxquels les esclaves étaient en proie ainsi que les luttes qu’ils avaient engagées contre leurs conditions. Et d’autre part, les diverses turbulences et les guerres civiles qui avaient émaillé les oppositions et les divergences entre les groupes sociaux de la colonie jusqu’à l’obtention de l’Indépendance.

La violence a été exacerbée très tôt avec les mouvements qui avaient été boostés par :

    - les idées véhiculées par la Révolution française au nom de la devise Liberté, Égalité, Fraternité ;
    - la dégradation des rapports entre certains groupes sociaux et la métropole sur la question des droits à accorder aux classes frustrées dans la colonie.
    - Et enfin les revendications des planteurs et des affranchis envers la métropole.

Il est impossible de recenser pendant la période allant de 1789 à 1804 le nombre de tueries issues des luttes entre les groupes raciaux de Saint-Domingue, encore moins le nombre de morts découlant des batailles entre les troupes des puissances européennes et des batailles qui avaient opposé l’armée française et les indigènes.

À cette époque de pouvoir militaire et de guerres civiles à répétition dans la colonie, presque tous les hommes dans la force de l’âge étaient impliqués dans les guerres entre les armées européennes, présentes dans la colonie, et les batailles diverses qui s’y déroulaient. Saint-Domingue était devenue un lieu où ne parlait que la poudre immense depuis l’affranchissement général des esclaves, décidé par Sonthonax le 29 août 1793, et la distribution en mai 1796 de 30 000 fusils aux nouveaux libres (les anciens esclaves) pour contrecarrer les tentatives des Blancs de Saint-Domingue de livrer la colonie aux Anglais.

     3.   Circonstances des conflits et des massacres en Haïti

Les conflits et les massacres auxquels Haïti a toujours été en proie se sont manifestés sous les formes les plus diverses.

    Tantôt des tentatives de coups d’État ou des coups d’État réussis. Dans le premier cas, comme celui qui fut concocté par les membres de l’Assemblée de (...) , qui était un parlement autoproclamé, opposé aux réformes de la Révolution française, et qui se prétendait au-dessus du gouverneur général et qui avait voulu imposer la sécession de Saint-Domingue. Cette assemblée était particulièrement remontée contre l’application du décret du 15 mai 1790 qui accordait aux gens de couleur les mêmes droits politiques que les Blancs. Ou encore le coup d’État du 30 septembre 1991 contre Jean-Bertrand Aristide qui a été perpétré par les militaires dont les réactions brutales contre la population avaient provoqué des dizaines de morts et des centaines de blessés. Le général Cédras qui avait pris la tête de la junte allait rester trois années au pouvoir avant le retour de l’ancien président avec les troupes américaines.

    Tantôt des soulèvements comme celui qui fut organisé par Ogé et Chavannes, deux chefs de file de la lutte des gens de couleur de la colonie pour l’obtention de l’égalité des droits politiques avec les Blancs. Le premier, qui était l’initiateur du mouvement, avait fondé en France la Société des colons américains. À son retour à Saint-Domingue, il avait dirigé une rébellion appuyée par un groupe de 300 mulâtres dans les montagnes du Nord qui, dans la nuit du 28 octobre 1790, avait parcouru les plantations, menacé les Blancs et pillé quelques habitations. Les choses s’étaient mal terminées pour lui, car, après avoir dû fuir en territoire espagnol, il a été livré aux autorités françaises avec son complice Chavannes et exécuté le 25 février 1791. C’était la fin des espoirs pour les affranchis d’arracher, seuls, les droits qu’ils réclamaient. Malgré leurs préjugés, ils n’avaient plus que le choix de s’allier avec les esclaves pour voir changer leurs conditions.

    Tantôt des massacres comme celui qui avait suivi le soulèvement général des esclaves dans la nuit du 21 au 22 août 1791. Au cours de cette nuit, les esclaves avaient brûlé cinq habitations, massacré les colons, sans épargner les femmes et les enfants. Et pendant une dizaine de jours, ils avaient mis la Plaine du Nord en feu et en flammes. Le décompte était spectaculaire : près de 1000 Blancs assassinés, 161 sucreries et 1200 caféteries brûlées. Et Boukman, le chef de l’insurrection, avait tenté de pousser jusque vers le Cap-Français avant d’être mis à mort par les agents de l’armée coloniale.

