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Du 3 février 1990
La Petite Tendresse
A Sarah,
J'étais comme une vigie à la proue du drakkar Qui émergeait des brumes du Grand Nord J'étais transi et soudé à mon serpent bâtard Sans jamais plus me soucier de mon sort
J'avais dans ma barbe les cristaux de gel La honte du désespoir et la hargne du combattant J'avais bu et perdu la vue, oublié tous les appels Et tourné vers l'avant, je devenais un gisant
C'est dans cette nuit qu'a clignoté mon point bleu Et que me semble, s'ouvrirent les portes de mon armoire L'amie est un soleil qui dessine des cieux Quand elle me glisse une de ces joues d'ivoire
C'est une petite tendresse que j'adore dans ses habits noirs Qui me parfume avec une si rare fraîcheur Que je me sens devenir roi rien que de la voir Et voleur rien que de la sentir émue par mon humeur
J'aime tout en elle et ses mouchoirs de papier Et ses mains gauches et ses yeux de velours Elle m'a donné Rimbaud et tout compris sans lier Je voudrais me perdre en elle pour ne plus revoir le jour
Trente-trois années de neige fondent sur mon caban Comme une rivière de merveilles Et je revis sur les ailes d'un enfant Qui n'avait jamais rêvé d'Elle que dans son sommeil .
© Jean-Jacques Rey, 1990
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