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jeudi 17 octobre 2024


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Sommaire

Article 1 : LA FARCE : QUI PERD GAGNE

par Jean-Jacques REY

Article 2 : UN ENFANT GAZAOUI N'EST PAS UN HUMAIN

par Yaressua DNOMYAR

Article 3 : INSTRUMENTALISER L'ANTISÉMITISME EST CONDAMNABLE

par Collectif de citoyen·es juives et juifs

Article 4 : TOUS RESPONSABLES !

par Alain SAGAULT

Article 5 : BARNUM POST-DÉMOCRATIQUE

par Rogue ESR



Article 1





Image humoristique sur sortie de crise.

Image humoristique du président Macron, cireur de pompes de milliardaire.


LA FARCE : QUI PERD GAGNE
 
 
 

   Je déplore ce que tout le monde peut réaliser ces jours-ci. Le choix attentiste de E.Macron pour « son » nouveau premier ministre, en septembre dernier, après des élections législatives qu’il a provoquées cet été 2024, revient à gouverner avec l’extrême Droite ou du moins à devenir son otage. Comme souvent, les gens d’obédience néolibérale (économique) n’hésitent pas à composer avec des forces autoritaires pour favoriser leurs vues…
   Mais dans le fond, l’action de E.Macron est bénéfique pour le clivage traditionnel Droite-Gauche et l’unité de la Gauche (malgré les différences « d’intensité »). Les faux semblants sont écartés. En vérité, le cirque de E.Macron favorise ses ennemis, notamment la progression du R.N. (Rassemblement National) et des droitistes radicaux dans les esprits de nos concitoyens ; ce qui donne, franchement, de mauvaises perspectives pour la France.
   En résumé, la Gauche gagne les élections et c’est la Droite qui gouverne. Voilà qui ne peut que pousser à la radicalisation des opinions dans l’électorat. Reste à savoir comment on peut régler les antagonismes, puisque le vote démocratique ne résout rien ? …

   Nous avons donc maintenant un gouvernement de Droite minoritaire, sous contrôle de l’extrême Droite populiste ; ainsi le « Front républicain » est une sotie qui nous affecte tous, que l’on soit partisan ou pas.
   Il est à noter que, sans ce « Front républicain », les macronistes auraient moitié moins de députés. Par conséquent, ces gens, constituant le bloc central, bourgeois, dans l’éventail des partis politiques, s’en tirent au mieux de leur discrédit ; alors que le NFP (Nouveau Front Populaire) en profite peu… Et je ne parle même pas des Droitistes qui veulent continuer à faire la pluie et le beau temps dans la gouvernance du pays, avec une cinquantaine de députés seulement : ils se sentent pousser des ailes de rapaces, les bougres !

   J’ai bien peur que l’ensemble des électeurs de Gauche en tirent une leçon générale ; d’autant que ce n’est pas la première fois qu’ils sont les dindons de la farce ! E.Macron, président de la RF (République Française) en sait quelque chose !

   Incidemment, une méthode classique revient pour éloigner le spectre d’un gouvernement de Gauche et pour effrayer les citoyen-ne-s, cela étant pour leur imposer le mal être. Les néolibéraux, toutes tendances confondues, reprennent l’antienne de la Dette pour pousser au budget d’austérité et parvenir à développer ou généraliser des mesures de régression sociale… Comme si on ne les voyait pas venir, les coquins qui veulent mettre à bas notre modèle de société. Par exemple, ils ne se cachent même plus de vouloir remettre en cause globalement notre système de retraite par répartition.

   Toutes ces politiques néolibérales font un mal fou à l’humanité et suscitent la haine des laissés-pour-compte, tout comme le rejet des valeurs humanistes.

   Le président Macron a complètement délégitimé la volonté populaire de même qu’il tourne en ridicule l’expression du vote démocratique, abaissant le prestige de la France (déjà bien entamé !) et l’idée même de souveraineté populaire. Or il apparaît bien qu’il n’est que le garçon de course des milliardaires, toujours prêt à faire des arrangements avec les partis de Droite quand cela l’arrange… Comme opportuniste, on ne fait guère mieux !
   Je ne vous apprendrai rien sinon pour le souligner, que ce personnage est un fervent défenseur du libéralisme économique. Selon moi, ce système n’est pas bon, même franchement mauvais. Il le sait (on ne peut dénier sa perspicacité) ; mais il ne veut pas changer de « logiciel ». C’est son monde de compréhension qui s’écroule sinon. Ce système libéral est basé sur l’égoïsme, le chacun pour soi, sous de faux semblants d’humanité, de prétendu progressisme (?) Par exemple, la fumeuse théorie du « Ruissellement » (des richesses admises), tu parles d’une ineptie !
   Mais ce président de la RF, d’une jeune génération au regard d’aujourd’hui, a ruiné le crédit de la France dans le monde entier. Voilà la vérité hors médias domestiques.

   L’origine du libéralisme économique, c’est l’esclavage tout bonnement. Son moteur, c’est l’envie de profits et accessoirement du lucre, en profitant des faiblesses d’autrui, en y mettant souvent le paravent du libre échange comme naguère la religion ou la philanthropie (rarement désintéressée) ; tout cela étant prétexte à domination qui nourrit le parasitage des idéaux et entretient l’exploitation des masses…

   Alors ceux qui se disent « responsables », partis de gouvernement, (etc.) accusant leurs opposants les plus radicaux en convictions d’être des extrémistes quand ce n’est pas d’évoquer du terrorisme et d’autres déviances à leur sujet (au moins dans les idées), hé bien ! Ces gens, ils devraient sérieusement réviser leurs positions et partis pris. Car il est évident que les politiques, cédant au néolibéralisme, favorisent les extrêmes et particulièrement l’arrivée au Pouvoir de forces anti-démocratiques. On ne tire jamais assez de leçons de l’Histoire et les mêmes causes produisent les mêmes effets, à peu de variantes près, et cela dans le monde entier, toutes générations confondues.






- En cinq articles -
Erreurs et conséquences dues au néolibéralisme économique
- En quatre articles -
Evolution majeure dans les rapports de force mondiaux (*)




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Extrême pauvreté : la croissance économique n’est pas la solution
24.07.24 - New York, Nations Unies - Pressenza IPA - Traduction, Evelyn Tischer

pressenza.com/fr/2024/07/extreme-pauvrete-la-croissance-economique-nest-pas-la-solution/

La croissance économique n’est pas la solution pour éradiquer la pauvreté dans le monde, a averti Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits humains. Selon M. De Schutter, la stratégie traditionnelle consistant à promouvoir la croissance économique pour lutter contre la pauvreté a créé une planète au bord de l’effondrement climatique, avec une élite qui accumule les richesses alors que des millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté.

Dans son exposé au Conseil des Droits Humains des Nations Unies, M. De Schutter décrit en détail la destruction de l’environnement et les inégalités causées par les politiques économiques actuelles. Il a exhorté les gouvernements et les organisations internationales à cesser d’utiliser le produit intérieur brut PIB comme mesure du progrès et à se concentrer sur les droits humains et le bien-être social.

M. De Schutter a souligné que l’obsession de la croissance économique favorise les riches et nuit aux écosystèmes vitaux de la planète. Il a proposé que les politiques économiques garantissent les droits fondamentaux tels que l’accès aux services sociaux et un environnement propre et durable.

L’exposé souligne que la croissance économique dans le Sud global n’a pas permis à des millions de personnes de sortir de la pauvreté. La richesse de ces pays dépend souvent de l’exploitation de la main-d’œuvre et de l’extraction des ressources au profit du Nord et du remboursement de la dette extérieure. M. De Schutter estime que, même dans les pays à faible revenu où la croissance est nécessaire, le développement doit se concentrer sur le bien-être social et écologique plutôt que sur la croissance du PIB.

De Schutter a appelé à un changement radical dans la lutte contre la pauvreté, en promouvant une économie basée sur les droits humains qui donne la priorité aux services publics et à la protection sociale. Il a préconisé la restructuration et l’annulation de la dette, ainsi que le financement des services publics par le biais de taxes progressives sur les héritages, la richesse et le carbone. En outre, il a souligné la nécessité de renforcer la coopération internationale contre l’évasion fiscale.

Le rapporteur spécial a noté que la foi aveugle dans la croissance économique limite les solutions imaginatives pour lutter contre la pauvreté. Il a proposé des mesures concrètes telles que le rejet du PIB comme indicateur de progrès, la garantie d’emplois soutenus par le gouvernement, la valorisation des soins non rémunérés et du travail domestique, la fixation de salaires minimums et le plafonnement de la richesse générée par les industries destructrices.

Olivier De Schutter, nommé rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits humains en mai 2020, travaille de manière indépendante et volontaire dans le cadre des procédures spéciales du Conseil des Droits Humains des Nations Unies.


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Le danger liberticide du numérique, angle mort des libéraux
publié le 01/05/2024 Par Mikaël Faujour

elucid.media/democratie/technocapitalisme-danger-liberticide-du-numerique-angle-mort-des-liberaux?mc_ts=crises

[Mikaël Faujour : Cofondateur du site Le Comptoir, journaliste pigiste (Marianne, Le Monde diplomatique, Reporterre, La Décroissance...) et critique d'art (Artension, La Revue de la céramique et du verre, Camera, Esprit...), Mikaël Faujour s'intéresse à l'écologie, la philosophie politique, l'art contemporain... et à l'Amérique centrale, notamment au Guatemala avec lequel il entretient des liens personnels.]

Volontiers enclins à dénoncer comme « liberticides » les régulations du marché par l'État, les libéraux semblent curieusement ne pas voir le caractère liberticide des technologies, cela à l'encontre même de principes libéraux historiques.
S'il est un domaine dans lequel maints libéraux révèlent l'innocuité de leur foi dans une liberté qui impliquerait le « moins d'État », c'est peut-être celui du numérique. Une recherche sur le sujet sur le site libéral Contrepoints conduit à un texte intitulé « La vaine lutte contre l’addiction aux réseaux sociaux » dans lequel on peut lire l'affirmation suivante : « Nul doute que notre rapport aux ordinateurs, aux smartphones, aux tablettes, aux applications, aux réseaux sociaux est parfois excessif. Mais ce n’est pas une raison pour créer une nouvelle loi liberticide ».
La défiance traditionnelle des libéraux à l'égard de l'État est pourtant saine et parfois justifiée – l'ensemble d'aberrations étatiques dans la gestion de la crise du Covid en témoigne assez. Mais sous l'espèce de dogmatisme niais qui pose l'équation « régulation = liberticide », le risque est de ne pas (vouloir) voir que l'État n'a pas le monopole du liberticide et que le technocapitalisme est sans doute bien plus dangereux. Les réseaux dits « sociaux » et plus largement le manque d'interaction et l'isolement (souvent des plus jeunes) via l'addiction aux écrans, qui ont pénétré la vie quotidienne et l'intimité des individus à l'échelle du monde, en sont une très bonne illustration.
.../...
On sait depuis déjà longtemps que la publicité travaille sur l'inconscient et qu'elle tend à fabriquer des désirs. Elle promeut comme une libération, comme un accomplissement de soi, la soumission à ses propres pulsions via l'acte de consommation. Elle infantilise, encourage à « succomber », à « céder à la tentation » – donc à ne pas se contrôler, se réfréner, à ne pas savoir dire non. La tromperie est d'autant plus patente que sous « l'accomplissement », on trouve l'addiction – comme celles, dûment documentées, au tabac, au sucre ou au glutamate monosodique entre autres – c'est-à-dire la privation de cette souveraineté sur soi qu'implique, selon Locke, la propriété de sa propre personne.
Mais le technocapitalisme du XXIe siècle va bien plus loin : l'addiction des usagers est vitale à sa croissance. Des GAFAM à TikTok, de Netflix à Twitter, de l'industrie pornographique aux microtransactions ou aux dérives « casino » de certains jeux vidéos, l'objectif est de déposséder l'individu de la maîtrise de ses pulsions, en optimisant les algorithmes pour causer une dépendance neurochimique.
En d'autres termes : la raison d'être du technocapitalisme, c'est l'aliénation. D'où une débauche d'argent, d'intelligence, d'ingénierie et de recherche en neurosciences pour piéger les consommateurs, notamment avec le nouveau métier d'« economic designer », dont le travail est autant de vous rendre accroc que de vous faire sortir au plus vite votre carte bancaire.
.../...
C'est peu dire que le principe d'inviolabilité de l'espace privé s'est totalement dissous à l'heure des réseaux antisociaux et du Big Data.
Le numérique viole un autre principe libéral : celui de non-nuisance. Les effets néfastes de certaines utilisations des écrans ne sont pas qu'une affaire individuelle, celle du mal que quelqu'un s'infligerait librement à soi-même. Outre que la dépendance questionne la notion de libre arbitre, il y a surtout que le technocapitalisme révolutionne les rapports sociaux – comme le signalaient déjà Karl Marx et Friedrich Engels dans le Manifeste du Parti communiste – et produit à terme des nuisances.  .../... Les effets délétères et fragilisants sur la santé et la psyché se révèlent peu à peu, avec des degrés variables selon l'intensité de l'usage : troubles du sommeil, anxiété et dépression, narcissisme, intolérance à l'échec et à la frustration, diminution de la vie sociale réelle, faible estime de soi, surpoids, harcèlement en ligne, exposition précoce à des images violentes ou pornographiques, etc...
Nous commençons à peine à voir devenir adulte la génération qui, au cœur de cette révolution numérique, a grandi avec un « smartphone » en main. Quelle conception de l'intérêt commun par-delà le « ressenti », quelle capacité à se projeter dans le long terme d'une transformation politique porteront ceux dont les facultés cognitives ont largement été modelées par le totalitarisme technologique, les actes compulsifs et l'instantanéisme qu'il forge ? Pour qui écoute les constats des professionnels de l'éducation de tout niveau et tout milieu, il y a lieu de s'alarmer.  .../...