    Tantôt des rivalités entre les plus hautes autorités militaires de l’ancienne colonie. On ne saurait oublier parmi ces conflits qui ont aggravé la situation sécuritaire de la colonie la Guerre du Sud, connue également connue sous le nom de la Guerre des Couteaux. Ce fut en partie un conflit « racial » qui avait mis aux prises, dans la partie sud de la colonie, les Noirs et les mulâtres, sous le couvert de la rivalité entre André Rigaud et Toussaint Louverture qui se disputaient le contrôle de la colonie de Saint-Domingue après avoir été des alliés en 1794.
    En juin 1799, quelques mois après le débarquement d’Hédouville, la guerre du Sud avait éclaté entre Toussaint, soutenu par Jean-Jacques Dessalines,et Rigaud soutenu par Alexandre Pétion et Lamour Desrances, un officier noir qui avait rejoint le camp des mulâtres. Cette guerre avait abouti à l’extermination de près de 10 000 mulâtres du Sud. Après son échec et la prise de Jacmel par les troupes de Toussaint Louverture en mars 1800, André Rigaud avait dû partir pour la France pour ne revenir à Saint-Domingue que trois ans plus tard en 1803 avec les membres de l’expédition Leclerc qui avait vu débarquer 50 000 hommes dans la colonie.

Et tout le reste de l’histoire du pays s’est calqué sur le même fond délétère de violence comme on le vit quotidiennement aujourd’hui avec les méfaits des groupes armés dans l’ensemble du pays.

     4.   Des massacres toujours impunis

L’analyse des suites des massacres montre que tout le long de l’histoire, depuis la période coloniale, les auteurs de ces faits ont toujours été impunis à peu d’exception près. Non pas que des actions en justice n’aient jamais été engagées contre eux, mais elles n’ont jamais abouti en raison des complicités dont ont bénéficié les « massacreurs » dans un pays dont le système judiciaire a toujours été très indulgent envers les grands criminels. D’ailleurs, il y a presque toujours les mains des plus hautes autorités ou de réseaux très puissants derrière les massacres les plus importants. On sait que dans certains cas, on va abattre les blessés sur leurs lits d’hôpital ou dans « une infirmerie de campagne » comme il en fut pour six adolescents lors du massacre du 17 septembre 1902 en pleine guerre civile entre les firministes et les troupes du gouvernement de Boisrond-Canal. On sait aussi que plusieurs procès avaient été ouverts à la chute de Nord Alexis contre les responsables politiques et militaires de cette tuerie. Mais ils ont tous été graciés. Il en a été de même sous l’Occupation américaine à la suite de l’exécution de 19 prisonniers Cacos à Hinche en janvier 1919 sur ordre du capitaine américain Lavoie. Bien que ce dernier ait été accusé de crimes par d’autres officiers américains, sa responsabilité n’a pas été établie par la commission en charge de l’enquête. Mais, ce ne fut qu’une exception sous l’Occupation américaine parce que des milliers de Cacos et d’opposants divers ont été exécutés sommairement, pour la plupart dans le Camp de Chabert entre 1915 et 1934.

Un autre cas fut celui de l’ancien général duvaliériste William Régala dont on dit qu’il était le principal boucher des Vêpres de Jérémie et du Massacre de la Ruelle Vaillant. Aucune action en justice n’a jamais été intentée contre lui en dépit de la demande d’extradition que le ministère de la Justice [sous] Jean-Bertrand Aristide avait produite auprès du gouvernement dominicain en 1991.

Quelquefois aussi, les juges d’instruction décident de manière tout à fait arbitraire de délivrer une ordonnance de clôture malgré le nombre élevé de chefs d’accusation comme il en fut pour la suite qui a été donnée pour le « Massacre de Piatte » sous le gouvernement d’Ertha Pascale Trouillot en 1990.

Parfois aussi, sous la pression de l’opinion publique, les assassins sont brièvement détenus, comme dans le cas du « Massacre de Jean-Rabel » qui a été perpétré le 23 juillet 1987 sous le général Henry, avant d’être relâchés à la faveur d’une manœuvre spéciale.

Les seules circonstances où les responsables des massacres aient eu à payer leurs forfaits sont les cas où ils ont été lynchés par la population comme il en fut pour Vilbrun Guillaume Sam, le lendemain du massacre qu’il avait commandité le 27 juillet 1915 contre 167 prisonniers politiques qui étaient incarcérés au Pénitencier national. Parallèlement, plusieurs des auteurs de ce massacre, soldats et geôliers, ont été jugés et acquittés deux années après.


