SALLE D'ATTENTE

Poème pour Tcherenzi, pour Chantal et le Secours Rouge International
et puis en pensant à la CGT pour la lutte des camarades



Des mèches chinées d'ocre et de blanc

d'une improbable teinture débordent d'un fichu rouge.

Mains façonnées par les vacheries de l'existence posées

sur une jupe raide et baroque depuis belle lurette

au rabais à l'argus de la mode,

bas recroquevillés sur les chevilles,

elle attend,

elle en sait un paquet

sur la vie, son visage est un bouquin

où chaque page en étonnerait plus d'un.

On parait lisse à coté, transparent,

très con même avec cette patience imbécile de sentinelle

prétendant que les heures ne nous concernent pas.

Cherchant un regard solidaire dans la salle d'attente,

elle tourne la tête vers chacun de nous

occupés à plier le vide dans des poses de mime figé,

ne trouvant rien, elle lit sur le mur beige

les énièmes prophéties des bien portants

qui sauveront la sécurité sociale.

De l'inquiétude dans ses yeux,

elle frotte ses mains, tout est bon pour un peu de chaleur.

Une des portes s'ouvre et laisse entrevoir

le redoutable halo mystérieux des destinées,

un vieux bonhomme

s'en extirpe avec un profond sourire, va vers la vieille,

la prenant par le bras

la décolle tout de tendresse du siège en plastique,

lui dit rigolard " j'ai encore quelques kilomètres

de sursis au compteur, allez mon cœur, on rentre chez nous "

La vieille dame sourit, soulagée

et ils disparaissent d'un pas mesuré sur la gamme de la vie.

Le plafond blasé qui a vu défiler toutes les peurs de l'humanité

en une courbette les salue mais là je crois que c'est moi qui déconne,

tellement je suis content

pour Elle.   



©  Bruno Toméra, octobre 2007