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Quels changements dans le capitalisme dominant ?
Par Omar Benderra ; 25/02/2024

assafirarabi.com/fr/58354/2024/02/25/quels-changements-dans-le-capitalisme-dominant/

[Omar Benderra : économiste, ancien président de Banque publique en Algérie. Consultant indépendant, il est l’auteur de nombreux articles sur la politique et l’économie, algériennes. Il est membre de l’association Algeria-Watch]

Au-delà même des transformations enregistrées dans la division internationale du travail avec l’émergence de la Chine en tant que première puissance économique de la planète, la situation actuelle de l’économie occidentale est en grande partie le fruit d’un processus de rupture progressive de la sphère financière avec celle de l’économie réelle, celle de la production des biens et services. C’est une évolution majeure qui a été amorcée au début des années 1970 lorsque le Président Nixon a mis un terme à la convertibilité en or de la monnaie américaine, monnaie de facturation des transactions internationales. Dès lors, les autorités américaines libérées de cette contrainte fondamentale ont pu produire des dollars sans aucune limitation...
La phase inaugurale du découplage entre production et finance est à l’origine des transformations structurelles du capitalisme par le démantèlement graduel des dispositifs réglementaires encadrant les marchés financiers et boursiers aux États-Unis et en Europe. Ces mesures appliquées au début des années 1980 du siècle dernier au motif de la relance d’une croissance en berne, découlent directement de la pensée économique ultralibérale construite notamment sur la réduction drastique des budgets sociaux et des dépenses publiques ainsi que sur l’ouverture la plus large possible des marchés et l’extension des avantages fiscaux en direction des catégories sociales les plus aisées.
Cette doctrine dont les théoriciens les plus célèbres sont Friedrich Hayek et Ludwig Von Mises a constitué l’alpha et l’oméga des « Reagonomics » du nom de l’ancien président des États-Unis, dont Margaret Thatcher a été le très médiatique relais européen. La politique de rupture avec le Keynésianisme qui avait dominé l’après-guerre a libéré les marchés d’un grand nombre de contraintes dans le but affiché de stimuler l’activité, de multiplier les chaines de valeurs, de réduire le chômage, et in fine d’améliorer la performance globale de l’économie. Le Chili de la dictature militaire issue du coup d’état de 1973 a été le laboratoire de cette orientation ultra-libérale prônée et mise en œuvre par des économistes de l’Ecole de Chicago sous l’égide de Milton Friedman.

La financiarisation et les délocalisations. 
La réorientation ultralibérale du capitalisme occidental a coïncidé avec le rétablissement des relations diplomatiques entre Pékin et Washington en 1978, sous la présidence de Jimmy Carter, et les réformes économiques initiées la même année par le Parti Communiste Chinois sous la direction de Deng Xiaoping. Les investisseurs occidentaux s’engouffrent alors dans l’ouverture pékinoise pour délocaliser massivement les secteurs industriels à forte intensité de main d’œuvre et bénéficier des très faibles salaires de travailleurs chinois très nombreux, formés et performants. Et, ce n’est pas le moindre avantage, ces délocalisations sont également favorisées par la stabilité du pays : en Chine « l’ordre » règne et les grèves n’existent pas. Entre 1978 et 2014, sous l’effet des réformes, la croissance économique du pays a été - performance sans précédent - en moyenne de 9,5% annuellement. La Chine est passée en quelques années « d’Atelier du Monde » au statut de première économie globale à l’avant-garde scientifique et technologique.
L’extinction du communisme bureaucratique avec la disparition de l’URSS en 1990 réduit comme une peau de chagrin le périmètre des économies étatisées. Les oligarchies occidentales, débarrassées de la menace d’une remise en question de leur emprise sur les États, ont les mains libres pour imposer des réformes brutales destinées à débarrasser le marché de règles encadrant les transactions, à alléger la charge fiscale sur leurs revenus et à réduire autant que possible les dépenses publiques. Le libre marché s’impose comme la doxa exclusive des pays économiquement avancés. Margaret Thatcher l’avait lapidairement proclamé : « There Is No Alternative », la formule réduite à son acronyme « TINA », a depuis fait florès...
Relayée par le FMI et la Banque Mondiale, la doxa libérale unifie dans la brutalité et ses injustices l’économie mondiale. Le « consensus de Washington » apparu à la fin des années 1980 est la grille programmatique de la conduite « responsable » de toute politique économique. On a pu mesurer l’effet social absolument désastreux, misère et famines, extension des maladies et de l’analphabétisme, de l’application standardisée de ces principes dans de nombreux États en faillite, contraints de se conformer aux très libérales « conditionnalités » du FMI.
A la croisée des millénaires, la délocalisation des activités de production des pays développés du nord vers les économies émergentes, essentiellement asiatiques, s’effectue donc dans le contexte d’une financiarisation accentuée des économies occidentales. La City de Londres et Wall Street sont les centres névralgiques d’économies qui se désindustrialisent au profit du secteur tertiaire et des intermédiations financières de tous ordres. C’est dans le courant des années 1990 que se multiplient les Hedge-Funds, fonds de placement spéculatifs et quasi-banques, dont les plus connus sont domiciliées dans des paradis fiscaux, qui jouent un rôle éminent dans le marché des produits dérivés en collectant et recyclant des capitaux de toutes origines dans la nouvelle économie déréglementée.
Les stratèges occidentaux estiment que le maintien d’une base productive hautement capitalistique à l’avant-garde de l’innovation suffira à maintenir leur suprématie industrielle. Les entreprises technologiques de la Silicon Valley en Californie constituant la référence idéale d’un modèle largement construit autour des secteurs de l’armement et de la sécurité. La nouvelle division du travail est construite sur le maintien des industries « sensibles » aux États-Unis et dans l’Union Européenne. Dans ce dispositif, Israël a été érigé en centre mondial principal de développement de systèmes d’armes avancés et d’espionnage.

Le recul démocratique de l’Occident.
Aux États-Unis et en Europe, l’avantage politique non négligeable des délocalisations massives et de la réorientation vers la financiarisation pour la classe dirigeante occidentale réside dans l’érosion des capacités de négociation de catégories sociales autrefois insérées dans le procès de production classique du capitalisme et créatrices de richesses. La classe ouvrière blanche est en effet la première victime de cette réorientation stratégique. Les partis politiques opposés à l’exploitation et les syndicats voient leur poids électoral et leurs capacités de mobilisation se contracter significativement.
En affaiblissant ces intermédiations et en étouffant les contestations, les oligarchies redéfinissent le champ politique et installent des hommes liges, d’authentiques fondés de pouvoir, à la tête des Etats chargés prioritairement de démanteler les structures de protection sociale qui entravent selon la doxa néolibérale le libre fonctionnement du marché. Cette évolution est parfaitement incarnée par le premier ministre Sunak au Royaume-Uni et le président Macron en France. La concentration de richesses, l’accroissement des inégalités et les fractures sociales générés par la gouvernance néolibérale sont masqués par la montée, dans l’ensemble de l’arc occidental, des populismes identitaires et xénophobes. Dans une surenchère démagogique permanente, ces courants ouvertement soutenus par les oligarchies locales, désignent aux nouvelles catégories précarisées un ennemi, l’étranger, les immigrés, les musulmans, facilement identifiable à mille lieux des responsables réels des difficultés croissantes d’existence dans des régions ou la prospérité était encore il y a peu un avenir envisageable pour le plus grand nombre.  .../...
La crise financière de 2008 a montré la nature et l’ampleur des périls nés de la dérive spéculative incontrôlée de l’économie globale. La catastrophe systémique qui menaçait à la suite de la faillite de la Banque Lehman Brothers à New-York était difficilement jugulée par l’intervention massive et coordonnée des banques centrales qui ont injectés des dizaines (des centaines ?) de milliards de dollars dans le secteur bancaire. Les perspectives, aussi inquiétantes que bien réelles, d’une succession de banqueroutes ont été rapidement identifiées, la réaction rapide des autorités monétaires a prévenu un effondrement général de la confiance et l’asséchement catastrophique du crédit interbancaire. Les moyens de résorption de la crise de 2008 ont permis une sortie de crise sans trop de dégâts, mais l’origine du mal n’a pas été traitée. Le volume des transactions purement découplées des activités de production et d’échange est toujours disproportionné, représentant plusieurs milliers de fois les transactions induites par l’économie de production de biens et services.  .../...
Le flux massif de transactions sans lien avec des échanges ou des investissements offre un paravent efficace aux mouvements de capitaux illicites qui ont besoin d’être blanchis pour être réinjectés dans les circuits officiels. Les montages financiers ad-hoc et les paradis fiscaux, officiellement honnis, sont donc nécessaires au fonctionnement de l’économie libérale globalisée. Les autorités de régulation qui ne l’ignorent pas, déploient une approche sélective afin de maintenir la fluidité des transactions. La financiarisation de l’économie favorise incontestablement les activités mafieuses et les recyclages illicites.  .../...


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France. «La crise des finances publiques est d’abord l’échec de la politique de l’offre menée depuis sept ans» par Bruno Le Maire
10 septembre 2024. Par Romaric Godin

alencontre.org/europe/france-la-crise-des-finances-publiques-est-dabord-lechec-de-la-politique-de-loffre-menee-depuis-sept-ans-par-bruno-le-maire.html

[Romaric Godin : journaliste économique depuis l'an 2000, ancien rédacteur en chef adjoint, au service macroéconomie en charge de l'Europe, pour le quotidien financier français La tribune.fr, il a rejoint Mediapart en 2017. Il suit les effets de la crise en Europe sous ses aspects économiques, monétaires et politiques. Il codirige également aux Éditions La Découverte, avec Cédric Durand, la collection « Économie politique ». Dans son livre: La Guerre sociale en France, il a retracé la façon dont le néolibéralisme a été imposé — non sans compromis — au pays, et comment le macronisme radicalise ce projet économique et politique. L’autoritarisme grandissant qui se déploie sous nos yeux est, analyse-t-il, la conséquence d’un néolibéralisme en crise .../... Mais derrière cette crise du néolibéralisme se trouve en réalité celle du mode de production capitaliste...]