II)    Typologie des massacres en Haïti.

Dans ce pays endeuillé de massacres, il est intéressant de tenter une typologie de cette catégorie d’évènements funestes. Selon mes recherches, on peut distinguer à travers nos recherches et nos analyses quatre types de massacres : les massacres de type génocide, les massacres pour cause de conflit foncier, les massacres pour des raisons religieuses et enfin les massacres pour des raisons politiques. C’est cette dernière catégorie qui offre la plus grande diversité.

     2.1. Les quatre catégories de massacres pratiqués en Haïti

     2.1.1 Les massacres de type génocide

    Comme les multiples souffrances qui avaient abouti à l’extermination des Amérindiens sous la période espagnole, soit 300 000 à 500 000 personnes, bien que certains auteurs comme Bartolomé de las Casas aient avancé le chiffre de trois millions d’habitants — peu crédible — !

Selon l’historien Michel Soukar, les Américains auraient été responsables, entre 1915 et 1921, de la disparition de 5000 à 15 000 paysans haïtiens qui étaient incarcérés dans le camp de concentration de Chabert.

Il faut ajouter qu’à l’époque « tous ceux qui étaient contre l’Occupation ou qui étaient soupçonnés de rébellion, ont été fusillés » et que le sud du pays est le département qui avait payé le plus lourd tribut à la sauvagerie américaine.

On sait que les phases de la pacification étaient particulièrement brutales jusqu’à l’écrasement total des Cacos après la mort de Charlemagne Péralte en 1919 et après celle de Benoit Batraville en 1920. On retient pour cette période quatre massacres rapportés par les historiens, dont deux particulièrement connus : le massacre de Hinche en janvier 2019 qui vit la disparition tragique de 19 Cacos et le massacre des Cayes qu’on appelle aussi massacre de Marchaterre en date du 6 décembre 1929 où furent tués 12 à 22 Haïtiens parmi 5000 manifestants.

Personne ne peut savoir combien des 40 000 Cacos qui combattaient l’armée d’occupation ont été exterminés. De toute façon, le volume considérable de disparitions évoqué par certains historiens correspond à la définition du génocide qui est fondée sur la quantité de personnes tuées dans une communauté.

On ne saurait laisser sous silence le massacre des Haïtiens de 1937 connu également sous le nom de Massacre du Persil, qui avait été perpétré en territoire dominicain sur l’ordre de l’ancien président, Rafael Leónidas Molinas Trujillo. 30 000 Haïtiens qui travaillaient principalement dans les plantations sucrières du pays le long de la rive dominicaine de la rivière Dajabon y avaient perdu la vie entre le 2 et le 4 octobre 1937. Les Haïtiens étaient facilement identifiés comme cibles pendant le massacre parce qu’ils ne pouvaient pas prononcer le mot « perejil » qui signifie persil en espagnol.  Ce massacre qui a été surnommé « Kouto a » — le couteau par les Haïtiens, parce qu’il a été exécuté surtout à la machette -, était une action calculée par le président dominicain « pour homogénéiser la population dans la zone frontalière et détruire l’embryon de république haïtienne que décrivaient les autorités dominicaines de l’époque face à l’importance de l’immigration haïtienne dans leur pays ».

     2.1.2 Les massacres pour cause de conflit foncier

Les massacres pour cause de conflit foncier qui sont sans doute plus nombreux que ce qui est relaté par l’histoire et dont le plus important est celui de Jean-Rabel perpétré le 23 juillet 1987 sous le gouvernement d’Henry Namphy et qui aurait provoqué plusieurs centaines de victimes (300 selon l’OEA, et 1042 selon l’un des assassins autoproclamés dont le nom est rapporté par Jean-Philippe Belleau dans la « Liste chronologique des massacres commis en Haïti au XXe siècle ». Il y avait aussi le massacre de Gervais dans le département de l’Artibonite (17 janvier 1991), perpétré également sous le gouvernement de Henry Namphy où 12 paysans avaient été tués et 8 portés disparus dans le cadre d’un conflit foncier où plusieurs familles de petits propriétaires terriens en conflit depuis 1973 s’étaient opposées entre elles de manière violente. Aucune enquête n’a été ouverte par la suite.

