Du 27 février 1997




La Perte des repères



Ils nous parlèrent du progrès, d'en soustraire les méfaits
Le but est un serpentin léger qui ondule sans effets
Les médecins byzantins étaient à notre chevet
Dans leurs bonnes mains l'instant du doute s'achevait

Mais dans le temps le sentiment du vide s'est installé
Les feux de Bengale des kermesses se sont en allé
Ils ont plongé sans sillage laissant aux songes leur gravité
Toute une jeunesse souffre de l'inutile, de l'inanité

Enfoncées dans leur marécage, une génération baisse la tête
Une ancienne lève les yeux au ciel qui n'est plus en fête
Sur l'eau froide et glauque, les uns recherchent un reflet
Les autres à travers le brouillard, le sens d'un camouflet

La réalité enferme des perruches derrière ses grillages
Ils peignent nos plumes, des idées on se paie l'habillage
Puis les illusionnistes collent nos effigies sur leur pochette
Ils ont sur le cœur notre air égaré comme une rosette

A leurs balcons fleuris les bourgeois ont bien ri
Les professeurs desserraient leurs cravates tout contrits
Les semences jetées au vent ont desservi dans l'ironie
La panse remplie, l'humanité n'a pour autant le génie

Il est maintenant l'heure de l'éveil et des tribulations
Que se lèvent les poètes-tribuns pour armer les porte-avions
Le sens du voyage est reparti, fini le temps des fenaisons
A trop extraire de la raison, les raisonneurs préparaient sa pendaison

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© Jean-Jacques Rey, 1997