vers publications an 2013
Vers index des publications 2013

vers bas de page


illustration par enfants en pitoyable condition, couchés sur natte
illustration par vue d'une cité commerciale au Koweit



version PDF de pauvrete-science-philo




PAUVRETE – SCIENCE – PHILOSOPHIE


 
(Texte reçu le samedi 4 février 2012)

J’aborde maintenant quelques caractéristiques actuelles du caractère antinomique de certaines réalités.

Du 4 au 11 Mars 2010, s’est tenue, la IVème conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés. Il est des constats alarmants. Le sommet du millénaire de septembre 2000, s’était fixé de réduire de moitié d’ici à 2015, le nombre de personnes vivant avec moins de 1,25 dollars par jour (seuil de pauvreté). Or, on est passé de 1,8 milliards de personnes vivant en dessous de ce seuil en 1990 à 1,4 en 2005.

Avec la crise financière, ce chiffre est estimé à 1 milliard en 2015. Cependant, la hausse des prix des denrées alimentaires depuis 2008 peut encore modifier ce schéma ; 884 millions de personnes n’ont toujours pas accès aux sources d’eau potable et 84% de ceux-ci vivent en zone rurale. 250 000 enfants sont enrôlés comme enfants soldats et certains meurent sur des mines antipersonnelles. Encore en 2011, un enfant meurt toutes les 8 secondes de par le monde faute de soins et d’une alimentation saine et suffisante. Or, 1 million de dollars supplémentaire investi à diminuer la mortalité chez les enfants de moins de 5 ans, éviterait 50% des décès.

Puisque je parle des enfants, je signale que 133 millions d’enfants ne fréquentent pas l’école (97% dans les PVD).

Souvent, c’est la pauvreté (considérée comme une atteinte aux droits humains par l’UNESCO) qui est la cause de ce triste constat d’enfants dans les champs, les mines, les ateliers, les carrières dont 19% entre 5 et 14 ans sans parler des enfants soldats ou des rues qui vivent de crimes, de vols ou de la prostitution.

C’est cette pauvreté qui conduit à ce que les victimes de pandémies et d’épidémies ne disposent pas de soins appropriés ou des médicaments génériques pour se soigner. Et  je pourrais rappeler l’existence du VIH Sida qui touche 55 millions de personnes de par le monde même si on parle moins de lui en Occident. Il concerne essentiellement les PVD et pour 75% l’Afrique subsaharienne.

On imagine ce potentiel d’intelligence sous-employé ou qui ignore ses potentialités. Tout ceci rend d’autant plus nécessaire, la décennie pour l’éducation au développement durable décidée par l’UNESCO en 2005, s’agissant d’une culture de précaution, de responsabilité, de solidarité. Et ce, alors que les prévisions concerneront une population mondiale de 9 milliards d’habitants en 2050. Cette population ramenée à un village de 100 habitants donne la répartition suivante : 5% en Amérique du Nord, 11 en Europe, 57,5 en Asie, 8 en Amérique latine et centrale, 14 en Afrique, 0,5 en Océanie, 4 dans l’ancienne URSS .

Or, déjà en 2000, Kofi ANNAN, alors secrétaire général de l’ ONU, dans ce que j’appellerai un coup de gueule, indiquait avec véhémence aux représentants des 195 pays membres de l’ONU que celle-ci pour ses missions, n’avait disposé que de 0,5% des 800 milliards de dollars que les Etats avaient utilisés pour leur défense nationale.

En 2002, lors des dialogues pour la terre organisés à Lyon, dans mon pays, Messieurs STRONG (représentant de la Charte de la terre) et GORBATCHEV (ancien président de l’ex URSS) prix Nobel de la Paix, dans l’atelier auquel j’ai participé, un représentant d’un pays africain mentionnait que pour cette même année 2000, les ventes d’armes illicites étaient estimées à 734 milliards de dollars.

Le contraste de la misère avec les avancées scientifiques de la science est aberrant ! Au service de qui et de quoi est mis le progrès scientifique et technologique ?

Par la spéculation financière, les traders sont à la lutte pour gagner 10 millionièmes de seconde. La vitesse de transmission des ordinateurs motive des instructions via des formules mathématiques ou des algorithmes toujours plus complexes. Ainsi, il a été vendu la construction d’une nouvelle autoroute en fibre optique reliant les bourses de Chicago et de New York qui coûterait dans les 300 millions de dollars et permettrait de gagner royalement sur les 1300 kilomètres séparant les deux villes, 3 millièmes de seconde par transaction. Aujourd’hui les savants décrivent l’univers d’après deux théories partielles de base : la théorie de la relativité générale et la mécanique quantique.