     2.1.3 Les massacres en lien avec des raisons religieuses

    les massacres en lien avec des raisons religieuses comme les crimes à l’encontre de vodouisants lors des campagnes antisuperstitieuses de la période 1939-1942 – les campagnes « rejete » pour lesquelles on ne possède pas de données précises. Ou encore les massacres qui ont été commis sur les vodouisants lors de l’éclatement de la première épidémie de choléra en décembre 2010. Dans la Grande-Anse, plus d’une quarantaine de personnes avaient été tuées « sous le prétexte d’avoir utilisé une substance (poud kolera) » mise au point par les sorciers « qui aurait la vertu de propager le choléra dans la région ». De même, une alerte a été lancée, le samedi 29 octobre 2022, dans la localité de Désermite en pleine épidémie de choléra où 12 personnes avaient été assassinées pour la même raison.

     2.1.4 Les massacres pour des raisons politiques

    La dernière catégorie de massacres, les massacres pour raisons politiques, correspond aux massacres politiques qui sont décidés directement ou indirectement le plus souvent par les gouvernements pour se maintenir au pouvoir ; quelquefois aussi par les opposants contre les représentants du pouvoir ; quelquefois encore par les populations pour se venger contre les anciens partisans de gouvernements déchus.

Cette catégorie se répartit en quinze sous-catégories :

    - les massacres politiques pour satisfaire une soif de vengeance comme le massacre des Suisses sous la période coloniale française où une punition sévère avait été infligée au groupe d’esclaves qui avaient appuyé les gens de couleur pour arracher localement l’égalité des droits avec les Blancs. Un autre exemple de massacre de même genre a été celui perpétré le 26 avril 1963 sous François Duvalier contre les familles de ceux qui étaient considérés comme les auteurs de la tentative d’enlèvement contre Jean-Claude Duvalier. Plus d’une centaine de personnes avaient été tuées le même jour sans compter celles qui avaient été emmenées à Fort-Dimanche où elles « disparaîtront ».

    - Les massacres politiques qui sont à l’initiative des populations comme ceux qui ont suivi la chute d’un gouvernement sanguinaire comme celui qui a été déclenché de manière spontanée contre les tontons macoutes, le jour même de la chute de Jean-Claude Duvalier, le 7 février 1986. Il y avait alors un demi-million de personnes dans les rues qui lapidaient et brûlaient vifs des anciens miliciens de Duvalier. Dans cette ambiance de furie, une cinquantaine de houngans et de mambos avaient été tués pour leurs relations supposées avec le régime de Duvalier et des dizaines d’autres personnes dénoncées comme sorciers ou loups-garous avaient été lynchées par la foule.

    - Les massacres politiques contre les membres de manifestations dans les rues comme le massacre de Fort-Dimanche (26 avril 1986), qui a été le fait des militaires auxquels Jean-Claude Duvalier avait remis le pouvoir. Il s’agissait d’une répression extrêmement brutale contre une manifestation pacifique de la population en guise d’hommage aux victimes du régime duvaliériste à la prison de Fort-Dimanche et aux victimes de la tuerie de 26 avril 1963. Il y aurait eu, ce jour-là, 15 morts selon la mémoire collective haïtienne.

    - Les massacres politiques pratiqués par les gouvernements au pouvoir pour venir à bout des opposants comme le massacre perpétré par Nord Alexis qui s’était soldé par l’assassinat de 27 opposants le 14 mars 1908 ou encore les massacres décidés par François Duvalier, respectivement le 14 avril 1969, à Fort-Dimanche, contre une trentaine de jeunes communistes, et le 22 juillet de la même année où furent exécutés, à Ganthier, plusieurs centaines de prisonniers politiques de gauche qui avaient été arrêtés les semaines précédentes.

    - Les massacres d’auteurs de complot contre les gouvernements en place comme l’exécution des 19 officiers de l’armée d’Haïti à Fort-Dimanche, le 8 juin 1967, en présence de François Duvalier. Cependant, selon les dépositions des intéressés, ils ne connaissaient pas les raisons pour lesquelles ils avaient connu ce sort. Ou encore les massacres commandités par Nord Alexis.