Bruno Le Maire [ministre démissionnaire des Finances] entrera dans l’histoire, c’est une certitude. D’abord parce qu’il aura été le plus long titulaire du ministère des Finances depuis plus de deux siècles. Mais, en politique, record ne signifie pas succès et entrer dans l’histoire ne signifie pas y laisser une marque positive. Avec ces sept ans et quelques mois à Bercy [site du ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique], notre recordman ne peut pas échapper aux conséquences de ses actes.
.../...
Mais, depuis quelques mois, notre conteur est rattrapé par la réalité. La dégradation des comptes publics n’est, en effet, pas l’effet d’une orgie de dépenses du système social ou d’un prétendu financement de la paresse des travailleurs français comme le discours austéritaire le prétend déjà. Sa source est d’abord et avant tout l’échec monumental et complet de la politique même de Bruno Le Maire.
Le ministre est, reconnaissons-lui ce caractère, un homme de conviction. Rien ne le fera dévier de ses certitudes: l’impôt sur les plus riches est un mal absolu, la fiscalité sur les entreprises doit être abaissée et le capital, toujours et partout, doit être aidé. La seule «politique raisonnable» pour lui est la politique de l’offre.
Il en a, au reste, reçu l’hommage appuyé et émouvant du Mouvement des entreprises de France (Medef) lors de leur dernière université d’été, fin août 2024. Patrick Martin, le patron des patrons, l’a félicité, tutoiement à la clé, comme on félicite un employé zélé: «Tu as été un artisan déterminant et déterminé de la politique pro-entreprise.» Et c’est d’ailleurs la seule explication plausible de sa longévité à Bercy, car il est, sur ce point, en accord parfait avec Emmanuel Macron, qui a bien fait comprendre à chacun cet été que la démocratie ne pouvait remettre en cause cette orientation.

Une politique qui ne profite qu’aux détenteurs de capital
L’ennui, c’est que ce sont ces convictions mêmes qui ont conduit à la dégradation du déficit public. Les chiffres sont sans appel: ce ne sont pas les dépenses qui sont responsables de l’état des finances, ce sont bel et bien les recettes. Ces dernières sont, depuis deux ans, en chute libre par rapport aux prévisions, ou plutôt devrait-on dire, aux promesses du gouvernement. Or ce fait est un désaveu de toute la politique de l’offre, c’est-à-dire de la politique dite du «ruissellement».
Rappelons brièvement la logique de cette politique. Elle repose sur l’idée que la croissance est entravée par des «blocages» qui empêchent les entreprises d’investir. Ces blocages, pour aller vite, c’est tout ce qui réduit la rentabilité des entreprises. On y trouve donc les salaires, et c’est l’objet des réformes du marché du travail, mais aussi la fiscalité.
En baissant les impôts sur le capital au sens large, c’est-à-dire tant sur les entreprises que sur les propriétaires des entreprises, on permettrait une augmentation du potentiel de croissance. Et comme la croissance augmente, les recettes doivent suivre et, en conséquence, venir réduire le déficit public. Telle est la promesse des politiques menées par Bruno Le Maire.
Or cette belle mécanique ne fonctionne pas. Le soutien au taux de profit ne se traduit pas par une accélération de la croissance parce que, précisément, la rentabilité ne progresse que grâce au soutien public et à la modération salariale. L’affaiblissement des gains de productivité et la tertiarisation de l’économie rendent de plus en plus difficile de dégager de la plus-value. Il est donc peu attrayant d’investir, alors même que les structures productives demandent de plus en plus de moyens (on le voit notamment avec les dépenses d’informatique qui ont absorbé l’essentiel de l’investissement comptable ces dernières années).
En parallèle, la financiarisation de l’économie permet de placer ces profits accumulés de façon attrayante, d’autant que la réforme de 2018 en France a abaissé l’impôt sur les revenus du capital. En d’autres termes: cette politique ne profite qu’aux détenteurs de capital qui, pour maintenir leur rythme d’accumulation, doivent toujours faire pression sur les salarié·e·s, les consommateurs et l’Etat. Il n’y en a jamais assez puisque la croissance n’est pas suffisante pour maintenir «naturellement» l’accumulation. Il faut donc toujours réduire les impôts en voyant toujours les déficits se creuser.

Persévérer dans l’erreur
L’histoire du passage à Bercy de Bruno Le Maire [en fonction depuis mai 2017] pourrait ainsi se résumer à une suite de propositions de nouvelles baisses d’impôts à laquelle s’est ajoutée une suite de subventions toujours croissante au secteur privé. Le tout pour une croissance déclinante. En résumé, le capital coûte de plus en plus cher et rapporte de moins en moins à l’Etat. Qui peut alors s’étonner que le déficit reste abyssal?
Les chiffres pour prouver ce piège où la politique de l’offre a plongé les finances publiques ne manquent pas. On en citera un. En termes nominaux, le PIB français a augmenté de 101 milliards d’euros environ entre 2018 et 2023. Les dépenses de l’Etat ont progressé de 100 milliards d’euros, soit une évolution proche de celui du PIB. Mais les recettes de l’Etat, elles, ont progressé de seulement 10,8 milliards d’euros, soit dix fois moins. C’est que tout est absorbé par les compensations d’exonérations, donc par le financement des baisses de cotisations et d’impôts.
C’est la preuve que le capital coûte plus cher que ce que son aide ne rapporte. Et c’est ainsi que l’on se retrouve avec ce que beaucoup estiment être un «paradoxe» mais qui n’en est un qu’en apparence: la France affiche à la fois un déficit considérable et des services publics qui se dégradent. C’est simplement parce que le déficit n’est pas lié aux dépenses liées au service public, mais à un Moloch, la politique de l’offre, qui engloutit les milliards et appauvrit tout le monde, sauf les plus fortunés.
Face à ce désastre, Bruno Le Maire n’a pas bougé d’un iota ses convictions. Tout écrivain qu’il est, le ministre est enkysté dans ce qu’il faut bien appeler une idéologie, c’est-à-dire une conviction qui ne saurait être modifiée par le réel. Aussi, lorsque l’échec de sa politique est devenu impossible à dissimuler, il a décidé de lancer un nouveau récit, fort classique au demeurant, celui de l’austérité et de la destruction de l’Etat social. On a ainsi vu le bourreau des finances publiques se mettre à son chevet et réclamer qu’on prenne au plus tôt des mesures de «redressement» fondées inévitablement sur des économies massives. .../...

Vers l’austérité 
L’austérité sert à la fois à ne pas remettre en cause le problème de la politique de l’offre en concentrant le blâme du déficit sur les dépenses, et à détruire l’Etat social, ce qui, directement et indirectement, contribue à faire avancer la marchandisation de la société et ouvre de nouveaux marchés pour le capital. En réalité, l’austérité est aussi une politique de l’offre qui vise à ramener la demande au niveau de l’offre en maintenant le soutien au capital.
Notre ministre démissionnaire n’a donc aucune raison de prendre aucune responsabilité ni de devoir faire face à ses contradictions. Il est, à sa façon, logique. Pour lui, la société est au service du capital et elle doit payer le prix de cette subordination. Si le capital financier réclame des gages et que le capital industriel veut conserver son flux d’argent public, ce sera au pays de s’ajuster.
Il y a donc moins de l’aveuglement qu’une constance remarquable dans une politique de classe dont Bruno Le Maire n’a jamais dévié et que le nouveau premier ministre ne semble pas vouloir remettre en cause. Michel Barnier, «l’Européen» [désigné à la fonction de Premier ministre par Emmanuel Macron, le 5 septembre 2024], ne reviendra sans doute pas sur les nouvelles règles budgétaires européennes, aussi absurdes fussent-elles.
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La France se dirige donc vers une cure d’austérité qui s’annonce particulièrement douloureuse. Le dernier point de conjoncture de l’Insee souligne ainsi que la demande intérieure est au plus faible et que les ménages, inquiets, renforcent leur épargne. Désormais, les entreprises signalant des problèmes de demande sont plus nombreuses que celles signalant des problèmes d’offres.
Se lancer dans ces conditions dans une politique de contraction de la dépense publique, un des derniers piliers de la croissance française, pour maintenir une politique d’offre inefficace, ne peut que provoquer un choc négatif sur l’économie nationale, alors même que la situation politique et sociale est tendue. .../...


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Javier Milei aux abords de la dictature
par Hugo Presman
Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diáspora par : Estelle et Carlos Debiasi
El Correo de la Diaspora. Paris, le 3 octobre 2024.

elcorreo.eu.org/JAVIER-MILEI-AUX-ABORDS-DE-LA-DICTATURE

[Hugo Presman : Journaliste argentin et animateur de l’émission de radio El Tren.]

Ces derniers jours, le président Milei nous a transférés aux abords de la dictature « establishment »- militaire. Une politique visant à démolir l’État, à détruire toute extériorisation de l’Argentine moderne, basée sur une répression qui décourage la moindre velléité de protestation.

En neuf mois, Javier Milei nous a emmenés à la périphérie de la démocratie. Mais ces derniers jours, il a fait un grand pas en arrière (ou en avant pour lui) et nous a transférés dans les banlieues de la dictature establishment-militaire. Une politique visant à démolir l’État, à détruire toute extériorisation de l’Argentine moderne, a besoin d’une répression qui dissuade la moindre velléité de protestation. Les retraités étaient les boucs émissaires ; et une fille gazée, une carte postale pour les mois à venir. Le Pape l’a résumé avec précision : « Au lieu de payer pour la justice sociale, il a payé pour le gaz lacrymogène ».
Le soutien inconditionnel aux forces répressives déchaînées, avec des témoignages filmés de leurs actes de vandalisme ; les mensonges grossiers pour les protéger, ajoutés à la restriction de l’accès à l’information publique ; la création de l’Unité de sécurité productive dépendant du ministère de la Sécurité, avec l’objectif clair d’augmenter le déploiement des forces de sécurité dans les provinces et ainsi protéger les activités extractives telles que les mines et le pétrole d’une éventuelle résistance de la population. Et pour couronner le tout, le président retweetant une vidéo dans laquelle il désigne le kirchnérisme comme un virus transformant ses partisans en zombies, une véritable pratique nazie, nous offre un scénario véritablement alarmant. À cela s’ajoute la tentative progressive de justifier ce qui a été fait par les forces armées pendant la dictature establishment -militaire, afin de les avoir sous la main pour la répression.
La démocratie est née blessée parce qu’elle était le résultat d’une défaite militaire. Même ainsi, après une période atroce, l’énorme distance de vivre avec la mort ou de regarder la vie a fait une différence considérable. Les 40 années de démocratie ont été possibles parce qu’elles reposaient sur un fait historique fondamental qu’était le procès de la junte, le « Plus jamais ça » et l’accord implicite selon lequel les différends politiques seraient résolus sans menacer la vie de l’adversaire. Les Mères et les Grands-Mères [de la Place de Mai] furent un énorme exemple de lutte, de recherche de justice , en excluant de façon explicite de le faire de ses propres mains. Les mères et les grands-mères qu’aujourd’hui le président Milei, qui déconnecte définitivement la langue du cerveau, a disqualifié avec son langage brutal : « Le travail des anciennes terroristes prend fin ».

Pendant quatre décennies, les progrès en matière de droits ont été énormes et nous ont placés en avance par rapport à nombreux pays, mais les fondations économiques étaient fragiles, constamment marquées par de petites avancées durant les gouvernements populaires et d’énormes reculs durant les gouvernements néolibéraux. Lorsque tous les gouvernements sont mis dans le même sac comme s’ils étaient identiques, l’objectif est double : réduire les bénéfices reçus des gouvernements populistes et atténuer les revers et l’appauvrissement dus aux gouvernements qui mettent en œuvre des politiques néolibérales.

La tentative d’assassinat contre Cristina Fernández, précédée par la création d’un climat de violence verbale et symbolique, fut l’autre rupture du pacte démocratique. Laisser Milei synthétiser le déni de la dictature establishment militaire, et son vice-président la revendication des génocides ; et que l’actuel président et Patricia Bullrich, sa ministre de la Sécurité et ancienne candidate présidentielle de « Juntos por El cambio » n’ont pas manifesté contre la tentative d’assassinat de celle qui fut deux fois Présidente, révèle le gigantesque retour en arrière que nous traversons aujourd’hui et la rupture des deux fondements de la démocratie. Le Président ne peut pas répondre s’il est en faveur de la démocratie à chaque fois qu’on lui pose la question, car l’un de ses auteurs les plus loués est Hans Hermann Hoppe, qui a écrit « Démocratie. Le Dieu qui a échoué  », où il s’exprime clairement dans la négation du système démocratique.