Malheureusement ces théories sont réputées ne pouvoir être justes en même temps. L’un des grands efforts en physique aujourd’hui porte sur la recherche d’une nouvelle théorie qui les engloberait toutes les deux. Une théorie quantique de la gravitation. Nous n’en avons pas encore, il reste du chemin à parcourir.

Cependant nos connaissances s’accélèrent à un rythme inouï.  Depuis 2003, l’observation des fluctuations locales du rayonnement cosmologique fossile a permis de dater le moment du début de l’expansion : l’univers est âgé de 13,7 milliards d’années, valeur à comparer à l’âge de la terre de 4,55 milliards d’années.

Dans le domaine de la physique des particules, actuellement il est recherché le fameux boson de HIGGS. Il devrait être mis en évidence grâce à l’accélérateur de particules européen installé à Genève qui vient d’entrer en service.

Dans le domaine de la bio éthique, signalons que les progrès du génie génétique et le développement des techniques de procréation médicale assistée ont ouvert de nouvelles possibilités médicales (diagnostic prénatal, diagnostic préimplantatoire) qui ont nourri les débats éthiques concernant la convergence des techniques bio médicales et les pratiques sélectives. Or, nous sommes capables de ces avancées scientifiques et dans le même temps, la planète humaine connaît : des drames, la pauvreté, les guerres, le terrorisme… qui  sont des fléaux de l’humanité.

Nous commençons à prendre conscience du risque écologique et des conséquences de la maltraitance de la Nature. Les tsunamis récents, les secousses sismiques et le drame du Japon avec les centrales nucléaires civiles, sont venus nous rappeler les limites qui demeurent les nôtres face à la puissance de la Nature.

Cependant, le respect de la vie, la dignité de l’être humain sont encore à conquérir. Des débats sont en cours : à propos de l’eugénisme, de l’euthanasie, d’autres sujets. Et dans l’indifférence ou la passivité, il est supporté par l’opinion publique mondiale et les gouvernements que des centaines de millions d’êtres vivent dans le dénuement le plus total.

Et de ce point de vue, c’est des Caraïbes, qu’a été rédigé le Manifeste pour les produits de première nécessité. Il a été écrit par 9 intellectuels des Caraïbes dont Patrick CHAMOISEAU et le regretté disparu Edouard GLISSANT.

Puisque je parle de l’alimentation, les problèmes de sécurité alimentaire (donc de santé publique) sont un des défis de notre siècle.

Les produits chimiques dans les aliments : pesticides dans l’agriculture et sur les poissons gras, les contaminants issus des procédés industriels se retrouvent dans l’air, polluent l’atmosphère, les sols, l’eau. Ils se retrouvent dans nos assiettes, sous formes de lait, beurre, viande, œufs … de crustacés, le poisson même dit bio. On y retrouve des minéraux lourds comme le plomb, le mercure, l’arsenic, la dioxine, le PCB …etc.

Les composants des emballages plastiques migrent dans la nourriture en particulier sous l’effet de la chaleur (phtalates et bisphénol A).

Les additifs alimentaires, conservateurs, colorants et arômes pour assouplir une texture, donner une couleur, renforcer une odeur. Ainsi, il est un antioxydant célèbre, le BHA destiné à empêcher les aliments à rancir.

Avant d’aborder la conception du rôle du philosophe aujourd’hui, je désire insister sur l’importance pour chaque pays de développer sa recherche fondamentale et son enseignement supérieur. Cependant, la science est au service de projets. Elle a besoin d’un projet politique, d’une vision de la société que l’on veut édifier. Et cela, c’est le rôle des partis politiques de le proposer, de leurs dirigeants élus à le mettre en œuvre.

S’agissant de la relation entre la science et la philosophie, parler à mon sens d’une éthique de la science est une aberration philosophique. La science est rationnelle selon les buts qu’elle se propose d’atteindre. L’éthique, elle se définit selon les valeurs qu’elle choisit de respecter.

De nos jours, à côté de la création de systèmes de pensée dont il faut apprécier la pertinence et la rigueur scientifique et certains disposent de cette pertinence telle la tétra-sociologie mise en application par mon ami Léo SEMASHKO avec sa classification des sphères qui s’interpénètrent et qui a permis la création de l’Association mondiale d’harmonie et ses projets, il faut cependant, au stade de la mondialisation où tout va très, trop vite, une philosophie d’interpellation qui rapidement  mette en relation  le rapport global de notre pensée et de notre action aux faits et aux choses.

Je mets au centre de l’activité philosophique, le travail critique et créatif sur les catégories, ces points nodaux historiquement évolutifs à la fois subjectifs et objectifs des savoirs et des pratiques. Dans sa conception kantienne, la critique appelle notamment une analytique qui examine les éléments à partir desquels s’opère la raison, puis une dialectique qui traite des contradictions qu’en opérant elle se porte à elle-même, non par erreur mais en suivant sa logique.