    - Les massacres perpétrés de manière presque aveugle par les gouvernements les plus sanguinaires comme les massacres de Cazale (de Fonds-Verrettes / Mapou (plus de 600 paysans) ou encore le massacre communément appelé « Les Vêpres de Jérémie » (27 tués).

    - Les massacres de prisonniers politiques comme celui dont furent l’objet, le 27 juillet 1915, un total de 167 personnes qui étaient incarcérées au Pénitencier national sous le gouvernement de Vilbrun Guillaume Sam. Certains de ces prisonniers avaient été exécutés dans leurs cellules même à travers des grilles.

    - les massacres pratiqués par des troupes étrangères sur le sol haïtien pour venir à bout des résistants à leur présence dans le pays comme les massacres commis par les Américains entre 1915 et 1921, au début de l’Occupation. Les historiens ont principalement retenu le massacre de Hinche en janvier 1919 et le massacre de Marchaterre ou massacre des Cayes qui a été perpétré le 6 décembre 1929 par le Corps des Marines des États-Unis. Y furent tués 12 à 22 protestataires. Il faut ranger, dans cette sous-catégorie, les massacres commis par la Minustah, comme celui qui avait durement frappé Cité Soleil, le 6 juillet 2004 à Cité Soleil : 63 morts selon les ONG qui avaient déposé une plainte contre les Casques bleus. Le commandant brésilien Urano Bacellar qui dirigeait alors la mission de l’ONU en Haïti avait prétexté qu’il y avait une confrontation avec les habitants du bidonville, qui s’étaient opposés à l’entrée de ses troupes dans le quartier « rebelle ». C’était le jour où l’un des seigneurs de l’Opération Bagdad déclenchée le 30 septembre 2004, qui était l’une des plus vastes campagnes de terreur qu’ait connues le pays au cours des vingt dernières années, le tristement célèbre Dread Wilmé, avait été tué. 

    - Les massacres en pleine guerre civile qui ont abouti à l’extermination indiscriminée de populations comme le massacre du 8 août 1902 où 450 civils auraient péri dans l’incendie de la ville de Petit-Goâve à l’initiative des forces gouvernementales du général Carrié sous Boisrond-Canal pour déloger les forces firministes de la ville. Il en était de même du massacre en date du 17 septembre 1902 contre des paysans désarmés des forces gouvernementales qui ont été abattus sur ordre du général firministe Laborde Corvoisier à la suite d’une bataille au Limbé.

    - Les massacres organisés contre des troupes ennemies comme celui qui avait été perpétré en 1803 lors de la guerre de l’indépendance haïtienne à l’encontre des noirs par l’armée de Leclerc et qui avait abouti au supplice du général Maurepas ainsi qu’à des noyades et des exécutions sommaires d’esclaves à l’initiative de plusieurs généraux français.

    - Les massacres pour étouffer dans l’œuf certains mouvements populaires comme celui que l’ancienne Armée d’Haïti avait perpétré entre le 15 au 17 juin 1957 contre les partisans de Daniel Fignolé, après son renversement le 14 juin de la même année, ou encore le massacre qui a été accompli par les militaires, le vendredi 31 janvier 1986, à l’occasion de l’éclatement de la rumeur du départ de Jean-Claude Duvalier.

    - Les massacres commis par les gangs contre la population civile, comme le massacre de Cabaret qui a été le fait d’un gang, ayant débarqué dans cette commune le 29 novembre 2022, et, qui avait assassiné une douzaine de personnes et incendié des maisons ou encore les massacres à répétition dont Bel-Air a été victime, respectivement en octobre 2019, octobre 2020, entre le 31 mars et le jeudi 1er avril 2021 (13 morts). Il en a été de même pour Cité Soleil qui a été endeuillée plusieurs fois depuis 2020 et où, selon le RNDDH, 44 personnes ont été assassinées par balles en 2021.

    - Les massacres cautionnés par l’État comme le massacre commis le 11 septembre 1988 à l’église de Saint-Jean Bosco où des individus armés, portant des brassards rouges, s’étaient introduits dans l’église en pleine messe, effaçant la vie d’une cinquantaine de fidèles qui assistaient à la messe du dimanche, dite par le prêtre Jean-Bertrand Aristide, et incendié le bâtiment religieux. On avait qualifié de la même manière le massacre de La Saline, perpétré sous Jovenel Moise, le 13 novembre 2018, pour au moins trois rapports, dont un de la Clinique internationale des droits humains de Harvard Law School, avaient pointé du doigt des grands commis de l’État. Cependant, aucune preuve formelle n’a pu être apportée à ces lourdes accusations.