Milei et sa sélection d’imprésentables sont prêts. Ils sont convaincus qu’on peut faire des coupes budgétaires à l’infini. C’est pourquoi ils vont de l’avant et il semble que faire preuve de cruauté et la célébrer n’a aucun coût. La phrase bien connue « que les balles ne lui entrent pas » est répétée. Ce n’est pas la première fois que cela arrive et ce qui arrive aussi à d’autres gouvernements : quand ils commencent à entrer, ils font du mal, même à ceux qu’ils n’avaient pas comme cible.
Avec seulement 7 sénateurs et 37 députés, avec la complicité enthousiaste du PRO et la capitulation misérable de presque tous les Radicales, avec un discours basé sur les disqualifications et les insultes, et un langage scatologique aux obsessions sexuelles, qui discipline partisans et adversaires, le Président avance dans sa tentative de ramener l’Argentine à celle de la fin du XIXe siècle, où il situe le paradis perdu d’Adam et Ève, qui dans la version argentine est le paradis oligarchique.
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Milei est un mensonge superlatif. Plagiaire, mythomane, égocentrique, il balance sans vergogne et sans pudeur des données sans aucunes sources, car il manque de pudeur et de honte.
L’industrie, les ouvriers, les retraités, les pauvres, les indigents n’entrent jamais dans ses discours. Il ne peut même pas les verbaliser. Mais les puissants, les millionnaires, entrent bel et bien. C’est pourquoi il ne gouverne que par et pour 5 % de la population. Comme le dit l’essayiste Diego Tatian : « Les puissants en Argentine masquent au nom de la liberté, le déclin de l’égalité ».
Sa présentation du budget rend les choses claires pour ceux qui veulent les voir : l’ajustement est et sera permanent. Tout est subordonné au paiement de la dette et de ses intérêts. Et cela est protégé quelles que soient les vicissitudes de la macroéconomie. C’est pourquoi si le monde, par exemple, devait subir une crise mondiale ou une pandémie, puisque l’État ne doit pas intervenir, puisque seul le marché gouverne et que le surplus ne se négocie pas, le slogan envers les citoyens sera « démerdes toi comme tu peux ».../...

Aux hommes d’affaires, il a dit : « Nous réduisons l’État pour grossir vos poches », ce qui est plus brutal que le message de la dictature : « Réduire l’État, c’est élargir la Nation ».
Si le budget propose une augmentation de 28% pour les universités et de 94% pour le SIDE (NDLR: Services d’Intelligence de l’Etat), il suspend l’article 9 de la loi de financement de l’éducation qui garantissait un financement à hauteur de 6% du PIB, le même que le financement du système national de Sciences. Technologie et Innovation, cela ne laisse aucun doute, même pour ceux qui ne veulent pas voir, ce que sont les véritables objectifs du gouvernement.
Il est tellement amoureux des dernières décennies du XIXe siècle qu’il essaie de surpasser Nicolas Avellaneda (président de 1874-1880) dans ses aspects les plus douloureux, comme lorsqu’il dit : « J’honorerai la dette, en économisant sur la faim et la soif des Argentins ». Cela fait neuf mois. Seul celui qui ne veut pas voir ne voit pas. .../...


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C’est ainsi que l’Occident finira
Par Kasonta Adriel, Michael Brenner
Arrêt sur info — 07 avril 2024

arretsurinfo.ch/cest-ainsi-que-loccident-finira/

*[Michael Brenner est une autorité américaine reconnue sur l’évaluation et la gestion des risques, la politique étrangère américaine, et la géopolitique. Il est Professeur émérite d’affaires internationales à l’Université de Pittsburgh et membre du Center for Transatlantic Relations à SAIS/Johns Hopkins. Michael Brenner a été directeur du programme de relations internationales et d’études mondiales à l’université du Texas. Il a également travaillé au Foreign Service Institute, au ministère américain de la Défense et à Westinghouse. Il est l’auteur de nombreux livres et articles portant sur la politique étrangère américaine, la théorie des relations internationales, l’économie politique internationale et la sécurité nationale.]
*[Adriel Kasonta est un consultant en risques politiques et un avocat basé à Londres. Il est l’ancien président de la commission des affaires internationales du plus ancien groupe de réflexion conservateur du Royaume-Uni: Bow Group. Son travail a été publié dans Forbes, CapX, National Review, National Interest, The American Conservative et Antiwar.com, pour n’en nommer que quelques-uns. Kasonta est diplômée de la London School of Economics and Political Science (LSE).]


L’humiliation de l’Ukraine et la honte de Gaza accélèrent l’éloignement de l’Occident et des autres pays. Il s’agit d’un tournant décisif dans les rapports de force mondiaux.
Alors que les États-Unis sont empêtrés dans les conflits en Ukraine et à Gaza et que la menace d’une guerre avec la Chine se profile à l’horizon, les réflexions et les points de vue du professeur Michael Brenner, sur l’état de l’ordre libéral dirigé par les États-Unis, sont sans doute plus que jamais d’importance et d’actualité.
Dans cette interview de grande envergure et sans tabou, M. Brenner explique comment les États-Unis et l’Occident collectif ont perdu leur autorité morale et leur voie. Propos recueillis le 29 mars 2024 par Adriel Kasonta.

Adriel Kasonta : Malgré ce que nous disent la classe politique occidentale et les sténographes complaisants des grands médias, le monde ne semble pas ressembler à ce qu’ils veulent nous faire croire. La dure réalité sur le terrain, connue de tous ceux qui vivent ailleurs qu’en Europe ou aux États-Unis, est que l’Occident collectif connaît un déclin accéléré dans les domaines politique et économique, avec d’importantes ramifications morales. Pourriez-vous dire à nos lecteurs quelle est la cause profonde de cet état de fait et quelle est la logique qui sous-tend la poursuite de ce suicide collectif ?

Michael Brenner : Je suggère de formuler la question en demandant quelle est la direction causale entre le déclin moral et le déclin politique et économique de l’Occident. En ce qui concerne l’Ukraine, il s’agit d’une erreur géostratégique fondamentale qui a eu des conséquences morales négatives : le sacrifice cynique d’un demi-million d’Ukrainiens utilisés comme chair à canon et la destruction physique du pays, dans le but d’affaiblir et de marginaliser la Russie.
La caractéristique étonnante de l’affaire palestinienne est l’empressement des élites gouvernementales immorales – en fait la quasi-totalité de la classe politique – à donner leur bénédiction implicite aux atrocités et aux crimes de guerre commis par Israël au cours des cinq derniers mois, ce qui a de profondes répercussions sur la position et l’influence de l’Occident à l’échelle mondiale.

À un moment donné, ils parlent fièrement de la supériorité des valeurs occidentales tout en condamnant les pratiques d’autres pays ; à un autre moment, ils se mettent en quatre pour justifier des abus humanitaires bien plus graves, pour fournir à l’auteur de l’acte les armes à détruire pour tuer et mutiler des civils innocents et, dans le cas des États-Unis, pour étendre la couverture diplomatique au Conseil de sécurité des Nations unies.
Ce faisant, ils perdent leur statut aux yeux du monde extérieur à l’Occident, qui représente les deux tiers de l’humanité. Les relations historiques de ces derniers avec les pays occidentaux, y compris dans un passé relativement récent, ont laissé un résidu de scepticisme à l’égard des prétentions des Américains à être les garants de l’éthique dans le monde. Ce sentiment a cédé la place à un véritable dégoût face à cette démonstration flagrante d’hypocrisie. En outre, il révèle la dure réalité : les attitudes racistes n’ont jamais été complètement éteintes – après une période de somnolence, leur recrudescence est manifeste.
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De plus, la rupture qui s’ensuit entre l’Occident et les autres pays se produit à un moment charnière des relations de pouvoir internationales. C’est une époque où les plaques tectoniques du monde politique se déplacent, où les anciennes constellations de pouvoir et d’influence sont remises en question avec succès, où l’Amérique a réagi au sentiment de doute qu’elle éprouvait en tant que guide et superviseur mondial ordonné par des démonstrations compulsives et futiles de flexion musculaire.
L’anxiété et le doute masqués par une fausse bravade sont le sentiment caractéristique des élites politiques américaines. Ce n’est pas un bon point de départ pour reprendre contact avec la réalité. Les Américains sont trop attachés à l’image exaltée qu’ils ont d’eux-mêmes, trop narcissiques – collectivement et individuellement -, trop peu conscients d’eux-mêmes, trop dépourvus de leaders pour procéder à cette adaptation déchirante. Ces appréciations s’appliquent aussi bien à l’Europe occidentale qu’aux États-Unis. Il en résulte une communauté transatlantique diminuée, lésée mais impénitente.

AK : Dans votre récent essai intitulé “The West’s Reckoning ?”, vous avez mentionné que la situation en Ukraine humilie l’Occident et que la tragédie de Gaza lui fait honte. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
MB : La défaite en Ukraine va bien au-delà de l’effondrement militaire des forces ukrainiennes qui se profile à l’horizon. En effet, les États-Unis ont entraîné leurs alliés dans ce qui s’apparente à une campagne visant à affaiblir définitivement la Russie, à la neutraliser en tant que présence politique ou économique en Europe, à éliminer un obstacle majeur à la consolidation de l’hégémonie mondiale des États-Unis.
L’Occident a jeté toutes ses forces dans cette campagne : son stock d’armes modernes, un corps de conseillers, des dizaines de milliards de dollars, un ensemble draconien de sanctions économiques destinées à mettre l’économie russe à genoux et un projet implacable visant à isoler la Russie et à saper la position de Poutine.
L’échec est cuisant à tous points de vue. La Russie est considérablement plus forte sur tous les plans qu’elle ne l’était avant la guerre ; son économie est plus robuste que n’importe quelle économie occidentale ; elle s’est avérée supérieure sur le plan militaire ; et elle a gagné la sympathie de la quasi-totalité du monde en dehors de l’Occident collectif.
L’hypothèse selon laquelle l’Occident reste le gardien des affaires mondiales s’est révélée être un fantasme. Cet échec global a entraîné un déclin de la capacité des États-Unis à façonner les affaires mondiales en matière d’économie et de sécurité. Le partenariat sino-russe s’est désormais installé comme un rival égal à l’Occident dans tous les domaines.
Ce résultat découle de l’orgueil démesuré, du dogmatisme et d’une fuite de la réalité. Aujourd’hui, l’amour-propre et l’image de l’Occident sont marqués par son rôle dans la catastrophe palestinienne. Il est donc confronté au double défi de restaurer son sens de la prouesse tout en retrouvant ses repères moraux.
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La réaction américaine aux manifestations d’un déclin des performances est le déni, accompagné d’une compulsion à se rassurer qu’ils ont toujours la “bonne étoffe” par des actes de plus en plus audacieux. Nous voyons où cela nous a menés en Ukraine. L’envoi inconsidéré de troupes à Taïwan est bien plus dangereux.
Quant à l’Europe, il est évident que ses élites politiques ont été dénaturées par 75 ans de dépendance quasi-totale à l’égard de l’Amérique. Il en résulte une absence totale d’indépendance d’esprit et de volonté. Plus concrètement, la vassalité de l’Europe à l’égard des États-Unis l’oblige à suivre Washington sur n’importe quelle voie politique empruntée par le seigneur – aussi imprudente, dangereuse, contraire à l’éthique et contre-productive soit-elle. .../...


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L’enjeu du conflit mondial : perpétuer ou non l’impérialisme étatsunien
01.09.24 - Samir Saul - Michel Seymour

pressenza.com/fr/2024/09/lenjeu-du-conflit-mondial-perpetuer-ou-non-limperialisme-etatsunien/

[- Samir Saul est docteur d’État en histoire (Paris) et professeur d’histoire à l’Université de Montréal. Son dernier livre est intitulé: L’Impérialisme, passé et présent. Un essai (2023). Il est aussi l’auteur de: Intérêts économiques français et décolonisation de l’Afrique du Nord (1945-1962) (2016), et de La France et l’Égypte de 1882 à 1914. Intérêts économiques et implications politiques (1997). Il est enfin le codirecteur de Méditerranée, Moyen-Orient : deux siècles de relations internationales (2003).
- Michel Seymour est professeur retraité du département de philosophie à l’Université de Montréal, où il a enseigné de 1990 à 2019. Il est l’auteur d’une dizaine de monographies incluant: A Liberal Theory of Collective Rights, 2017; La nation pluraliste, ouvrage co-écrit avec Jérôme Gosselin-Tapp et pour lequel les auteurs ont remporté le prix de l’Association canadienne de philosophie; De la tolérance à la reconnaissance, 2008, ouvrage pour lequel il a obtenu le prix Jean-Charles Falardeau de la Fédération canadienne des sciences humaines. Il a également remporté le prix Richard Arès de la revue: l’Action nationale pour l’ouvrage intitulé: Le pari de la démesure, paru en 2001.]


