Du 8 février 1984


Ciel trop noir

Il y a toujours un peu d'espoir
Quand le ciel est trop noir
Enfant de roi, mort à dix ans
Livra son étoile au gré des vents
Il pensait qu'elle irait au plus méritant
Qui en clameurs, qui en pleurs, se répandant
Ils ont tous traqué l'héritage de l'enfant
Ils peuvent tous ces roquets se pourfendant
Bien en faire leur deuil et sans façon
Elle est tombée entre les chaussons
D'un petit mendiant en prison
Levant ce vif argent vers son front
Son sang a permuté de saison
Il a croqué dans la pomme Passion

Il y a toujours un peu d'espoir
Quand le ciel est trop noir
Le geôlier a perdu ses clés
Elles étaient de l'autre côté et lui bouclé
Quand il s'est avisé de les retrouver
Le mendiant s'est tiré, lui s'est fait virer
Il suffit parfois d'un coup de dé
Pour posséder flash des contes de fée
Le mendiant s'est sauvé et court encore
Que tonitrue héraut, corbeau et commodore
Pour rien si ce n'est renouveler la terreur
Du bon pierrot et l'enrôler par erreur
Petit lion qui du tronc balance
Et dodeline crinière par révérence

Il y a toujours un peu d'espoir
Quand le ciel est trop noir
Le petit paria, fils du Bitor et Maria
Galope en transes au roulement de lance et furia
Il a levé une armée dans ses veines
A recruté cent débardeurs sur la plaine
A mis ses chaussons dans la soupière du régent
Emprunté les bottes d'un sien de sergent
Il a fini de supporter son roué de sort
Fini de vivre en étant mort
Et dans les grands taffetas de la nuit
Bousculés par sa cavale, c'est tout un muid
D'espoir qui roule dans son courant d'air
Qui vous fera chanter sur vos hier et misères

Il y a  toujours un peu d'espoir
Quand le ciel est trop noir
Au-delà des mors et des devoirs
Et pas dans les mouchoirs


© Jean-Jacques Rey,  1984