    - Les massacres en représailles comme celui qui fut commis par la Police nationale d’Haïti à Gran Ravin, le 13 novembre 2017. Cette tuerie a été décrite par tous les organes de presse haïtienne qui ont relaté que des bandits de la zone s’étaient réfugiés dans les locaux de l’église Maranatha à Bolosse pendant que la Police procédait à des arrestations. Il s’était trouvé que, par manque de sang-froid, les agents de la PNH avaient riposté à une attaque des bandits qui avaient abattu deux policiers, membres de l’Unité départementale de maintien de l’ordre (UDMO). Ils avaient alors donné la mort à au moins sept individus. Il s’agissait donc d’une des plus grandes bavures policières commises en Haïti.


Conclusion

Haïti a presque toujours été, à travers toute son histoire, une terre de crimes et de massacres, à l’exception d’un petit nombre de présidents qui n’ont pas baigné dans le sang comme ceux de Rivière Hérard et de Nissage Saget au 19e siècle, de Michel Oreste au début du 20e siècle, ou encore de celui de René Préval dans la période récente. Des massacres surtout pour des raisons politiques en lien avec les rivalités permanentes entre les gouvernements en place et les oppositions dans le cadre de la lutte pour le pouvoir. Le pays a été aussi le théâtre d’au moins quatre génocides depuis celui qui avait provoqué la disparition de sa population originaire, les Indiens, jusqu’au génocide des Haïtiens en République dominicaine en 1937, en passant par les tueries massives de Cacos sous l’Occupation américaine et le massacre des Français en 1804. Les massacres pour des raisons économiques, plus précisément foncières, ont été spectaculaires, mais pas très nombreux. Enfin, des massacres à caractère religieux, surtout lors des épidémies de choléra. Le plus grand problème qui se pose de nos jours concerne les tueries perpétrées par les gangs armés, surtout lors des affrontements entre groupes rivaux. Il est temps que les Haïtiens se démarquent de cette culture du crime pour commencer à comprendre qu’ils doivent apprendre à vivre ensemble en frères et œuvrer solidairement pour le développement de leur pays.



Jean SAINT-VIL
Courte biographie







sommaire-4


Article 5

Transmission personnelle le 18/03/2023 d'un article par Alain SAGAULT
Sites : ateliersdartistes.com/-LE-GLOBE-DE-L-HOMME-MOYEN-.htmlateliersdartistes.com/-Alain-Sagault-.html


Photo agencée de V. Poutine et E. Macron se parlant au téléphone.

Photo de manifestant brandissant pancarte qui revendique bonne vie après long temps de labeur.


PROJET MACRONESQUE SANS VRAIE LÉGITIMITÉ POLITIQUE
 
 
« Savez-vous quelle réserve de rage, vous venez de libérer ? »
 


Une source (texte partiel en accès libre)  : poesie-action.com/2023/03/18-03-23-savez-vous-quelle-reserve-de-rage-vous-venez-de-liberer-nicolas-mathieu-mediapart.html

18 mars 2023.

Dans un texte pour Mediapart [mediapart.fr], l’écrivain Nicolas MATHIEU s’adresse à Emmanuel MACRON et à son gouvernement : « L’exécutif est certes légitime mécaniquement, en vertu des textes et de la solidité de nos institutions, mais il a perdu ce qui donne vie à la vraie légitimité politique en démocratie : un certain degré d’adhésion populaire. »


«  Aujourd’hui, à l’issue de cet épisode lamentable de la réforme des retraites, que reste-t-il d’Emmanuel Macron, de ce pouvoir si singulier, sorti de nulle part, fabriqué à la hâte, « task force » en mission libérale qui a su jouer du rejet de l’extrême droite et de la déconfiture des forces anciennes pour « implémenter » son « projet » dans un pays où si peu de citoyens en veulent ? Que reste-t-il de ce pouvoir, de son droit à exercer sa force, à faire valoir ses décisions, que reste-t-il de sa légitimité ? 

Bien sûr, au printemps dernier, des élections ont eu lieu, des scrutins ont porté un président à l’Élysée, des députés à l’Assemblée, une première ministre a été nommée, un gouvernement mis en place. Tout cela a été accompli dans le respect de la loi. Les institutions ont fait leur lourd travail de tri, d’établissement, et assis, sur leurs trônes, ces maîtres d’une saison.