Un conflit mondial est en cours. Il procède subrepticement, pas à pas, par dose, comme un poison. De péripétie en péripétie, il ne fait que s’aggraver. Ce n’est pas encore une guerre généralisée mais il s’en rapproche à un rythme accéléré. À terme se profile la possibilité d’une guerre mondiale impliquant les affrontements militaires directs entre belligérants de grande taille. On est loin de la légende de la paix perpétuelle, des « dividendes de la paix », de la « fin de l’histoire » et de la mondialisation heureuse répandue par la propagande au lendemain du démantèlement de l’URSS, de la clôture de la Guerre froide, de l’installation de l’unipolarité étasunienne et de l’euphorique triomphe du capitalisme occidental, néolibéral et globalisant. Et on s’en éloigne encore plus tous les jours. Viciée à la base, l’utopie factice se mue en dystopie réelle. De redoutables périls guettent l’humanité. Comment est-on passés du paradis artificiel et de la naïveté infantile des années 1990 à la lourde atmosphère d’insécurité et au pressentiment de malheur d’aujourd’hui ? Quels sont les véritables enjeux de la confuse et périlleuse période que nous traversons sur la scène internationale ? Quelle est la nature exacte du conflit mondial actuel ?
Le démantèlement de l’URSS est une manne inespérée pour le capitalisme occidental. Non seulement le contre-modèle baisse-t-il pavillon, relâchant la pression idéologique et politique qu’il exerçait, mais l’immense territoire de l’URSS et ses fabuleuses ressources naturelles sont désormais à la disposition d’aventuriers de tout poil, locaux et internationaux. L’hégémonie de l’Occident et de son capitalisme surmontait, non sans coûts et remises en question mais avec succès, la plus redoutable épreuve de son histoire. Les États-Unis, dominants depuis 1945, n’avaient pu instaurer une suprématie intégrale car un tiers du monde leur échappait. L’écroulement du bloc socialiste et la fragilisation consécutive du Sud ouvrent enfin la perspective d’un impérialisme planétaire s’étendant au monde entier. C’est la mondialisation américano-centrée, promue à cette époque avec insistance et à grand renfort de moyens comme la voie du bonheur pour l’humanité. Il restait à la faire accepter par le reste du monde. Là, l’affaire n’était pas dans le sac. Consentie par certains, surtout les couches supérieures des sociétés du Nord (Europe, Canada, Japon, Australie-Nouvelle Zélande), sorte de bourgeoisie transatlantique/transnationale qui y trouve son compte, elle ne recueille pas d’adhésion automatique dans les autres sphères de la société ou dans le Sud. Son déroulement se ponctue en trois temps.

La perte des souverainetés
Dans un premier temps, elle comporte des abandons de souveraineté au profit du marché international et de l’hégémon étatsunien. Le nouvel ordre doit être imposé par la force et le diktat. Cela portait l’étiquette trompeuse de « processus de transition mondial vers la démocratie ». Débute dès 1990, une série de guerres et d’entreprises de déstabilisation et de régime: change pour mettre à genou des pays plus faibles mais récalcitrants : Irak (depuis 1990 –   ), Serbie (1992-1998), Venezuela (1999 –     ), Libye (2011), Syrie (2011 à aujourd’hui), comprenant aussi l’encerclement de la Russie par l’extension de l’OTAN, l’occupation de l’Afghanistan et les « révolutions de couleur » réussies ou ratées en Géorgie, en Arménie, en Serbie, en Ukraine, en Biélorussie et au Kazakhstan. En ce qui concerne la Chine, la multiplication de pactes militaires, hostiles, accompagne la « révolution de couleur » à Hong Kong en 2019-2020 (et au Bangla Desh en août 2024), les troubles au Myanmar autour des Rohingyas en 2017 et la déstabilisation du Xinjiang (Sinkiang) stratégique sous couvert de soutien aux Ouïghours.
Une « boîte à outils » est constituée : formation de coalitions d’alliés/vassaux sous l’égide des États-Unis, instrumentalisation de l’ONU quand cela est possible, déchaînement dans les médias mainstream occidentaux jouant leur rôle de mégaphone du pouvoir, prétention à se poser en juges, désinformation, démagogie, diabolisation, ingérences à travers des relais sur place (élites locales, ONG « pro-démocratie », « militants pour les droits de l’homme », organisés et financés de l’extérieur), désordres à grande échelle suivis de coups d’État par des proxys (djihadistes, néonazis, groupes d’extrême-droite), attaques militaires, invasions.
En quête de la domination du monde entier, l’« unique superpuissance » est à l’offensive. Estimant les conditions favorables à cause de la disparition de l’URSS, elle bouscule les structures qui lui barrent la route, devenant le perturbateur numéro un de la scène internationale et un facteur majeur d’instabilité. Ignorant le droit international, elle s’attribue la prérogative d’imposer un « monde basé sur les règles »énoncées par elle selon ses besoins. Les règles s’appliquent sans aucun souci d’uniformité. Tout un tollé a suivi la décision récente de la Géorgie d’exiger l’enregistrement des agents étrangers sur son sol. Son tort allégué serait qu’elle copie une loi russe. Est passé sous silence le fait que cette loi russe n’est qu’une copie des lois occidentales.
Tandis que les néoconservateurs va-t-en-guerre réclament des agressions et des conquêtes urbi et orbi, les aventures expansionnistes se succèdent et les guerres sans fin prolifèrent. La politique étatsunienne calque la politique israélienne de guerre permanente, le lien avec Israël n’étant guère dissimulé chez les néocons. En plein hubris de puissance, les États-Unis font à leur guise, unilatéralement et dans l’impunité, prétextant un statut de pays exceptionnel et indispensable. Le but est de mettre les pays ciblés sous la tutelle des États-Unis. Mais cela s’avère plus difficile que prévu et les échecs sont souvent complets (Irak, Syrie, Afghanistan, Venezuela, Biélorussie, Kazakhstan). Les États-Unis doivent parfois se retirer piteusement (Irak, Afghanistan), ne laissant derrière eux que la destruction, les ruines, la pagaille, la désolation et le chaos qu’ils ont semés, des pays à l’avenir hypothéqué et des foyers d’extrémisme et de terrorisme. La Libye en est un exemple probant.

Triomphe éphémère de l’impérialisme étatsunien (1990-2008)
Les brèches réalisées dans les souverainetés éclatées rendent possible, deuxièmement, une mondialisation américano-centrée de facture impérialiste, parce que basée sur le pompage des richesses du monde au profit des États-Unis, principalement, mais aussi des autres pays occidentaux (voir ci-dessous sur le privilège du dollar). Elle est hiérarchique, avec un sommet étasunien qui contrôle les finances à travers l’imposition du dollar comme de facto monnaie de réserve. Cela permet aux États-Unis d’en émettre librement et gratuitement, tout en aspirant vers eux les flux mondiaux de capitaux qui, autrement, auraient évité une économie aussi déséquilibrée. Avec ces masses énormes de « signes », ils achètent des marchandises de l’étranger. Vivant en rentiers car non productifs, s’engraissant aux dépens des autres par les transferts en leur faveur, ils échangent de la monnaie de singe, soutenue par rien d’autre que la « confiance » en eux, contre des biens réels.
Malgré le fait qu’ils exportent certains produits provenant du complexe militaro-industriel, de Big Pharma, des GAFAM, de l’aérospatiale et des industries pétrolière et gazière, leur déficit commercial est abyssal (773 milliards de dollars en 2023) et mettrait à terre une monnaie normale, adossée à une production avérée. Mais les États-Unis s’en tirent grâce au privilège du dollar. Assis au sommet de la hiérarchie de l’économie mondialisée, ils la contrôlent par des leviers monétaires et financiers, pas par leurs capacités productives. Ils sont les premiers bénéficiaires de la présente mondialisation. Ce système constitue la forme la plus pure et universelle de l’impérialisme que le monde ait connue.  .../...
La production ayant été délocalisée vers des pays à faibles coûts, l’économie des États-Unis est largement financiarisée et parasitaire, n’échangeant que peu ou pas de valeur pour la valeur qu’elle acquiert de l’étranger. Les meilleures sources de profits sont l’« ingénierie financière », la spéculation, les jeux d’écritures, les transactions boursières, les « bulles », les accaparements oligopolistiques, etc. L’enrichissement est rapide et mirobolant car externe à tout système productif et basé sur des opérations purement comptables. Tout repose sur un endettement hors de contrôle. La facilité rend inévitables l’emballement, la surchauffe et les dérives.
Il en résulte en 2008 la plus grave crise économique depuis la Dépression des années 1930, avec répercussions à travers le monde, désormais intégré dans la mondialisation américano-centrée. L’exacerbation des inégalités entre les nations et au sein des sociétés du Nord comme du Sud apparaît clairement. La domination américaine perd toute légitimité, si tant est qu’elle en ait eue. C’est la fin de la fête et le début de la réflexion sur ses risques et ses méfaits. La mondialisation américano-centrée a du plomb dans l’aile. Des idées, telles que la démondialisation et la dédollarisation, ne sont plus impensables. Elles font rapidement leur chemin suite aux « sanctions » imposées contre la Russie en 2022 et, encore plus, à leur échec. La preuve est faite qu’on peut vivre sans la mondialisation et sans le dollar. Les arguments fournis pour la soumission aux États-Unis se dissipent. Les nations reprennent des espaces qu’elles avaient perdus .../...


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Cette communauté de destin entre la Chine et l’Afrique
Par La rédaction de Mondafrique - 8 septembre 2024 - article de Lyazid BENHAMI

mondafrique.com/a-la-une/cette-communaute-de-destin-entre-lachine-et-lafrique/

[Lyazid BENHAMI : de formation économique à Paris 1 -Sorbonne, Lyazid Benhami est cadre au ministère de la Culture [France] (Centre des monuments nationaux). Il est aussi vice-président de l’Association franco-chinoise de Paris, ainsi que vice-président du Comité de mobilisation de la Journée mondiale de la culture africaine. Ecrivain et auteur de plusieurs articles, il vit en France depuis 47 ans, membre fondateur du Groupe de Réflexion sur l’Algérie (le GRAL), il collabore de plus en plus avec des responsables d'investissements de Pékin en France. Etc.]

Le Forum on China-Africa Cooperation, le FOCAC 2024 qui s’est tenu à Pékin entre le 04 et 06 septembre 2024, inaugure un nouveau départ dans la relation sino-africaine. Au-delà des relations existantes et étroites entre l’Afrique et la Chine, notamment dans les domaines économiques, cette rencontre entre les 53 pays africains et la Chine prend une tout autre dimension symbolique et politique. La Chine propose à l’Afrique de construire une communauté de destin.
Pendant le discours d’ouverture du sommet à Pékin, le président Xi Jinping dira : « À nous de rassembler la force des plus de 2,8 milliards de Chinois et d’Africains, de poursuivre main dans la main notre marche vers la modernité et de contribuer, par la modernisation de la Chine et de l’Afrique, à la modernisation du Sud global ».
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Coopération économique et sécuritaire 
La Chine est prête à élargir unilatéralement l’ouverture de son marché et a décidé d’accorder un traitement de zéro droit de douane pour 100% des produits aux pays les moins avancés ayant établi des relations diplomatiques avec elle, y compris 33 pays africains. Elle devient ainsi le premier grand pays en développement et une des principales économies mondiales à mettre en œuvre cette mesure, faisant de son grand marché une grande opportunité pour l’Afrique.
Voici une initiative chinoise innovante. Elle va conforter les échanges et permettre aux pays émergents de devenir compétitifs, et de se développer. Les pays d’Afrique vont ainsi s’initier au commerce international, s’insérer et s’intégrer dans un ensemble économique dynamique et durable.  .../...
La Chine souhaite mettre en œuvre 30 projets d’infrastructure en Afrique, en créant un réseau interconnecté sino-africain par voie terrestre et maritime. La Chine fournira également une aide alimentaire d’urgence de 1 milliard de yuans, et mettra en place une zone de démonstration agricole standardisée. Elle s’engage à envoyer 500 experts agricoles, et établir une alliance sino-africaine pour l’innovation scientifique et technologique. 500 projets publics seront également mis en œuvre.
Dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et de la Vision 2035 pour la coopération sino-africaine, la clé de la réussite de cette relation sino-africaine réside dans le dialogue et le respect des engagements mutuels.
La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) revêt une grande importance, et la mise en œuvre complète de l’accord de libre-échange continental africain augmentera la valeur ajoutée, créera des emplois, et favorisera le développement économique de l’Afrique. La Chine soutient l’intégration commerciale de l’Afrique et continuera d’appuyer la construction complète de la ZLECA ainsi que l’utilisation généralisée du système panafricain de paiement et de règlement.