Un jour viendra où le philosophe de métier disparaîtra. Ceci car au lieu d’être réservée aux chaires universitaires et aux articles magistraux, la philosophie retrouvera sa vocation d’être au service de la réflexion pour l’action. Ceci non comme une discipline en tant que telle, mais comme fondement gnoséologique aux divers enseignements : littéraire, technologique, scientifique.

Afin de disposer d’une aptitude à l’autonomie de penser, le sujet avec la philosophie disposera d’une contribution indispensable à l’interprétation des sociétés, au vécu des êtres à leurs relations.

C’est d’une véritable culture gnoséologique dont l’humanité a besoin car le développement du savoir scientifique et de la complexité du réel suscitent des questions qui débordent radicalement le champ de la méthodologie et même de l’épistémologie.

Certes, le prolongement philosophique ne peut ignorer la poursuite millénaire de l’étude des catégories philosophiques ; cependant, il est cette exigence de mutation de leur sens. C'est-à-dire, d’être branchée sur les connaissances dont celle des catégories de la pratique à condition de donner à ses mots, leur sens le plus large, incluant toutes les formes d’appropriation de la réalité matérielle  et spirituelle. Avec une telle approche, peut-on anticiper l’avenir ?

Des questions inédites de nos jours vont surgir et certaines seront une interpellation directe à la survie de l’espèce humaine. Ce qui peut apparaître réglé, écrit, c’est ainsi depuis des lustres, ne sera pas forcément admis par les générations futures d’ici 20 ou 50 ans, peut-être 100 ou avant 50.

Ainsi, lorsque l’on expliquera à près de trois milliards de Chinois et d’Hindous que le dollar est naturellement la monnaie de référence internationale, ou que l’anglais est logiquement la langue parlée, obligatoire, de référence internationale, rien ne prouve qu’ils l’accepteront encore !

Si la pauvreté persiste, les émeutes de la faim considérées comme inéluctables par la FAO, viendront troubler nos équilibres démographiques et il y aura de nouveaux conflits ethniques, des nouvelles contradictions à résoudre comme celle du terrorisme qui a perturbé la façon traditionnelle des conflits militaires en termes d’affrontements pour des années.

De telles tragédies posent la question de la gouvernance mondiale, de ses buts, moyens et réelles possibilités.

Avant d’aborder la fin de mon intervention avec le chapitre consacré à la paix et aux droits et devoirs humains, je clarifie, selon moi, la relation nécessaire entre l’activité philosophique et celle scientifique.

De nos jours, avec les progrès gigantesques des théories scientifiques, l’élévation à la science théorique conduit des scientifiques à n’avoir nul besoin d’un philosophe de la nature ou de l’histoire survolant leur discipline de façon
autonome et prétendant leur expliquer l’interprétation philosophique de leurs découvertes ou résultats.

Ainsi, les scientifiques peuvent éprouver l’ambition de se passer de philosophes pour l’élaboration de leurs théories.

Mais, au XXIème siècle, le scientifique qui procède à la généralisation théorique, le fait avec des concepts qui, tout en ayant une signification précise, débordent dans leur acceptation générale, le champ de leur discipline. C’est d’autant plus vrai au stade d’Internet, de la mondialisation de la communication qui ont enrichi le travail du philosophe sur les signes, les langages, les formes ; tout en pointant d’autres risques qui ne sont pas l’objet de cette contribution.

Comme il est mentionné dans la préface du dictionnaire de la philosophie : «  les philosophes s’interrogent sur le rôle de l’organisation des Etats, sur la liberté des individus et des peuples, bref, sur le sens de l’histoire mondiale ».

Il découle de ce qui précède que : les concepts universels ne peuvent être maniés en pleine connaissance de cause, théoriquement assimilés que dans la mesure où ils sont aussi étudiés comme tels, non pas isolément, mais dans leurs rapports entre eux, de façon systématique, sur la base de l’histoire d’ensemble de la connaissance et de la pratique qui, par nécessité, sortent des limites d’une science ou de plusieurs.

Ces concepts sont à étudier dans leur contenu objectif qui renvoie aux aspects objectifs : cependant, le concept fruit d’une abstraction comporte également une dimension subjective.

Il devient indispensable de relier ces concepts et leurs rapports avec le procès général de la connaissance.
 

© Guy CREQUIE, 2012
http://www.jj-pat-rey.com/JJ-REY_NEO/sommaire-nouvelles-publications.html




vers haut de page

vers publications an 2013
Vers index des publications 2013