Bien sûr la République est toujours là, avec ses ors, son ordre vertical, sa police, son droit, ce roi bizarre à son sommet, une Constitution qui exécute ses caprices, des fondations qui plongent dans deux siècles et demi de désordres et de guerres civiles. La machine tourne, légale, indiscutable aux yeux des juristes, chaque rouage à sa place, placide sous le drapeau.


Mais la légitimité, elle, n’est pas d’un bloc.

Elle se mesure, se compare, se soupèse. Que dire d’un président élu deux fois mais sans peuple véritable pour soutenir sa politique de managers, de faiseurs de fric et de retraités distraits, son régime de cadres sup et de consultants surpayés, un président élu deux fois avec les voix de ses adversaires, qui l’ont moins soutenu qu’utilisé pour faire obstacle au pire, un président qui n’a même pas eu droit à un quart d’heure d’état de grâce en 2022 ?

Que dire d’une Assemblée sans majorité, arrivée un mois plus tard et qui dit à elle seule, par ses bigarrures, toute la défiance d’un pays, le refus large, immédiat, d’un programme, et des lemmings présidentiels qui s’étaient largement illustrés pendant cinq ans par leur suivisme "zombique" et un amateurisme qui aura été la seule vraie disruption de leur mandat ?

Que dire d’un gouvernement qui porte des réformes auxquelles il croit à peine, qu’il fait passer au forceps du 49-3, qui cafouille et s’embourbe, infoutu de discipliner ses troupes, incapable d’agréger les alliés qui lui manquent ?


" Ce pouvoir est légitime comme la terre est plate, c’est-à-dire relativement à la place d’où on le regarde. Il est légitime comme je suis zapatiste, c’est-à-dire fort peu. "


Que dire de ce pouvoir assis sur une noisette d’assentiment et qui gouverne comme après un plébiscite, méprise les corps intermédiaires, la rue, les salariés, l’hôpital, l’école, reçoit en pleine crise sociale Jeff Bezos pour le médailler ; alors qu’il n’aura pas daigné entendre ceux qui l’ont porté là ?

Ce pouvoir, qui ne peut considérer le bien commun qu’au prisme de la performance collective, qui a substitué les nombres aux vies, qui confond dans sa langue de comité exécutif le haut, le bas, la droite, la gauche, le prochain, le lointain, qui ment sans honte et croit tout surmonter en « assumant », ce pouvoir est légitime comme la terre est plate, c’est-à-dire relativement à la place d’où on le regarde. Il est légitime comme je suis zapatiste, c’est-à-dire fort peu. Il est légitime comme Nixon après le Watergate, c’est-à-dire de moins en moins. Il est légitime mécaniquement, en vertu des textes et de la solidité de nos institutions, mais il a perdu ce qui donne vie à la vraie légitimité politique en démocratie : un certain degré d’adhésion populaire.

Et ce dernier passage en force, ce 49-3 qui était prétendument exclu, s’il ne l’empêche pas de demeurer en place et de mener ses politiques, achève de le discréditer tout à fait.

De ce pouvoir, nous n'attendons désormais plus rien. Ni grandeur, ni considération, et surtout pas qu’il nous autorise à espérer un avenir admissible. Nous le laissons à ses chiffres, sa maladresse et son autosatisfaction. Plus un décret, une loi, une promesse ne nous parviendra sans susciter un haussement d’épaules. Ses grandes phrases, ses coups de menton, nous n’y prendrons plus garde. Ce pouvoir, nous le laissons à ses amis qu’il sert si bien. Nous lui abandonnons ses leviers, qu’il s’amuse. Son prestige n’est plus et nous avons toute l’histoire pour lui faire honte....

.../...

Avez-vous pensé à ce monde sur lequel vous régnez et qui n’en pouvait déjà plus d’être continuellement rationné, réduit dans ses joies, contenu dans ses possibilités, contraint dans son temps, privé de sa force et brimé dans ses espérances ?

Non, vous n’y avez pas pensé. Eh bien ! Ce monde-là est une nappe d’essence et vous n’êtes que des enfants avec une boîte d’allumettes. »


Nicolas MATHIEU








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Dernière modification : 28.03.23, 19:38:34