Une monnaie commune envisagée 
Faciliter la libre circulation des biens et des services dans la Zone de libre-échange continentale africaine, et promouvoir son extension, permettra l’émergence d’un grand marché continental structuré.  Il permettra à terme l’intrusion d’une monnaie d’échange stable et peut-être à terme commune ?
Pour saisir les opportunités de la nouvelle révolution technologique et de la transformation industrielle, la Chine se dit prête à s’associer à l’Afrique pour accélérer le développement des capacités de production et renforcer l’innovation scientifique et technologique tout en favorisant l’intégration profonde de l’économie numérique et de l’économie réelle. La Chine permettra à l’Afrique de se développer rapidement et de bénéficier des nouvelles innovations. Le transfert de technologie apportera à l’Afrique un saut en qualité et en compétitivité.  
Sur le plan du partenariat pour la sécuritaire commune, la Chine tend à favoriser une action globale : « Elle fournira à la partie africaine des aides militaires sans contrepartie d’un milliard de yuans RMB, formera pour l’Afrique 6 000 professionnels militaires et 1 000 agents de police et d’application de la loi et invitera 500 jeunes officiers africains à venir en visite en Chine. Elle travaillera avec l’Afrique à mener des exercices, entraînements et patrouilles conjoints entre les armées chinoise et africaines et à mettre en œuvre l’action de déminage pour l’Afrique en vue de préserver ensemble la sécurité des projets et des personnels ».
Afin de soutenir et de mettre en œuvre tous ces projets d’avenir, la Chine envisage d’accorder à l’Afrique « un soutien financier de 360 milliards de yuans RMB dans les trois ans à venir, y compris 210 milliards de yuans RMB de ligne de crédit, 80 milliards de yuans RMB d’aides sous différentes formes et au moins 70 milliards de yuans RMB d’investissements d’entreprises chinoises en Afrique. La Chine encouragera et soutiendra également l’émission par la partie africaine d’obligations Panda sur le marché chinois ».

Le multilatéralisme en commun
Sur le plan international la plupart des pays africains et la Chine font du multilatéralisme, la colonne vertébrale de leur politique extérieure. Le sommet du FOCAC 2024 qui vient de se clôturer confirme cette voie. Plus encore qu’hier, le Sud global se densifie et exige des améliorations et des changements profonds dans la gouvernance mondiale.
La Chine soutient les pays africains dans leur quête d’un plus grand rôle dans cette gouvernance mondiale, notamment pour résoudre les problèmes mondiaux dans des cadres inclusifs. La Chine estime que les Africains ont tous les mérites pour occuper des postes de direction dans les organisations internationales, et soutient leur candidature. La réforme des institutions financières multilatérales est un sujet récurrent que la Chine et l’Afrique tendent de porter conjointement, notamment la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, en appelant à une révision des droits de vote et des parts au sein de ces institutions, afin d’accroître la représentation des pays en développement et d’améliorer l’équité du système financier international.
En réitérant les principes d’une justice internationale, du droit au développement et à la paix en faveur des pays émergents, en soutenant et en portant la voix des pays africains au sein des instances internationales, la Chine qui appartenait hier au groupe des Pays Non Alignés, affirme aujourd’hui fermement son positionnement dans le Sud global au côté de l’Afrique.  .../...


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L’entrée de l’Ukraine dans l’UE : les véritables conséquences économiques
publié le 07/05/2024 Par Frédéric Farah

elucid.media/politique/entree-ukraine-union-europeenne-veritables-consequences-economiques?mc_ts=crises

[Frédéric Farah : Économiste, professeur de sciences économiques et sociales, enseignant-chercheur à l'université Pantheon-Sorbonne (Paris 1), chercheur affilié au laboratoire PHARE, il est l'auteur de "Fake State : l'impuissance organisée de l'État français", "TAFTA: l'accord du plus fort", "Introduction inquiète à la Macron-économie", et "Europe : la grande liquidation démocratique".]

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a ouvert de nombreuses crises et des défis nouveaux pour l’Union européenne. L’opération militaire russe a déclenché une crise énergétique sans précédent entraînant une augmentation préoccupante des prix de l’énergie. À cette occasion, l’Union européenne réalisait avec retard que la fixation du prix de l’électricité dans son marché intégré était source de bien des difficultés. C’est aussi une crise agricole, tant l’Ukraine est un producteur important de céréales. Enfin, une crise militaire est venue noircir le tableau, tant l’Union européenne peine à apporter des moyens militaires suffisants pour soutenir l'effort de guerre ukrainien. Là encore, l’UE découvrait qu’elle avait fait un adieu trop rapide aux industries de défense. Et ce cocktail détonnant agit négativement sur la croissance économique du continent.

Toutes ces crises obligent l’Union européenne à engager, dans la précipitation, de nombreux efforts de réforme dans un cadre budgétaire contraint. Elle doit repenser l’organisation de son marché de l’énergie et son mix en la matière pour restaurer sa souveraineté, envisager une Europe de la défense alors que, plus que jamais, l’OTAN semble être l’outil de référence en matière militaire, et revoir toute son organisation agricole. Tout cela dans un contexte qui est marqué par une montée de l’extrême droite sur le continent et des élections européennes à haut risque pour bon nombre de partis de gouvernements au pouvoir dans les différentes nations européennes.
Mais la liste des défis ne trouve pas de clôture, car l’Union européenne vit à l’heure des élargissements futurs : demain l’Union s’envisage à 30 et même davantage... Dans ce cadre, l’Ukraine souhaite rejoindre l’Union voire l’OTAN tant elle est en quête de débouchés économiques, politiques et stratégiques. L’Ukraine a mesuré l’ampleur de sa vulnérabilité et cherche plus que jamais à s’assurer des partenariats solides.
Mais la volonté ukrainienne de rejoindre l’Union européenne ne surgit pas de nulle part. L’économie ukrainienne était avant le début du conflit déjà pour partie intégrée aux chaînes de valeurs de l’Union, et était au centre d’un accord de coopération qui a largement fait débat.

L’Union européenne et l’Ukraine : une intégration économique déjà à l’œuvre 
Avant le conflit avec la Russie, l’Ukraine était déjà largement inscrite dans les échanges avec l’UE. En 2017, les deux parties ont signé un accord de libre-échange approfondi dont la ratification devait intervenir plus tôt, mais qui a connu de nombreuses vicissitudes politiques en raison des opinions contraires des gouvernements qui se sont succédé à Kiev. Cet accord a fait l’objet de débats dans l’Union européenne, puisque les Pays-Bas en 2016, à la suite d’une consultation référendaire, ont rejeté ce traité.
En 2022, le commerce total de biens entre l’Union européenne et l’Ukraine s’élevait à 57 milliards d’euros. Les principales exportations de l’Ukraine vers l’UE en valeur sont les céréales (16,5 % des exportations totales), les graines oléagineuses (11,7 %), les graisses et huiles animales ou végétales (10,7 %), le fer et l’acier (9,3 %) et enfin les minerais (8,4 %).
La guerre que subit l’Ukraine a de facto encore plus arrimé l’économie de ce pays à l’UE. Ainsi, 53,6 % de ses exportations ont pris la direction de l’Union en 2022, contre seulement 39,1 % en 2021. Cette intensification des échanges a été rendue possible par des choix conduits par Bruxelles. En effet, la Commission a suspendu en juin 2022, pendant plus d’un an, les droits d’importation venant de l’Ukraine et les mesures anti-dumping dans le secteur de l’acier. Les importations d’œufs, de volailles, d’oléagineux, de céréales ont crû considérablement, provoquant l’inquiétude de pays comme la Hongrie ou encore la Pologne quant à l’avenir de certaines de leurs filières agricoles.
D’autres secteurs jouent un rôle clef en lien avec les économies européennes, comme l’informatique et l’automobile. Le secteur informatique ukrainien est en pleine croissance et continue de fonctionner malgré le conflit. Il se fonde sur l’exportation de services. Si ce secteur était durablement touché par le conflit, les conséquences sur le numérique européen se feraient sentir.
Les entreprises ukrainiennes s’inscrivent dans les chaînes de valeur européenne dans le domaine, en assurant de la sous-traitance par exemple. D’ailleurs, la Commission européenne a associé l’Ukraine dans différents programmes pour continuer le développement du numérique dans ce pays malgré la guerre en cours. En outre, des composantes significatives pour la fabrication des automobiles européennes proviennent aussi de l’Ukraine.
Ce sont également les Ukrainiens qui, pour des raisons de sécurité, ont pris le chemin de l’Union : environ 8 millions d’entre eux y résident désormais. En somme, l’économie ukrainienne est largement intégrée à l’économie européenne et la guerre a provoqué une accélération de ce processus, quoi qu'on en pense.

L’Union européenne confrontée au défi de la probable adhésion de l’Ukraine 
Le 28 février 2022, dès le début de la guerre, le président ukrainien a demandé officiellement l’adhésion de son pays à l’Union européenne. Le processus pourrait prendre une quinzaine d’années.
Sans évoquer l'Ukraine, les élargissements qui sont à l’agenda de l’Union européenne suscitent d’ores et déjà des inquiétudes sur le fonctionnement des institutions et sur le caractère de plus en plus hétérogène de l’Union. Les risques de paralysie et de dislocation de l’Union sont à l’esprit. Des pays qui disposent de législations sociales différentes, de normes salariales moins généreuses laissent entrevoir une concurrence déloyale et des logiques de dumping. La candidature de l’Ukraine nourrit les mêmes interrogations.
Face à un risque de défaite militaire de plus en plus évident – tant la situation sur le terrain lui apparait désormais défavorable – le fait de lui refuser l’accès à l’UE pourrait sembler difficile à entendre de prime abord. Mais d’autres considérations tout à fait légitimes sont aussi mises en avant, tant cet élargissement n’est pas sans poser de nombreuses difficultés et risques socio-économiques.  .../...
L’entrée de ce pays interroge aussi les moyens de l’Union européenne pour répondre aux écarts croissants qui existent entre les différents États membres et particulièrement les derniers d’entre eux. Le marché unique, tel qu’il fonctionne, fabrique de l’hétérogénéité depuis le début de son existence. Il a largement renforcé la domination des pays les plus industrialisés du continent.  .../...
Aujourd’hui, l’Union européenne doit plus que jamais s’interroger sur son devenir qui a toujours hésité entre fédéralisme, retour aux nations ou encore dislocation dans une vaste zone de libre-échange. Les nouveaux élargissements obligent en amont à une réforme des institutions et à la naissance d’une Union européenne en cercles concentriques composés d’États désireux d’aller plus loin dans une intégration non seulement économique, mais aussi sociale. Les fuites en avant vers des élargissements mal pensés nuisent à l’avenir de cet ensemble institutionnel et nourrissent les dynamiques favorables à l’extrême droite.








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Article 2

Envoi personnel du 27/06/2024 d'un article par Yaressua DNOMYAR






Photo de gamins de Gaza, transportés sur brancard au milieu des ruines.

Photo enfants de Gaza dans le gris, au milieu de ruines.


UN ENFANT GAZAOUI N'EST PAS UN HUMAIN
 
 
 

Un enfant palestinien de Gaza n’est plus tout à fait un être humain.  D’ailleurs, le ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, ne l’a-t-il pas affirmé dans une envolée lyrique : « les Palestiniens sont "des animaux humains" » au titre desquels, forcément, les  enfants, des Palestiniens adultes en devenir.
Le général américain Philip Sheridan ne s’y était pas trompé, lui non plus à propos d’un autre peuple, les Indiens. Il avait compris que « The only good Indians I ever saw were dead. », à savoir: « les seuls bons Indiens que  j’ai  toujours vus étaient (des Indiens) morts. ». Nous étions au mitan du XIXème siècle et l’on voit que le genre humain n’a guère évolué. Simpliste et radical, au-delà, horrifique.
A l’évidence, ce ministre israélien n’a pas osé reprendre, de cet unioniste, cette phrase dont la signification est certes contestée par des historiens, mais qui fleure bon la pensée, en son temps, des colonisateurs occidentaux et malheureusement trop souvent des colonisateurs en général. Au titre desquels on ne saurait ignorer les Israéliens par leur accaparement continu des terres que l’ONU (Organisation des Nations Unies) ne leur reconnaît pourtant pas (voir les  nombreuses  résolutions à ce  propos  242 – 252 – 607 – 2334, etc…). Ce que le gouvernement israélien n’a que faire, en vérité ; puisqu’il continue à coloniser à tout va sous les plus fallacieux prétextes, renforcé dans cette démarche par la Cour suprême israélienne qui le plus souvent la valide.

On pourrait imaginer qu’un enfant du monde, quelle que soit sa nationalité, son lieu de naissance, ou l’identité de ses parents, si on se réfère à la convention internationale des droits de l’enfant de l’UNICEF  (Fonds des Nations Unies pour l'enfance), soit par essence un humain fragile que nous devons tous protéger. Il semble que dans le cas des petits Palestiniens, il y ait une exception.
En France, la récente actualité, où la prise de parole en faveur des Palestiniens et par suite de leurs enfants est bafouée, pose un gros problème d’application des droits énoncés par l’UNICEF.  
Dès qu’un député, une personnalité ou un individu lambda ose se prononcer en faveur d’un arrêt immédiat de ce quasi génocide exercé par Israël sur Gaza en dénonçant l’inaction du gouvernement français, voire de sa passive complicité, il est taxé d’islamo-gauchiste et même d’antisémite !

Que ne pourrait-on dire alors de feu Monsieur Robert Badinter, ce courageux d’entre les courageux qui s’est battu avec obstination et cohérence contre la peine de mort qui était en général prononcée contre des assassins de femmes, des tueurs d’enfants, des criminels… Il était leur complice ? Il approuvait leurs meurtres ? Il applaudissait leurs exploits ?  
Et comme la majeure partie des chrétiens était aussi contre cette abomination (souvent pour d’autres raisons que celles défendues par Badinter), n’était-il pas complice de l’Eglise. Une sorte de gaucho-christianiste avant l’heure ?
Les médias, dont on a pris l’habitude de leurs partis-pris populistes et normatifs, proches des discours gouvernementaux, déclarent ainsi que LFI (La France Insoumise) tient une posture islamo-gauchiste en soutenant la cause palestinienne. A ce propos, soutenir Israël dans sa folle quête de « pacification » de la Palestine, est-ce une posture judaïco-droitiste ?   
Ce qualificatif d’« islamo-gauchiste » est  validé, aux dires de ces médias, par le fait que l’Iran, à travers la parole de son dirigeant Ali Hossaini Khamenei, approuve la position de ceux qui en France s’élèvent contre la tuerie perpétrée en Palestine par l’armée israélienne.
Ben oui ! Le Hamas est soutenu par l’Iran, il en est même semble t-il une pure émanation. Donc, le mollah soutient le Hamas. Et se faire féliciter par le mollah prouve les accointances de LFI avec l’islamisme: dont on sait la grande tolérance, et même avec le Hamas bien connue comme association caritative tout aussi imprégnée de tolérance, le pacifisme en plus.
 
Quelle logique binaire !  
Mais elle ne fonctionne que dans un certain sens pour ces médias. Elle ne s’applique plus dans certains cas, sans doute l’amnésie due aux partis-pris.
Pour mémoire, il existait un parti politique fort en Palestine. Un parti qui ne représentait pas l’Islam et se présentait comme un parti laïc, le Fatah. Ce parti issu de la mouvance Arafat au sein de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine), n’est pas un parti aux mains très propres, certes, mais il ne véhicule pas les relents antisémites très en cours au sein du Hamas.
Et qui s’est évertué à systématiser la victoire du Hamas face au Fatah lors des élections au sein des instances palestiniennes depuis de nombreuses années ? Entre autre, Benyamin Netanyahou. Avons-nous entendu dire un seul de ces médias que ce dernier était un vilain islamo-droitiste ?

Pendant ce temps, sous les bombes américaines, françaises et d’autres pays glorieux, des enfants palestiniens meurent chaque jour à Gaza. Est-il encore temps de polémiquer sur une juste cause, celle des enfants, celle-là même que contestent les médias ? Mais il est vrai que les Palestiniens sont d’abord des animaux sous leur apparence humaine. Ce ne sont donc plus vraiment des enfants qui meurent que protège normalement, la convention de l’UNICEF.
On peut aller jusqu’où pour taire l’ignominie ? Le massacre du Hamas, mouvement terroriste par excellence, ne justifiera jamais, jamais, le crime organisé par Israël contre les enfants de Gaza.

Il est temps de se réveiller !
Les Français devraient avoir honte de leurs médias et s’élever tous contre ce massacre.


Yaressua DNOMYAR







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Article 3

 Envoi personnel du 25/06/2024 d'un article par Appel Janvier 2024
( Collectif de citoyen·es juives et juifs : blogs.mediapart.fr/collectif-de-citoyen-es-juives-et-juifs )
 Sites : appeljuin2024.org/ ou appeljanvier2024.org/






Image composée de médecin portant enfant blessé sur fond drapeau palestinien.

Crédit image pour Palestine Action Group Sydney.

Photo de manifestants en faveur de la cause palestinienne.

Crédit image pour Lionel BONAVENTURE / AFP.


INSTRUMENTALISER L'ANTISÉMITISME EST CONDAMNABLE
*
« Instrumentaliser l’antisémitisme au lieu de combattre l’extrême-droite est indigne et dangereux »
 
 
Appel Tribune Gaza : réponse à CRIF et alliés
 


Avant-propos :

Cet appel à s'exprimer publiquement en se revendiquant de notre origine juive n'a rien d'une démarche communautaire, et encore moins communautariste. Il s'agit de dénoncer l’instrumentalisation de l’antisémitisme dans le cadre de la campagne électorale en affirmant que cela ne se fait « Pas en notre nom ».


Tribune :

Alors que le danger de voir le Rassemblement national accéder au pouvoir n’a jamais été aussi grand que depuis la dissolution surprise du 9 juin dernier, différents apprentis sorciers ont choisi d’instrumentaliser l’antisémitisme pour attaquer la gauche et les écologistes par un détournement de sens invraisemblable.

Ainsi, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), le Fonds social juif unifié (FSJU), le collectif "Nous vivrons" et la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) ont dénoncé l’alliance des partis de gauche et des écologistes au sein du nouveau Front populaire en la qualifiant de "honte" et d’"accord infâme" au prétexte qu’elle inclut la France insoumise (LFI) accusée d’antisémitisme par ces organisations.

En amalgamant critique de la politique israélienne et juste soutien aux droits légitimes du peuple palestinien avec l’antisémitisme, on en vient à s’opposer à l’indispensable combat de tous les démocrates contre le Rassemblement national (RN). De tels amalgames nourrissent l’antisémitisme, comme l’assimilation de tout musulman au Hamas ou au Djihad islamique nourrit l’islamophobie et le racisme anti-arabe.

Dans leur litanie contre ce qu’ils appellent "les extrêmes" qu’ils renvoient dos à dos, Emmanuel Macron, ses ministres et ses candidats, accusent eux aussi "l’extrême-gauche" d’antisémitisme, n’hésitant pas à enrôler Léon Blum dans leurs accusations diffamantes qui sont reprises dans de multiples déclarations et véhiculées à l’envi à travers plusieurs médias.

Nous, citoyennes et citoyens juives et juifs, dont l’histoire nous a appris ce qu’est l’antisémitisme, condamnons les accusations d’antisémitisme infondées contre LFI et les différents partis du nouveau Front populaire. Nous récusons cette falsification de la réalité politique qui rejoint les falsifications de l’histoire.

Cette instrumentalisation de l’antisémitisme est condamnable à de nombreux titres.

D’abord parce qu’elle dédouane l’extrême-droite dont l’histoire et les racines sont indissociables du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie.

Ensuite parce qu’elle empêche la constitution d’une digue capable de faire barrage au RN.

En troisième lieu parce qu’elle vise à briser l’alliance des gauches et des écologistes - une rupture qui ne profiterait qu’à l’extrême droite -, et parce qu’elle tente ainsi de détruire la seule alternative crédible et souhaitable à ce risque majeur pour la liberté, l’égalité, la fraternité, pour la démocratie.

Enfin parce qu’elle sabote le combat contre les résurgences de l’antisémitisme en France et en Europe, un combat crucial, inséparable de la lutte contre les autres formes de racisme.

Certaines et certains ont été heurtés et ont été en désaccord avec telle déclaration ou telle prise de position de certains militants ou responsables de LFI ou des autres partis du nouveau Front populaire. Pour autant, nous refusons de cautionner des accusations politiciennes, et l’instrumentalisation d’antisémitisme qui vise à délégitimer plutôt qu’à débattre.

Comme tous les racismes, l’antisémitisme est un délit qui tombe sous le coup de la loi. Or, aucun dirigeant ou élu des partis composant le nouveau Front Populaire - dont le programme affirme : "l’antisémitisme a une histoire tragique dans notre pays qui ne doit pas se répéter. Tous ceux qui propagent la haine des juifs doivent être combattus" - n’a été condamné pour ces faits, à l’inverse de nombreux responsables du FN ou de Reconquête et aucune plainte pour antisémitisme n’a été diligentée contre un responsable de gauche ou de l’écologie politique.

Que le RN soutienne désormais le gouvernement israélien et la colonisation dans les territoires occupés ne change rien à sa nature profonde. C’est toujours à l’extrême-droite que les préjugés et actes racistes, anti-arabes et antisémites en particulier, sont les plus répandus, comme en témoignent avec constance les rapports annuels de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH).

La lutte contre l’antisémitisme et contre tous les racismes est un combat fondamental. Il ne peut pas, il ne doit pas, être dévoyé par des jeux politiciens.

Citoyennes et citoyens juives et juifs, nous considérons de notre devoir historique, tant au nom de nos mémoires individuelles et collectives, que vis-à-vis de l’Histoire et de l’avenir, de faire barrage à l’arrivée au pouvoir du RN. Là est l’urgence, là se mène le vrai combat contre l’antisémitisme et tous les racismes.
 


Collectif de citoyen·es juives et juifs
blogs.mediapart.fr








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Article 4

Signalement personnel le 07/07/2024 d'un article par Alain SAGAULT
Site :  ateliersdartistes.com






Image pour symboliser raisonnement idiot.

Image pour symboliser importance du choix électoral.


TOUS RESPONSABLES !
 
 
 

Envie en ce jour d’élections de ne pas se contenter de voter. Envie de dire ce qu’on ressent devant l’effondrement en cours. La dissolution, c’est aussi celle de notre société, de nos institutions, de notre vision du monde.

Il n’y a plus de démocratie parce qu’il n’y a plus de citoyens. Il n’y a plus que des consommateurs, spectateurs de la politique comme de tout le reste. J’exagère ? Si peu !
Il n’y a plus de démocratie parce qu’il n’y a plus d’hommes politiques. Il n’y a plus que des commerciaux, chargés de vendre la politique, comme tout le reste, aux consommateurs.
Ce qui veut dire entre autres que plus personne n’est responsable, ni les consommateurs, ni les vendeurs. Un commercial, son boulot n’est pas de vendre de la qualité, il est de vendre. Peu importe la qualité du produit, ce qui compte, c’est de te le vendre, et le plus cher possible.
Ainsi fonctionne la politique depuis de trop nombreuses années : comme de la publicité mensongère. Dans ce système de marketing vérolé, les bateleurs cyniques et corrompus comme Trump ou Macron l’emporteront toujours sur les êtres humains honnêtes, sur ceux qui ont des idéaux, qui veulent créer plutôt que (se) vendre.

Les principaux membres de l’actuelle génération de politiciens sont avant tout des commerciaux : Macron, Attal, Bardella, même combat. Uniquement motivés par l’argent et le pouvoir, directement inféodés aux puissances d’argent, prêts à vendre leur mère ou à l’épouser pour arriver à leurs fins, leur seule compétence est celle du baratin formaté des « éléments de langage », leur seule doctrine le remplacement de la vérité des faits par le mensonge de la fake réalité. Des vendeur de moulinettes à gruyère – bien moins amusants que les vrais.
Et face à ces vendeurs de fausse monnaie, le citoyen auto-castré consomme. Achète les belles paroles et les mensonges, s’en persuade d’autant plus facilement que la médiocrité du discours politique rejoint la sienne propre. Car les vendeurs fournissent toujours au consommateur la nourriture qu’il réclame. Il n’y a pas de drogue sans drogués…
Et on veut nous faire croire que le consommateur ne serait pas responsable de ses choix ?

On commence à nous expliquer que le vote RN n’est plus un vote fasciste. Il est tout à coup devenu la juste expression du ras-le-bol de braves gens qui ne savent plus à quel saint se vouer et prennent un fan de jeux vidéos pour le Sauveur. « Certes, le RN est un peu d’extrême-droite, mais il a changé et c’est vrai qu’on ne l’a jamais essayé, alors il faut comprendre tous ces bons français légèrement myopes qui voient en ce parti l’espoir d’un retour à un passé idyllique. »
Nouvelle petite chanson, bien consensuelle : on ne doit pas condamner ceux qui votent RN, ils sont malheureux, déboussolés, c’est pas de leur faute.
Quoi de plus méprisant que ce « C’EST PAS DE LEUR FAUTE » ?
Les citoyens-consommateurs sont-ils incapables de réfléchir de se renseigner, de discuter ? Les chômeurs n’auraient pas le temps de penser ? Les gens qui ont des CDD de deux heures par semaine n’ont pas le temps de se demander ce qui se passe réellement ?
Dire C’EST PAS DE LEUR FAUTE , c’est se foutre ouvertement de leur gueule, c’est leur trouver une excuse bidon, c’est les encourager à rester dans le déni où ils se réfugient.
Nous sommes toujours responsables de notre propre connerie, rien ne nous oblige à ne pas réfléchir.
Oui, le système nous manipule de son mieux, non, nous ne sommes pas impuissants face à lui. Nous sommes impuissants parce que nous décidons de l’être, nous sommes impuissants par paresse, par sottise, par lâcheté.
C’est ça qu’il faut dire à ceux qui veulent essayer le fascisme parce qu’ils n’ont pas envie de prendre leur destin en main et de se battre pour leur liberté.

Non, les irresponsables qui votent RN ne sont pas innocents, ils savent très bien qu’ils le font par veulerie, pour se décharger de leur responsabilité de citoyen et d’être humain, et pour pouvoir continuer à consommer tranquillement, sourds à tout ce qui dérange leur petit inconfort, pour ensuite venir se plaindre qu’ils ne savaient pas, pire qu’ils ne pouvaient pas savoir.

Mais de qui se moquent-ils, eux aussi ?
Se réfugier dans le déni n’a rien d’innocent.
Quand quelqu’un se conduit comme un con, le meilleur service qu’on puisse lui rendre, c’est de le lui dire, aussi gentiment que possible. Et surtout pas de l’encourager à persister dans la connerie en lui disant que ce n’est pas de sa faute, qu’il n’est pas responsable.
N’en déplaise à une classe politique sans éthique ni courage, nous sommes tous responsables, et nous sommes tous coupables du désastre économique et politique actuel.
Pire, nous sommes responsables et coupables du désastre écologique en cours, qui renverra bientôt nos petites secousses politicardes à leur insignifiance, à leur aveuglement et à leur ignominie.
Quant aux électeurs du RN, ils sont d’ores et déjà responsables et coupables de toutes les saloperies de ce parti depuis sa naissance, et de toutes celles qu’il commet aujourd’hui et commettra demain si une majorité d’entre nous se montre assez criminellement stupide pour lui donner le pouvoir.
Ça ne nous suffit donc pas d’avoir eu la stupidité de porter à la Présidence de la République, à deux reprises, un jeune serviteur de la finance mondialisée, bouffi d’orgueil et dépourvu de toute empathie ?



Alain SAGAULT
ateliersdartistes.com







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Article 5

Envoi personnel du 19/09/2024 d'un article par Rogue ESR
Site : rogueesr.fr






Image pour symboliser barnum médiatique, post-démocratique...

Image composée de visage diabolique et de programme antisocial...


BARNUM POST-DÉMOCRATIQUE
 
 
 


Dossier concerné : rogueesr.fr/category/billets/


« Le racisme est la pire plaie de l’humanité. Il triomphe quand on laisse le fascisme prendre le pouvoir. »
Lucie Aubrac

Nous reviendrons dans de prochains billets sur les questions propres à l’Université et la recherche, et en particulier sur les conséquences de l’austérité budgétaire qui s’aggrave. Nous consacrons ce billet à deux questions dont on verra qu’elles éclairent aussi la nature de la nouvelle bureaucratie du supérieur. Pourquoi l’alliance entre la minorité présidentielle et l’extrême-droite était-elle si évidente que nous l’avions anticipée dans chacun de nos billets récents ? En quoi la bascule dans la post-démocratie est-elle directement liée à la situation économique ?

« En France, au scrutin des élections, il se forme des produits politico-chimiques où les lois des affinités sont renversées. »
Honoré de Balzac

Les élections législatives ont montré le très fort rejet de la politique économique et sociale menée par la droite managériale et le rejet tout aussi fort de l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite national-identitaire. Pourtant, après d’autres pays européens, c’est au tour de la France de voir une coalition entre les néolibéraux et l’extrême-droite, par l’entremise des néoconservateurs, arriver au pouvoir — s’en emparer, plutôt. Ce n’est pas une surprise ; avant les élections, nous avions analysé les logiques de situation qui poussaient à une alliance de gouvernement entre l’extrême-droite et la minorité présidentielle :
Étonner la catastrophe
rogueesr.fr/20240619-2/


Il n’y a pas un mot à changer. La presse internationale a unanimement souligné la gravité de l’effondrement moral et démocratique qui a eu lieu pendant l’été : l’illibéralisme de M. Macron a parachevé la bascule vers la post-démocratie. On qualifie de post-démocratique un régime qui obéit aux caractéristiques suivantes : la subsistance d’élections qui se traduisent institutionnellement par des politiques contraires à la volonté majoritairement exprimée ; des violations répétées de l’État de droit et de la séparation des pouvoirs, et un piétinement des libertés publiques ; l’effondrement de tout espace public de délibération et de pensée au profit d’un brouillard de confusion et de désillusion généré par manipulation médiatique directe et par diffusion des sottises incohérentes produites en retour.

« La France est un pays qui adore changer de gouvernement à condition que ce soit toujours le même. »
Honoré de Balzac

Si M. Macron a refoulé le vote antifasciste de son électorat, c’est avant tout en raison de la situation macro-économique. L’Express rapporte ainsi ses propos : « Si je la nomme, elle ou un représentant du NFP, ils abrogeront la réforme des retraites, ils augmenteront le Smic à 1600 €, les marchés financiers paniqueront et la France plongera. [...] Une crise à la Liz Truss. » Cette phrase formule clairement la thèse selon laquelle les marchés financiers dicteraient les résultats admissibles des élections. Si le président de la République se soumet à l’emprise de l’extrême-droite, c’est, explique-t-il, parce qu’il n’est qu’exécutant (subordinate) d’une politique économique décidée par « les marchés financiers » qui deviennent, comme la religion autrefois, les instances de légitimation d’un pouvoir technocratique. C’est donc une forme de suffrage censitaire qui fait son retour, conférant à la période un parfum de Directoire que renforcent l’autoritarisme et l’usage d’un discours fondé sur la modération et sur le brouillage des repères politiques. Le président de la République se mettant en scène comme DRH de la nation auditionnant des candidats à Matignon, avant de prendre sa décision — à l’exact opposé du vote populaire — en offre une illustration saisissante. S’il contrevient aux mœurs, procédures et usages des démocraties libérales, c’est paradoxalement, nous dit-il, parce qu’il est frappé d’impuissance. Dès lors que l’État est placé au service et sous le contrôle du marché, le président de la République ne gouverne pas : il fait l’acteur. Soulignons que Mme Truss a été portée au pouvoir par une alliance entre libertariens, néoconservateurs et néofascistes, et en a été chassée par « les marchés financiers » après qu’elle a annoncé la suppression sans compensation de l’impôt sur la fortune, le creusement de la dette en conséquence et des coupes drastiques dans le budget de la sécurité sociale. Toute ressemblance…

« La démocratie, c'est beaucoup plus que la pratique des élections et le gouvernement de la majorité : c'est un type de mœurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l'adversaire, c'est un code moral. »
Pierre Mendès France

Le curieux alignement des sociétés occidentales qui voient arriver au pouvoir, les unes après les autres, des alliances entre néolibéraux et extrême-droite, est donc le fruit de la situation macro-économique. Le rapport Draghi sur la compétitivité européenne, fraîchement paru, analyse précisément les tendances lourdes du capitalisme contemporain : ralentissement des taux de croissance et affaissement des gains de productivité. Si cette longue dépression se fait sentir aux États-Unis et en Chine, c’est en Europe et en particulier en France que la situation se dégrade dangereusement. Dans un « jeu » à somme nulle, ou presque, la distribution des dividendes mondiaux a atteint un nouveau record, en hausse de 8% en un an — 6% en compensant les effets de change. Le taux de rendement des capitaux est largement supérieur au maigre taux de croissance de la production de richesses, ce qui induit une politique d’appauvrissement des salariés et de démolition des programmes sociaux. Les « marchés financiers » exigent des managers d’État qu’ils mènent des politiques de dérisquage de l’investissement : les États, mis en concurrence, se doivent de garantir le taux de rendement du capital par des aides directes aux entreprises (entre 160 et 200 milliards € selon les critères retenus) et des mesures de défiscalisation des hauts revenus. Les réformes structurelles qu’ont exigé ces mêmes « marchés financiers » depuis des décennies n’ont pas produit la croissance promise par le dogme économique qui les a justifiées : la fiction obscurantiste du « ruissellement ». Nos sociétés sont entrées dans un infernal cercle d’autophagie : plus la polycrise démocratique, climatique, sociale et économique s’amplifie, plus le système qui la provoque s’en nourrit. Aussi les batailles à venir visent-elles à préserver le bien commun de l’emprise du marché : impôt sur la fortune, suppression des niches fiscales et des aides directes de l’État à l’actionnariat d’entreprise et défense d’un système de retraite public. Comment ne pas voir, en effet, dans la retraite par capitalisation, le symbole d’une société autophage, les salariés participant au travers des fonds de pension à la dévoration de leurs propres existences ?

« Si l'homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d'être regardé. »
René Char

Nul doute que l’année d’instabilité institutionnelle et d’austérité qui s’annonce sera ponctuée de surprises artificielles, de trahisons, de rumeurs et de mises en scènes distillées en feuilleton par le Barnum médiatique. Il est plus que jamais nécessaire de nous soustraire à ce spectacle hypnotique et déplorable pour contrecarrer l'effondrement moral de la société et ouvrir un avenir qui ne soit pas désespérant pour les jeunes générations. L’Université a un rôle primordial à jouer pour réinstituer un espace public de pensée, de confrontation et de critique réciproque. Les campus doivent devenir des lieux ouverts, polycentriques, opérant en réseau, où s’élaborent les moyens de juguler la polycrise et où se réinvente une démocratie débarrassée des oripeaux monarchiques.

« Tout est fini. Ce pays n'existe plus… Et, enfin, comme il faut bien faire quelque chose, même quand il n’y a plus rien à faire, je suis des vôtres. »
Pierre Brossolette


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Dernière modification : 17.10.24, 13:26:45